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17 mars 1833 - Numéro 11
 
 

 



 
 
    
 CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

(présidé par m. putinier.)

Audience du 14 mars 1833.

[5.1]Une affaire entre le sieur Turin et les sieurs Pellin et Bertrand, renvoyée contradictoirement à ce jour, est appelée ; ces négocians font défaut.

D. Les laçages de carton faits à une époque antérieure à la décision du conseil qui les a mis à la charge des négocians, peuvent-ils être alloués au chef d’atelier ? – R. Oui.

Le sieur Froment réclame au sieur Tocanier, négociant, une indemnité pour trois montages de métiers, attendu que ces métiers n’ont pas été continués assez long-temps pour le récupérer de ses frais. Il résulte des débats que les deux premiers montages ont été faits à une époque éloignée ; quant au troisième, c’est le sieur Froment qui refuse l’ouvrage. Le sieur Tocanier nie qu’aucune réclamation lui ait été faite, autre que le remboursement du laçage de trois dessins.

« Attendu que les réclamations pour frais de montage de métiers n’ont pas été faites en temps utile ; attendu que le laçage des cartons est dû, le conseil décide que le sieur Tocanier payera au sieur Turin seulement les laçages dont s’agit, quoiqu’ils aient été faits à une époque antérieure à la décision du conseil, qui les met à la charge des marchands-fabricans. »

D. Le conseil peut-il, contrairement aux contraventions des parties qui ont stipulé elles-mêmes la quotité des dommages-intérêts en cas de résiliation desdites conventions, réduire le taux de ces dommages-intérêts, en prononçant, dans l’intérêt des mœurs, la résiliation desdites conventions ? – R. Oui.

L’affaire de la famille Pupier, contre la veuve Martinière, avait été renvoyée de la dernière audience à celle-ci, à la charge à la dame Pupier de présenter la procuration de son mari. A l’appel des parties, le sieur Pupier se présente. La seule demande que lui fait M. le président, est celle-ci : Etes-vous consentant de retirer vos filles de l’atelier de la veuve Martinière ? Sur sa réponse affirmative, le conseil décide que les conventions sont résiliées. Le sieur Pupier payera la somme de 50 f. pour indemnité à la veuve Martinièrei.

Nota. Cette affaire, qui a déjà paru à plusieurs audiences, est grave ; la moralité des parties était attaquée. Les filles Pupier avaient été placées en apprentissage chez la veuve Martinière, à Brignais, pour y apprendre la fabrication des velours. Le premier apprentissage est commencé depuis un an, et le second depuis trois mois. Les parties étaient convenues que, dans le cas où l’apprentissage ne serait pas terminé, par le fait des apprenties, le sieur Pupier payerait une indemnité de 400 fr. – Les filles Pupier refusent de terminer leur apprentissage ; elles allèguent que leur réputation est compromise chez la veuve Martinière, le bruit étant répandu dans le village que leur maîtresse est enceinte. Et c’est dans l’intérêt des mœurs, et sans doute après des informations, que le conseil a cru devoir résilier les conventions, et réduire à une somme si minime le défraiement.

D. Le chef d’atelier a-t-il le droit de couper et lever une pièce, sans le consentement du négociant ? – R. Non. Le chef d’atelier ne peut lever une pièce contre le gré du fabricant sans une décision du conseil, sous peine de perdre la façon de l’étoffe fabriquée.

Le sieur Pelet rappelle au conseil que le sieur Poignet [5.2]a été condamné à lui finir une pièce de foulards ; au lieu de la finir, il l’a coupée. Lorsque les membres du conseil nommés pour constater l’état des matières et allouer une augmentation de façon s’il y avait lieu, se sont transportés chez ledit Poignet. La pièce n’existait plus sur son métier.

Il conclut à ce qu’il lui soit alloué une somme de 200 fr. pour dommages et intérêts.

Le sieur Poignet dit avoir coupé la pièce sur le refus du sieur Pelet de lui allouer une augmentation de 10 c. par aune. Mais il donne pour preuve que son intention n’a jamais été de s’approprier la pièce, le dépôt qu’il en a fait au greffe du conseil, et persiste à ne pas la reprendre, attendu l’infériorité des matières. Il déclare travailler en qualité de compagnon.

« Attendu le refus du sieur Poignet de se soumettre à la décision du conseil qui lui ordonnait de terminer la pièce, sauf à lui en faire augmenter le prix de la façon, le conseil décide derechef que la pièce devra être rétablie, et terminée au 10 avril prochain. Au cas d’un second refus, le sieur Poignet devra rendre les matières, régler ses comptes ; et alors il perdra la façon de l’étoffe fabriquée. »

 

 

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