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7 avril 1833 - Numéro 14
 

 




 
 
     

Les ouvriers tailleurs de pierre1

accusés de coalition.

Les ouvriers tailleurs de pierre ont fait, il y a près d’un mois, des conventions avec les maîtres tailleurs de pierre : un tarif a été librement arrêté entr’eux tous. Quelque temps après un sieur Rivière, signataire des conventions, n’a plus voulu s’y soumettre ; ses ouvriers ont quitté son chantier et ont cherché ailleurs un travail mieux rétribué. Rivière a porté plainte, et les sieurs Châtelet, Morateur et Breysse ont été arrêtés comme coupables de coalition et coupables en outre d’avoir fait cesser le travail dans le chantier de Rivière. Ces trois pères de famille ont paru devant le tribunal correctionnel après huit jours de détention. Le tribunal les a acquittés et n’a pas même cru devoir entendre leur défenseur, Me Chanay. Ils pensaient être mis en liberté, mais le procureur du roi a interjeté appel, et des hommes qui sont nécessaires à leur famille, sont ainsi détenus préventivement parce que tel est le bon plaisir de M. Chegaray. Il a, nous le savons, usé de son droit, mais le vice de nos lois ne devrait-il pas être amendé par la sagesse de nos magistrats. Quel danger y a-t-il pour la société dans la mise en liberté d’hommes qui, s’ils étaient coupables, n’auraient à craindre qu’une condamnation à quelques jours de prison. Pourquoi cette punition préventive, sans utilité pour la société, sans compensation pour les malheureux qui y sont soumis.

Allons plus loin : les ouvriers tailleurs de pierre ne [1.2]sont ni plus ni moins coupables que les ouvriers en soie, que les ouvriers tullistes. Les circonstances sont identiques. D’où vient qu’on emploie une manière de procéder différente ? Les ouvriers en soie, les ouvriers tullistes n’ont pas été soumis à une arrestation préventive ; les premiers n’ont pas même été poursuivis. La justice cependant ne doit pas avoir deux poids et deux mesures. Voudrait-on laisser croire que les ouvriers en soie n’ont dû leur liberté qu’à la crainte que leur nombre inspirait, et non à la justice de leur cause, à la sympathie du pouvoir pour la classe prolétaire ? De deux choses l’une, ou M. Varenard ne fit pas son devoir en octobre 1831, ou M. Chegaray fait plus que le sien en mars 1833 ; et lorsqu’il s’agit de pénalité, faire plus que son devoir a quelque chose qui répugne, quelque chose qu’on pourrait qualifier d’un nom différent.

Comme nous l’avions prévu, cette question grave des coalitions, esquivée lors de l’affaire des ouvriers tullistes, se reproduit aujourd’hui à propos d’une autre classe de travailleurs ; il faudra bien qu’elle subisse la publicité de l’audience et de la presse ; Me Chanay, dans sa plaidoierie pour le républicain Monier, nous a prouvé qu’il était à la hauteur de toute question ; il ne faillira pas en cette occasion, nous le croyons du moins, aux espérances qu’il a fait concevoir aux amis de la liberté.

Les ouvriers tailleurs de pierre trouveront dans l’Echo de la Fabrique un appui naturel à leur cause ; car nous nous empressons de leur l’offrir ; car nous ne voulons pas qu’on oublie que l’Echo de la Fabrique, quoique journal d’une industrie spéciale, est aussi celui de la classe laborieuse tout entière ; il est la tribune du prolétariat. Toutes les industries sont solidaires pour la répression des abus, des privilèges, pour l’adoption de ce principe sacré qui fait la base du droit des hommes salariés : Vivre en travaillant.

L’article 415 du code pénal, qui proscrit les coalitions d’ouvriers, n’est plus en harmonie avec nos mœurs, puisque ces mœurs viennent de proclamer l’émancipation physique et morale des prolétaires, cet article doit donc disparaître du code de nos lois.

Nous reviendrons sur ce sujet important. Puissent ces quelques réflexions être utiles ou apporter au moins quelque soulagement aux maux qu’éprouvent nos frères les tailleurs de pierre qui sont sous les verroux.

NÉCESSITÉ

de porter remède aux souffrances des classes pauvres.

[2.1]Lorsqu’il s’agissait sous la restauration de renverser par le constitutionnalisme le système bourbonien, ce fut une étude indispensable que la théorie constitutionnelle ; il fallut bien, pour dresser ou renverser leurs autels, pour les conjurer ou les poursuivre, connaître par leurs noms, leurs attributs, leurs rôles respectifs, toutes les divinités de la mythologie d’alors. Aujourd’hui que ce système a triomphé et que par son triomphe il nous a poussés plus avant dans la voie sans limites du progrès, c’est un autre catéchisme qu’il faut étudier. A quoi auraient servi quinze ans de lutte contre les Bourbons de la branche aînée, si, cette branche coupée, nous devions rester aussi malheureux qu’avant sa récision ; si les richesses de notre sol devaient ne point prendre d’accroissement, la paix jeter des racines moins profondes, le commerce languir comme il fait depuis deux ans ? Que nos hommes d’état soient donc bien convaincus de la nécessité absolue de faire intervenir dans les questions dites politiques, les questions connues jusqu’ici sous le titre de questions économiques ; en d’autres termes, qu’ils s’occupent de chercher les moyens de vêtir, de nourrir, de loger, d’instruire, de retraiter1 les prolétaires, de tarir les émeutes et de rendre au commerce l’activité, aux riches la sécurité qu’ils ont perdue,

Or, il faut le dire, les notions les plus simples d’économie politique, tellement simples qu’il ne faut pas un quart d’heure de réflexion pour les comprendre, sont très loin d’être aujourd’hui, je ne dis pas comprises, mais connues. Parmi nos députés ; vous en trouverez bon nombre qui à la veille de l’ouverture des chambres ne se sont pas même donné la peine de savoir nettement ce que c’est que la caisse d’amortissement, et cependant il y a quatre-vingt et tant de millions perdus tous les ans ! Je ne suis pas moins convaincu que cette année encore nous aurons le plaisir d’entendre exposer éloquemment à la tribune les singulières opinions des frères Dupin en économie politique ; savoir : que les riches, les oisifs, font aller le commerce ; en sorte que, tailleurs, bottiers, boulangers, bouchers, vignerons, agriculteurs de toute espèce, manufacturiers de tout produit devraient voter des remercimens à tous les riches capitalistes et propriétaires qui ont l’extrême bonté de se laisser habiller, chauffer, nourrir, loger par eux.

Tâchons donc, nous qui avons, comme journalistes, mission d’éclairer les questions, de vulgariser les principes, d’en élaborer les conséquences, d’en faciliter l’application, tâchons d’épargner quelques recherches, quoique peu pénibles, aux hommes de conscience qui veulent remplir leur mandat, et montrons que le Moniteur a parlé plus sagement qu’en beaucoup d’autres occasions, quand il a dit un jour que la rénovation de l’économie politique dans ses bases, devait renouveler toute la politique gouvernementale.

Il n’y a point pour l’homme de jouissance intellectuelle ou matérielle, c’est-à-dire de richesses, qui ne soit le fruit d’un travail humain : par conséquent, l’homme qui consomme des richesses sans travailler personnellement, consomme le produit du travail des autres. Celui-là, en nous emparant d’un terme de la langue politique du saint-simonisme, on peut l’appeler oisif sans lui faire injure, puisqu’il ne produit point. L’homme au contraire qui produit une masse considérable de richesses, [2.2]et qui n’en consomme personnellement qu’une portion infiniment petite, engraisse évidemment de ses sueurs et de ses peines ceux qui jouissent sans travail ; cet homme nous pouvons lui donner justement le nom de travailleur.

Par exemple, de deux hommes dont l’un est le fermier de l’autre, celui qui ne s’occupe de la terre que pour l’affermer à son profit, que pour percevoir les revenus que lui paie le fermier, et en donner quittance, qui du reste dépense à la ville, pour sa maison, son vêtement, ses plaisirs, ses chevaux, ses maîtresses, son spectacle, sans rien faire autre chose, la somme que par an ou par semestre lui apporte son fermier ; celui-là est un oisif ; le fermier au contraire qui s’occupe à labourer la terre, à la fumer, à recueillir ses fruits, qui a tout le labeur, toute l’inquiétude, toute la peine, qui se lève tôt l’été et se couche tard l’hiver pour travailler, qui est obligé de porter au maître la prime annuelle ou semestrielle convenue ; celui-là est le travailleur.

Cette division de travailleurs et d’oisifs est la division la plus vraie, la plus nette, la plus profonde et surtout la plus féconde qu’on puisse établir entre les hommes dans l’état présent de la société.

Elle rend compte du malaise qui tourmente sans relâche la société et qui la fait par moment bouillonner comme une chaudière en ébullition ; elle indique tout de suite la nature du remède ; elle anime et produit tout un système nouveau en politique.

Au premier aspect, on voit qu’aussi long-temps que les oisifs et les travailleurs seront en présence comme ils le sont, sans que personne s’occupe à modifier leurs vies opposées, à concilier leurs intérêts contradictoires, cette contradiction d’intérêts, donnera naissance à tous les maux ordinairement désignés par ces paroles : La guerre de ceux qui n’ont point contre ceux qui ont.

Quand on réfléchit ensuite que ce qui constitue la dépendance, nous pouvons même dire l’exploitation des travailleurs par les oisifs, ce sont principalement les conditions onéreuses auxquelles les oisifs possesseurs par naissance de terres, d’usines et de capitaux, prêtent aux travailleurs ces usines, ces terres, ces capitaux, en d’autres termes, l’élévation du taux de l’intérêt et du prix des fermages, on est heureux de trouver, que pour améliorer le sort des travailleurs, il n’est pas nécessaire de dépouiller les oisifs (ce qui serait une injustice criante), mais qu’il suffit seulement d’améliorer dans l’intérêt des travailleurs les conditions du prêt, ce qui revient à faire baisser l’intérêt de l’argent.

Or toute mesure, toute loi, toute tendance gouvernementale qui facilitera les transactions du commerce, qui multipliera les relations du négoce, favorisera la mise en activité où le développement d’une industrie, créera des travaux, augmentera la production, et distribuera mieux la consommation, aura pour résultat assuré précisément la baisse de l’intérêt de l’argent.

Tout gouvernement qui aura reconnu la nécessité de favoriser le travail, d’améliorer la position du travailleur, aura donc par ce seul fait une politique toute nouvelle et très-complète à parcourir, et sur toute question de finances, de guerre, d’administration, de relations étrangères, une solution nette, claire et favorable aux intérêts de tous.

J. B. Rouy.

Réclamations.

Nous avons reçu de M. Tiphaine une lettre dans laquelle [3.1]il se plainti de son arrestation ordonnée vexatoirement pour être intervenu en faveur d’un malheureux qui était victime de sévices de la part des fonctionnaires chargés de le conduire en prison, et exécutée brutalement par les agens de police Baboulat cadet et Vernière. Nous n’insérons pas cette lettre, attendu qu’elle a paru en entier dans la Glaneuse (Voy. n° 168, 2 avril) ; mais nous ne saurions trop nous élever contre cette manie d’arrestations préventives et cette férocité des employés de la force publique qui aggrave au détriment des citoyens un ministère utile, mais en même temps pénible et répugnant pour des hommes dignes de ce nom.

Nous avons reçu d’un chef d’atelier une lettre contre la maison Pellin et Bertrand. L’abondance des matières ne nous permet pas de l’insérer aujourd’hui ; elle le sera dans notre prochain numéro avec les réflexions que sa lecture nous a suggérées.


i M. Tiphaine était si peu coupable qu’il a été immédiatement mis en liberté après son interrogatoire ; partant, n’aurait-il pas été plus simple de décerner contre lui un mandat de comparution au lieu d’un mandat d’arrêt. L’autorité doit-elle ainsi se jouer de la liberté des citoyens.

Au Rédacteur.

Monsieur,

Dans votre dernier numéro vous demandez compte de l’état de différentes affaires renvoyées en conciliation, au nombre desquelles se trouve la mienne contre M. Viallet, et vous dites, avec autant de raison que d’énergie, qu’elles ont été, non pas conciliées, mais étouffées. Oui, M. Goujon a voulu suivre les erremens de son prédécesseur, et il a dit au sieur Viallet qu’il lui défendait de répondre à aucune de mes invitations. Ainsi, voila je pense un déni de justice bien caractérisé, je suis jugé sans jugement, puisqu’il est ordonné à ma partie adverse de ne pas répondre à mes demandes. Mais il n’en sera rien ; je me propose de faire citer de nouveau M. Viallet ; car je veux avoir un jugement quel qu’il soit. Je profite de cette occasion pour vous prier d’annoncer à vos lecteurs que je prépare un mémoire contre la conduite tenue à mon égard par M. Guérin-Philippon. Je fatiguerai de mes plaintes le ciel et la terre, car j’ai été victime d’un acte arbitraire.

J’ai l’honneur, etc.

Nesme.

AU RÉDACTEUR.

Lyon, 27 mars 1833.

