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18 décembre 1831 - Numéro 8
 

 




 
 
     

[1.1]Une souscription est ouverte au bureau de l’Echo de la Fabrique en faveur des blessés, des veuves et des orphelins des trois journées de novembre. Nous en appelons à toutes les ames généreuses, à ces cœurs philantropes qui ont secouru l'infortune jusques sur des rives étrangères et dont l'humanité ne manquera pas de venir au secours de leurs concitoyens malheureux.

LYON1.

Lyon est calme, et l'on peut dire que c'est le calme de la paix. Mais, nous l'avouons avec peine, la réconciliation s'opère lentement ; nous l'avons demandée cette réconciliation dans l'intérêt de tous, car l'existence manufacturière de notre cité ne tient qu'à elle, et elle seule peut lui rendre toute sa splendeur. Nous concevons qu'après de si terribles commotions, où tant d'amours-propres ont été blessés, où, par une fatalité déplorable, tant de familles ont à verser des pleurs sur la tombe d'un de leurs membres ; nous concevons que cette réconciliation ne soit pas prompte et unanime, notre voix ne cessera de la réclamer, et nous croyons qu'on écoutera cette voix désintéressée qui ne s'adresse qu'à des Français, qu'à de vrais patriotes, qu'à des amis de nos institutions, de la gloire et de la grandeur de la France. Et pourquoi chercherait-on à rompre le faisceau qui fait la force de notre pays ? Pourquoi chercherait-on à se diviser par des motifs d'intérêt, quand nos ennemis communs nous surveillent, nous épient pour profiter de ces divisions ? L'amour-propre [1.2]a été blessé ? Eh bien ! que les cœurs généreux dont notre ville abonde repoussent toute idée de ressentiment ; que les familles qui sont en deuil pensent que ceux dont elles déplorent la perte, riches ou pauvres, sont dans le paradis des braves... Que là, dépouillées de leur enveloppe terrestre, leurs ames, à l'abri de nos préjugés et de l'intérêt qui nous divise ici-bas, n'ont qu'un sentiment commun, celui de la gloire, de la grandeur et de la prospérité de leur mère-patrie. Nous dirons à ceux qui, par leur position sociale, pourraient faire cesser l'état de souffrance qui, depuis long-temps, accable la classe ouvrière : « Vous avez été philantropes ; vous avez été généreux quand de grandes infortunes ont demandé votre assistance ; vos cœurs se sont émus à la voix des martyrs des bords de la Vistule ; vous avez tendu une main bienfaisante aux patriotes italiens ; eh bien ! ce n'est point une souscription, une aumône qu'on vous demande !... des hommes ont besoin de vous ? vous avez besoin d'eux ! rentrez en vous-mêmes ; que vos entrailles qui se sont émues pour des étrangers, dignes à la vérité d'un meilleur sort ; que ces entrailles s'émeuvent pour vos concitoyens, et donnez enfin à vos ouvriers le moyen de vivre en travaillant...

Nous dirons à ceux de qui nous serons toujours les organes fidèles ! Ouvriers, qui avez donné tant de preuves d'amour pour votre pays ; qui vous êtes placés par votre probité, dans des jours de crise, au-dessus de tout éloge, songez que l'Europe entière a les yeux sur vous, et que la France vous imputerait ses malheurs si vous vous écartiez un moment de la route tracée à tout bon citoyen. Défiez-vous des conseils qui, sous un dehors [2.1]d'humanité, ne sont que des pièges que vous tendent les malveillans, pour vous entraîner, vous, dans des malheurs incalculables, et la patrie dans des dissensions et la guerre civile. Défiez-vous de ces malveillans qui voudraient exploiter votre misère au profit d'une cause qui n'est pas la vôtre, et qui est perdue à jamais. N’ayez point de haine pour ceux qui ont été un moment vos adversaires, ne les regardez point comme vos ennemis ; vos ennemis sont ceux qui propagent les bruits sinistres, ceux enfin qui, voyant leur espoir déçu, voudrait se venger en perdant à la fois, par une collision violente, par de nouveaux malheurs, l'ouvrier, le maître et le négociant. Votre raison fera justice de tous les bruits absurdes d'hostilités à recommencer, de mandats d'amener et de châtiment. D'hostilités à recommencer ?… et contre qui, grand Dieu ! quel est le citoyen qui voudrait revoir les scènes terribles qui ont désolé, pendant trois jours, notre cité ! quel est l'homme dont l'ame ne se brise point au souvenir de tant d'horreurs ! Ah ! si nous étions assez malheureux pour qu'il y eût parmi nous un être animé de cette pensée criminelle ; dans quelle classe qu'il fût, nous n'hésiterions point à le marquer des stygmates de l'infamie… De mandats d'amener, de châtiment ?... et encore contre qui ?... Quel est le magistrat qui oserait déchirer le voile jeté par un jeune Prince sur ces fatales journées ? quel est celui qui oserait dire : Voilà les vrais coupables. La magistrature est au-dessus de toute influence ; et les ouvriers peuvent se livrer avec une entière sécurité à leur industrie.

Que les ouvriers se confient dans la sagesse des magistrats. Ils n'ont point méconnu l'autorité dans les jours de désastre ; l'autorité doit être pour eux toute paternelle : que les ouvriers se confient enfin à ceux qui se sont voués à la défense de leurs intérêts. Qu'ils nous regardent, nous, comme dévoués à leur cause ; comme des frères, qui n'ont pris la plume que pour la consacrer à une classe malheureuse, mais noble par sa conduite et par sa vertu. Que les commerçans qui nous voient avec défiance, qui ont même dit que notre feuille provoquait à la haine, apprennent mieux à nous connaître ; qu'ils nous lisent attentivement, et ils verront que si nous nous sommes voués généreusement à une classe pauvre, sans organe et sans défense jusqu'à ce jour, nous appelons de tous nos vœux une réconciliation franche et un entier oubli du passé ; que, patriotes, nous réclamons la paix dans l'intérêt général, et que nous ne serons jamais injustes envers le négociant qui, écoutant le cri de sa conscience, sera humain et généreux envers ses ouvriers ; qui, abjurant enfin la fierté que lui donne la fortune, viendra nous communiquer les moyens d'amélioration pour l'industrie lyonnaise. Alors notre tâche sera facile à remplir, car notre mission n'est point de désunir, mais de concilier.

Que notre langage de paix et de concorde ne soit point taxé de faiblesse. C'est l’expression franche de notre pensée, c'est parce que nous sommes incapables de haine, que nous croyons que la grandeur et la prospérité de notre ville dépendent de l'harmonie qui doit exister entre les ouvriers, les maîtres et les négocians. Et d'ailleurs quelles pouvaient être nos craintes ? Hommes dévoués à la patrie et au monarque qui a dit que la charte sera désormais une vérité2, nous n'avons point à redouter les réactions de 1815 et les cours prévôtales de 1817. Nous écrirons toute notre pensée, nous dirons toujours la vérité. Heureux si, pour prix de notre persévérance, nous parvenons à ramener les esprits et à concourir au retour de l’activité industrielle, source unique de bonheur pour [2.2]toutes les classes, de prospérité pour notre ville et par conséquent pour la France entière.

