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24 février 1833 - Numéro 8
 

 




 
 
     

AVIS.

Les personnes dont l’abonnement est expiré, sont priées de passer au bureau pour le renouveler.

ERRATA.

1er article 1, Abus, etc. ligne 17, lre colonne ; au lieu de Pellin et Bertrand. Lisez Sandier et Tholozan.

Littérature. A la note 4 de l’article de l’enseignement mutuel 2. Ligne 6, p. 54, 2e colonne, au lieu de Menou, lisez Meneu.

PROCÈS FAIT A L’ÉCHO DE LA FABRIQUE.

1 Notre gérant a reçu une assignation pour comparaître mardi prochain 26 du courant, à neuf heures du matin, en l’audience de la police correctionnelle sur la plainte en diffamation que MM. Pellin et Bertrand, négocians, viennent de porter contre lui en sa dite qualité.

Nous pensons que ces messieurs auraient mieux fait [1.2]de démentir, si cela est en leur pouvoir, les plaintes des sieurs Manarat et Barnoux. (Voy. l’Echo, n° 7, pag. 50.)

Quoiqu’il en soit nous sommes prêts à répondre à la justice, et nous doutons que MM. Pellin et Bertrand puissent s’applaudir du résultat de leur plainte.

DES COALITIONS

ou l’article 415 du code pénal apprécié.


 

A cette époque de transition, les magistrats rempliraient une haute mission d’humanité s’ils savaient se placer entre des lois qui meurent, mais dont ils ont la garde, et les inspirations et les pressentimens de l’avenir… Les conquêtes de la raison coûteraient moins de larmes et moins de sang à l’humanité… Encore une fois, quand l’action des lois devient difficile, c’est qu’elles cessent d’être en rapport avec les vœux et les besoins du temps.

Trélat. Des Coalitions d’ouvriers.

(Voy. l’Echo, n° 3, p. 19.)

La question est grave, nous ne l’ignorons pas, et ce n’est pas une raison pour nous dispenser de l’aborder. Nous la traiterons avec toute la modération possible ; mais sans reculer devant aucune de ses difficultés. Nous respecterons la loi, mais nous chercherons à en démontrer le vice et l’insuffisance.

Les chefs d’atelier de la fabrique d’étoffes de soie de Lyon, sont, dit-on, coalisés entr’eux, et c’est pour essayer de rompre cette coalition que l’autorité, empruntant le langage d’un code partial et les erremens d’une autre époque, a déclaré vouloir exciper contre les délinquans de l’article 415 du code pénal.

Nous le transcrivons : « Toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans un atelier, empêcher de s’y rendre, et d’y rester avant ou après de certaines heures, et en général pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux, s’il y a eu tentative ou commencement d’exécution, sera punie d’un emprisonnement d’un mois au moins et de trois mois au plus. Les chefs ou moteurs seront punis d’un emprisonnement de deux à cinq ans. »

[2.1]Cet article fait suite à celui relatif aux coalitions des marchands dont voici le texte :

« Toute coalition entre ceux qui font travailler des ouvriers tendant à forcer injustement et abusivement l’abaissement des salaires, suivie d’un emprisonnement de six jours à un mois, et d’une amende de 200 fr. à 3,000 fr. »

Nous avons fait ressortir ailleurs la partialité révoltante de cette loi, et qu’on n’en soit pas étonné. Le code pénal, on le sait, n’a rien de commun avec ses aînés. Le consul de la république avait trahi la liberté, et pour fonder sa puissance nouvelle, il appelait à lui toutes les aristocraties comme il reconstruisait tous les priviléges. Les décrets de cette époque de gloire et de tyrannie le témoignent assez.

Nous acceptons, pour un moment, la loi telle qu’elle est, l’article 415 avec toutes ses rigueurs, et nous plaçant ainsi sur le terrain légal de la discussion, nous repoussons l’article 415 par cette voie, qu’en style judiciaire, on appelle fin de non-recevoir.

D’après sa contexture, cet article ne peut s’appliquer qu’à des ouvriers réunis en grand nombre dans un ou plusieurs ateliers, et se coalisant pour obtenir quelques-unes des améliorations qu’il prévoit et dont en effet il pourrait être dangereux de réclamer imprudemment l’octroi. Expliquons-nous. Un canal, un chemin sont projetés, de nombreux ouvriers sont réunis sur un seul point, le prix de la journée composée d’un certain nombre d’heures est fixé ; il leur plaît de ne pas trouver leur travail assez rétribué, ils se coalisent pour le cesser au même instant. On conçoit la perturbation qu’amènera une pareille coalition : semblable chose peut arriver dans une usine, une filature, et dans toute manufacture occupant un grand nombre d’ouvriers. Laissons donc de côté cette question ; elle mérite l’attention du législateur, mais ce n’est pas elle qui doit en ce moment nous occuper.

On le voit déjà : qu’a de commun l’article 415 avec les chefs d’atelier, citoyens, domiciliés, exerçant librement leur industrie ; si vous voulez les atteindre, faites une loi qui leur soit applicable. Votre article 415 n’est qu’un vain et puéril fantôme. Dira-t-on que ce n’est pas à eux qu’on a voulu s’en prendre, mais à leurs compagnons également coalisés. Misérable subterfuge, nous pouvons nier, car la distinction n’a pas été faite, mais en ce cas là même nous dirons : attendez que les chefs d’ateliers se plaignent, jusque-là vous n’avez à demander compte qu’à eux de la cessation du travail, et il nous paraît évident que l’article 415 ne saurait les concerner.

Nous avons vraiment honte d’avoir voulu couvrir les fabricans du manteau légal d’une fin de non-recevoir. Nous voulons y renoncer un moment et envisager la question sous son point de vue naturel ; tel que le progrès des esprits nous le permet.

Proclamons hautement notre pensée. La coalition des chefs d’atelier est permise. Tant mieux si elle existe. Bien entendu que nous n’approuverions pas l’emploi de la force par les chefs d’atelier coalisés contre ceux d’entre eux qui refuseraient de s’associer à cette coalition.

Le fabricant vend le travail comme le marchand la marchandise. Ainsi nous disons que tous deux sont marchands ; l’un de travail, l’autre de marchandises, celles-ci divisées en deux branches, matières premières et matières ouvrées.

Ces principes admis, niera-t-on la coalition permanente des marchands entr’eux, coalition qui produit alternativement la hausse et la baisse ? On ne l’osera pas ; et alors nous dirons à tous les hommes du pouvoir judiciaire [2.2]et administratif : forcerez-vous un négociant à livrer sa marchandise au-dessous du prix qu’il lui plaît, et pensez-vous que c’est isolément qu’il a fixé ce prix. L’autorité s’est-elle jamais cru le droit d’intervenir dans ces spéculations ? oh ! non, elle leur a livré un palais qu’on appelle la bourse, elle a institué pour desservir ce temple des sacrificateurs sous le nom de courtiers. Et l’autorité voudrait intervenir dans la spéculation du chef d’atelier, marchand de travail. Et de quel droit ?… Ne se souvient-elle plus qu’elle a dit après novembre, que la fixation d’un tarif au minimum excédait son pouvoir. C’est donc aux chefs d’atelier à le faire eux-mêmes ce tarif ; ils y parviendront. Il faut que l’exploitation de la classe des travailleurs par celle des marchands cesse au plus tôt ; il faut que le commerce prenne son parti et qu’il subisse sans murmure l’exigence du marchand de travail comme celle du marchand de matières. Il faut enfin qu’il traite avec chacun d’eux comme d’égal à égal. Ce n’est pas en vain que nous avons demandé l’égalité sociale ; elle seule aplanira toute difficulté. Pour établir le prix de son étoffe le marchand calcule d’abord l’achat de la soie, et il souffre sans se plaindre et comme chose naturelle les chances alternatives de hausse et de baisse, il faut dorénavant qu’il ajoute dans son calcul l’achat du travail, et qu’il en souffre également sans se plaindre et comme chose naturelle la hausse, comme il pourra profiter de la baisse. Que son orgueil ne s’en offense pas ! Le chef d’atelier est son égal tout comme le marchand de soie. Ainsi le veulent nos mœurs actuelles, et non-seulement devant la loi, mais dans la société, au café ou dans la rue, n’importe, ce qui est bien différent de l’égalité judiciaire et de l’égalité politique, et qui se rapproche davantage de l’égalité chrétienne.

Nous éprouvons en finissant le besoin de rassurer le commerce contre les insinuations perfides de ce journal dont nous sommes bien malgré nous obligés trop souvent de salir nos colonnes, le Courrier de Lyon ! Non, il n’y a rien à craindre de la classe ouvrière, elle se lèverait comme un seul homme pour la défense de ses droits, mais il faudrait qu’on les attaquât ; elle n’est nullement provocatrice de sa nature. Quant aux menaces collectives ou individuelles, aux lettres anonymes, aux prétentions exagérées, tout cela n’existe que dans le cerveau malade du journal servile.

P. S. Nous sommes instruits que les chefs d’atelier, loin de craindre l’application de l’article 415, se proposent de demander à l’autorité, à l’instar des négocians, la jouissance d’un local public pour y traiter de leurs affaires. A cette bourse prolétaire seraient cotés chaque jour les prix du travail.

RÉCLAMATIONS.

MM. Cotton 1, Cune 2, Tobie, Lagriffe, Mairot, Parlage, Belvèze, Bonnard, Deschamps, Command, Berge, Glasse, Petit, Borboy, Héraut, Torot, Amie, Paulin, Joussaud, Paquet et Frenafurth se plaignent au nom de la société des Indépendans bottiers, que l’autorité, après leur avoir permis le bal qu’ils voulaient donner suivant leur usage, à l’occasion du carnaval, au café du Nord, aux Brotteaux, leur a retiré cette permission la veille même du jour où il devait avoir lieu, sous le prétexte futile que quelques billets avaient été donnés à des saint-simoniens ou compagnons de la femme, suivant leur nouvelle appellation. On aurait dû au moins, disent-ils, leur rembourser les frais qu’ils avaient fait.

Nous enregistrons cette plainte dans notre journal, [3.1]spécialement destiné à la classe prolétaire. Vraiment l’autorité est inconcevable dans ses tracasseries. Tout marche autour d’elle ; elle seule est stationnaire. La réclamation des bottiers, adressée aux journaux, prouve de plus en plus combien est appréciée par le peuple cette liberté de la presse dont certains disent qu’il ne se soucie nullement.

MM. Martin et Tranchand nous apprennent que M. Gailliard, après avoir donné sa parole en notre présence et en celle de dix à douze chefs d’atelier, de se conformer aux prix qui seraient payés par ses confrères aux ouvriers en peluches, rétracte sa parole. Si ce fait est vrai, nous ne savons comment qualifier une telle conduite. Elle mériterait encore plus le mépris que la colère.

MM. Thevenet et Fournel se plaignent que le 21 de ce moisétant réunis au nombre de 12 ou 14 chez le sieur Gonon, cafetier, Grande rue de la Croix-Rousse, ils ont été assaillis par le commissaire de police de cette commune, escorté d’une brigade de gendarmerie, et sommés avec brutalité de se retirer comme s’ils eussent été des malfaiteurs. Le commissaire qui pensait peut-être trouver des élémens de conspiration ou tout au moins des pièces d’une grande importance, a dû être désapointé en ne mettant la main que sur quatorze bulletins contenant chacun deux noms ; car, il faut bien le dire, ces quatorze chefs d’ateliers réunis s’occupaient de la nomination d’un d’entr’eux pour les représenter.

Trompé dans ses espérances, ce commissaire a cherché à intimider en demandant à quelques-uns leurs papiers. Ce fait est dérisoire ; est-ce que des citoyens domiciliés, réunis dans un café, doivent avoir un porte-feuille, et des papiers, comme des voyageurs. Est-ce que ce fonctionnaire voudrait ressusciter le règne des cartes civiques.

Dialogue

Qui a eu lieu le 31 janvier dernier, entre le commissaire de police de la Croix-Rousse et un ouvrier en soie.

Le C. Que faisiez-vous au café ? qui êtes-vous ?
L’O. Ouvrier.
Le C. D’où vient qu’aujourd’hui, jour de travail, vous êtes au café ?
L’O. Parce,qu’ayant fini ma pièce je veux prendre un moment de délassement.

Sur ce M. le commissaire, en vertu du droit du plus fort (car la loi n’a pas prévu ce délit), fait conduire l’ouvrier dans la prison de la gendarmerie où on lui fait décliner ses noms, profession et domicile, pendant ce temps l’actif commissaire, Dieu aye soin de ses jambes ! va s’informer si réellement la pièce était finie. Il s’assure de la vérité, mais comme un prolétaire peut bien passer la nuit en prison, il remet au lendemain à lui faire la mercuriale obligée. Ce lendemain arriva, l’ouvrier fut extrait de la prison et conduit devant le monarque croix-roussien. Là il reçut cette sentence :

Vous êtes libre ; c’est par égard aux bons renseignemens que votre patron m’a donné de vous que je ne vous envoie pas devant le procureur du roi. 24 heures de prison doivent suffire pour vous apprendre qu’un ouvrier ne doit pas aller au café.