Monsieur,

Votre journal étant institué pour donner publicité à tous les abus existans, ou que l’on veut introduire dans la fabrique, je livre à votre impartialité le suivant. Depuis plus de 24 ans que je suis chef d’atelier aucun chef de commerce ne m’avait fait la demande que m’a fait M. Brisson, membre du conseil des prud’hommes. J’étais sur le point d’achever une pièce peluche pour MM. Pitiot et Gariot, je fus proposer mon métier à M. Brisson, lundi, 18 du mois dernier, il me dit qu’il me donnerait de l’ouvrage, et pour connaître ma fabrication, il m’invita à lui apporter la coupe que je terminai pour MM. Pitiot et Gariot ; je lui la portai le vendredi suivant ; il me renvoya au lendemain pour un oui ou un non ; y étant retourné le samedi il me renvoya au lundi 25 ; ledit jour j’y allai, mais quel fut mon désappointement après avoir fait quatre courses chez lui, lorsqu’il me dit : Je ne peux rien vous promettre de bien sûr, mais en attendant allez chez M. Pitiot chercher un billet de recommandation ; après nous verrons. Le lendemain mardi je retournai en lui portant mon livre, je lui dis : Voila le meilleur billet de recommandation que je puisse vous donner. A cette parole il me dit : Dans quelques jours l’on passera chez vous. Moyen honnête pour me renvoyer après m’avoir fait promener pendant neuf jours ; perdre mon temps, etc. Je livre à votre sagacité le présent abus, et que les collègues de M. Brisson ne viennent pas par la suite à faire mieux que lui : car il n’y aurait rien d’extraordinaire qu’ils demandent un billet de recommandation du curé de la paroisse.

J’ai l’honneur, etc.

Vibert.

Note du rédacteur. – M. Vibert, en signalant cet abus [3.2]fait acte de bon citoyen, on doit lui en savoir gré. Nous n’avons aucune raison pour douter de la vérité de ce fait ; nous le voudrions cependant, tant il nous paraît étrange et insultant pour la classe ouvrière. Il nous répugne de croire M. Brisson coupable d’un acte aussi odieux, et contre lequel, s’il existe, nous appelons toute l’animadversion possible. Nous disons s’il existe, car, encore une fois, nous, avons peine de croire qu’un négociant, un prud’homme, ait ainsi fait abjuration de toute vergogne. Quoi, un chef d’atelier, un homme domicilié, rapporte son livre acquitté par le précédent négociant qui l’employait, et on aurait l’effronterie, c’est le mot, de lui demander un billet de recommandation.... et l’on viendrait ensuite parler de coalitions d’ouvriers !… Non, cela n’est pas possible. M. Vibert aura fait erreur. L’honneur de M. Brisson souffrirait trop d’un pareil fait, il s’empressera de le démentir.

souscription nationale en faveur

DE M. LAFFITTE.

Ouverte au bureau de l’Echo.

1re Liste.

MM. Berger, gérant, 2 fr. 50 c. – Marius Chastaing, rédacteur en chef, 2 fr. – Falconnet, prud’homme, 1 fr. – Labory, idem, 3 fr. – Martinon, idem, 1 fr. – Dumas, 50 c. – Legras, 1 fr. – Duchamp, 1 fr. – Moine, 1 fr. – Strube, 1 fr. – Souchet ; 10 c. – Laville, commis, 25 c. – V…, ouvrier chapelier, républicain, 30 c.
Total, 14 fr. 65 c.

CONCOURS 1

Ouvert sur l’adoption d’un terme générique, pour désigner la classe des ouvriers en soie d’une manière complète, simple et euphonique.

Rapport fait le 7 janvier 1833, à la commission du concours, par M. Marius Chastaing, rédacteur en chef de l’Echo de la Fabrique.

Messieurs, dans un précédent rapport fait le 16 octobre dernier à la commission de surveillance du journal, et qui vient de passer sous vos yeuxi, après avoir fait sentir l’utilité du concours qui nous occupe, j’ai dressé le tableau des concurrens et des mots proposés par eux. Le nombre des concurrens était de 25. Celui des mots proposés de 41. J’ai appelé spécialement l’attention sur les mots tisseur, soierinier, soieriniste et séritisseur. J’ai exprimé le regret que le mot polymithe fût peut-être trop recherché pour être adopté et j’ai proposé la nomination d’une commission spéciale, en même temps que l’impression de quelques lettres utiles pour initier le public aux motifs de la décision à intervenir.

Il a été fait droit à ces demandes, vous avez été nommés commissaires, et c’est à vous, Messieurs, que j’ai l’honneur de soumettre un rapport définitif ; je vous remets à l’appui les divers numéros dans lesquels sont insérés les documens qui y sont relatifsii.

Le concours était expiré le 15 octobre ; devait-on, après ce délai, refuser les retardataires ? Dans l’intérêt de la science, le gérant n’a pas cru devoir le faire, et je ne pense pas qu’on puisse lui en faire un reproche, par l’inscription à fur et mesure de réception, les droits des concurrens ont été conservés ; c’est là, il me semble, tout ce qu’ils peuvent raisonnablement prétendre. Je ne crois pas avoir besoin de développer davantage ma pensée.

[4.1]Beaucoup de concurrens nouveaux se sont présentés, en voici le tableau dressé de manière à faire suite au précédent.


DATES.   CONCURRENS.   Mots proposés .
Octo. 31 26 Marmet 42. Tissufacteur.
nov. 7 27 Berger (Louis) 43. Etoffier.
      44. Etoffiste.
nov. 8 28 Dunagell 45. Soiefèvre
      46. Soierifèvre
      47. Serifèvre
      48. Fabrissoie
      49. Fabriscricien.
nov. 12 1 Meziat 50. Séricarien.
nov. 15 29 V..... 51. Politisseur.
nov. 17 30 Anonyme 52. Tissandier.
nov. 25 31 Beaulieu 53. Orientalin.
déc. 3 32 Vernay (L. F.) 54. Tissossoieriste.
déc. 3 1 Meziat '' Sericarier. V. n° 21
      55. Tissericier.
déc. 11 16 J. h. 56. Erganiens iii
      57. Soieritiste
      58. Séritiste
      59. Tissoieriste
      60. Tisserinier
      61. Tisseriniste
      62. Tisseriste
      63. Turquetnariste iv
déc. 26 33 Anonyme 64. Tisserier.
déc. 26 20 M. Raoul 65. Soierier
      66. Soieriste.
janv. 4 34 Favier (L.) 67. Soisseur v.
janv. 4 31 Beaulieu 68. Navetier.

Depuis cette époque, 4 janvier, aucun concurrent ne s’est présenté. Pour entretenir l’émulation, le gérant a fait insérer dans le journal plusieurs avis et les lettres de quelques-uns de ceux qui ont bien voulu répondre à l’appel fait par l’Echovi. Les lettres de ces messieurs passeront sous vos yeux ; vous aurez à les apprécier, et à prendre une détermination qui est attendue avec impatience. Je vous proposerai néanmoins de convoquer auparavant les concurrens à l’effet de donner leurs dernières observations en faveur des mots qu’ils proposent. J’attendrai jusque-là pour vous soumettre les observations que je croirai utiles pour parvenir à la solution de la question délicate actuellement soulevée dans l’intérêt moral de la classe laborieuse qui a tant à faire pour arriver à son émancipation complète.