On parle beaucoup d'émigration d'ouvriers, d'ateliers à vendre pour la même cause1. Ces émigrations auraient, dit-on, pour but d'aller chercher chez l'étranger un bien-être que les ouvriers craignent de ne plus retrouver chez nous. D'abord, nous en appellerons au patriotisme des chefs d'ateliers et des ouvriers de Lyon. Porter l'industrie de son pays chez l'étranger est un crime de lèse-nation. L'émigration est parfois pardonnable, et même elle honore, lorsque la terre étrangère devient pour l'émigré une terre d'exil : c'est ainsi qu'en 1815 des Français errant sur des rives lointaines, provoquaient par leurs infortunes les bienfaits de l'hospitalité. C'est ainsi qu'en 1817 l'émigration était pardonnable quand le fatal tombereau roulait dans nos campagnes. Mais aujourd'hui pour une cause industrielle, pour une cause d'intérêt, abandonner son pays, sa famille et ses amis, cette conduite ne pourrait appartenir qu'à un égoïste, qui justifierait la cupidité de quelques hommes qui l'ont amené à commettre un acte de mauvais citoyen.

Nous avons trop bonne opinion de nos concitoyens pour croire que ces bruits sont vrais ; et d'ailleurs qu'iraient-ils faire chez l'étranger ? chercher la fortune ? Le temps des illusions est passé, et tout le monde sait qu'il n'existe plus d’Eldorado... Nous avons vu en Allemagne, en Angleterre, en Espagne et en Suisse même des Français qui avaient eu le malheur de croire que la fortune était partout, hormis dans leur pays. Heureusement le nombre n'en est pas grand, car le Français aime à vivre et à mourir sur la terre qui l'a vu naître. Eh bien ! ces Français dénués des choses les plus nécessaires à la vie, languissent loin du sol natal, tournant leurs regards vers cette patrie que la misère les empêche de revoir. Ce n’est pas tout encore : en butte à la jalousie des ouvriers originaires et surveillés par la police tracassière de certains états, ils sont comme des condamnés à des peines perpétuelles qui ne voient point de termes à leurs maux et qui, poursuivis par les remords, croient entendre la voix de leurs compatriotes qui leur crie : Vous avez le sort que vous méritez ; vous avez vendu l'industrie nationale, eh bien ! vous mourrez loin de votre patrie, et vous mourrez dans la plus affreuse misère…

Que ce tableau que nous faisons des ouvriers émigrés fasse ouvrir les yeux à ceux qui auraient la pensée criminelle de porter notre industrie chez l'étranger. Nous avons chez nous tous les élémens de prospérité, il ne s'agit que de s'entendre ; et nous croyons pouvoir prédire que dans peu les haines seront éteintes, le passé oublié et que notre ville reprendra par son commerce toute sa splendeur.

Il est encore un but qu'on peut atteindre pour prévenir l'émigration de la classe ouvrière et la prémunir contre l'adversité : une société de bienfaisance peut s'établir, dont la caisse pourrait assurer à l'ouvrier dans des temps de disette et de cessation de travail des moyens d'existence, et le préserver par là de toute insinuation perfide et de toute influence étrangère. Les ouvriers de Lyon doivent donc s'empresser de se former légalement en société et de déposer leur faible tribut à cette caisse de bienfaisance, où plus tard ils trouveront un auxiliaire contre l'infortune. Que l'autorité seconde de toute son influence cette entreprise patriotique2 ; que le riche y vienne déposer son offrande, qu'il s'associe à cette œuvre par humanité et par amour pour la paix et la prospérité de la France ; que les classes aisées pensent [3.1]enfin qu'il est du devoir de tous de faire cesser l’état de souffrance qui accable depuis si long-temps les ouvriers de la seconde ville du royaume.

LE 15 DÉCEMBRE1.

Ce jour devait effacer toutes les époques malheureusement célèbres de nos 40 années de révolution ; ce jour devait être le dernier pour notre cité. Des bruits sinistres couraient dans tous les quartiers de la ville et portaient la terreur jusque dans nos paisibles campagnes. Les ouvriers, qui par leur conduite avaient mérité l'approbation même de leurs adversaires, étaient prêts, disait-on, à recommencer de nouvelles horreurs. On a cru, loin de la ville qui devait être de nouveau le théâtre de scènes sanglantes, que ces bruits circulaient dans l'ombre et sous le manteau des conspirations : pas du tout, c'était la bonne commère qui, allant au marché, apprenait à qui voulait le savoir comment et par où la lutte devait commencer, c'étaient des hommes crédules qui sans calculer toutes les conséquences de pareils bruits, les répétaient comme ils auraient parlé du Napoléon de l'Apocalypse, ou de la bataille de la plaine de St-Fonds, prédite par Nostradamus ; c'étaient des enfans qui, ayant entendu siffler quelques balles sans courber la tête, croyaient qu'on pouvait recommencer une fusillade comme une partie de barre ; c'était enfin la peur qui servait d'écho à tous ces bruits.

Les autorités civiles et militaires étaient instruites ; elles crurent devoir prendre des mesures pour prévenir tout désordre, et les autorités eurent raison. Ce n'est pas qu'elles pensassent un seul moment avoir à repousser une attaque de la part des ouvriers ; ils ont donné trop de gages de prudence, de modération et d'amour de l’ordre ; ce n'est pas que les autorités fussent effrayées des bruits propagés par les commères, les hommes crédules ou les enfans : nous ne le pensons point, et ce serait leur faire injure ; mais elles devaient veiller, car ce bruits répandus avaient une autre source, et les ouvriers en ont fait eux-mêmes justice par le mépris. Ils savent qu'il est des êtres qui, pour servir leur cause, trouvent tous les moyens légitimes ; faibles et lâches, ils se cachent dans l'ombre et cherchent toujours à diviser. N'osant combattre eux-mêmes, ils excitent, ils provoquent les haines, remuent, s'il le faut, la cendre des tombeaux, et quand, après une collision violente, les patriotes se sont égorgés entre eux, quand enfin ils voient qu'après leurs menées coupables force demeure encore au trône constitutionnel, ils semblent prendre en pitié le sort du pauvre que naguère, et sur cette rive, ils envoyaient à l’échafaud… Voilà ceux que les autorités civiles et militaires avaient à surveiller, et les ouvriers leur savent gré de leur prévoyance ; car un mauvais citoyen, un scélérat enfin pouvait compromettre leur cause et la sûreté de notre ville.

Dans une circulaire de M. le ministre du commerce aux préfets, relative aux deux millions accordés par la loi du 6 novembre, pour secours au commerce et à l'industrie, nous remarquons que M. d'Argout 1« leur annonce qu'il s'est formé à Lyon, sous le nom de caisse de prévoyance, un établissement nouveau qui prêtera aux chefs d'ateliers, sous la garantie de leurs livrets, et par conséquent avec la réserve d'être remboursé par une retenue sur leur travail futur.

Ce secours, dit-il, est particulièrement destiné à détourner l'ouvrier qui, dans les manufactures, travaille [3.2]à domicile, et communément se trouve propriétaire d'un ou plusieurs métiers, de vendre ou mettre en gage son mobilier industriel dans les temps où l'ouvrage lui manque. Si une pareille institution pouvait utilement s'appliquer à votre département, ou si on trouvait à en proposer quelqu’autre semblable, comme s'exprime la loi, je serai très-disposé à y concourir, en accordant pour cela une somme sur le crédit de deux millions, toujours en simple prêt. »
(Journal du Commerce.)

M. Du Molart avait fait part à la commission des ouvriers de la demande faite par lui au ministère, d'une somme de 4 à. 500 mille fr. pour former à Lyon une banque de prêt, mais nous ignorions qu'elle fût établie ; car aucun chef d'atelier, que nous sachions, n'a reçu la moindre somme à titre de prêt de cette banque.

La circulaire suivante a été adressée aux maires du département du Rhône :

Le Préfet de l'Isère, Préfet provisoire du Rhône,

Aux Maires de ce département.

Monsieur le Maire, après le malheur d'avoir été le théâtre de si tristes événemens, il ne pouvait pas en arriver de plus grand à Lyon et au département, que cet esprit d'inquiétude qui ne peut être entretenu que par un mauvais génie. De nouveaux troubles sont annoncés pour un jour fixé d'avance ; alors le propriétaire suspend ses achats ; le négociant arrête le cours de ses affaires ; l'ouvrier, inquiet, au lieu de travailler cherche des nouvelles, fréquente les cafés où il peut en trouver ; toute industrie, tout mouvement social s'arrête, et les honnêtes gens tremblent, tandis que les hommes de désordre se réjouissent, menacent, et se tiennent prêts à en profiter.

Ces symptômes sont graves, mais ils sont peut-être inévitables après une crise si violente.

Toutes les classes de citoyens ont intérêt à voir finir ces déplorables incertitudes. Elles doivent être convaincues de l'impuissance des partis politiques pour agiter la ville de Lyon ; d'autres questions occupent sa population, et la plupart de ces questions sont résolues de manière à garantir tous les droits. Si quelques parties des institutions qui règlent les rapports de l'industrie exigent de nouveaux perfectionnemens, manifestés par de nouveaux besoins, le gouvernement en sera averti et s'empressera d'y pourvoir ; l'administration sera l'organe impartial de toutes les réclamations fondées, et elle justifiera toujours la confiance qu'elle cherche à inspirer aux citoyens. C'est donc sur la certitude d'une protection égale pour tous les intérêts, que le gouvernement veut asseoir le retour à toutes les idées d'ordre et d'union dans la ville.

Que les partis cherchent à alarmer les opinions inoffensives, on le conçoit ; qu'ils cherchent à attirer dans leurs rangs, par la crainte des persécutions, des hommes qui ne demandent que le repos, c'est une vieille tactique qu'ils ont toujours employée ; qu'ils représentent une police dont tous les bons citoyens doivent désirer et bénir l'action, comme prête à créer des coupables et à ourdir des conspirations, c'est le langage que tiennent tous ceux qui redoutent sa surveillance.

Mon caractère connu dans deux département voisins, devrait me mettre à l'abri du soupçon le plus éloigné de vouloir me prêter à de telles manœuvres, et je ne souillerai pas mon passage parmi vous par la tache de m'y être montré en agent provocateur !… Mais c'est encore un besoin des partis : chercher à flétrir ceux qui s'opposent à leurs trames, c'est une marche qui leur est habituelle, et dont tant d'expériences ont assez appris la valeur pour qu'elle ne fasse désormais aucune impression.

La force militaire qui nous entoure, bien loin d'alarmer les bons citoyens, devient un gage assuré de repos. Les habitans se sont empressés d'obéir aux mesures prises par le gouvernement en déposant leurs armes ; les combats ne peuvent plus se renouveler ; mais il faut rassurer les esprits timides, il faut convaincre les esprits inquiets de la folie de nouvelles tentatives. Il faut qu'elles avortent devant une inflexible nécessité de repos. Voilà le seul but d'une garnison nombreuse, c'est sous sa protection que le travail devra renaître, donné avec confiance par les fabricans, accepté avec le même sentiment par les ouvriers.

Une grande œuvre reste encore à accomplir, mais le retour de la confiance la rendra  plus facile : secourir l'infortune, faciliter les moyens de travail à la classe ouvrière, adoucir pour elle les rigueurs [4.1]de sa position, voilà la tâche la plus douce qui nous est réservée. Puissent ceux qui seront appelés à vous administrer en comprendre toute l’importance, et n’en pas craindre les difficultés.

Vous repousserez donc avec force, M. le Maire, toute idée de renouvellement de troubles dans la ville de Lyon. Vous en montrerez l’impossibilité à vos administrés, afin que cette assurance fasse cesser cette agitation funeste, dont le plus cruel résultat serait de compromettre la subsistance des classes pauvres, en effrayant tous les intérêts.

Recevez, Monsieur le Maire, l’assurance de ma considération distinguée.

Le Préfet de l’Isère, Préfet provisoire du Rhône,

Gasparin.

La proclamation suivante a été affichée dans la journée du 12 :

MAIRIE DE LA VILLE DE LYON

Enrôlemens volontaires.

Nous, maire de la ville de Lyon,

Donnons avis

Qu’ensuite des instructions de M. le ministre de la guerre, nous sommes autorisés à recevoir des enrôlemens volontaires pour servir dans l’armée, soit même pour passer dans de nouveaux corps qui sont en formation en Afrique.

En conséquence, les enrôlemens volontaires seront reçus, à partir de ce jour, à la mairie de cette ville, depuis 9 heures du matin jusqu'à 4 heures du soir.

Fait à l’Hôtel-de-Ville de Lyon, le 12 décembre 1831.

Le Maire de Lyon, Prunelle.

AU RÉDACTEUR.

Lyon, le 15 décembre 1831.

Monsieur,

Je lis, dans votre dernier numéro, pag. 6, la phrase suivante : Ce qui prouve que la majorité des fabricans n'était pas en faveur de l'ouvrier, c'est que le tarif est aujourd'hui rejeté, et que..., etc.

Ces lignes sont une accusation très-explicite contre les fabricans, que dans d'autres articles de votre journal on a représentés comme auteurs des maux passés et présens des ouvriers, par leur refus du tarif. Ayant produit cette accusation, j’en appelle, monsieur, à vos sentimens d'honneur et de loyauté pour accueillir une réponse (1).

C'est parce que j'ai vu parmi les partisans du tarif un très-grand nombre de fabricans et de chefs d'atelier recommandables, que je me suis défié long-temps de ma manière de voir à ce sujet, qui était en opposition avec la leur. Mais depuis que la discussion s’est portée dans tous les journaux de la capitale et jusques dans la chambre des députés, où de hautes capacités industrielles ont blâmé et rejeté cette mesure, je crois ne m'être point fourvoyé dans mon jugement et j’ose émettre mon opinion avec confiance (2).

Le plus grand nombre des fabricans a été opposé au tarif de bonne foi et avec la conviction intime qu'il serait nuisible à notre industrie, et que, fabricans et ouvriers, nous aurions bientôt à en déplorer les conséquences. Il n'y a eu unanimité pour son établissement, ni à la chambre de commerce, ni au conseil des prud'hommes ; et lorsque l'on a convoqué les fabricans pour nommer leurs délégués, il n'y en a pas eu le tiers qui ait voté. Vous en concluez que la majorité n'était pas en faveur de l'ouvrier, moi j'en conclus le contraire et je vais essayer de justifier ma conclusion (3).

La première conséquence du tarif était de faire mettre à bas de suite tous les articles sur lesquels portait une augmentation trop forte. Plus tard, c'est-à-dire dans trois ou quatre mois, on aurait peut-être pu en remonter [4.2]quelques-uns avec l'augmentation ; mais d'abord le fabricant devait écouler ce qu'il avait de fabriqué avant de pouvoir obtenir une augmentation de prix de l'acheteur. Cela est si vrai que des commissions proposées pendant qu'on discutait le tarif, furent retirées dès qu'il parut et envoyées en Suisse. Je m'engage à prouver ce fait. Avoir voulu attribuer cette mise à bas des métiers à la malveillance, est une erreur bien grande ; car le fabricant a besoin de travailler comme l'ouvrier, et il n'aurait pas cessé un article qu'il aurait pu espérer vendre avec un bénéfice, quelque minime qu'il fût.