Il n’y a point de dialogue possible long-temps entre le loup et l’agneau ; voila pourquoi l’ouvrier ne répondit rien. Il s’en alla tout de suite s’asseoir sur sa banquette et se tint coi un moment ; mais bientôt, poussé [3.2]par Satan, qui n’est autre que le démon de la presse, il a mis la main à la plume et nous a écrit la lettre dont nous venons d’extraire ce qui précède. Il nous l’adresse, dit-il, parce qu’il connaît notre zèle à prévenir le prolétaire des chances qu’il est susceptible de courir, et pour apprendre aux ouvriers ses confrères qu’ils ne doivent point aller au café.

AU RÉDACTEUR.

Monsieur,

Vous avez annoncé, dans plusieurs de vos numéros, et à votre exemple, le Journal du Commerce a également annoncé l’établissement prochain d’une maison centrale de commerce pour la fabrique d’étoffes de soie.

L’attention publique avait été éveillée par ces communications. Y aurait-il de l’indiscrétion à vous demander où en est cette affaire sur laquelle vous paraissiez fonder un espoir d’amélioration du sort de la classe ouvrière. Est-ce que la montagne en travail aurait, comme dit le bon Lafontaine, enfanté une souris ? Est-ce que les capitalistes n’auraient pas répondu à votre appel ? Est-ce à l’établissement de cette maison que font allusion la lettre de M. le maire contre les coalitions, lue à l’audience du conseil des prud’hommes du 14 de ce mois1, et l’article du Courrier de Lyon du 17 ? Toutes les conjonctures sont permises en pareil cas. Deux mots de vous ne seraient pas déplacés, je pense, dans votre journal.

J’ai l’honneur, etc.

B......d.

Note du rédacteur.

Ayant reconnu la difficulté d’une entreprise aussi gigantesque, nous y avons renoncé quant à nous.

Au Rédacteur.

Croix-Rousse, le 21 février 1833.

Monsieur,

Nous avons l’honneur de vous adresser ci-joint le compte-rendu de la commission du bal donné par la garde nationale de la Croix-Rousse, au profit des blessés de novembre.

Recette :
131 billets d’entrée, à 1 fr. 50 c. : 196 f. 50 c.
Dons particuliers : 1 f 30 c.
197 f. 80 c.

Dépenses :
Impression de 200 billets d’entrée : 10 f.
Frais de musique : 48 f.
Chauffage et éclairage de la buvette, rafraîchissemens aux musiciens, salaire du portier et autres menus frais : 15 f. 20 c.
Somme versée entre les mains de M. le trésorier de la commission chargée de recueillir les souscriptions en faveur des blessés de novembre : 124 f. 60 c.
197 f. 80 c.

Martinon, Président ; Audenis, Trésorier ; Gauthier, Secrétaire.

Note du rédacteur. – On le voit, les plaisirs de la classe prolétaire ont toujours un but d’utilité. Ce bal a été en outre une protestation contre le retard apporté à la réorganisation de la garde nationale. Les citoyens de la Croix-Rousse s’y sont rendus en tenue militaire ; plusieurs de leurs camarades de Lyon s’y sont également rendus en tenue.

Souscription en faveur des victimes de novembre 1831.

M. L. N., 2 fr. – M. Moiret, 2 fr. – M. Cuzin, chef d’atelier, 2 fr. – Produit du bal tenu par la garde nationale de la Croix-Rousse, le samedi 16 février 1833, 124 fr. 60 c. Total : 130 fr. 60 c.

Nota. Cette souscription est indépendante de celle de 25 c. par mois. Le produit est distribué immédiatement.

Sept tullistes sont cités sous mandat de comparution pour le mercredi 27 de ce mois, comme prévenus de coalition ! Cette question importante va enfin se juger. Attendons.

(Communiqué.)

SOUSCRIPTION POUR LES OUVRIERS TULISTES.

5e liste de souscription.

M. Berthelier, 50 c. – M. Boche, 50 c. – Les compagnons ferrandiniers, 10 fr. 57 c. 1/2. – Plusieurs chefs d’atelier des Brotteaux, 4 fr. – Un canut, pour le salut de son ame, 65 c. – Collecte faite au banquet républicain offert au gérant de la Glaneuse, le 17 de ce mois, 89 fr. 40 c.
Total : 105 fr, 62 c. 1/2.

AU RÉDACTEUR.

Monsieur,

Je suis autorisé à vous faire part que depuis samedi dernier, 16 du courant, tout l’ouvrage délivré par MM. Pitiot et Gariot aux chefs d’atelier travaillant sur les peluches, l’a été aux prix demandés conformément à la note que vous avez eu la complaisance d’insérer dans votre dernier numéro.

J’ai l’honneur, etc.

Flachat etc.

AU MÊME.

Lyon, 20 février 1833.

Monsieur,

Je vous prie de faire insérer dans votre journal, l’article suivant :

Les Campagnons de la FEMME avaient apposé, sur le mur de la maison qui leur sert d’habitation, une tenture noire portant l’inscription : Plus de sang ! en face de l’échafaud dressé hier sur la place Louis XVIII.

En vertu de l’ordre de M. le commissaire central, M. le commissaire de police de l’arrondissement de Perrache, est venu faire enlever le corps du délit.

J’ai l’honneur, etc.

Germain.

M. GOUJON

en contradiction avec le président du conseil des prud’hommes.

On se souvient que le président du conseil des prud’hommes a refusé de donner la parole à Me Augier, avocat, qui assistait le sieur Naud dans sa contestation avec le sieur Bender. L’Echo a signalé dans le temps cet acte de despotisme ignare et brutal.

Il y a peu de jours M. Goujon a reçu chez lui Me Dubié, avocat, assistant le sieur Imbert dans son affaire contre les sieurs Mantellier et Neyron ; il a été permis à Me Dubié de plaider la cause de son client. M. Goujon a de plus laissé aux parties la faculté de choisir leurs arbitres. Un juge de paix n’aurait pas fait mieux.

Mais, dira-t-on, n’est-ce pas M. Goujon qui est le président du conseil ?

Oui, et c’est pourquoi nous faisons ressortir cette contradiction.

[4.2]Il y a mieux : n’allez pas attribuer, lecteurs bénévoles cette déviation d’une volonté prétendue immuable, à résipiscence de la part du président, n’allez pas non plus vous imaginer que M. Goujon préfère seulement le huis clos à la publicité de l’audience. Vous seriez dans une erreur complète. Il a cédé à la nécessité, qui sait ployer des volontés bien plus fortes et plus élevées.

Or, vous saurez que dans cette affaire le conseil des prud’hommes se trouve dans une position extrêmement fausse. Position qui se renouvellera souvent si l’on n’y met ordre, et sur laquelle nous avons appelé l’attention publique dans le n° 4 du journal. Le jugement dont excipent Mantellier et Neyron contre Imbert n’existe que sur un cahier informe ; il n’a aucune sanction légale n’ayant pas été transcrit sur le plumitif de l’audience et soumis à la formalité salutaire de l’enregistrement. Me Dubié était chargé d’interjeter appel, et cet abus allait disparaître au grand jour de l’audience consulaire. Que faire en pareille circonstance ? M. Goujon a dépouillé la fierté du négociant, l’autocratie du président, il a, comme on dit, plié l’échine. Il a prié Me Dubié de se rendre chez lui, et il a été d’une humeur charmante pendant tout le temps de la discussion. Imbert, qui se souvenait des rudoiemens de l’audience, disait, en sortant, Oh ! comme il a changé !