Nota. Ensuite de ce rapport, MM. les concurrens ont été convoqués pour le 14 janvier. Nous rendrons compte de cette séance et de la décision dans un prochain numéro.


i Voy. l’Echo, n° 53 et 54.
ii Voy. l’Echo, n° 54, lettre de M. Labory sur le mot canut. Idem de M. Bitry sur le mot polymithe. Id. d’un veloutier (M. Raoul), sur les mots soierinier, etc.
iii De Ergane, surnom de Minerve, déesse des arts.
iv En l’honneur de Turquet et Nariz qui ont importé à Lyon les métiers à tisser les étoffes de soie.
v Par contraction de soie et tisseur.
vi Voy. l’Echo, n° 54, note Marmet ; n° 57, notes L. Berger, Meziat, lettre Dunagell ; lettre Beaulieu ; n° 58, lettres Meziat et Beaulieu ; n° 59, note Vernay, lettres Meziat et Beaulieu ; n° 60, note J. H., lettre d’un veloutier (M. Raoul) ; n° 6l, lettre J. h. ; n° 1 (de 1833). Notes Raoul et autres.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

(présidé par m. goujon.)

Audience du avril 1833.

[4.2]D. Le prix de l’étoffe peluche peut-il augmenter à la seconde coupe ou poil, sans que le prix soit de nouveau convenu entre le négociant et le maître ? – R. Oui, s’il y a lésion.

D. Cette augmentation de prix doit-elle être regardée comme bonification ? – R. Non ; elle forme partie intégrante du prix de la façon et n’est point une bonification ni une indemnité.

Le sieur Joly, négociant, et la demoiselle Géronne réclamaient tous deux contre une première décision du conseil, laquelle déclarait que la première coupe de peluche resterait portée à 2 fr. l’aune, et la seconde à 2 fr. 75 c. Le sieur Joly prétend que la demoiselle Géronne est venue dans son magasin avec une autre demoiselle, offrir de lui fabriquer de la peluche au prix de 2 fr. l’aune, que ce n’est qu’à cette condition, et sur la recommandation du bon ami de la demoiselle Géronne, qu’il a consenti à donner de l’ouvrage. Il croit ne devoir que 2 fr. sur toute la pièce.

M. le président rappelle à l’ordre le sieur Joly qui se livre, tout en riant, à des railleries, à des propos inconvenans contre la demoiselle Géronne, qui, par suite des interruptions qu’elle occasionne en répondant au sieur Joly, est également rappelée à l’ordre. Ce scandale s’accroît lorsque sur la demande du sieur Joly, on entend la demoiselle qui accompagnait la demoiselle Géronne, lorsqu’elles furent ensemble demander de l’ouvrage ; elle déclare positivement avoir demandé, ainsi que la demoiselle Géronne, à fabriquer de la peluche à 2 fr. l’aune. Cette dernière répond que ce n’était que dans la crainte que la pièce fût mal fabriquée, que ce prix fut marqué ; mais que dans le cas où elle serait bien fabriquée, le prix serait porté à 2 fr. 75 c. Le témoin qui vient de parler (et auquel le sieur Joly continue de l’ouvrage à la condition de supporter un rabais de 50 c. par aune), le sieur Joly a eu la conscience de lui payer une coupe à 1 fr. 50 c. l’aune.

M. le président répond au sieur Joly, qui demandait que l’augmentation de la seconde pièce ne fût portée que comme bonification, que les pouvoirs du conseil ne peuvent s’étendre jusque-là ; que le conseil, lorsqu’il décide qu’un prix est dû, ce n’est point une bonification qu’il entend allouer.

« Le conseil, après une longue délibération, déclare que la conciliation, par laquelle le sieur Joly doit payer la deuxième coupe seulement à 2 fr. 75 c., et déboute la demoiselle Géronne de sa demande sur la première, prend force de jugement. Le sieur Joly condamné aux dépens. »i.


i Ce jugement paraît contradictoire avec la précédente décision du conseil, qui déclarait que le prix convenu pour la fabrication de la pièce, devait être maintenu pour toutes les coupes de la pièce, à moins que la réduction ne fût changée.

[5.1]Sur la demande de M. Putinier, le conseil des prud’hommes a nommé une commission composée de MM. Labory et Gamot, à l’effet de présenter un projet d’améliorations à la fabrique.

L’installation des nouveaux membres du conseil devait avoir lieu hier ; elle a été contremandée et renvoyée indéfiniment.

M. Pochin, avoué près la cour de Lyon, cumule avec cette profession, lucrative, comme toutes les autres agences, dont elle est l’une des branches la plus importante et privilégiée, nous ne savons pourquoi, cumule, disons-nous, la fonction de secrétaire du conseil des prud’hommes. Nous sommes fâchés que notre opinion puisse être une personnalité ; mais ce n’est pas une raison de la taire ; nous désapprouvons formellement ce cumul, ici comme ailleurs. C’est donc avec plaisir que nous avons appris que M. Pochin voulait se démettre de son emploi de secrétaire. Mais, ce que nous ne pourrions croire, si des personnes dignes de foi ne nous l’avaient assuré, au lieu d’une démission pure et simple, M. Pochin veut VENDRE sa place. Il en a demandé QUATORZE MILLE FRANCS.

Nous ne pensons pas que cette spéculation soit licite. Il y a bien assez des autres offices ministériels dont la vénalité est une si grande plaie pour l’ordre social. Nous reviendrons sur ce sujet important, mais il convenait d’appeler de suite l’attention publique.

Littérature.

L’EUROPE LITTÉRAIRE (Voy. l’Echo, n° 16 1 ).

L’Europe Littéraire poursuit avec succès sa gigantesque carrière. Déjà seize numéros ont paru avec une grande exactitude, et on ne peut en traiter aucun de médiocre. Le gérant promet de publier dans le cours du premier trimestre un compte-rendu particulier pour chaque branche de l’art dans chaque pays, en sorte que l’ensemble de ce travail composera à lui seul toute une encyclopédie littéraire.

La première partie de l’Europe Littéraire s’adresse principalement aux artistes et aux hommes que des études fortes et l’habitude de la méditation ont mis à même de suivre avec intérêt des théories d’art et la critique littéraire. La seconde partie est composée d’une nouvelle, d’un conte, d’un roman, d’un fragment de voyage ou d’un morceau littéraire intéressant ; cette seconde partie s’adresse à la masse du public qui cherche dans la lecture une recréation. Pour cette majorité de lecteurs l’Europe Littéraire sera un journal-bibliothèque ; il produira un échantillon successif du talent de tous les écrivains de la France et de l’étranger, et dispensera dès-lors de l’achat de beaucoup de livres nouveaux, car tous ces fragmens réunis formeront annuellement la valeur de 12 volumes in-8° de 500 pages, c’est-à-dire ce que peuvent lire dans une année les personnes qui font de la littérature un délassement.

