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18 décembre 1831 - Numéro 8
 
 

 



 
 
    
LE 15 DÉCEMBRE1.

Ce jour devait effacer toutes les époques malheureusement célèbres de nos 40 années de révolution ; ce jour devait être le dernier pour notre cité. Des bruits sinistres couraient dans tous les quartiers de la ville et portaient la terreur jusque dans nos paisibles campagnes. Les ouvriers, qui par leur conduite avaient mérité l'approbation même de leurs adversaires, étaient prêts, disait-on, à recommencer de nouvelles horreurs. On a cru, loin de la ville qui devait être de nouveau le théâtre de scènes sanglantes, que ces bruits circulaient dans l'ombre et sous le manteau des conspirations : pas du tout, c'était la bonne commère qui, allant au marché, apprenait à qui voulait le savoir comment et par où la lutte devait commencer, c'étaient des hommes crédules qui sans calculer toutes les conséquences de pareils bruits, les répétaient comme ils auraient parlé du Napoléon de l'Apocalypse, ou de la bataille de la plaine de St-Fonds, prédite par Nostradamus ; c'étaient des enfans qui, ayant entendu siffler quelques balles sans courber la tête, croyaient qu'on pouvait recommencer une fusillade comme une partie de barre ; c'était enfin la peur qui servait d'écho à tous ces bruits.

Les autorités civiles et militaires étaient instruites ; elles crurent devoir prendre des mesures pour prévenir tout désordre, et les autorités eurent raison. Ce n'est pas qu'elles pensassent un seul moment avoir à repousser une attaque de la part des ouvriers ; ils ont donné trop de gages de prudence, de modération et d'amour de l’ordre ; ce n'est pas que les autorités fussent effrayées des bruits propagés par les commères, les hommes crédules ou les enfans : nous ne le pensons point, et ce serait leur faire injure ; mais elles devaient veiller, car ce bruits répandus avaient une autre source, et les ouvriers en ont fait eux-mêmes justice par le mépris. Ils savent qu'il est des êtres qui, pour servir leur cause, trouvent tous les moyens légitimes ; faibles et lâches, ils se cachent dans l'ombre et cherchent toujours à diviser. N'osant combattre eux-mêmes, ils excitent, ils provoquent les haines, remuent, s'il le faut, la cendre des tombeaux, et quand, après une collision violente, les patriotes se sont égorgés entre eux, quand enfin ils voient qu'après leurs menées coupables force demeure encore au trône constitutionnel, ils semblent prendre en pitié le sort du pauvre que naguère, et sur cette rive, ils envoyaient à l’échafaud… Voilà ceux que les autorités civiles et militaires avaient à surveiller, et les ouvriers leur savent gré de leur prévoyance ; car un mauvais citoyen, un scélérat enfin pouvait compromettre leur cause et la sûreté de notre ville.

Notes (LE 15 DÉCEMBRE.)
1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

 

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