Me Dubié a reçu les félicitations de ses collègues et en particulier de Me Augier ; qu’il reçoive aussi les nôtres.

Ainsi un arbitrage secret va remplacer l’enseignement public de l’audience, du moins on l’espère. Erreur ! erreur ! M. Goujon. L’Echo fidèle répète jusqu’au moindre son, et bon gré, malgré, la lumière ne restera pas sous le boisseau.

ILS SONT LA.
 

La colère ferme l’oreille à la raison. Elle s’excite sans sujet ou pour des causes vaines ; elle est incapable de discerner la justice et la vérité ; ainsi les JUGES et ceux qui ont la conduite des états et des républiques, doivent traiter les esprits avec de douces remontrances.
Sénèque1.

C’est par la faiblesse que se perdent les empires et… les conseils de prud’hommes, se dit à parte le benin G..... que vous connaissez, amis lecteurs. Et là dessus il eut une crise nerveuse ; il s’emporta violemment ; tout le comptoir trembla ; les commis gardèrent un silence craintif. Jupiter, d’un signe de tôle, ébranle le monde, vous ne voudriez pas qu’un président de conseil, ébranle d’un coup de pied… sa boutique. Il reprit son monologue : « Je veux faire de la force, s’écria-t-il, pourquoi pas ? n’ai-je pas aussi, moi, une volonté immuable ! j’aurai raison de tous ces ouvriers inhabiles et tracassiers, de tous ces séditieux qui veulent borner mon pouvoir, qui s’insurgent hebdomadairement contre moi. Je te briserai, journal incendiaire, qui parle au prolétaire de ses droits et non de ses devoirs ; qui te pares insolemment du nom d’Echo de la Fabrique, toi qui n’as pas voulu te soumettre à ma censure, qui me forces de payer un sténographe pour consulter les erreurs ; toi qui… vas ! je te remplacerai par le Courrier de LyonQuel dommage, reprit-il, après un instant de silence, que les ouvriers ne veuillent pas lire le Courrier de Lyonils y puiseraient des principes d’ordre au [5.1]lieu des doctrines dégoûtantes et anarchiques de la république dont l’Echo distille le poison… insensés ouvriers, vous préférez les discours d’un Garnier-Pagès, chétif avocat, à peine éligible, à ceux d’un banquier richissime comme M. Fulchiron … » La parole continua d’errer sur ses lèvres, crispées par la colère, mais il se tut et tomba bientôt dans un morne abattement. Il lui restait bien toujours l’envie de faire de la force, mais il ne savait comment ; il était ce qu’on appelle aux expédiens. Si un individu, dit-il en se frottant les mains avec un contentement visible (car il venait de lui surgir une idée qui lui souriait). Si un individu venait assister un ouvrier… Ah ! qu’il soit chef d’atelier, légiste ou avocat, qu’il s’appelle le sieur Tiphaine ou Me Augier, fût-ce le grand Sauzet lui-même, je le ferai empoigner… Et il se mit à rire d’un rire sardonique : sa face bilieuse se colora d’un rouge jaunâtre… son front se rembrunit bientôt ; et il allait tristement porter ses pas vers le lieu où s’assemble le conseil qu’il préside, lorsqu’il fut arrêté par un exprès envoyé de la mairie qui lui remit le fefta du cadi lyonnais. Il rompit avec respect le cachet et lut une dépêche portant en substance qu’il était chargé de lire publiquement et de faire afficher dans la salle d’audience l’article 415 du code relatif aux coalitions d’ouvriers.

« Garçon, s’écria-t-il d’une voix de Stentor, allez acheter le code. » – Vous faut-il, monsieur, les Cinq Codes, lui dit l’honnête prolétaire ? – Non, je n’ai besoin que du code pénal.

Il était ivre de joie, mais une certaine crainte préoccupant son esprit, il envoya requérir deux compagnies de grenadiers, quatre de voltigeurs et deux pièces d’artillerie pour faire la police de la salle… Comme ce sera beau ; dit-il, je me ferai annoncer par un roulement de tambour, j’aurai une garde, et pourquoi pas. Bonaparte en avait bien une. Il fut interrompu dans ce rêve séduisant par le retour de son messager. Le général avait refusé, et il fut obligé de se contenter de l’assistance d’une brigade de la police de sûreté qui fut mise à sa disposition, et qui envahit la salle.

Chapeau bas, cria le sergent audiencier… Un moment, huissier, dit le président d’un ton sec et en homme qui sent sa force et sa dignité.

« Messieurs, il y a ici des perturbateurs ; je vous préviens que j’ai requis la police. Elle a envoyé ses agens ; ILS SONT LA ; ils feront leur devoir. »

Et chacun de se regarder :

ils sont la ! que de menaces dans ces trois mois. On ne peut les comparer qu’au fameux Vous ferez bien dont nos lecteurs n’ont pas perdu souvenance.

Cependant l’audience fut calme comme si aucune provocation n’avait été faite.

Le sieur Dubel vint et fit des excuses, aucun signe d’approbation n’eut lieu, l’appel des causes était fini, chacun se disposait à partir, juges et plaideurs ; mais, par un commandement bref, le président arrête ses collègues pour entendre la lecture du fameux article 415. La lecture en est faite, et pour cette fois M. G..... ne bégaie pas. Des sifflets se font entendre. O horreur ! ô crime ! infâmes charivarisateurs, rien ne vous arrête, eh bien ! tremblez !

Agent, faites votre devoir, amenez à la barre ceux qui sifflent, je vous en rends responsables.

Et les agens de rester impassibles, et les ouvriers de sourire de pitié… G..... ne dormit pas ce jour-là. Vous savez pourquoi.

(Le Solitaire du ravin.)

Le Courrier de Lyon

ET LE CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

[5.2]Depuis quelque temps le Courrier de Lyon a imaginé de rendre compte des séances du conseil des prud’hommes, sous le titre de Jurisprudence, etc. C’est une peine dont il ferait mieux de s’abstenir ; car quels sont les chefs d’atelier qui lisent même gratis la feuille du juste-milieu, le journal thuriféraire de M. Fulchiron et consors… et comme si ce n’était pas assez de ce titre de réprobation au sein d’une population encore palpitante du souvenir de Garnier-Pagès, le Courrier-Jouve a pris pour doublure M. Goujon, auquel l’antipathie que les ouvriers ont pour lui rend actuellement impossible la faculté de faire du bien lors même qu’il en aurait envie.