L’Europe Littéraire a eu la sagesse, elle aura le courage d’exclure complètement la politique de ses colonnes. Elle a fait sa profession de foi dans son n° 5, par un article intitulé : Impulsion unitaire du journal. Dans cet article remarquable sous plus d’un rapport, le rédacteur s’exprime ainsi :

« Nous posons toujours les questions en vue d’une société nouvelle qui se forme et s’organise chaque jour de son propre mouvement, et [5.2]pour ainsi dire à notre insu, société qui se constituera nécessairement et inévitablement par l’accord de tous les élémens de la vie sociale contemporaine, par la consécration et la satisfaction des besoins nouveaux, par la réintégration des droits anciens et des traditions historiques… La France a maintenant pour mission d’arrêter l’esprit révolutionnaire qu’autrefois elle a propagé, et de l’arrêter non pas sous les auspices du génie du retardement, comme dirait Ballanche, mais en commençant les travaux destinés à constituer la société nouvelle. – C’est ainsi que nous comprenons l’état moral de notre pays ; c’est pour cela que nous considérons la France comme le centre et le type du mouvement social en Europe. »

La Gazette de France crut voir dans cet article une approbation de ses doctrines, qui était loin de l’idée des rédacteurs de l’Europe Littéraire, aussi ces derniers ont-ils, en répondant au journal légitimiste, expliqué leur pensée. Nous ne pouvons mieux faire que de citer leurs propres expressions (Voy. n° 6 de l’Europe).

« Sans doute nous pensons que le mouvement révolutionnaire est fixé en Europe, mais à condition qu’un autre mouvement commence et vienne satisfaire les exigences légitimes que l’esprit révolutionnaire représente partout où il s’est manifesté ! A nos yeux si le mouvement révolutionnaire est arrêté, ou plutôt doit s’arrêter sans espoir de retour, ce n’est certes pas à l’habileté politique des gouvernemens qu’il faut attribuer ce grand résultat. Le mouvement révolutionnaire s’arrête parce qu’il le veut ainsi de son plein gré et de sa propre force ; il se retourne sur lui-même pour obtenir par des combinaisons de justice et d’humanité, ce que la violence et la colère ne lui ont pas donné. En un mot, l’esprit révolutionnaire s’arrête au nom du progrès de tous les peuples, au nom de la réconciliation des intérêts acquis avec les intérêts à acquérir ; il s’arrête non pour se diriger vers une restauration sociale ainsi que la Gazette le proclame, mais pour commencer un travail positif et rationnel de rénovation sociale. »

La Gazette de France n’a rien répondu. Les amis du progrès social et de la démocratie doivent être rassurés sur les vues et les sentimens politiques qui animent les fondateurs de cette belle entreprise. L’Europe Littéraire, maintenue toujours sur le terrain qu’elle occupe aujourd’hui, rendra d’immenses services aux arts et aux lettres dont le progrès doit être corrélatif à celui du bien-être physique, car l’homme ne vit pas seulement de pain, et son bonheur ne serait qu’incomplet si les jouissances morales ne venaient s’ajouter à celles physiques.

Depuis le 5 de ce mois les salons de l’Europe Littéraire sont ouverts gratuitement à tous les hommes de lettres qui s’y feront présenter Nous envisagerons dans un prochain article l’Europe Littéraire sous le rapport de l’avantage qui peut résulter de cette communication nouvelle offerte aux hommes éclairés de tous les pays.

(Voyez les Annonces.)

Bibliothèque Populaire.

Suivant notre promesse (Voy. l’Echo, n° 11), nous allons donner quelques extraits du prospectus de cette importante et philantropique publication.

« Un grand malheur en France, c’est que tous les livres ont été faits pour les savans, et que ceux qui ne savent encore que lire et écrire ne peuvent pousser plus loin leurs connaissances, faute de trouver un seul volume où la science soit mise à leur portée.

Les livres sont chers, et le laborieux ouvrier, l’humble cultivateur sont obligés de se retrancher sur le plus mince des superflus pour disposer par jour de quelques centimes.

Les livres sont gros, et pour les lire il faut plus de jours qu’ils n’ont d’heures, plus d’heures qu’ils n’ont de minutes à consacrer à cette utile occupation.

Les livres sont tous écrits dans une langue pompeuse, figurée, ou scientifique, qu’ils ne comprennent pas ; et il faut convenir que ce n’est pas leur faute.

Si l’on en excepte une demi-douzaine de petits ouvrages que la philantropie moderne a fait naître dans ces dernières années, et qui, malheureusement n’ont pas encore pénétré assez avant dans les rangs des masses auxquelles ils s’adressent, les campagnes et les ateliers [6.1]n’ont jusqu’ici d’autre ressource que l’éternel Almanach de Mathieu Laensberg, les Prophéties de Nostradamus et le Petit Albert.

Cependant, combien il serait utile pour le bien-être de la classe pauvre, pour la prospérité du pays, de voir tous les hommes s’instruire et acquérir des notions raisonnées sur les objets de leurs travaux et sur ceux qui servent à leurs besoins habituels ! A cette condition seulement on peut voir la routine, les mauvaises méthodes, la maladresse et la misère disparaître à jamais du sol de la France.

Ainsi voila le mal : pas de livre qui contienne un enseignement facile, simple et court comme il est urgent, et comme il convient de le donner au peuple.

Et voici le remède : composer de ces livres populaires qu’on puisse mettre entre les mains de l’enfant, de l’ouvrier, de la mère de famille, du professeur d’école primaire, en un mot de tous ceux qui n’ont ni beaucoup d’argent, ni beaucoup de temps à dépenser.

Des hommes d’élite, presque tous membres de l’Institut ou professeurs dans les facultés et les collèges royaux de Paris, ont bien voulu y travailler. C’était une œuvre de patriotisme, un service à rendre au pays : ils ont répondu vite à notre appel.

D’autres hommes non moins généreux qu’éclairés ont assuré le succès de cette publication en la défrayant de ses dépenses premières d’impressions.

Ces livres ne seront pas gros : car chaque volume se composera de trois feuilles in-18, c’est-à-dire de 103 pages d’impression semblables à celles de ce prospectus.

Ils ne seront pas difficiles à comprendre ; car le peu d’espace a forcé les auteurs à ne donner que les élémens, l’essentiel, le plus utile, ce qui peut immédiatement être pratiqué et utilisé par les lecteurs de toutes les classes.

Ils ne seront pas chers ; car la série de vingt-quatre volumes avec les cartes et les planches qui les accompagneront toutes les fois que le sujet le demandera, ne coûtera que 6 fr., ce qui met chaque volume à 5 sous.

Tous les mois il paraîtra au moins six volumes ; nous aurons donc entièrement achevé l’impression en moins d’un an.

L’ouvrier y trouvera des notions générales sur tout ce que les gens qui ont la prétention d’être bien élevés, ont à cœur de connaître ; il y apprendra la raison de ce qu’il fait, il comprendra l’excellence ou l’infériorité d’un procédé, raisonnera et par suite exécutera mieux les mouvemens et les travaux de détails ; il pourra acquérir une foule de connaissances exactes sur un grand nombre d’objets auxquels la plupart des hommes de salon demeurent trop souvent étrangers.

La mère de famille se pénétrera d’une foule d’idées qu’elle fera passer par la conversation dans l’esprit de son fils ou de sa fille.

L’enfant doué de quelque facilité et déjà capable de lire, lira avec plaisir et ne lira rien que d’instructif. Ainsi plus de ces lectures pernicieuses aussi fatales pour l’enfant que la mauvaise société ; plus de ces lectures ennuyeuses qui dégoûtent à jamais quiconque n’est pas lié avec la vocation la plus marquée pour la science.

