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7 avril 1833 - Numéro 14
 
 

 



 
 
    
Littérature.

L’EUROPE LITTÉRAIRE (Voy. l’Echo, n° 16 1 ).

L’Europe Littéraire poursuit avec succès sa gigantesque carrière. Déjà seize numéros ont paru avec une grande exactitude, et on ne peut en traiter aucun de médiocre. Le gérant promet de publier dans le cours du premier trimestre un compte-rendu particulier pour chaque branche de l’art dans chaque pays, en sorte que l’ensemble de ce travail composera à lui seul toute une encyclopédie littéraire.

La première partie de l’Europe Littéraire s’adresse principalement aux artistes et aux hommes que des études fortes et l’habitude de la méditation ont mis à même de suivre avec intérêt des théories d’art et la critique littéraire. La seconde partie est composée d’une nouvelle, d’un conte, d’un roman, d’un fragment de voyage ou d’un morceau littéraire intéressant ; cette seconde partie s’adresse à la masse du public qui cherche dans la lecture une recréation. Pour cette majorité de lecteurs l’Europe Littéraire sera un journal-bibliothèque ; il produira un échantillon successif du talent de tous les écrivains de la France et de l’étranger, et dispensera dès-lors de l’achat de beaucoup de livres nouveaux, car tous ces fragmens réunis formeront annuellement la valeur de 12 volumes in-8° de 500 pages, c’est-à-dire ce que peuvent lire dans une année les personnes qui font de la littérature un délassement.

L’Europe Littéraire a eu la sagesse, elle aura le courage d’exclure complètement la politique de ses colonnes. Elle a fait sa profession de foi dans son n° 5, par un article intitulé : Impulsion unitaire du journal. Dans cet article remarquable sous plus d’un rapport, le rédacteur s’exprime ainsi :

« Nous posons toujours les questions en vue d’une société nouvelle qui se forme et s’organise chaque jour de son propre mouvement, et [5.2]pour ainsi dire à notre insu, société qui se constituera nécessairement et inévitablement par l’accord de tous les élémens de la vie sociale contemporaine, par la consécration et la satisfaction des besoins nouveaux, par la réintégration des droits anciens et des traditions historiques… La France a maintenant pour mission d’arrêter l’esprit révolutionnaire qu’autrefois elle a propagé, et de l’arrêter non pas sous les auspices du génie du retardement, comme dirait Ballanche, mais en commençant les travaux destinés à constituer la société nouvelle. – C’est ainsi que nous comprenons l’état moral de notre pays ; c’est pour cela que nous considérons la France comme le centre et le type du mouvement social en Europe. »

La Gazette de France crut voir dans cet article une approbation de ses doctrines, qui était loin de l’idée des rédacteurs de l’Europe Littéraire, aussi ces derniers ont-ils, en répondant au journal légitimiste, expliqué leur pensée. Nous ne pouvons mieux faire que de citer leurs propres expressions (Voy. n° 6 de l’Europe).

« Sans doute nous pensons que le mouvement révolutionnaire est fixé en Europe, mais à condition qu’un autre mouvement commence et vienne satisfaire les exigences légitimes que l’esprit révolutionnaire représente partout où il s’est manifesté ! A nos yeux si le mouvement révolutionnaire est arrêté, ou plutôt doit s’arrêter sans espoir de retour, ce n’est certes pas à l’habileté politique des gouvernemens qu’il faut attribuer ce grand résultat. Le mouvement révolutionnaire s’arrête parce qu’il le veut ainsi de son plein gré et de sa propre force ; il se retourne sur lui-même pour obtenir par des combinaisons de justice et d’humanité, ce que la violence et la colère ne lui ont pas donné. En un mot, l’esprit révolutionnaire s’arrête au nom du progrès de tous les peuples, au nom de la réconciliation des intérêts acquis avec les intérêts à acquérir ; il s’arrête non pour se diriger vers une restauration sociale ainsi que la Gazette le proclame, mais pour commencer un travail positif et rationnel de rénovation sociale. »

La Gazette de France n’a rien répondu. Les amis du progrès social et de la démocratie doivent être rassurés sur les vues et les sentimens politiques qui animent les fondateurs de cette belle entreprise. L’Europe Littéraire, maintenue toujours sur le terrain qu’elle occupe aujourd’hui, rendra d’immenses services aux arts et aux lettres dont le progrès doit être corrélatif à celui du bien-être physique, car l’homme ne vit pas seulement de pain, et son bonheur ne serait qu’incomplet si les jouissances morales ne venaient s’ajouter à celles physiques.

Depuis le 5 de ce mois les salons de l’Europe Littéraire sont ouverts gratuitement à tous les hommes de lettres qui s’y feront présenter Nous envisagerons dans un prochain article l’Europe Littéraire sous le rapport de l’avantage qui peut résulter de cette communication nouvelle offerte aux hommes éclairés de tous les pays.

(Voyez les Annonces.)

Notes ( Littérature.)
1 C’est dans le numéro 10 (année 1833) de l’Echo de la Fabrique et non pas dans le numéro 16 qu’on trouve la présentation des premiers « numéro[s] de ce magnifique journal ».

 

 

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