Une seconde conséquence était d'éloigner rapidement notre industrie de la ville de Lyon ; car, à moins de rendre le tarif exécutoire par toute la France, la concurrence nous aurait obligés à rechercher une main-d'œuvre plus basse, partout où l'on travaille la soierie ; c'est-à-dire dans un rayon de 20 à 25 lieues autour de Lyon, à Nîmes, en Picardie, etc. Mais en l'admettant même comme loi de l'état, les ouvriers des campagnes qui vivent à bien meilleur marché que ceux des villes, auraient facilement souscrit des arrangemens qui l'auraient éludé puisque (4)

Les conventions de bonne foi, entre les ouvriers et ceux qui les emploient, seront exécutées. (Art. 14, titre 3, loi du 22 germinal an 11).

Troisièmement, le tarif ne mettant plus de différence entre le fabricant qui emploie de belles matières, des pièces bien ourdies, etc., et celui qui en emploie de défectueuses et de meilleur marché, la concurrence se serait portée sur l'emploi des mauvaises soies ; on les aurait recherchées, et le fileur et le moulinier auraient de suite renoncé aux améliorations qu'ils poursuivent sans cesse et qui sont si précieuses pour notre industrie.

Quant aux tarifs qui ont existé en 1807, 1811 et 1817, ils sont toujours tombés de suite en désuétude, ce qui prouve qu'ils étaient impraticables. Pour moi, entré en fabrique en 1816, je n'en avais jamais entendu parler.

Telles sont, monsieur, les considérations qui ont décidé la grande majorité des fabricans à refuser le tarif dans le bien même des ouvriers de Lyon. Cependant, ces opposans mêmes, ou grand nombre du moins, dans l'appréhension de malheurs qui ne se sont que trop réalisés, ont porté les prix des articles qu'ils pouvaient continuer, au tarif ; ou au moins les ont augmentés convenablement pour établir avec leurs ouvriers une convention de la nature de celles dont parle l'article de la loi relaté ci-dessus. Je ne connais pas un seul fabricant qui n'ait ainsi augmenté ses prix de main-d'œuvres, et je n'en connais pas un non plus qui ait pu d'après cela augmenter d'un sou son étoffe, ses fichus ou ses schalles.

J'ai l'honneur d'être, monsieur, votre dévoué serviteur.

Gamot, fabricant (5).

P. S. Pour améliorer le sort de la classe ouvrière il faut donc, à mon avis, trouver les moyens de diminuer ses locations et ses différentes charges, ainsi que les impôts directs ou indirects qui pèsent sur elle. On s'occupe sans relâche de leur recherche, et je vous en promets quelques-uns, monsieur, pour un numéro suivant. (6)

NOTE DU RÉDACTEUR.

(1) Nous faisons observer à nos lecteurs que M. Gamot est la même personne dont nous avons parlé dans notre dernier numéro, et qui s'est signée par les initiales C. M. Dans ses deux lettres, il nous accuse de provoquer à la haine contre les négocians. Nous avouons, d'après cela, que nous ne savons plus comment il faut s'exprimer pour porter des paroles de paix et de concorde. Nous prions M. Gamot de nous dire s'il faut parler à genoux ou le front dans la poussière.

[5.1](2) M. Gamot, d'abord convaincu, comme négociant, de la nécessité d'un tarif qui devait lui être très-avantageux, puisqu'il payait 3 fr. les articles tarifés à 2 fr. 25 c. (propos qu'il a tenus dans notre bureau), frappé d'une illumination soudaine par les discussions de la chambre des députés, où de hautes capacités industrielles ont blâmé cette mesure, la rejette à son tour comme nuisible à l'industrie, sans même songer que cette mesure lui était très-avantageuse. Voilà certes de la générosité.

(3) Vouloir prouver que le refus du tarif par la majorité des négocians était une pensée unanime de bien pour les ouvriers, cela peut entrer dans le cœur de M. Gamot qui nous a donné des preuves de sa loyauté ; mais, comprenant toute notre mission, qui n'est que de paix et d'oubli, il nous permettra de garder ici le silence, de peur qu'en commentant ce paragraphe il nous accuse encore de provoquer à la haine.

(4) Il est impossible de reconnaître M. Gamot, en comparant sa première lettre analysée dans notre dernier numéro et celle ci-dessus. Nous croyons que M. Gamot n'est point partisan du tarif, parce que les prix spécifiés sont trop minimes, puisqu'il nous a dit lui-même que ses prix étaient au-dessus. S'il n'en est pas ainsi, il faut donc que le cœur humain éprouve des variations bien subites.

(5) Notre correspondant fait des vœux que nous croyons sincères pour l'amélioration du sort de la classe ouvrière. Sans doute on doit chercher à diminuer les différentes charges qui pèsent sur elle ; mais nous croyons qu'en fait d'amélioration, MM. les fabricans peuvent aider à cette œuvre, puisque, de l'aveu de M. Gamot, les tissus peuvent subir une augmentation.

On nous rapporte que le sieur Chaboud, chef d'atelier à la Croix-Rousse, ayant vu le sieur Gamot, lieutenant de l’ex-garde nationale, sur le point de succomber à la fureur des ouvriers qui l'avaient fait prisonnier, se précipita au milieu d'eux ; au péril de ses jours, il parvint à leur faire entendre que le sieur Gamot était un honnête négociant, sur le compte duquel personne n'avait eu à se plaindre, et le reconduisit à son domicile : c'est un fait auquel le sieur Gamot se plaît à rendre justice.

Vous me demandez, Monsieur, quelle peut être la cause du soulèvement des ouvriers de notre ville. Vous ne pouvez, me dites-vous, en croire les journaux qui attribuent les désordres des 21, 22 et 23 à la misère des ouvriers. Vous me donnez pour raison votre séjour de trois mois dans notre ville, et vous me rappelez le grand mouvement qui existait alors dans notre fabrique.

Vingt fois vous avez eu l'occasion de vous retirer entre onze heures et minuit, et à cette heure, me dites-vous, toute la population ouvrière était debout et travaillait encore : vous avez souvent admiré cette illumination des côtes, et vous en concluez que l'ouvrier qui a constamment de l'ouvrage et qui travaille depuis 5 heures du matin jusqu'à minuit, ne peut être aussi misérable que l'on veut bien le dire ; à cette occasion vous me citez les fabriques de Turin, où l'ouvrier qui commence sa journée à 7 heures du matin et finit le soir à pareille heure, gagne pourtant de quoi vivre, et vous induisez de là que si l'ouvrier gagne à Turin, 2 francs par jour en travaillant 12 heures, celui de Lyon doit en gagner 3 en travaillant 18. Votre raisonnement serait juste si les négocians l'avaient été un seul instant, et, chose presque incroyable, plus ils ont eu de demandes, plus ils ont abaissé le prix de la main-d'œuvre. Qui pourrait croire [5.2]que, pour parvenir à leurs fins, ils se sont mis détracteurs de leur propre ouvrage ; qu'ils ont préconisé les fabriques étrangères ; dit et répété tant de fois que l'Angleterre, l'Italie, la Suisse, fabriquent mieux que nous et à plus bas prix ; que Lyon était perdu, que sa seule ressource était dans l'abaissement du prix des façons : les esprits ainsi préparés, le mouvement de baisse s'est opéré, et de diminution en diminution on est arrivé au point de faire passer à deux individus mille coups de navette pour quatre sols.

Nos ouvriers, qui par bonheur ne voyagent jamais, n'ont pu vérifier si la concurrence anglaise était ou non dangereuse ; ils ont cru comme article de foi ce que leur disaient les négocians, et tout en maudissant les fabriques anglaises, ils avalaient la diminution.

