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7 avril 1833 - Numéro 14
 
 

 



 
 
    
UN DISCIPLE DE CHARLES FOURRIER

a ses concitoyens.

Si les révolutions qui ont successivement traversé la vie des peuples, ont fait faire quelques pas à la liberté, elles ont aussi assez fait gémir l’humanité pour qu’il nous soit permis de penser que les formes politiques par lesquelles les hommes ont été tour à tour gouvernés, sont loin d’être les seules causes qui aient pu provoquer ces révolutions.

Maintenant, il est vrai, chaque jour qui s’écoule emporte avec lui un de ces privilèges qui, jusqu’à nos jours, courbèrent l’immense majorité des hommes, sous un joug odieux et révoltant pour l’humanité ; et c’est moins avec colère qu’avec pitié, que nous voyons d’un côté, une poignée d’hommes s’agiter convulsivement pour ressaisir leur fantôme de légitimité qui s’enfuit avec leurs parchemins en lambeaux, tandis que nous voyons de l’autre des hommes plus sots, plus ridicules encore s’affubler hâtivement de la défroque des vaincus pour décréter la noblesse de l’or…

Mais le jour de la vérité commence, et l’humanité dépouillant ses haillons d’esclaves, jette en rougissant les fers qu’elle a si long-temps traînés, pour courir au-devant d’une vie nouvelle.

Bonheur, paix et bien-être de tous ! voila son avenir.

Et c’est en vain que des hommes qui n’ont jamais su créer la richessse qu’au milieu de la misère, voudraient le nier ; il n’est plus temps ! C’est en vain qu’ils voudraient [7.2]étouffer le flambeau dont la lumière scintille prête à briller à la face du monde, en nous jetant au visage cet axiôme ridicule et barbare ; l’homme est né pour être malheureux parce qu’il l’a toujours été, et la guerre est un lot de sa fatale destinée… Insensés ! comme si l’homme n’était rien autre que le rouage d’une vaste machine destinée à s’user au profit de quelques-uns, comme s’il n’était, pour harmoniser les peuples, aucun autre moyen que le canon et l’épée ; comme si enfin les hommes n’avaient reçu de Dieu une grande et noble intelligence que pour l’employer à leur propre destruction, et comme s’il n’était point d’autre gloire, que celle de les parquer en esclaves et les pousser l’un contre l’autre, pour s’entre-égorger avec méthode et par ordre.

Non, cette vie de boue, de chocs sanglans et de misères toujours croissantes, n’est point un lot sans fin de la vie de l’humanité ! Et pour nous, qui cherchant avec une incessante avidité les moyens d’en hâter le terme, avons rencontré Charles Fourrier, nous sentons grandir nos forces et notre courage, et nous marchons d’un pas ferme dans la voie qu’il nous a frayée.

S’il est vrai pour quelques-uns, que d’éternelles souffrances soient la destinée de l’homme, la guerre une fatale nécessité, et le bonheur une chimère insaisissable, nous leur demandons s’ils n’entendent pas les craquemens de notre vieille machine sociale qui menace de nous écraser dans sa chute ? Nous leur demandons encore, quand ils trouvent que tout va bien dans ce monde s’ils y jouissent en paix du fruit de leurs richesses, et s’ils sont heureux, entourés de la multitude succombant aux fatigues du travail et aux tortures poignantes de la faim ?

Nous leur demandons enfin, si elle n’est pas plus grande, plus généreuse et plus digne de tout ce qui a nom d’homme, cette pensée de Fourrier qui va creusant au milieu de l’espèce humaine le paisible tombeau de ces effrayans progrès de la civilisation pour asseoir sur leurs débris, la paix à la place de la guerre, la richesse à la place de la misère, et le bonheur à la place de cette tourmente continuelle au milieu de laquelle s’entre-dévorent les hommes !

Que, s’ils nous répondent tel fut le passé, tel doit être l’avenir. Eh bien ! qu’ils se hâtent d’user de cette liberté de ne rien voir, rien sentir et rien comprendre ; car déjà le sol s’ébranle sous nos pas et la plaie que nous espérons, que nous voulons fermer, s’étendrait assez tôt jusqu’à eux, pour leur faire sentir toute l’importance de la mission que nous a léguée le génie créateur de Fourrier !

Nous avons hâte de la remplir ; car, jetés au milieu de tous, nous avons compris que le temps est venu de mettre un terme aux effrayans progrès de la misère du peuple ; et, bien que pour nous les riches soient moins la cause des maux qui mettent la société en péril, que l’effet de la fausse direction qui a présidé à sa marche, et qui n’a su produire que quelques privilégiés au sein de la détresse générale, il est pourtant de notre devoir de leur faire comprendre que, riches ou pauvres, nous sommes tous intéressés à sortir promptement de l’état de guerre permanent dans lequel cette fausse direction nous a entraînés, pour entrer dans la voie d’harmonie par l’association, seule et vraie destinée que Dieu ait départie aux hommes !

Il est d’autant plus urgent pour eux de joindre leurs efforts aux nôtres pour faire triompher ce bel œuvre de régénération, qu’ils ne sauraient désormais trouver le contentement de leurs besoins moraux et physiques que [8.1]dans le contentement des besoins physiques et moraux de tous ; car il n’est de garantie sûre, de libre et tranquille jouissance de leurs droits pour ceux qui possèdent, que là où il y aura garantie entière du droit des travailleurs.

Quels sont donc les droits du riche, quels sont ceux du travailleur, et quel est le vice de notre organisation civilisée ?

Telle est la triple question que nous espérons résoudre dans un prochain article.

R. cadet.

 

 

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