Pour l’édification de nos lecteurs, nous allons leur raconter la manière dont le Courrier s’acquitte de la tâche qu’il a bénévolement entreprise, Goujon aidant. D’abord il ne cite aucun nom, en sorte que l’un des buts que le législateur s’est proposé en ordonnant la publicité des audiences se trouve complètement annulé. Ensuite il a bien soin de gazer les torts des fabricans, et de présenter la cause de ces derniers sous le jour le plus favorable. Dans son dernier compte-rendu ; il a fait mieux il a supprimé l’affaire du sieur Dubel à raison du blâme public encouru par ce négociant, il ne l’a ajouté que dans le numéro suivant, toujours en ne le désignant que par l’initiale D.... Cette insertion tardive confirme ce que nous avançons de sa répugnance à signaler les méfaits des négocians. Certain que l’Echo relèverait cet acte de partialité, il a voulu éviter ce reproche, mais on sait ce qu’on doit penser en général de ces oublis, de ces retards, de ces omissions faites par l’imprimeur, etc. La bonne foi du Courrier est chose connue d’ailleurs.

Sur les Théâtres de Lyon.

Si l’entrée des théâtres était gratuite, nous concevrions que l’octroi de la ville dont la charge pèse principalement sur la classe prolétaire, vînt fournir au paiement des frais de ces mêmes théâtres ; car alors, y aller ou ne pas y aller ne serait qu’une affaire de temps et de goût, et l’intérêt général doit toujours l’emporter sur l’intérêt particulier. Mais en l’état, les théâtres ne sont accessibles qu’à l’homme oisif et aisé ; il n’est pas juste dès-lors que l’homme laborieux et pauvre contribue au paiement du plaisir du premier. Il est naturel, au contraire, que ceux qui profitent seuls d’une entreprise en supportent exclusivement les frais. Nous devons appliquer ce principe à la question des théâtres de Lyon. C’est à ceux-là seuls qui y trouvent un délassement à en payer le prix. M. Anselme Petetin, rédacteur en chef du Précurseur, a suffisamment prouvé cette thèse dans une série d’articles aux doctrines desquels, nous nous sommes associés autant qu’il a été en nous (Voy. l’Echo, n° 55). M. Lorlet y a également prêté l’appui de son talent et de son patriotisme, trop connus l’un et l’autre pour avoir besoin de notre suffrage.

L’injustice d’une subvention prise sur l’octroi de la ville1 étant démontrée, et l’impossibilité d’un directeur de se charger, sans avoir une subvention de l’exploitation des théâtres, étant également bien établie, la ville de Lyon courrait risque de les voir se fermer pour long-temps, [6,1]au détriment des amis des arts et à notre regret, car nous sommes loin d’éprouver aucune antipathie pour les jeux de la scène. Nous apprenons donc avec plaisir qu’une souscription est ouverte destinée à combler le déficit probable, et remplacer la subvention que donnait la ville. Puisse cette combinaison réussir. Lyon ne sera pas privé d’une récréation nécessaire dans les grandes cités, d’honorables artistes continueront à trouver des moyens d’existence dans l’exercice de leur art ; le peuple ne sera pas pressuré au profit de quelques-uns.

M. C.

Conseil des prud’hommes.

(présidé par m. putinier.)

Audience du 21 février 1833.

Lorsqu’un fabricant remet à un chef d’atelier une pièce de qualité inférieure, ce dernier peut-il réclamer une augmentation de façon, ou se refuser à la fabrication de cette pièce, et la faire enlever de dessus son métier ? – R. Oui, dans ce cas le chef d’atelier peut réclamer l’un ou l’autre.

Le sieur Prély, à une précédente audience demandait au sieur Cochet de lui enlever sa pièce, gros de Naples, attendu qu’il ne pouvait la fabriquer, la soie étant détériorée par la teinture. D’après les réponses du sieur Cochet, lequel niait la mauvaise qualité de ses matières, le conseil délégua deux de ses membres ; en cette audience, d’après leur rapport, qui constate l’infériorité des matières, mais toutefois reconnaît qu’elles pouvaient se tisser moyennant une augmentation de 20 c. par aune, il a prononcé ce jugement.

« Attendu l’infériorité des matières, mais attendu qu’elles peuvent se tisser, le conseil décide que le prix sera porté à 80 c. au lieu de 60 c.

« Dans le cas où le sieur Prély se refuserait à la fabriquer à ce prix ; il pourra la couper et la rendre au sieur Cochet, sans pouvoir lui réclamer aucune indemnité. »

Sur la demande d’un grand nombre de nos lecteurs nous invitons les parties conciliées en arbitrages de nous en rendre compte. Cette mesure complètera la publicité des décisions du conseil des prud’hommes.

Revue quindécimale.

ÉTRANGER.

Angleterre. – M. Pease Quaker ayant refusé de prêter serment, une commission a été nommée le 8, et sur son rapport, il a été admis moyennant une simple affirmation.

INTÉRIEUR.

PARIS.

Affaire du coup de pistolet. – Sur la demande des prévenus Berjeron et Benoît, elle est renvoyée au 11 mars prochain.

Nécrologie. – M. Latreille1, savant naturaliste, est mort le 7 de ce mois.

Police occulte. – M. Laboissière2, député républicain, se plaint, par une lettre du 8, insérée dans les journaux et adressée à M. Gisquet, préfet de police, qu’un agent ou mouchard, nommé Benoît, a tenté de séduire son domestique pour le trahir et livrer sa correspondance. Les journaux ministériels répondent que, vérification faite, il n’existe point d’agent secret du nom de benoît, et que M. Laboissière est dupe d’une mystification. – Ce député répond le 11 par une lettre insérée dans les journaux, qu’il avait prévu cela, et qu’il a trouvé ledit Benoît. Que cet homme, en effet, a pris un faux [6.2]nom, et s’appelle réellement Lozé, sortant de la garde royale, et se disant professeur d’italien.

Armand Carrel. – Cet honorable citoyen ne court plus aucun danger ; il est sorti le 14 févrieret s’est rendu aux bureaux des divers journaux patriotes, et chez son adversaire, M. Roux-Laborie.

CHAMBRE DES PAIRS.

11 février. – M. Guilleminot prononce l’éloge funèbre du général Belliard. – M. Mounier fait le rapport de la commission chargée de l’examen du projet de loi sur le roulage, et conclut à son adoption. – Rapport de pétitions : 576 citoyens demandent le rejet du projet de loi sur l’état de siège.

13. – M. Gauthier (de la Gironde) fait le rapport des projets de loi relatifs au régime des colonies et à l’état des hommes de couleur, et conclut à leur adoption.

– 15.16. – Discussion de la loi sur l’état de siège.