L'illustre Canning en levant toute prohibition sur les étoffes de soie donna un démenti formel aux négocians de Lyon ; il leur prouva que leurs tissus étaient plus beaux et à plus bas prix que ceux de Spitafields, puisque depuis ce moment les négocians anglais viennent s'approvisionner à Lyon.

Les fabricans de Lyon ne pouvant plus citer la concurrence anglaise et craignant d'augmenter de quelques centimes, s'en sont créé une autre. Zurich était là avec ses deux milles métiers de lévantines ou de florences. Zurich a été citée ; c'était cette ville de 10,000 ames qui devait envahir toutes les affaires et ruiner notre fabrique. La main-d'œuvre, disaient nos fabricans, y est si basse que jamais nous ne pourrons soutenir sa concurrence ; que dire d'une pareille assertion, lorsque parmi trois ou quatre mille ouvriers suisses de tout état répandus dans les ateliers de notre ville, il ne se trouve pas un seul ouvrier en soie Zurichois. Certes, si la main-d'œuvre eût été à si bas prix dans ce pays, leurs amis seraient accourus à Lyon tout comme leurs compatriotes pour y gagner quelques sols de plus et y boire du vin.

Remarquons en passant que nos négocians, tout en appréhendant la concurrence de l'Angleterre, de l'Italie, de la Suisse, n'en ont pas moins anéanti la fabrique de Bologne. Lyon, depuis quelques années, possède exclusivement la fabrique des crêpes. Vingt maisons ont fait des fortunes colossales en faisant fabriquer cet article, et l'ouvrier qui le confectionne porte des sabots !...

Il est temps de vous faire connaître la ruse innocente de MM. les fabricans pour tenir constamment l'ouvrier au rabais : lorsqu'un ouvrier rend sa pièce, il en demande une autre ; le chef répond : Les affaires vont si mal que nous ne savons pas si nous devons vous en donner une autre. L'ouvrier sollicite, et le premier commis dit : J'en ai là une, mais je l'ai promise. Alors le chef semble intercéder son commis en disant : Donnez à monsieur, c'est un ancien maître, il doit avoir la préférence. L'ouvrier qui se croit le préféré, se trouve heureux et emporte la pièce destinée à un autre ; mais avant de sortir on lui dit que la pièce étant commise, il devra la livrer en tant de jours sous peine de perdre moitié de la façon.

Croirez-vous que cette ruse employée par tous les fabricans sur tous les ouvriers, ait pu avoir un succès de plusieurs années, et que c'est seulement cette automne que les ouvriers ont ouvert les yeux ? Leur raisonnement a été simple : Puisque tout ce que nous fabriquons a été commis à l'avance, puisque les commandes sont si fortes et si pressées, qu'il nous faut travailler jour et nuit, nous devons obtenir une augmentation. C'est après l'avoir réclamée auprès de leurs négocians et n'avoir eu d'autre réponse que Zurich et toujours Zurich, qu'ils se sont avisés de demander un tarif minimum. Or, ce mot tarif a fait sur les fabricans le même effet que l'eau sur l'hydrophobe. [6.1]De là, grande rumeur dans le quartier des Capucins. Nous cesserons de faire travailler, disaient ces messieurs, plutôt que d'augmenter d'un sou. L'Europe entière ne consentira jamais à payer 5 fr. 55 cent. ce que nous avons vendu l’an passé 5 francs 50 ; et là-dessus on raisonnait charte, sans vouloir se rappeler que le décret de l'empereur qui établit un tarif n'a jamais été rapporté ; qu'il a encore force de loi, ainsi que beaucoup d'autres articles supplémentaires qui subsistent toujours sans être en contradiction avec la charte.

Maintenant vous savez le reste.

Un ancien Négociant votre abonné.

AU RÉDACTEUR.

Lyon, le 16 décembre 1831.

Monsieur.

Après les désordres à jamais déplorables que vient de causer à Lyon la violence du mal dont notre fabrique est atteinte, tout le monde, gouvernement et individus, doit s'occuper à rechercher les moyens d'y porter un remède qui puisse avoir quelque efficacité. Il s'agit d'ailleurs ici, pour nous Lyonnais en particulier, de notre existence même.

Si vous croyez donc, Monsieur, que les observations suivantes puissent être utiles dans cette recherche, je vous prie de vouloir bien leur donner une place dans votre journal.

Il convient d'abord d'apprécier d'une manière approchée l’influence que la fabrique de Lyon exerce sur la prospérité de la France, la part dont elle contribue à l'accroissement de sa richesse.

Chaque année la fabrique de Lyon retire de l’étranger, pour les soieries qu'elle lui vend, une somme d'au moins 40 millions, desquels 7 ou 8 à-peu-près peuvent lui être renvoyés pour les soies qu'elle en tire. Elle ajoute donc ainsi 32 à 33 millions à la balance en numéraire que l'étranger solde annuellement au commerce de la France.

Sur ces 32 millions, elle en prélève 18 environ pour les faire passer dans le Dauphiné, le Vivarais et le Languedoc, qui lui ont fourni les soies nécessaires à la confection des étoffes exportées ; les 14 autres millions lui restent pour le prix de la façon par elle ajoutée à la soie.

Cette somme est d'abord distribuée entre ses fabricans, marchands de soie, commissionnaires et les différens ouvriers qu'elle emploie. Mais bientôt passant de leurs mains dans celles de tous les autres travailleurs et de tous les propriétaires de la ville, se répandant aussi par la consommation dans les campagnes environnantes, dans tout le département, et jusque dans les autres provinces qui fournissent aux besoins de la ville, elle peut bien créer, dans cette circulation, une somme de revenus industriels et fonciers égale à son quintuple, et une somme d'impôts égale à elle-même ; car les impôts de toute nature peuvent être, sans exagération, évalués en France au cinquième des revenus du pays.

Les 18 millions envoyés dans les provinces du Dauphiné, du Vivarais et du Languedoc, devant y être tout aussi productifs, il s'ensuit que la fabrique de Lyon, avec les 32 millions de numéraire que son industrie lui amène de l'étranger, crée en France des revenus industriels et fonciers pour 160 millions au moins, et augmente de 32 ceux de l'état. Chaque million de diminution dans ses exportations diminue donc les revenus publics d'une somme égale, et du quintuple ceux des particuliers.

[6.2]Voilà, Monsieur, quelle est pour Lyon, pour la France, l'importance de notre fabrique de soieries. Cependant depuis plusieurs années, ses progrès se sont arrêtés, ses exportations ont même diminué ; ses ouvriers, ou sans ouvrage, ou ne recevant qu'un salaire bien au-dessous de leurs besoins, se trouvent plongés dans la plus grande misère.

Quelle est donc la cause de ce mal qu'elle souffre ? Tout le monde la connaît cette cause, tout le monde sait que ses rivales à l'étranger peuvent livrer les mêmes produits qu'elle à des prix inférieurs aux siens ; que la main-d'œuvre est à meilleur marché dans leur pays, qui est plus pauvre que la France, et où par cette raison la vie coûte moins.

Mais, ce que beaucoup paraissent ignorer dans les moyens de guérison qu'ils proposent, c'est qu'il nous est absolument impossible de leur enlever cet avantage. Tant que la France sera plus riche que la Suisse, la main-d'œuvre comme la vie y seront inévitablement plus chères. En vain enverrons-nous l'ouvrier à la campagne : là aussi, surtout autour de Lyon, la vie coûte plus que dans les campagnes de la Suisse et de l'Allemagne.

Cependant, si la France, à cause de sa richesse, ne peut vaincre un obstacle que des pays pauvres opposent à son industrie, elle peut du moins le tourner, et c'est le seul parti qu'il nous reste à prendre. Nous n'avons point à choisir.

Baissons, dans cette vue, nos prix sur les marchés étrangers, et ramenons-les au niveau de ceux de nos concurrens, en remboursant à l'acheteur intermédiaire, à la sortie de la marchandise, un vingtième du prix de fabrique. Alors seulement nous pourrons soutenir la concurrence avec avantage, entretenir une activité suivie dans nos ateliers et donner un salaire suffisant à nos ouvriers. Mais pour mieux assurer ce dernier résultat, il conviendrait de combiner la prime avec un autre moyen.

Il pourrait arriver, en effet, que le marchand de soie, plus habile que l'ouvrier, réussît parfois à faire reporter sur la matière une augmentation de valeur destinée à la main-d'œuvre. Alors on préviendrait un effet aussi contraire à celui que l'on se serait proposé par l'établissement d'une prime, en supprimant ou suspendant, selon le besoin, la perception du droit d'entrée imposé aux soies étrangères.

Puisque toute la France s'enrichit par la circulation des capitaux que la fabrique de Lyon attire de l'étranger, nul doute que ce ne soit au gouvernement à faire les fonds de la prime qui doit nous conserver cette source importante. Il ne pourrait s'y refuser sans injustice. Toutefois, si, pour le décider à l'adoption d'une mesure industrielle, qui devient chaque jour plus urgente, il fallait absolument que la ville de Lyon coopérât à la formation de ces fonds, je pense qu'en désespoir de cause il serait conforme à ses intérêts d'accepter cette transaction. Mais, dans ce cas, il serait aussi de toute justice que le département tout entier participât à la charge qui en résulterait ; car, ainsi que je l'ai démontré en commençant, toutes les propriétés immobilières qu'il renferme, toutes les industries qui s'y exercent, reçoivent une augmentation considérable de valeur par l'impulsion que la fabrique de Lyon donne à la circulation.

Ainsi répartie sur tout le département, cette charge serait légère. Une prime de 5 pour 100 sur 40 millions d'exportations formerait une somme de 2 millions ; et comme le gouvernement en fournirait bien sans doute les deux tiers, il ne resterait que 600 mille francs environ à demander au département. Or. cette, contribution, [7.1]assise sur les impositions foncières et des patentes, qui s'élèvent ensemble à environ 6 millions, se réduirait à 10 c. additionnels. Assurément elle serait plus que compensée pour ceux qui la supporteraient, par l'augmentation que tous les revenus obtiendraient d'une plus grande activité de la fabrique de Lyon.

Une prime de sortie, tel est donc le seul remède efficace pour notre fabrique ; une prime seule peut la relever, peut arrêter la marche rapide de ses rivales en Suisse et en Allemagne, lui faire regagner sur elles tout le terrain qu'elle a perdu, et lui procurer l'accroissement de commandes qui suivra l'accroissement certain de la consommation des soieries dans le monde.

Le gouvernement ne saurait rester spectateur indifférent du déficit que, faute de protection, nos exportations diminuées apportent incessamment dans la balance du commerce de la France. Est-il raisonnable, en effet, de subir cette perte, plutôt que de céder à l'étranger un peu plus de main-d'œuvre seulement, pour en obtenir toujours la même somme d'argent ? Cela est-il sensé, lorsque dans le commerce qu'on fait avec lui, il s'agit uniquement d'en tirer le plus d'argent possible ?

Sans la prime enfin, la fabrique de Lyon est menacée d'une ruine prochaine. Ce moyen seul peut, avec du travail, procurer à nos ouvriers un soulagement que leurs souffrances attendent avec tant d'impatience. Et par là il ranimerait encore le commerce intérieur, dont l'activité dépend par-dessus tout de l'aisance et de la consommation des masses.

J'ai l'honneur d'être avec la plus parfaite considération.

D.

AU MÊME.

Lyon, le 16 décembre 1831.

Monsieur,

Par respect pour la vérité et dans l'intérêt de deux hommes qu'un article de votre numéro du 11 décembre pourrait gravement compromettre en faisant peser sur eux la certitude d'une culpabilité que le premier interrogatoire du juge d'instruction a détruite, je vous prie de vouloir bien insérer ma réclamation dans le plus prochain numéro de votre journal.

MM. D. et M. arrêtés le 23 novembre dernier par une patrouille du poste de St-Just, ne l'ont été que par méprise. Employés chez moi comme ouvriers, ils entendirent plusieurs détonations d'armes à feu, et crurent que la maison de M. V. située au territoire des Airs et voisine de mon habitation, venait d'être attaquée par des malfaiteurs. Ils s'armèrent et sortirent pour monter la garde autour de ma demeure, mais s'étant avancés de quelques pas dans la direction de cette maison, ils furent aussitôt saisis et conduits en prison sans qu'il leur ait été permis de se faire réclamer de moi.

Leur innocence reposant sur les faits, a été reconnue d'une telle évidence par nos magistrats, qu'ils ont été élargis immédiatement après le premier interrogatoire.

Mieux informé vous-même, je ne doute pas de votre empressement à leur rendre par l'insertion de la présente la justice qu'ils ont droit d'attendre de vous.

J'ai l'honneur de vous saluer.

Martel.

NOUVELLES DIVERSES.

M. le président du conseil des ministres vient d'accorder à M. le colonel de la garde nationale de Nantes une somme de 6,000 fr. pour la société industrielle de cette [7.2]ville. Cette somme servira, conformément aux statuts de la société, à faire instruire et à mettre en apprentissage des enfans d'ouvriers pris parmi ceux dont les facultés ne pourraient, dans les circonstances actuelles, faire les dépenses nécessaires pour cet objet.
(Le Breton.1)

- Le ministre du commerce et des travaux publics vient, par une ordonnance collective du 3 de ce mois, de faire mettre à la disposition des préfets des départemens ci-après désignés, les allocations de secours pour pertes de cette année, résultant des incendies, de la grêle, des inondations et des épizooties, dont le détail suit :

Allier (secours supplémentaires), 12,000 fr.
Creuse, idem, 2,100 fr.
Marne, id., 15,000 fr.
Haute-Marne, id., 1,000 fr.
Basses-Pyrénées, id., 600 fr.
Bas-Rhin (nouveaux secours), 4,500 fr.
Rhône, id., 2,500 fr.
Haute-Saône, id., 1,000 fr.
Seine-et-Marne, id., 900 fr.
Total : 39,600 fr.

- Une ordonnance du Roi, rendue le 5 décembre courant, sur le rapport de M. le ministre du commerce et des travaux publics, autorise la compagnie du canal de Givors à exécuter les travaux nécessaires pour le prolongement de ce canal, de la ville de Rive-de-Gier jusqu'au lieu dit la Grande-Croix (Loire).

- Le Courrier du Bas-Rhin2 dit, à propos des troubles de Lyon :

« Heureusement nous n'avons point chez nous de pareils événemens à craindre. Les ouvriers de nos manufactures d'Alsace ne sont point, comme la plupart de ceux de Lyon, en-dehors des maisons pour lesquelles ils travaillent. Les nôtres sont presque tous attachés dès longues années aux fabricans qui les emploient. Ils sont réunis dans des ateliers où ils forment comme autant de familles, dont les intérêts sont liés à ceux de leurs chefs.

Aussi, quand le commerce languit, quand ils voient les fabricans faire chaque jour de nouveaux sacrifices dans l'espoir d'un meilleur avenir, nos ouvriers leur tiennent compte de cette générosité, et attendent patiemment avec eux que la prospérité renaissante du commerce leur permette d'améliorer leur sort. »

- On s'occupe en ce moment, à Paris, de l'établissement de nouveaux chemins de fer. Des compagnies en projettent de Paris à Lyon, et de Strasbourg à Paris. On assure même qu'un ingénieur anglais, sir Henry Pernell, se propose de soumissionner un chemin de fer de Paris à Calais ; une communication semblable s'établirait de Londres à Douvres, et 16 ou 17 heures suffiraient alors pour faire le voyage de Paris à Londres.