Rien n’empêche que plusieurs personnes ne se réunissent pour un abonnement complet, et qu’elles ne se partagent les divers volumes qui composent la collection. Des prêts mutuels suppléeraient à ce qu’on ne posséderait pas.

Les communes rurales surtout devraient consacrer à cet emploi quelques-uns de leurs centimes additionnels. Quelque faible que soit le budget de plusieurs d’entre elles, nul doute qu’elles ne puissent souscrire à une collection qui coûte par an 6 fr. Et de bonne foi, pense-t-on que de la lecture de 24 volumes pleins de choses utiles et d’indications immédiatement applicables, ne résultent pas pour la commune une amélioration matérielle de plus de 6 fr., et une amélioration morale qui est inappréciable ?

Mais si les communes ne souscrivaient pas, qu’au moins les 3 ou 4 principaux habitans se réunissent pour cet abonnement. Ils débourseront par an, pendant cinq ans, une somme de 30 sous pour cet usage. Ce sera de l’argent placé à un bien haut intérêt : ils seront les bienfaiteurs de la commune ! car sans doute ils prêteront leurs livres ! et s’ils ne les prête pas, ils pratiqueront des procédés, ils parleront de leurs lectures. Qu’ils prêchent de bouche, qu’ils prêchent d’exemple, et la Bibliothèque populaire, qu’on pourrait aussi appeler Bibliothèque des communes, aura porté ses fruits. »

Dans un prochain numéro nous entretiendrons nos lecteurs, d’un journal hebdomadaire qui mérite spécialement leur attention au milieu des nombreux journaux que chaque jour voit surgir. Il est intitulé : Le Siècle, revue critique de la littérature, des sciences et des arts. (Voir les Annonces.)

LA FERRANDINIÈRE i.

[6.2]Air de la Parisienne.

Ferrandiniers, l’heure est venue
Où l’on doit vivre en travaillant ;
A l’égoïsme qui nous tue
Opposons un vouloir puissant,
Le chaînon sacré qui nous lie
Nous offre une nouvelle vie.

Refrain :
En avant, marchons !
Avec nos patrons,
Et sur les abus tous ensemble frappons,
Sauvons notre industrie.

Au parvenu qui nous méprise
Et s’enrichit de nos travaux ;
Apprenons que notre devise
Est salaire honnête ou repos :
Du premier naîtra l’harmonie,
Du second naîtrait l’anarchie.
En avant, etc.

Ne regardons pas en arrière,
Nos yeux se rempliraient de pleurs ;
Entrons gaîment dans la carrière,
Le chemin se pare de fleurs ;
En sortant de notre agonie
Suivons cette voix qui nous crie :
En avant, etc.

Pour paralyser l’arbitraire,
Et rendre ses coups impuissans,
Loin de brandir le cimeterre,
Croisons nos bras, serrons nos rangs
Dans cette attitude hardie,
Qui nous rappelle un grand génie.
En avant, etc.

Au lieu de justes conquêtes,
Eprouvons-nous quelques revers,
Gardons-nous de courber nos têtes,
Les Français seront toujours fiers ;
C’est à genoux qu’on s’humilie,
Debout, chacun de nous s’écrie :
En avant, etc.

Si la France un jour nous appelle,
En nous elle aura des soldats,
Disciplinés et pleins de zèle,
Aguerris dans plusieurs combats.
Adieu, Lyon, ô ma patrie !
Adieu surtout, mèreii chérie !
En avant, marchons !
Et vous, nos patrons,
Lorsqu’au champ d’honneur pour tous nous combattrons,
Sauvez notre industrie.

14 février 1853.

J. M.....

Nota. Nous prévenons le public que ce chant prolétaire étant la propriété de son auteur, il ne peut être réimprimé ni vendu sans sa permission.


i Les compagnons de la fabrique ont adopté le titre de Ferrandiniers.
ii La mère des compagnons.

L’Homme Rouge. Deux jeunes poètes dont l’un, M. Berthaud, est particulièrement connu de nos lecteurs, viennent de mettre en commun leurs talens pour donner sur les bords du Rhône une suite à la Némésis sublime du poète populaire qui s’appelait Barthélemy.

Déjà dans Asmodée M. Berthaud nous a montré comment il savait employer le fouet de la satire politique. Son collaborateur, M. Veyrat, a publié dans la Glaneuse plusieurs pièces de vers dont le patriotisme n’est pas le seul mérite. Nous devons espérer beaucoup de [7.1]la réunion de ces deux jeunes hommes. Leur prospectus vient de paraître, nous regrettons de ne pouvoir en citer quelques vers aujourd’hui ; nous réparerons cette omission involontaire dans le prochain numéro. (Voyez les Annonces.)

Journal du Commerce de Lyon. M. Galois, en fondant il y a dix ans à Lyon, le Journal du Commerce, rendit un service immense à cette ville. Homme du monde plutôt qu’homme de lettres, bourgeois plutôt que citoyen ; il eut le bon esprit de connaître la sphère dans laquelle il devait maintenir son journal, et il eut le courage d’y persister. Sous sa direction le Journal du Commerce, malgré ses divers titres de politique et littéraire, ne fut ni politique, ni littéraire. Il faut bien aussi l’avouer, la rédaction ne fut pas toujours ce qu’elle aurait dû être ; surtout elle manquait d’homogénéité. C’est donc avec un vrai plaisir que nous voyons ce journal, qui gardera toujours sa spécialité, passer sous la direction de M. Alexandre Bret, ex-rédacteur au Précurseur, ancien collaborateur de la Tribune et correspondant du National. Le N° 1453 (3 avril 1833) contient la profession de foi du nouveau gérant ; elle est digne d’éloges et telle que nous n’avons qu’un vœu à former, c’est qu’il y persiste, quoique certainement il y ait quelque dissidence de principes entre M. Bret et les rédacteurs du Précurseur, de la Glaneuse et de l’Echo de la Fabrique. Nous ne pouvons donner un extrait de ce prospectus, mais nous engageons nos lecteurs à le lire attentivement, parce qu’il le mérite. Nous ne citerons que l’épigraphe que M. Bret a adoptée (pour être ancienne elle n’en est pas moins à l’ordre du jour, si nous pouvons nous exprimer ainsi) : Si vous respectez nos droits et nos franchises, nous vous obéirons, sinon non (Les députés d’Aragon à Alphonse1).

UN DISCIPLE DE CHARLES FOURRIER

a ses concitoyens.

Si les révolutions qui ont successivement traversé la vie des peuples, ont fait faire quelques pas à la liberté, elles ont aussi assez fait gémir l’humanité pour qu’il nous soit permis de penser que les formes politiques par lesquelles les hommes ont été tour à tour gouvernés, sont loin d’être les seules causes qui aient pu provoquer ces révolutions.

