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26 mai 1833 - Numéro 21
 
 

 



 
 
    
 CONSEIL DES PRUD?HOMMES.

(présidé par m. goujon.)

Audience du 23 mai 1833.

D. Un chef d?atelier qui a disposé ses métiers à un négociant lequel fait lire un dessin exprès, peut-il refuser de faire travailler ces métiers en prétextant avoir souscrit avec un autre négociant un engagement pour une longue suite de travail à un prix plus élevé que celui qui lui a été payé ? ? R. Non. Le chef d?atelier ne peut refuser son travail au négociant qui s?est constitué en frais de dessins pour ses métiers, à moins de le défrayer de la même somme qu?il aurait été en droit de réclamer pour indemnité de montage, si le négociant lui eût refusé de l?ouvrage, mais le chef d?atelier peut réclamer le prix du cours.

Ajac réclame contre le refus que lui fait Françon de lui continuer ses métiers, pour la fabrication des schals 6/4 au quart, et pour lesquels il a fait lire un dessin exprès. Il dit ne connaître aucun motif à cet ouvrier pour le quitter, et s?engage à lui payer le prix de la façon que le conseil décidera. Ajac développe plusieurs considérations qui doivent déterminer à condamner le fabricant refusant de travailler suivant la jurisprudence du conseil, qui assujétit le négociant à défrayer le maître, lorsque ses métiers n?ont pas fait une façon suffisante pour couvrir ses frais de montage ; il doit en être de même, dit-il, et l?on doit forcer l?ouvrier à continuer l?ouvrage pour le négociant qui a fait des dépenses de création, de dessin, de lisage, laçage, etc., ou le condamner à lui payer un défraiement, ce serait de toute justice, et d?une réciprocité qui lierait ainsi le négociant et le chef d?atelier.

Françon explique les causes qui l?ont contraint de travailler pour Ajac, et d?accepter ses avanies ; il dit que maintenant, trouvant sûreté pour une longue suite d?ouvrage à un prix plus élevé que ceux que lui paye Ajac, il a passé un compromis, ne se croyant point forcé de continuer à faire travailler ses métiers pour Ajac, attendu le défaut de convention entr?eux. Il déclare que le prix qui lui est offert est de 85 cent. le mille. Ajac répond qu?il ne conteste point le prix, et qu?il s?en rapporte à ce qu?il plaira au conseil de décider.

« Attendu qu?il est prouvé que le sieur Ajac n?a donné au sieur Françon aucun sujet de lui ôter ses métiers, pour lesquels il a fait des frais, comptant sur leur maintien ; attendu que l?ouvrage fait sur les deux métiers est loin de pouvoir acquitter ces frais ; le conseil décide que Françon continuera de faire travailler ses métiers pour Ajac. Les parties sont renvoyées pardevant MM. Reverchon et Perret pour fixer le prix de la façon, ainsi que le défraiement à payer par le chef d?atelier au négociant, en prenant pour règle la somme estimée être due au chef d?atelier dans le cas où le négociant lui aurait refusé de l?ouvrage. »

Dans cette conciliation, le maître a consenti à continuer à travailler pour le sieur Ajac, moyennant le prix de 80 centimes le mille pour ses schals 6/4 au quart.

[5.1]D. Le conseil a-t-il le droit de résilier, sans indemnité, l?engagement d?un apprenti que son maître a chassé de chez lui sans sujet ? R. Oui.

D. Le conseil est-il le tuteur naturel des apprentis orphelins, et peut-il excipant de cette qualité, commettre à un de ses membres le soin de les placer dans un autre atelier pour finir leur apprentissage ? ? R. Oui.

Bertrand chef d?atelier a mis à la porte la demoiselle Lachanal, son apprentie, jeune fille orpheline. Les débats ont établi que c?était sans aucun motif.

Le conseil ordonne que l?engagement entre Bertrand et la demoiselle Lachanal est et demeure résilié, sans indemnité, et attendu que ladite demoiselle Lachanal, mineure, est orpheline, déclare qu?elle est mise sous la tutelle du conseil et qu?un de MM. les prud?hommes sera chargé de prendre les renseignemens sur la maison où elle pourra être placée pour continuer son apprentissage. Bertrand condamné aux dépens.

Ce jugement est très sage et fait honneur au conseil des prud?hommes.

La demoiselle Vadebois a été condamnée à rentrer dans l?atelier de madame Sornet-Viau, maîtresse enjoliveuse et mise sous la surveillance de deux membres du conseil.

Fixation des audiences.

A dater du 3 juin prochain, les audiences auront lieu à quatre heures du soir, les lundi, jeudi et vendredi.

Note du Rédacteur. ? Ce changement paraît insignifiant ; il l?est moins qu?on ne pourrait croire. En fixant à quatre heures les audiences, on évite l?affluence des ouvriers occupés à cette heure-là ; autant de pris sur la publicité qui est le cauchemar de certains? en même temps on facilite les négocians au préjudice des chefs d?atelier qui sont obligés de perdre deux heures de travail.

Le changement d?audience du samedi au vendredi n?a point de motif, sinon que le samedi étant la veille du dimanche, beaucoup de négocians étaient empêchés d?aller à la campagne le samedi soir pour se rendre au conseil lorsqu?ils y étaient appelés.

 

 

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