18 . – Suite de cette discussion ; elle est ajournée indéfiniment, tous les amendemens étant renvoyés à la commission.

20. – Le projet de loi sur le monument de la Bastille, est adopté par 63 votans contre 18. – Discussion de la loi sur le roulage.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

février. – M. St-Aignan3 fait le rapport sur le budget des affaires étrangères. – M. Parant lit une proposition destinée à remplacer l’art. 38 du réglement, et qui porte qu’il suffira, que pour la validité des votes le tiers des députés admis soit présent. – Suite de la discussion sur la loi d’expropriation pour cause d’utilité publique.

8. – Suite de la discussion sur la loi d’expropriation, etc.

9. – La loi ci-dessus est votée par 282 députés contre 11. – Celle sur les récompenses nationales des vainqueurs de juillet est adoptée par 221 contre 12.– Une pétition est présentée par les sous-officiers et soldats qui sont revenus de l’île d’Elbe en 1815 avec l’empereur, et qui demandent de jouir de la totalité de leurs droits. La chambre passe à l’ordre du jour.

11. – M. Parant développe sa proposition (Voy. la séance du 7) ; elle est rejetée. – M. Portalis lit une proposition par laquelle il est interdit aux tribunaux d’admettre d’autres empêchemens au mariage que ceux énoncés dans le code civil. – On commence la discussion du projet de loi sur le réglement des comptes de 1830.

12. – Suite de la discussion ci-dessus ; un incident important est celui-ci : Le rapporteur, M. Passy, a proposé de rejeter les allocations suivantes : 1° 371,000 fr. payés dans les journées de juillet par M. de Montbel, en vertu d’une ordonnance, aux soldats qui défendaient la cause de l’ex-roi Charles X contre le peuple ; 2° 4,848,905 f. payés par anticipation aux adjudicataires de l’emprunt d’Haïti, par M. Laffitte, ministre, en vertu d’une ordonnance du 30 novembre 1830. – M. Berryer défend l’ex-ministre Montbel, dans un discours remarquable ; mais ce paiement est annulé presqu’à l’unanimité. Quant à celui fait par M. Laffitte, il est reconnu illégal, mais adopté à raison de la gravité des circonstances. – M. Laffitte, dont personne ne suspecte la probité politique et financière, avait fait observer qu’il y avait urgence : 1° de venir au secours du commerce, 2° de ne pas livrer cette opération à la publicité.

13. Discussion de la loi des comptes de 1830 (suite). – M. de Broglie écrit que les documens relatifs à l’emprunt grec seront déposés sur le bureau de la chambre. – M. Eschassériaux retire la proposition qu’il avait faite à ce sujet. – M. Isambert fait adopter un amendement portant que lorsque des dépenses seront rejetées, l’agent du trésor devra immédiatement prendre des mesures conservatoires contre le ministre responsable. – M. Mercier (de l’Orne)4 fait adopter deux autres amendemens : 1° la comptabilité des matières premières appartenant à l’état sera soumise à la cour des comptes comme celle en deniers ; 2° la loi des comptes sera soumise aux chambres dans la même forme et le même cadre que la loi de présentation du budget.

14. – La loi des comptes de 1830 est adoptée par 209 votans contre 73. – M. Comte fait un rapport relatif aux lettres de grande naturalisation accordées à MM. Reinhard et de Celles, nommés pairs de France, et conclut à leur adoption.– Discussion du budget de l’intérieur et des cultes.

15. – Suite de la discussion ci-dessus. – M. Pean5 fait le rapport du projet de loi sur l’organisation de la garde nationale, et conclut à ce qu’il soit adopté à l’égard d’Arles et Tarascon, et rejeté en ce qui touche Ajaccio, Bastia et Bonifacio. – M. Luneau fait adopter un amendement par lequel le traitement de l’archevêque de Paris est rétabli à 25,000 fr. comme il avait été précédemment voté. – Les lettres de naturalisation de M. Reinhard sont adoptées.

[7.1] 16. – M. Tixier-Lachassagne6 fait le rapport sur le projet de loi d’indemnité a raison des événemens de juillet 1830. Il conclut à son adoption en diminuant de 170,000 fr. le crédit demandé, qui est de deux millions et 200,000 francs. – Rapport de pétitions : M. Vernier de Besançon, demande un tarif pour les notaires. Sa pétition est renvoyées au garde-des-sceaux. – M. Sapey7 fait un rapport sur la pétition des condamnés politiques pendant la restauration.

M. Pelet(de la Lozère) fait le rapport sur la proposition de M. de Corcelles pour qu’aucun député ne puisse être membre de plus de deux commissions à la fois, et conclut à son adoption avec quelques modifications.

18. – Les lettres de naturalisation de M. de Celles sont adoptées. – M. Kœchlin lit une proposition par laquelle un an serait accordé aux individus âgés de 24 ans, nés en France de parens étrangers, et qui ont continué à y résider plus d’un an, à l’effet de remplir les formalités prescrites par l’article 9 du code civil. – Suite de la discussion du budget de l’intérieur et des cultes ; M. 8 fait adopter cet amendement : Tout ecclésiastique salarié par l’état ne pourra toucher son traitement qu’autant qu’il résidera dans la commune désignée. – M. Vatout9 fait un rapport sur des projets de loi d’intérêt local. – M. Thiers en présente de nouveaux.– Discussion de la loi sur les indemnités à accorder aux victimes de juillet 1830 ; M. Coulmann obtient le retranchement de 416,248 fr. alloués aux gendarmes et 8,100 alloués à M. d’Autichamp. – Un secours de 80,000 fr. est voté pour les condamnés politiques pendant la restauration.

19 février. La loi d’indemnité ci-dessus est adoptée par 200 votans c. 49. – Discussion du budget des affaires étrangères.

20. Suite de la discussion ci-dessus. – M. Cabet demande sa mise en jugement.

DÉPARTEMENS.

Pouillé (Vendée). Le prêtre de l’église française qui avait été mis en possession du presbytère par les habitans de la commune, en a été expulsé par ordre du préfet ; une émeute s’en est suivi, et la garde nationale de cette commune, l’une des plus patriotes de la Vendée, a été dissoute.

Pontoise (Seine-et-Oise). M. Bouchard10 a été nommé député.

Besançon (Doubs). M. de Rohan-Chabot (Louis-François-Auguste, archevêque de cette ville depuis le 1er février 1829, et cardinal est décédé le 8de ce mois. Il était né le 29 février 1788, et s’était engagé dans les ordres après avoir exercé des fonctions civiles et militaires à la cour de Napoléon et à celle des Bourbons ; il était veuf de Mlle de Seran, qui périt dans les flammes devant sa cheminée au moment où elle venait de s’habiller pour aller à un bal chez l’ambassadeur d’Autriche, M. d’Appony. Sa carrière sacerdotale avait été rapide et due à la faveur. Elève du séminaire St-Sulpice, le 29 mai 1819, il avait reçu la tonsure le 5 juin suivant, avait été fait prêtre le 1er juin 1822, et préconisé évêque le 23 juin 1828.