Maintenant, il est vrai, chaque jour qui s’écoule emporte avec lui un de ces privilèges qui, jusqu’à nos jours, courbèrent l’immense majorité des hommes, sous un joug odieux et révoltant pour l’humanité ; et c’est moins avec colère qu’avec pitié, que nous voyons d’un côté, une poignée d’hommes s’agiter convulsivement pour ressaisir leur fantôme de légitimité qui s’enfuit avec leurs parchemins en lambeaux, tandis que nous voyons de l’autre des hommes plus sots, plus ridicules encore s’affubler hâtivement de la défroque des vaincus pour décréter la noblesse de l’or…

Mais le jour de la vérité commence, et l’humanité dépouillant ses haillons d’esclaves, jette en rougissant les fers qu’elle a si long-temps traînés, pour courir au-devant d’une vie nouvelle.

Bonheur, paix et bien-être de tous ! voila son avenir.

Et c’est en vain que des hommes qui n’ont jamais su créer la richessse qu’au milieu de la misère, voudraient le nier ; il n’est plus temps ! C’est en vain qu’ils voudraient [7.2]étouffer le flambeau dont la lumière scintille prête à briller à la face du monde, en nous jetant au visage cet axiôme ridicule et barbare ; l’homme est né pour être malheureux parce qu’il l’a toujours été, et la guerre est un lot de sa fatale destinée… Insensés ! comme si l’homme n’était rien autre que le rouage d’une vaste machine destinée à s’user au profit de quelques-uns, comme s’il n’était, pour harmoniser les peuples, aucun autre moyen que le canon et l’épée ; comme si enfin les hommes n’avaient reçu de Dieu une grande et noble intelligence que pour l’employer à leur propre destruction, et comme s’il n’était point d’autre gloire, que celle de les parquer en esclaves et les pousser l’un contre l’autre, pour s’entre-égorger avec méthode et par ordre.

Non, cette vie de boue, de chocs sanglans et de misères toujours croissantes, n’est point un lot sans fin de la vie de l’humanité ! Et pour nous, qui cherchant avec une incessante avidité les moyens d’en hâter le terme, avons rencontré Charles Fourrier, nous sentons grandir nos forces et notre courage, et nous marchons d’un pas ferme dans la voie qu’il nous a frayée.

S’il est vrai pour quelques-uns, que d’éternelles souffrances soient la destinée de l’homme, la guerre une fatale nécessité, et le bonheur une chimère insaisissable, nous leur demandons s’ils n’entendent pas les craquemens de notre vieille machine sociale qui menace de nous écraser dans sa chute ? Nous leur demandons encore, quand ils trouvent que tout va bien dans ce monde s’ils y jouissent en paix du fruit de leurs richesses, et s’ils sont heureux, entourés de la multitude succombant aux fatigues du travail et aux tortures poignantes de la faim ?

Nous leur demandons enfin, si elle n’est pas plus grande, plus généreuse et plus digne de tout ce qui a nom d’homme, cette pensée de Fourrier qui va creusant au milieu de l’espèce humaine le paisible tombeau de ces effrayans progrès de la civilisation pour asseoir sur leurs débris, la paix à la place de la guerre, la richesse à la place de la misère, et le bonheur à la place de cette tourmente continuelle au milieu de laquelle s’entre-dévorent les hommes !

Que, s’ils nous répondent tel fut le passé, tel doit être l’avenir. Eh bien ! qu’ils se hâtent d’user de cette liberté de ne rien voir, rien sentir et rien comprendre ; car déjà le sol s’ébranle sous nos pas et la plaie que nous espérons, que nous voulons fermer, s’étendrait assez tôt jusqu’à eux, pour leur faire sentir toute l’importance de la mission que nous a léguée le génie créateur de Fourrier !

Nous avons hâte de la remplir ; car, jetés au milieu de tous, nous avons compris que le temps est venu de mettre un terme aux effrayans progrès de la misère du peuple ; et, bien que pour nous les riches soient moins la cause des maux qui mettent la société en péril, que l’effet de la fausse direction qui a présidé à sa marche, et qui n’a su produire que quelques privilégiés au sein de la détresse générale, il est pourtant de notre devoir de leur faire comprendre que, riches ou pauvres, nous sommes tous intéressés à sortir promptement de l’état de guerre permanent dans lequel cette fausse direction nous a entraînés, pour entrer dans la voie d’harmonie par l’association, seule et vraie destinée que Dieu ait départie aux hommes !

Il est d’autant plus urgent pour eux de joindre leurs efforts aux nôtres pour faire triompher ce bel œuvre de régénération, qu’ils ne sauraient désormais trouver le contentement de leurs besoins moraux et physiques que [8.1]dans le contentement des besoins physiques et moraux de tous ; car il n’est de garantie sûre, de libre et tranquille jouissance de leurs droits pour ceux qui possèdent, que là où il y aura garantie entière du droit des travailleurs.

Quels sont donc les droits du riche, quels sont ceux du travailleur, et quel est le vice de notre organisation civilisée ?

Telle est la triple question que nous espérons résoudre dans un prochain article.

R. cadet.

Coups de navettes.

sous presse,

Les brochures suivantes :

Je me suis moqué d’eux, historiette, par M. Eugène Second.

Des circonstances atténantes, par M......

Qui perd gagne, ou rira bien qui rira le dernier, dialogue entre MM. Ans. Pet.... et Jules F.....Jules Favre

L’art de se passionner à froid, par M. de la Tour…

Je ne suis pas girouette, moi, problème mathématiquement démontré par M. Vincent.

L’observateur à la justice de paix du 4e arrondissement, ou comme quoi… par un légiste.

Les soldats sont les prolétaires de l’armée, sermon en trois points, par un curé, rédacteur de la Tribune.

Novembre 1831, dithyrambe, par le docteur Prolétarius.

Dissertation sur le charivari politique, par le savant Prunélius, dédié à MM. Jars, etc., etc., etc., etc.

Comme c’est gentil de se battre dans une rue contre des gens qui tirent par la fenêtre, boutade par un sergent du 66e.

Amende honorable d’une ville coupable, par M. Justaumilius.

Les loisirs de la demi-aune, recueil mêlé de prose et de vers ; Rillieux, 1831.

Epître de Suzette à son ami, fourrier de génie, sur sa destitution.

De l’usure du travail ou la loi de 1807 appliquée aux négocians.

Un négociant de Lyon à son confrère de Mulhouse, élégie.

Catalogue général des maisons, etc.

L’article 291 et l’art. 415, dialogue.

L’art de peser ; l’art d’humecter la soie sans que ça paraisse, par deux commis amis de la maison.

Homélies à des ouvriers égarés, par les frères Cheg.... et d’Ang.......

De l’influence des forteresses et des garnisons sur l’industrie et le bonheur d’un peuple.

Les dix commandemens d’un honnête marchand.

La rue des Capucins, à la Croix-Rousse, héroïde.

Libéra nos Domine, chanson en 666 couplets.

L’art de se faire élire président, dédié à Sixte-Quint, par un président de conseil des prud’hommes.

Dialogue entre M. Déchetireliphage et quelques amis.

