Bibliothèque Populaire.
Suivant notre promesse (Voy. l’Echo, n° 11), nous allons donner quelques extraits du prospectus de cette importante et philantropique publication.
« Un grand malheur en France, c’est que tous les livres ont été faits pour les savans, et que ceux qui ne savent encore que lire et écrire ne peuvent pousser plus loin leurs connaissances, faute de trouver un seul volume où la science soit mise à leur portée.
Les livres sont chers, et le laborieux ouvrier, l’humble cultivateur sont obligés de se retrancher sur le plus mince des superflus pour disposer par jour de quelques centimes.
Les livres sont gros, et pour les lire il faut plus de jours qu’ils n’ont d’heures, plus d’heures qu’ils n’ont de minutes à consacrer à cette utile occupation.
Les livres sont tous écrits dans une langue pompeuse, figurée, ou scientifique, qu’ils ne comprennent pas ; et il faut convenir que ce n’est pas leur faute.
Si l’on en excepte une demi-douzaine de petits ouvrages que la philantropie moderne a fait naître dans ces dernières années, et qui, malheureusement n’ont pas encore pénétré assez avant dans les rangs des masses auxquelles ils s’adressent, les campagnes et les ateliers [6.1]n’ont jusqu’ici d’autre ressource que l’éternel Almanach de Mathieu Laensberg, les Prophéties de Nostradamus et le Petit Albert.
Cependant, combien il serait utile pour le bien-être de la classe pauvre, pour la prospérité du pays, de voir tous les hommes s’instruire et acquérir des notions raisonnées sur les objets de leurs travaux et sur ceux qui servent à leurs besoins habituels ! A cette condition seulement on peut voir la routine, les mauvaises méthodes, la maladresse et la misère disparaître à jamais du sol de la France.
Ainsi voila le mal : pas de livre qui contienne un enseignement facile, simple et court comme il est urgent, et comme il convient de le donner au peuple.
Et voici le remède : composer de ces livres populaires qu’on puisse mettre entre les mains de l’enfant, de l’ouvrier, de la mère de famille, du professeur d’école primaire, en un mot de tous ceux qui n’ont ni beaucoup d’argent, ni beaucoup de temps à dépenser.
Des hommes d’élite, presque tous membres de l’Institut ou professeurs dans les facultés et les collèges royaux de Paris, ont bien voulu y travailler. C’était une œuvre de patriotisme, un service à rendre au pays : ils ont répondu vite à notre appel.
D’autres hommes non moins généreux qu’éclairés ont assuré le succès de cette publication en la défrayant de ses dépenses premières d’impressions.
Ces livres ne seront pas gros : car chaque volume se composera de trois feuilles in-18, c’est-à-dire de 103 pages d’impression semblables à celles de ce prospectus.
Ils ne seront pas difficiles à comprendre ; car le peu d’espace a forcé les auteurs à ne donner que les élémens, l’essentiel, le plus utile, ce qui peut immédiatement être pratiqué et utilisé par les lecteurs de toutes les classes.
Ils ne seront pas chers ; car la série de vingt-quatre volumes avec les cartes et les planches qui les accompagneront toutes les fois que le sujet le demandera, ne coûtera que 6 fr., ce qui met chaque volume à 5 sous.
Tous les mois il paraîtra au moins six volumes ; nous aurons donc entièrement achevé l’impression en moins d’un an.
L’ouvrier y trouvera des notions générales sur tout ce que les gens qui ont la prétention d’être bien élevés, ont à cœur de connaître ; il y apprendra la raison de ce qu’il fait, il comprendra l’excellence ou l’infériorité d’un procédé, raisonnera et par suite exécutera mieux les mouvemens et les travaux de détails ; il pourra acquérir une foule de connaissances exactes sur un grand nombre d’objets auxquels la plupart des hommes de salon demeurent trop souvent étrangers.
La mère de famille se pénétrera d’une foule d’idées qu’elle fera passer par la conversation dans l’esprit de son fils ou de sa fille.
L’enfant doué de quelque facilité et déjà capable de lire, lira avec plaisir et ne lira rien que d’instructif. Ainsi plus de ces lectures pernicieuses aussi fatales pour l’enfant que la mauvaise société ; plus de ces lectures ennuyeuses qui dégoûtent à jamais quiconque n’est pas lié avec la vocation la plus marquée pour la science.
Rien n’empêche que plusieurs personnes ne se réunissent pour un abonnement complet, et qu’elles ne se partagent les divers volumes qui composent la collection. Des prêts mutuels suppléeraient à ce qu’on ne posséderait pas.
Les communes rurales surtout devraient consacrer à cet emploi quelques-uns de leurs centimes additionnels. Quelque faible que soit le budget de plusieurs d’entre elles, nul doute qu’elles ne puissent souscrire à une collection qui coûte par an 6 fr. Et de bonne foi, pense-t-on que de la lecture de 24 volumes pleins de choses utiles et d’indications immédiatement applicables, ne résultent pas pour la commune une amélioration matérielle de plus de 6 fr., et une amélioration morale qui est inappréciable ?
Mais si les communes ne souscrivaient pas, qu’au moins les 3 ou 4 principaux habitans se réunissent pour cet abonnement. Ils débourseront par an, pendant cinq ans, une somme de 30 sous pour cet usage. Ce sera de l’argent placé à un bien haut intérêt : ils seront les bienfaiteurs de la commune ! car sans doute ils prêteront leurs livres ! et s’ils ne les prête pas, ils pratiqueront des procédés, ils parleront de leurs lectures. Qu’ils prêchent de bouche, qu’ils prêchent d’exemple, et la Bibliothèque populaire, qu’on pourrait aussi appeler Bibliothèque des communes, aura porté ses fruits. »