St-Quentin (Aisne). M. Vivien11, ancien préfet de police, à Paris, a élu nommé député par le collège extra-muros. – M. Fould12, banquier, à Paris, a été nommé par le collège intra-muros (c’est le premier israélite appelé a une chambre législative).

Condom (Gers). Alfred de Montebello, fils du général Lannes, a été nommé député.

Burgues (Hautes Pyrénées). Cette commune a adopté le 29 novembre dernier, le culte de l’église catholique française.

Chalons s. S. (Saône-et-Loire). M. Petiot13, ancien constituant, est mort le 14 février.

LYON.

17 février. – Un banquet patriotique a eu lieu chez Bachelard, à Vaize. Il était offert à M. Granier, gérant de [7.2]la Glaneuse. Près de 300 républicains lyonnais y ont assisté. On y a remarqué le rédacteur en chef du Précurseur, M. Lortet, etc. M. Chèze, vice-président, retenu chez lui par indisposition, s’est fait excuser. On a lu une lettre du M. Monier, auteur du Prolétaire, incarcéré sous la prévention de conspiration. M. Lortet a prononcé un discours remarquable et ouvert la série des toasts en en portant un à l’émancipation de la pensée.

Les suivans ont été portés : par M. Jubié fils, à Armand Carrel ; par M. Hugon : Aux rédacteurs de la Tribune ; par M. Rivière : Aux martyrs de la liberté ; par M. Guillemain : Au Peuple ; par M. Raginel : A Béranger. Après ce toast, M. Raçon a chanté la chanson intitulée : Prédiction de Nostradamus, que nous avons insérée dans notre dernier numéro. Par M. Vincent : Aux patriotes de toutes les nations ; par M. Mechling : A la Convention nationale ; par M. Berger, notre gérant, vice-président du banquet : A l’alliance de l’industrie et du journalisme ; par M. Antide Martin, légiste, président du banquet, au gérant de la Glaneuse ; M. Granier a répondu a ce toast par un discours. Le président a terminé la fête par un dernier toast : Au progrès social et politique. Un toast a aussi été porté à M. Albert de Riom, et Me Michel-Ange, avocat, y a répondu par un discours improvisé, où il énumère les titres de ce patriote à cette honorable distinction. Une collecte en faveur des tullistes, a produit 89 fr. 40 c. et terminé cette fête républicaine.

20 février. – Guerre, condamné à mort par la dernière cour d’assises, pour assassinat, a subi sa peine.

De la nécessité d’une politique

d’association industrielle.

On comprend généralement aujourd’hui que la politique des siècles passés, qui fut une politique de guerres sanglantes, que celle du présent qui est une politique de chicane ruineuse, ne peuvent plus convenir à la civilisation avancée de notre époque. L’humanité a besoin d’une politique d’association pour parvenir au but vers lequel tendent toutes les sociétés modernes, l’amélioration physique et morale du sort des peuples. Tous les hommes éclairés ont reconnu l’impuissance et le danger de cette politique de déplacement, toujours haineuse, toujours exclusive, qui tend à l’élévation des uns par l’abaissement des autres, qui ôte à ceux-ci pour donner à ceux-là, et crée les mécontentemens et les rivalités de ceux qu’elle dépouille sans pouvoir satisfaire l’ambition de ceux qu’elle enrichit. On reconnaît l’urgence d’une politique de conciliation, qui donne satisfaction à tous les penchans légitimes, à tous les intérêts, et qui rende justice à tous les partis, en facilitant le développement de l’élément de progrès qui se trouve dans chacun d’eux. Diviser pour régner pouvait être un principe de la science gouvernementale dans l’enfance des sociétés, dans les siècles de barbarie, lorsque la force brutale qui accable, qui détruit, était la seule loi des empires, mais aujourd’hui que la civilisation a éclairé les peuples, et que les trônes ont besoin d’une force morale, d’une puissance de production ; régner c’est associer, et l’art de gouverner doit être tout entier dans le secret de protéger, de concilier, d’harmoniser les intérêts de toutes les classes, et de pourvoir à leurs besoins ; la politique doit être moralisante. C’est cette politique qui suppose une œuvre générale à laquelle tous prendront part suivant leur fortune, leur aptitude, leur talent, que nous appelons politique industrielle, politique d’association, seule capable d’utiliser le capital du riche, l’argent ; le capital du pauvre, le travail ; le capital du savant et de l’artiste, la science et l’art.

Cette œuvre générale vers laquelle gravitent l’activité et l’intelligence humaines a pour but d’arriver à une unité glorieuse de bonheur, de savoir et de richesse, résultat providentiel de la grande révolution sociale, qui tend à compléter l’œuvre de la réforme et de la philosophie.

Liberté ! c’est-à-dire affranchissement des peuples, abolition de tous les privilèges : civilisation ! c’est-à-dire moralisation des masses, amélioration de leur sort : voila les deux cris de l’humanité. Lorsque le premier se fit entendre, il apprit à la France que ces vilains corvéables, taillables à merci, tributaires du fisc, des prêtres et des nobles, formaient cependant l’immense majorité de la nation, peuplaient les champs et les ateliers, arrosaient la terre de leurs sueurs et de leur sang; et bientôt, titres, noblesse, priviléges, prérogatives , dîmes et corvées, furent engloutis. Le second [8.1]cri retentit aujourd’hui ; les classes pauvres, les prolétaires, les travailleurs, l’ont compris : ils savent aussi qu’ils composent l’immense majorité de la nation ; qu’ils peuplent les champs et les ateliers, qu’ils prodiguent leurs sueurs et leur sang ; qu’ils cultivent les arts et les sciences ; qu’ils produisent toutes les richesses, et qu’ils n’en jouissent pas. Faut-il attendre qu’ils demandent compte à l’égoïsme bourgeois, à la roture ennoblie, de leurs souffrances, de leur misère et de leur dégradation ?

Le moment est venu de comprendre toute l’exigence et la portée des besoins de l’époque ; et c’est ailleurs que, dans un partage sans fin et sans résultat, dans un déluge de lois, dans des changement de ministères qui ne sont que des changemens de personnes et point des changemens de systèmes, dans un déplacement périodique de fonctionnaires, tous aussi ambitieux et aussi avides les uns que les autres, qu’il faut chercher le remède aux maux qui nous tourmentent. Prenez d’abord pour point d’appui une bonne organisation municipale et une bonne loi d’élection ; et, avec le levier puissant de la presse, vous soulèverez sans efforts et sans secousse la société tout entière, pour la placer sur une base si large et si solide, que les efforts réunis de l’absolutisme et de l’anarchie ne pourront l’ébranler. La commune, unité administrative ; l’élection, unité législative, une fois organisées dans des vues de progrès, de civilisation et de liberté, vous arriverez bientôt aux améliorations successives qui protégeront les intérêts de tous, en augmentant le bien-être et en conservant les droits de chacun.