Biographie des commis avec portraits, par un lanceur.

[8.2]Lettre de Fouquier-Tinville à M. Gouj.., sur la libre défense.

Des avantages du huis-clos, épître en vers par Guérinus-Philiponus, à son successeur irascibilis Goujonus.

Lettre de M. Voron à M. Grosjean, ou à bas les journaux.

Des moyens coërcitifs qu’un fonctionnaire doit employer, par M. Voron.

Le sténographe dans l’embarras, ou qui me paiera, avec dédicace à M. Gouj…

Traité sur les duels, par M. Jouve.

(La suite à un prochain numéro.)

MM. Les actionnaires sont invités à se rendre au bureau lundi, 15 du courant, à six heures du soir, pour nommer la commission de surveillance qui doit remplacer celle dont les pouvoirs expirent le 1er mai prochain.

AVIS DIVERS.

(167). L’EUROPE LITTÉRAIRE parait les lundi, mercredi et vendredi de chaque semaine, en format grand in-folio. Le journal est imprimé sur deux colonnes, avec des caractères fondus exprès, et d’un type nouveau. Le total de ses numéros composera un volume remarquable par son luxe typographique. Il entrera dans le volume annuel la valeur de 6,000 pages de l’in-8° ordinaire. Les souscripteurs recevront, à l’expiration de chaque année, une couverture dont le dessin sera confié à l’un des meilleurs artistes de la capitale : elle contiendra intérieurement la table de tous les articles insérés dans l’année.
Toutes les personnes qui s’abonneront d’ici à un an, recevront pendant toute la durée de leur abonnement un exemplaire sur papier grand-raisin vélin satiné.
Une liste complète de tous les abonnés de l’Europe littéraire sera adressée gratuitement à l’expiration de l’année, à chacun des souscripteurs. Cette liste est destinée à être reliée avec le volume annuel qu’elle complétera.
Le prix de l’abonnement, franc de port, est pour Paris et les départemens, de 64 fr. par an, 32 fr. pour six mois, 16 fr. pour trois mois ; pour l’étranger le prix de l’abonnement est de 80 fr. On s’abonne, à Paris, dans les bureaux de l’Europe littéraire, rue de la Chaussée-d’Antin, nos 1 et 3, au coin du boulevard.
A Lyon, chez M. Marius Chastaing, rédacteur en chef de l’Echo de la Fabrique, rue du Bœuf, n° 5, au 2e.

(188) L’HOMME ROUGE, satire politique en vers, paraît tous les dimanches par livraisons de 8 pag. in-4°. Le prix de la souscription est de 8 fr. par trimestre, soit 13 livraisons ; 15 fr. pour 26 livraisons ou deux trimestres ; et 30 fr. pour l’année, 52 livraisons. Par la poste, 1 fr. de plus par trimestre. On souscrit à Lyon au bureau de la Glaneuse ; chez M. Babeuf, libraire, et dans les départemens, chez tous les directeurs des postes.

(187) A vendre, une fabrique occupant deux étages, composée de 14 métiers travaillant en diverses largeurs et divers comptes, chaque métier à régulateur, 18 mécaniques à la Jacquard ; plus, tous les accessoires concernant ladite fabrique ; l’on vendra ensemble ou séparément avec suite de bail, et facilité pour les paiemens. S’adresser audit local, hors des portes du clos Bodin, rue Celu, maison du fort St-Clair, au 2e, à la Croix-Rousse.

(186) A vendre, ensemble ou séparément, 5 métiers de peluche et un de velours uni, et une mécanique à dévider. S’adresser chez M. Gerboux, montée St-Laurent, n° 2, à la Quarantaine.

(172) Le Siècle, Revue critique de la littérature des sciences et des arts, paraissant tous les samedis par cahiers de deux feuilles d’impression (32 pages in-8°.) Prix, pour les départemens, 24 fr. pour six mois, 46 fr. par an (3 fr. de plus par trimestre pour l’étranger). On s’abonne à Paris, au bureau du journal, rue du Battoir-St-André, n° 1 ; chez Roret, libraire, rue Hautefeuille, n° 10 ; et chez tous les libraires et directeurs de la poste.

Notes (Les ouvriers tailleurs de pierre accusés de...)
1 Les soyeux à travers leur organe se déclarent ici solidaires d’un tout autre corps de métier. L’épisode est significatif et marque une étape nouvelle ; les vieux réflexes corporatifs sont de moins en moins mobilisés dans la lutte et l’idée d’association commune à tous les travailleurs se développe. Un élément renforce la thèse d’une étape cruciale : peu de temps après les tailleurs, associés, vont remercier les canuts dans les pages de L’Écho de la Fabrique pour leur avoir apporté leur soutien. Ils souligneront : « De tant de faisceaux séparés ne formons qu’un seul faisceau ; les travailleurs ne peuvent améliorer leur sort que par une association toute fraternelle » (numéro du 21 avril 1833). Mais le lien continue ici à s’éprouver, à se renforcer : la commission de surveillance de L’Écho de la Fabrique retourne, un peu plus tard encore, les remerciements aux tailleurs insistant encore sur l’idée que « les travailleurs ne peuvent améliorer leur sort que par une association toute fraternelle » (numéro du 12 mai 1833).

Notes (NÉCESSITÉ de porter remède aux souffrances...)
1 Les premières argumentations sur la prise en charge financière des personnes âgées dites invalides remontent à quelques décennies avant la révolution. Dès 1765, par exemple, Nicolas Baudeau affirmait dans les Ephémérides du citoyen l’idée d’un droit, d’une dette à leur égard : « c’est la dette commune du souverain lui-même et de tous ses sujets ». Ce n’est toutefois qu’au début de la IIIe République que l’on reconnaît une intervention légitime de l’État dans ce champ, et la loi sur l’assistance aux vieillards sera votée en 1905. Elle concerne tout Français privé de ressources et âgé de plus de 70 ans ou encore « atteint d’une infirmité ou d’une maladie reconnue incurable qui le rend incapable de subvenir par son travail aux nécessités de l’existence ». Cette assistance  consiste dans le paiement d’une allocation mensuelle. Voir ici F.-X. Merrien, Face à la pauvreté, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1994, p. 124-127.

Notes ( CONCOURS )
1 Il s’agit ici de la dernière mention de ce concours qui ne trouva donc pas d’issue. L’enjeu va se déplacer bien que les querelles de mots demeurent un enjeu central comme le signalera, quelques mois plus tard, la querelle sur l’usage du terme « fabricant ».

Notes ( CONSEIL DES PRUD’HOMMES.)

Notes ( Littérature.)
1 C’est dans le numéro 10 (année 1833) de l’Echo de la Fabrique et non pas dans le numéro 16 qu’on trouve la présentation des premiers « numéro[s] de ce magnifique journal ».

Notes (J ournal du C ommerce de L yon . M. ...)
1 Référence ici à Alphonse III et à la signature en 1287 du Privilegio de la Union sur la pression des Cortes (parlement aragonais).

 

 

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