Retour à l'accueil
2 juin 1833 - Numéro 22
 
 

 



 
 
    
A mes amis.

[8.1]En voyant nos tartufes tricolores,
Traîtres brodés, vrais sépulcres blanchis,
Vous avez ri de ces budgetivores
Qu’achèterait l’or de tous les partis ;
Vous avez ri d’un Persil de village :
Rire d’un sot est un grave délit !
Mes chers amis, si l’on vous met en cage,
Tant pis pour vous, je vous l’avais prédit.

Vous avez ri d’un fat plein d’insolence,
Fier de son titre et de sa nullité,
Dont le lorgnon et la haute impudence
Vint ennoblir le bal de la cité.
Devant l’habit brodé du personnage,
Georges Dandin se faisait tout petit :
Mes chers amis, si l’on vous met en cage,
Tant pis pour vous je vous l’avais prédit.

Quand le pouvoir, chassant dans sa colère
Le magistrat chéri du citoyen,
Dit : « Tu paieras les votes de ton père ;
« Si ce n’est toi, c’est donc quelqu’un des tiens,
« Vous répondiez : Laissez faire leur rage,
« Un beau soleil luira sur le proscrit… »
Mes chers amis, si l’on vous met en cage,
Tant pis pour vous, je vous l’avais prédit.

Quand je vous vis chercher la république
Sur un esquif paré des trois couleurs,
Je vous criai d’une voix prophétique :
« Gare aux requins, hardis navigateurs ! »
En entendant sur vous gronder l’orage,
Aux soins de Dieu mon espoir vous remit :
Mes chers amis, si vous fîtes naufrage,
Tant pis pour vous, je vous l’avais prédit.

Oubliez donc le peuple et sa misère,
Vantez bien haut les hommes du pouvoir,
Le peuple est fait pour payer et se taire ;
Chacun son lot : vivez de l’encensoir…
Qu’ai-je entendu ? Qu’il faut courir aux armes,
Briser l’idole et venger le pays ?…
Vous ne serez ni préfets, ni gendarmes,
Mes chers amis, je vous l’avais prédit.

Marc Bodiment, de Thiers.

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique