Retour à l'accueil
10 mars 1833 - Numéro 10
 
 

 



 
 
    

Au Rédacteur.

Monsieur,

Je réponds à la lettre de MM. Sandier et Tholozan, qui ont taxé mes assertions de fausses. Je les tiens, moi, pour vraies, et je ne vous ai pas induit en erreur : qu’ai-je fait, sinon de réclamer contre l’inscription du prix porté en bonification, et que la déclaration des membres du conseil, arbitres, déclare être une indemnité. Cette déclaration, [3.2]pour être précise et prouver que ma réclamation était fausse devait dire, comme vous l’avez reconnu, Monsieur, dans votre judicieuse note, à quel titre elle m’était accordée. Tout ce que contiennent vos articles sur les abus des supplémens de salaire portés en bonification, et celui de ma réclamation, sont de la plus grande exactitude ; en voici la preuve. Lorsque j’acceptai de l’ouvrage pour MM. Sandier et Tholozan, je convins d’un courant ordinaire, au prix de 90 c. Je devais fabriquer, à raison de 4 aunes par jour. Ayant été trompé, puisqu’au lieu de tisser un courant à un seul lat, l’étoffe était, comme je l’ai dit dans ma première, quadrillée par trois et un lat ; ce qui fait presque le double de l’ouvrage. Par suite de cette augmentation de travail je ne pus fabriquer que 22 aunes pour l’époque fixée, au lieu de 30, longueur de la pièce. Ces messieurs ne jugèrent pas à propos que je terminasse la pièce ; mais la trame était devidée, les cannettes faites, je fus obligé de re-mettre en flotte et de lever le reste de la pièce. Le payement de ces huit aunes non tissées, sur ma demande, m’a seul été alloué pour défrayement. Ces 8 aunes ct les 22 aunes fabriquées, ont été portées au prix de 1 fr. 50 c.

Ainsi il est donc clair que l’étoffe a été estimée valoir le prix de 1 fr. 50 c., et que 12 fr. d’indemnité résultant du prix des 8 aunes non tissées, m’ont été alloués comme indemnité. Si MM. Gamot et Labory veulent bien se le rappeler ou consulter le registre qu’ils doivent tenir à cet effet, ils reconnaîtront la vérité de mes assertions. Pour quant aux sieurs Sandier et Tholozan, ils ont grand tort de les traiter de fausses. Si j’ai soumis ces faits au public, c’est dans le but de prémunir mes confrères contre des manœuvres semblables et les empêcher ainsi d’être dupes des prix marqués sur les livres, puisqu’aujourd’hui, à l’instar de la maison Sandier, plusieurs fabricans payent en bonification ou même sans les marquer sur les livres, des augmentations.

J’ai l’honneur, etc.

Chardonnait.

Note du rédacteur. – D’après les explications du sieur Chardonnait, nous devons croire cette discussion terminée. Néanmoins une question grave en ressort, c’est que dans le cas où un négociant porte comme bonification une augmentation de façon et une indemnité, le maître peut refuser la moitié de la façon au compagnon, prétendant que c’est une indemnité pour lui seuli. Comme le compagnon peut réclamer sa moitié sur le total de l’indemnité, en la regardant entièrement comme une augmentation de façon. MM. les prud’hommes, dans l’intérêt de leurs commettans, doivent donc bien préciser leurs décisions, en donner récépissé aux parties, les inscrire sur leurs registres. S’ils omettent ces indispensables formalités, ils ont tort, et créent ainsi de nouvelles difficultés, puisque rien ne se trouve définitivement résolu.

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique