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26 mai 1833 - Numéro 21
 
 

 



 
 
    
 Littérature.

La 8livraison de l’Homme Rouge, satire hebdomadaire, par MM. Veyrat et Berthaud, a paru dimanche dernier ; elle a pour titre Lyon. Inutile d’avoir recours au formulaire de l’éloge. Nous allons citer ; c’est le meilleur moyen de faire connaître et le talent des auteurs et les sentimens patriotiques qui les animent.

Lyon à ses côtés sent passer deux rivières.
Lyon a neuf faubourgs que domine Fourvières,
Et trois, entre les neufs, dont le peuple hâlé,
Sur un même signal toujours s’est ébranlé ;
Car les trois ne font qu’un, et quand leur bouche amère
Jette un mot d’anathème à la cité leur mère,

Alors Lyon a peur et, suspendant ses fêtes,
Commence à méditer l’avis de ses prophètes.
Et c’est au café Grand, d’incessantes rumeurs,
Des mélanges de voix qui croissent en clameurs.

Puis, les sages voyant à la fin venir l’heure,
Où sur son existence il faut que l’homme pleure,
Reprennent leur passé, le pèsent dans leurs mains
Et cherchent l’avenir par de nouveaux chemins.
D’autres, acteurs bouffons à cette tragédie,
Pensent qu’avec la voix on éteint l’incendie,
Enfin les grands trembleurs, sur les pas de gauthier
Signent des mandats nuls aux pauvres du quartier.

Le peuple maintenant que la liberté presse,
Comprend mieux les besoins du sa noble maîtresse.
Et si la Guillotière un placet à la main,
Rencontrait la Croix-Rousse et St-George en chemin.
Et que ces trois géans par des routes connues
Sur le champ du combat revinssent têtes nues,
Ils n’auraient plus au poing le fusil redouté,
Qui, s’il porte la mort, porte l’égalité !
Ils savent qu’aujourd’hui ces batailles civiles
Ne font que dévaster les moissons et les villes,
Et que le sang qui coule et rougit le trottoir,
N’engraisse le métier pas plus que le comptoir.

… Le peuple est sage, il sait qu’il est écrit
Qu’à des jours désignés toute chose périt ;
Que tout passe ici bas et qu’il faut que tout meure.
Tout ! – lui seul excepté, car toujours il demeure !

Et Lyon maintenant a déposé le glaive,
Du moins, son grand faubourg dont la tête s’élève
Radieuse dans l’air et plane avec fierté
Sur les murs féodaux de la mère cité,
La Croix-Rousse, en un mot, forte de sa parole,
Du sabre de Novembre a rejeté le rôle.

[6.2]Pourquoi donc cependant ces ceintures fermées,
De massifs bastions, de lunettes armées,
Dont les canons d’airain pointés à deux genoux,
Tournent incessamment leurs gueules contre nous ?
Pourquoi donc ces fortins, ces bastilles naissantes,
Dont nous voyons blanchir les pierres menaçantesi,

… Il faut enfin à la France meurtrie
Moraliser sa loi, décréter l’industrie,
Harmoniser le gain avec le travailleur,
Faire le présent bon et l’avenir meilleur,
Il faut tout réviser dans les choses vivaces,
Et des jours accomplis resserrer les crevasses :
Le monde trop long-temps sur l’or s’est arrêté ;
Le travail aujourd’hui vaut la propriété !
Or, Lyon est le livre où cette ère nouvelle
A tout feuillet écrit repose et se révèle.
Lyon, vaste atelier où s’élabore enfin
Une loi dont l’esprit abolira la faim !

 

 

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