Jullien,

Ancien élève de l’Ecole Normale.

Littérature.

Le Prolétaire.

couplets inédits de a. vidal.

Sur l’humble paille je suis né,
Sous le beau ciel de la Provence,
Et quoiqu’au travail condamné
Le plaisir berça mon enfance.
A quinze ans je versais des pleurs ;
Que cette douleur m’était chère !
Amour ! tu couronnais de fleurs
Le front d’un pauvre prolétaire.

La fortune semblait me fuir,
Je ne courus point après elle,

Me confiant à l’avenir
A la vertu je fus fidèle.
Un grand me disait d’oublier
Mon nom, mon état et ma mère.
Ce grand voulut m’humilier,
J’aimai mieux rester prolétaire !

Nota. Ces vers sont les derniers que Vidal ait composé. Peu de jours après il cessa de pouvoir se livrer à aucun travail. Sous ce rapport ils sont précieux pour ses nombreux amis.

Lectures prolétaires

« D’ailleurs, on peut dire en un sens que pour aimer [8.2]la justice et l’égalité, le peuple n’a pas besoin d’une grande vertu, il lui suffit de s’aimer lui-même. »
(Robespierre.)

« Ne souffrez point qu’il y ait un malheureux ni un pauvre dans l’Etat, c’est à ce prix que vous aurez fait une révolution. »
(St-Just.)

Coups de navette.

M. Goujon a bien expliqué la peine applicable aux ouvriers qui demanderaient une augmentation de salaire, mais il a oublié de dire quelle serait la récompense des négocians qui diminueraient le prix des façons, avec menace de ne plus donner de l’ouvrage.

le Pater Noster du sténographe-goujon.
Mon père qui êtes dans la rue des Feuillans, que votre nom soit glorifié, que votre présidence continue, que votre volonté soit faite dans votre comptoir et au conseil des prud’hommes, payez-moi chaque jour mes appointemens, et ne me livrez pas au Courrier de Lyon, mais délivrez-moi de l’Echo de la Fabrique.

Les compagnons de la FEMME continuent la publication que nous avons annoncée sous le titre de : 1833 ou l’année de la MÈRE. Dans la seconde livraison, qui a paru le 16 de ce mois, E. Barrault, chef des compagnons, annonce sa mission et celle de quelques-uns de ses frères en Orient.

AVIS DIVERS.

(162) RHUMES, CATARRHES.
Au moyen des pastilles on guérit très-promptement les rhumes et on empêche les catarrhes de dégénérer en phtysie. D’innombrables guérisons ont fait la fortune de ce remède et lui ont donné une réputation colossale et justement méritée.
Prix : Une dose contre le rhume : 2 fr. 25 c.
Une dose contre les catarrhes : 1 fr. 75 c.

Une seule dose de 2 fr. 25 c, suffit pour guérir un rhume.
Le dépôt à Lyon, est chez M. Gauthey, pharmacien.
Chaque boîte est renfermée dans une enveloppe revêtue du cachet et du paraphe de M. Lepere.

(159) L’on désire un jeune homme de 14 à 17 ans, pour apprendre un état lucratif.
S’adresser chez M. Molard, boulanger, cours d’Herbouville, n° 2.

(161) A vendre de suite, 3 métiers dont 2 en 5/4 et 1 en 6/4 avec mécanique en 1200.
S’adresser au bureau.

[140] LA RÉFORME INDUSTRIELLE
ou le phalanstère,
Journal des intérêts généraux de l’industrie et de la propriété.
Ce Journal paraît tous les vendredis, 12 pages grand in-4°, prix : 10 fr. pour six mois. – On s’abonne à Paris, rue Joquelet, n° 5 ; chez les libraires et directeurs de la poste.
Nota. Le Phalanstère commence à jouir de la réputation du Globe. On le trouve au cabinet littéraire de Mme GOEURY, place des Célestins, ainsi que la Gazette médicale, celle des Théâtres, la Revue de Paris, et un grand nombre de journaux de départemens.

Notes (ERRATA. 1 er   article , Abus , etc....)
1 Il s’agit de l’article 1 du numéro précédent, c’est à dire le numéro 7 de l’année 1833.
2 Il s’agit de la note originale du douzième article du numéro précédent (numéro 7 de l’année 1833).

Notes ( PROCÈS FAIT A L’ÉCHO DE LA FABRIQUE.)
1 Ce procès et ses rebondissements vont être scrupuleusement suivis dans les pages de L’Écho de la Fabrique jusqu’en mai 1833. Bien que procédant d’un contentieux « industriel », le procès, jumeau de ceux intentés au Précurseur et à La Glaneuse, aura un ton essentiellement politique. Les journalistes reproduiront significativement les fulminations du procureur Ch. Chegaray, contre « les doctrines républicaines que professent les rédacteurs et gérants de L’Écho de la Fabrique » (numéro du 3 mars 1833).

Notes ( AU RÉDACTEUR.)
1 Voir l’article 12 du n° précédent de l’Echo de la Fabrique (n° 7, année 1833).

Notes ( ILS SONT LA.)
1 Sénèque (vers 4-65), philosophe stoïcien et homme d’État romain.

Notes ( Sur les Théâtres de Lyon.)
1 Datant de l’Ancien Régime, supprimé en 1791 puis rétabli en 1798, l’octroi était une contribution indirecte prélevée aux portes des villes et à leur profit sur les marchandises et denrées destinées à la consommation locale.

Notes ( Revue quindécimale.)
1 Pierre-André Latreille (1762-1833), entomologiste français.
2 P.-J. Tramier de Laboissière (1799-1860), député du Vaucluse.
3 N.-A., comte de Saint-Aignan (1770-1858), député de la Loire-Atlantique.
4 Baron J. Mercier (1776-1858), député de l’Orne.
5 S.-B. Péan (1786-1846), député du Loir-et-Cher.
6 J.-C. Tixier-Lachassagne (1795-1869), alors député de la Creuse.
7 L.-C. Sapey (1769-1857), député de l’Isère.
8 A. Bourreau de Beauséjour (1791-1848), député de la Charente-Maritime.
9 J. Vatout (1791-1848), alors député de la Charente.
10 Bouchard (1785-?) venait alors de remplacer C. de Lameth, décédé.
11 A.-F. Vivien (1799-1854).
12 B. Fould (1792-1858). L’élection de Fould fut toutefois annulée suite à une erreur dans le recensement des votes qui profita à son adversaire. Il sera élu l’année suivante.
13 Il s’agit ici de J.-B. Petiot (1751-1833).

 

 

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