- Les ouvriers de Bar-le-Duc ont adressé une pétition au préfet pour obtenir augmentation dans la main-d'œuvre et uniformité de prix de la part de tous les fabricans ; en un mot, l'établissement d'un tarif à l’instar des ouvriers de Lyon.
(Journal de la Meuse.3)

- Il est à remarquer que l'Angleterre, ce pays si riche, si producteur, si puissant par l'immensité de ses productions commerciales, et qui ne sort pas comme nous d'une convulsion politique, éprouve comme nous un profond besoin de paix extérieure, et voit comme nous  sa population  ouvrière exposée au malheur de l'indigence par la diminution des travaux de toute nature.

[8.1]Chose à remarquer pour nos hommes politiques ! Le roi d'Angleterre trouve un moyen de répression pour les troubles de Bristol,4 dans la proposition au parlement d'un meilleur système municipal ! Cela donne à penser pour nous, qui ne trouvons d'autre moyen qu'une répression matérielle, toutes les fois que la société est agitée par un besoin général et impérieux. En Angleterre, on fait peu de phrases et beaucoup d'affaires.

- Ce n'est pas nous assurément qui nierons les bien-faits immenses procurés au monde pacifique par la liberté de l'industrie. Nous savons que c'est une période que les travailleurs ont dû traverser pour en finir à jamais avec leurs ennemis irréconciables, la noblesse et le clergé ; nous savons aussi les résultats prodigieux que la concurrence a produits, résultats nécessaires de toute surexcitation de l'individualisme, qui momentanément a toujours enfanté des sortes de prodiges ; ainsi il est incontestable que la richesse publique de tous les peuples a été considérablement et merveilleusement augmentée depuis l’époque du laissez faire, laissez passer. Qu'en conclure ?... Qu'il n'est que plus déplorable de voir, au milieu de cet accroissement irrégulier de la richesse, croître en proportion la misère du plus grand nombre ; de voir les neuf dixièmes de la population mal vêtus, mal nourris, à la porte de ceux que le travail de leurs mains nourrit et habille avec tant de faste. Et qui engendre et maintient cette disproportion déplorable, si ce n'est la concurrence elle-même, cette guerre sourde, cette lutte intestine d'ouvriers à ouvriers, de maîtres à maîtres, d'ateliers à ateliers, d'une branche d'industrie à l'autre, de ville à ville, de nation à nation, et dont en définitive les ouvriers supportent la plus lourde charge, tandis que tant de maîtres eux-mêmes meurent à la peine ?

Oh ! pour tout homme qui n'a pas été entièrement étouffé dans l'atmosphère d’égoïsme qui pèse sur les sociétés actuelles, et qui se sent encore des entrailles d'homme, qu'il doit tarder de voir clore ce cruel spectacle ! Le canon de Lyon est le premier signal d'une grande œuvre à accomplir, œuvre immense qui effacera la gloire de toutes celles du passé. Il n'y va de rien moins que de pacifier, d'harmoniser, de relier toutes les industries, tous les travailleurs du globe. En vain les individus et les peuples voudraient s'isoler : l'homme est né pour l'association ; tous les hommes, individus et peuples, sont solidaires entre eux. L'industrie qui n'a connu jusqu'à présent que des pouvoirs hostiles, a nié tout pouvoir et toute direction, et elle s'est égarée. Quel est l'homme puissant qui lui fera accepter les rênes ? Encore une fois, point de violence d'un côté ni de l'autre ; c'est une œuvre sainte et religieuse à entreprendre, ou, si vous le voulez, c'est une affaire de traités et non de fusils. La diplomatie qui mènera à bien ce démêlé sera la première des diplomaties, le protocole qui fermera cette arène sera le plus glorieux des protocoles.
(Le Globe.5)

- On lit dans le Journal du Commerce de Lyon :

« La presse périodique de notre ville va, nous assure-t-on, s'enrichir de cinq nouvelles publications. Les journaux, dont on annonce l'émission comme fort prochaine, sont : la Vedette du Rhône ; le Frelon, journal littéraire ; le Pacificateur ; le Lyonnais et l'Ermite du Rhône. »

Parmi les feuilles périodiques qui doivent être mises au jour, nous nous étonnons de ne pas voir celle du gascon, la Vérité, on l'attend avec une grande impatience : il parait qu'elle est difficile à trouver.

- [8.2]La paix intérieure et extérieure paraissant assurée, la tranquillité étant parfaitement rétablie, le commerce reprend quelque activité. Déjà le besoin se fait sentir dans divers articles ; des commandes, nous assure-t-on, viennent d'être faites par la Russie et l'Angleterre, dans divers genres. Les teinturiers, les monteurs de métiers, sont occupés, et plusieurs chefs d'ateliers qui ont remonté leurs métiers manquent d'ouvriers, parce que ceux-ci, ne pouvant gagner leur vie en travaillant à des prix si minimes, se sont retirés à la campagne chez leurs parens, ou ont passé à l'étranger. Ainsi une augmentation dans la main-d'œuvre, malgré la ténacité des négocians, paraît assurée par la conséquence inévitable de la force des choses.

- On lit dans le Constitutionnel :

Nous avons parlé d'un legs que le major-général Martin, mort aux Indes, en 1799, possesseur d'une immense fortune acquise par son industrie, avait fait par son testament, pour la fondation, dans la ville de Lyon, sa ville natale, d'une institution, sous le nom d'école de la Martinière, destinée à l'enseignement des sciences et des arts6. Le Bulletin des Lois (n° 125) contient une ordonnance du 29 novembre, dont l'objet est d'assurer l'exécution de cette fondation, au moyen des capitaux et intérêts accumulés du legs qui était de 250 mille roupies sicka.

L'école fondée portera le nom d'école de la Martinière, et sera établie dans les bâtimens de l'ancien cloître des Augustins de la ville de Lyon. Elle est destinée à l’enseignement gratuit des sciences et des arts, dont la connaissance et le perfectionnement peuvent ajouter à la prospérité des manufactures et des fabriques lyonnaises.

- Le fort de Montessuys est mis en ce moment en un état de défense complet ; de l'artillerie y a été conduite et placée ces jours derniers.

- Le nouveau conseil municipal de la Croix-Rousse a été installé par M. Richan, maire actuel.

- L'ordre est arrivé à Besançon de désarmer la place ; l’on a déjà commencé cette opération.

- On dit que les divers régimens destinés à tenir garnison à Lyon, vont être répartis dans les départemens environnans, et que Bourg recevra celui du 66e de ligne.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 16 décembre.

Dans cette audience, sur quarante causes au moins qui ont été appelées, une seule a paru fixer l'attention de tout l'auditoire.

Un maître-ouvrier se trouvait en solde de près de 1,200 grammes de soie sur deux pièces. Le conseil n'ayant pu découvrir où était l’erreur matérielle, a été forcé de prononcer son jugement qui a condamné le maître-ouvrier à payer.

Mais le conseil, ayant fait une réflexion pénible et qui s'est présentée naturellement, qu'un négociant n'a jamais donné pour confectionner deux pièces la soie pour en fabriquer trois, a conseillé aux deux parties de se concilier amicalement et d'après leur conscience.

Notes (LYON.)
1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 La Charte du 4 juin 1814 établie par Louis XVIII constitue un compromis entre les règles d’Ancien Régime et les droits d’inspiration libérale introduits à partir de 1789. Sont ainsi reconnues notamment la séparation des pouvoirs et l’existence de deux Chambres (Chambre des députés élus au suffrage censitaire pour une durée de cinq ans et la Chambre des pairs nommés à vie ou de façon héréditaire) qui doivent équilibrer le pouvoir exécutif détenu par le roi. Ce dernier conserve néanmoins l’initiative des lois, le pouvoir réglementaire et le droit de dissolution. Bien qu’encore marquée par un pouvoir monarchique fort, la Charte introduit dans l’organisation politique française les premiers principes qui favoriseront l’émergence du parlementarisme.
La Charte révisée du 14 août 1830 renforce le système parlementaire et étend le droit de vote. Louis-Philippe, appelé par Thiers et les doctrinaires après la Révolution de juillet 1830, apporte des modifications certes limitées à la précédente Charte, mais son fondement contractuel et son absence de référence à l’absolutisme valident l’évolution du régime politique français vers la monarchie parlementaire. Plusieurs mesures de la Charte révisée en témoignent : le cens est abaissé, le roi et les deux Chambres des pairs et des députés décident des lois, la religion catholique n’est plus tenue pour religion d’Etat, ou encore la censure de la presse est interdite. Louis-Philippe devient le « roi des Français » ; ces derniers ne sont donc plus considérés comme des « sujets » mais comme des « citoyens ». Références : H. Fréchet et J.-P. Picy, Lexique d’histoire politique de la France de 1789 à 1914, ouv. cit., p. 62-68. Isabelle Backouche, La monarchie parlementaire. 1815-1848 de Louis XVIII à Louis-Philippe, Editions Pygmalion / Gérard Watelet, Paris, 2000. Voir aussi pour une analyse approfondie : Pierre Rosanvallon, La monarchie impossible : Les Chartes de 1814 et de 1830, Fayard, 1994.

Notes (On parle beaucoup d'émigration...)
1 L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Cet appel que lance J. Falconnet sera écouté par les autorités. La mise en place d’une « Caisse de prêts » destinée aux chefs d’atelier était une promesse que le préfet Du Molart avait faite dès le 18 octobre 1831. Ainsi, une ordonnance du 9 mai 1832 donne l’autorisation de l’établissement d’une « Caisse de prêts » mais ce n’est que le 19 novembre 1832 qu’elle voit le jour. Son fonctionnement suscite des critiques controversées, P. Charnier la condamne pour le contrôle qu’elle exerce sur les emprunteurs alors que J. Falconnet se montre beaucoup plus enthousiaste (voir le numéro 60 du 16 décembre 1832 de L’Echo de la Fabrique). La caisse néanmoins ne semble pas avoir répondu aux attentes des chefs d’atelier et ouvriers en soie. Référence : F. Rude, Le mouvement économique et social, ouv. cit., p. 634-635.

Notes (LE 15 DÉCEMBRE.)
1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (Dans une circulaire de M. le ministre du...)
1 Antoine Maurice Apollinaire comte d’Argout (1782-1858) exerça d’abord une carrière préfectorale avant d’occuper plusieurs postes ministériels au cours des années 1830, le ministère de la Marine et des Colonies (17 novembre 1830 - 13 mars 1831), le ministère du Commerce et des Travaux publics (13 mars 1831 - 31 décembre 1832), le ministère de l’Intérieur et des Cultes (31 décembre 1832 - 4 avril 1834) et enfin le ministère des Finances (18 janvier - 6 septembre 1836). Il est nommé ensuite gouverneur de la Banque de France (le 9 septembre 1836), il restera à ce poste quinze ans avant de devenir sénateur sous le Second Empire.
D’abord proche du pouvoir monarchique, il est le porte-parole de Charles X durant la révolution de 1830, il se rapproche ensuite des idées libérales entraînant son éviction en avril 1834 du gouvernement par les doctrinaires. Son retour aux fonctions ministérielles est assez bref se voyant contraint de quitter le ministère des Finances après l’échec de Thiers. Son ralliement au régime de Napoléon III accentuera encore l’ambiguïté de ses engagements politiques. Référence : Benoît Yvert (dir.), Dictionnaire des ministres de 1789 à 1989, Librairie Académique Perrin, 1990, p. 103-104.

Notes (NOUVELLES DIVERSES.)
1 Journal publié à Nantes, à partir de 1829, émanation de la Préfecture.
2 Journal libéral crée à Strasbourg durant l’été 1829.
3 Le Courrier de la Meuse est créé à Liège par Kersten en 1820. Semble après la révolution belge de 1830 devenir le Journal de Bruxelles.
4 Bristol et ses alentours, trois semaines avant l’insurrection lyonnaise, connurent des émeutes violentes au cours desquelles « le prolétariat agricole brûlait les demeures de l’aristocratie » (F. Rude, Le mouvement économique et social, ouv. cit., p. 688.). Certains observateurs anglais n’hésitèrent pas d’ailleurs à rapprocher les deux évènements pour y voir le signe de l’incurie des classes dirigeantes : « L’esprit d’insubordination, de violence et de rapine de la populace de Bristol, les tentatives d’incendie sans cesse renouvelées dans plusieurs paroisses, l’état de misère et de dénuement dans lequel la maladie épidémique (le choléra) a rencontré les masses de Sunderland, et enfin les évènements de Lyon, que nous apprennent-ils autre chose, si ce n’est l’inconcevable folie dans laquelle on persiste, de négliger l’amélioration du sort des classes inférieures de la société » (extrait du Globe and Traveller cité dans F. Rude, Le mouvement économique et social, ouv. cit., p. 688.)
5 Journal littéraire fondé en 1824, devient à partir de l’automne 1828, sous l’impulsion en particulier de Pierre Leroux, un organe d’action politique libéral. Au lendemain de la Révolution de Juillet et jusqu’à avril 1832, dirigé désormais par Michel Chevalier, Le Globe devient le principal organe de l’opinion saint-simonienne.
6 Claude Martin (1735-1800), lyonnais d'origine modeste avait fait fortune en Inde, acceptant, après 1763, le brevet d'enseigne dans leur Compagnie que lui proposaient les anglais. Il sera par la suite directeur de l'arsenal de Lucknow et, en 1795, promu au grade de major-général. A sa mort il légua sa fortune aux enfants de Calcutta, Lucknow et Lyon, demandant que cet argent servent à la création d'écoles qui porteraient son nom.
Au printemps de l'année 1832, L'Echo de la Fabrique va s'intéresser de près au débat ouvert à l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon concernant l'emploi des sommes remises par Claude Martin à la ville de Lyon. Deux positions s'affrontent sur le meilleur moyen d'assurer un enseignement théorique et pratique ouvert au plus grand nombre : l'une favorable à la création d'un internat, l'autre à celle d'un externat. Arlès-Dufour s'exprimant dans L'Echo de la Fabrique du 15 juillet 1832 défendra dans les termes suivants la cause, finalement retenue, de l'externat : « Si la Martinière était pensionnat, le but du major-général Martin serait certainement manqué, car les enfans d'ouvriers en seraient en partie écartés : l'intrigue obtiendrait les bourses. Les fils du portier d'un préfet, d'un maire, d'un académicien, ou bien le fils d'un parent éloigné de ces MM., ou de quelques puissans du jour, auraient toujours l'avantage. L'intrigue ferait tout; et l'homme qui travaille du matin au soir pour gagner sa vie n'a ni le temps, ni la souplesse, ni les allures qu'il faut pour intriguer avec succès » (n°38, 15 juillet 1832, p. 2).

 

 

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