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3 mars 1833 - Numéro 9
 
 

 



 
 
    
 

Monsieur,

Dans votre dernier numéro vous priez les chefs-d’ateliers de vous rendre compte des décisions rendues devant les prud’hommes arbitres, qui pourraient intéresser leurs confrères. Je viens remplir ce devoir, les circonstances sous l’empire desquelles nous sommes placés, exigent impérieusement que rien ne reste caché. Ce que je vais rapporter est de nature à piquer la curiosité de M. le procureur du roi.

Ayant reçu une disposition d’un mouchoir 6/4 pour les sieurs Bourcier et Chaume, j’avais fait faire divers harnais pour cette largeur, acheté de la soie, et 50 portées de remisse étaient déjà faites, lorsque, demandant ma pièce, on m’apprit que la commission était retirée. L’on m’offrit 5 fr. pour la façon du remisse déjà fait, en me promettant de la meilleure grâce du monde de me donner de l’ouvrage aussitôt qu’il serait possible. Au sortir du magasin, étant allé chez ma lisseuse arrêter le remisse que je lui avais commandé, j’acquis la certitude que l’on avait indignement abusé de ma crédulité, que la commande n’était point retirée, mais seulement que ces messieurs l’avaient placée ailleurs dans l’espoir de la faire fabriquer à 50 c. au dessous du prix convenu entre nous. J’invitai de suite ces messieurs à paraître au conseil. Nous fûmes renvoyés en conciliation pardevant MM. Gamot et Falconnet ; les sieurs Bourcier et Chaume ayant fait défaut, je fus forcé de les faire assigner ; renvoyés de nouveau en conciliation, le sieur Chaume, sachant que j’avais la preuve de son mensonge et de sa supercherie, dont [07.1]j’étais victime, déclara nettement, tant en son nom qu’en celui de son associé, m’avoir refusé de l’ouvrage parce que je ne lui convenais pas, que j’étais un insolent, que je payerais cher de les avoir fait appeler au conseil, que je m’exposais à ne plus trouver de l’ouvrage. Voyant que la dispute s’animait, M. Falconnet indigné d’une pareille menace, nous fit taire, rappela à l’ordre le sieur Chaume, et lui fit sentir toute l’inconvenance d’une pareille conduite et de pareilles menaces faites devant des membres conciliateurs, ainsi que les conséquences funestes qui pourraient résulter, si par représailles les ouvriers venaient à refuser leur travail aux fabricans qui, les premiers auraient refusé du travail à quelques-uns d’entre eux. Condamné à me donner 15 fr. en sus des 5 fr. déjà reçus, le sieur Chaume, ne voulait pas me rembourser le montant de l’assignation : et il fallut tout le raisonnement de M. Gamot pour lui faire entendre que les frais d’assignation sont toujours à la charge de ceux qui font défaut.

Etant connu, et ne craignant point les menaces d’un négociant, pas plus que les épithètes dont le sot Courrier de Lyon a voulu flétrir les ouvriers ; (d’ailleurs c’est la première fois que j’ai paru au conseil), je vous prie de signaler un pareil fait dont je vous garantis la vérité.

Simonet.

 

 

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