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17 mars 1833 - Numéro 11
 
 

 



 
 
    
 

Sur M. Ch. Fourrier et du Phalanstèrei1.

[7.1]Pour qui sait lire l?avenir dans le présent, il est clair que nous touchons à l?avènement de deux puissances nouvelles, l?industrie et la science, qui, reléguées par nos pères dans le silence du cabinet et l?obscurité de l?atelier, se sont, de nos jours, manifestées trop grandes et trop gigantesques, pour ne pas jouer désormais dans la politique un rôle prépondérant. L?histoire du dix-neuvième siècle, dans le tiers écoulé, peut se résumer en trois mots : Rechercher les bases d?un ordre social nouveau. Le dix-huitième avait fini par la destruction du passé ; il nous est réservé de fonder l?avenir. A la fièvre qui dévore les peuples pendant ces trente années, on sent qu?une crise s?opère dans l?humanité. Pour calmer ces douleurs, cette agitation, bien des tentatives ont été faites ; réactives et infructueuses quand elles partaient du pouvoir ; elles ont eu une grande valeur, quand elles sont nées spontanément du sein des populations, parce qu?elles étaient alors l?expression plus ou moins complète de leurs besoins ; et elles eussent été couronnées de succès, si le pouvoir ombrageux ou perfide, au lieu de les comprimer, eût aidé à leur développement. Ainsi, grâce aux idées de liberté et de justice que la révolution française avait imprimées dans les esprits, l?empire, au milieu du fracas de la conquête, put enregistrer, avec nos gloires nationales, les pacifiques exploits de l?industrie et de la science ; mais ces élémens d?un monde nouveau restèrent encore dans le chaos, effacés par les brillans prestiges qui entouraient la société guerrière, et nul ne se rencontra qui eût mission et pouvoir de faire surgir l?avenir du passé, d?en dégager les élémens, de les féconder de son inspiration créatrice.

Succédant à l?activité puissante mais maladive de l?empire, la restauration, qui aurait pu à l?ombre de la paix fonder un ordre de choses durable, occupée de faire triompher les principes de l?ancien régime sans trop comprimer l?essor des besoins du siècle, ne vit rien de mieux que de forger un amalgame où les choses les plus inconciliables auraient forcément leur place. Elle jeta, confondus dans le creuset, les mots de religion de l?état et de liberté des cultes, de légitimité monarchique et de représentation populaire, les oripeaux nobiliaires et l?égalité devant la loi ; elle ne vit dans le commerce qu?un moyen assez commode de grossir le budget au profit d?une aristocratie ruinée, et laissa s?agiter dans leur sphère les corps scientifiques qui ne produisaient que de l?éclat. Mais déjà un pressentiment obscur agite quelques hommes, les avertit que cet édifice n?est qu?une statue aux pieds d?argile, que la société n?a pas de bases, qu?elle attend un renouvellement complet de ses croyances, de sa morale et de sa politique ; qu?il faut une solution nouvelle à tous les problèmes sociaux ; car on vit de routine, on marche sans principes, sans boussole ; et le mouvement social a besoin d?unité, d?un point fixe sur lequel on puisse s?orienter, de quelque chose qui rassemble et rallie les élans d?une activité incertaine et divergente.

(La suite au prochain numéro.)

Notes (  Sur M.  Ch. Fourrier Charles Fourrier et...)
1 Cet article, le premier d?une série de trois, est rédigé par Marius Chastaing. On apprend d?ailleurs qu?à Lyon, on s?abonnait au Phalanstère directement à son domicile. L?exposition la plus détaillée de la doctrine fouriériste dans L?Écho de la Fabrique sera toutefois le fait de Rivière cadet qui, d?avril à septembre, va signer une série de neuf articles intitulés « Un disciple de Charles Fourier à ses concitoyens ».

 

 

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