Retour à l'accueil
9 juin 1833 - Numéro 23
 
 

 



 
 
    
 

JUSTICE DE PAIX.

1er arrondissementi. – 2e Section.

M. MORIN, JUGE DE PAIX.

Jeudi dernier, 6 juin, une cause intéressante a été plaidée à cette justice de paix. Nous croyons devoir en prendre note pour l’instruction de nos lecteurs. Depuis un certain temps beaucoup de propriétaires ne craignent pas de se faire justice eux-mêmes ; ainsi lorsqu’un locataire est arriéré de ses termes de loyer, ils exigent qu’il sorte et laisse ses effets mobiliers pour paiement, sans même lui donner quittance. Le locataire s’y refuse naturellement, et alors pour l’y contraindre, ils cherchent à s’emparer de la clé, à ôter les portes, les volets, etc. Semblable manœuvre est pratiquée par eux pour forcer le locataire qui a reçu une dédite ou même n’en a pas reçu, et qui ne peut sortir de suite, à vider. Nous ne parlons pas des injures qu’ils se permettent ; tous ces moyens odieux, non-seulement ne sont pas dans la loi, mais ils la violent ouvertement. Les propriétaires comme tous les autres créanciers n’ont que la ressource des voies judiciaires contre leurs locataires, que ces derniers soient ou non de mauvaise foi, ce qu’il n’a pas été possible au législateur de distinguer. La cause dont s’agit était produite par une voie de fait impardonnable qu’un propriétaire s’était permis. Espérons que le jugement qui interviendra apprendra aux hommes cupides et brutaux qui l’ignorent ou feignent d’ignorer que personne n’a le droit de se faire justice soi-même.

Voici les faits : Grinand, ouvrier en soie, cours Bourbon, devait à Grenier, charpentier, la modique somme de 55 fr. pour le terme de son loyer échu à la Noël dernière. Par suite de la misère qui a accablé jusqu’à ce jour la classe industrieuse, Grinand n’a pu se [5.1]libérer, et Grenier a obtenu contre lui un jugement à cette même justice de paix. Au lieu d’exécuter ce jugement par les voies légales, Grenier a imaginé de pratiquer un trou au plancher de l’appartement de son locataire, espérant par-là le forcer à déguerpir en laissant ses chétifs effets mobiliers. Il est résulté de cette voie de fait que MM. Bonnet et Ce, négocians, ont immédiatement fait lever leurs pièces, et Grinand est aujourd’hui sans ouvrage, sans ressource ; il a donc fait citer Grenier en paiement de 100 fr. à titre de dommages-intérêts. M. Marius Chastaing, qui assistait le sieur Grinand a fait sentir combien la conduite du propriétaire était odieuse et illégale. M. le juge de paix a ordonné que le locataire viderait de suite et emporterait son mobilier sans rien payer ; il a renvoyé à demain lundi pour statuer sur les dommages-intérêts réclamés. Nous ne doutons pas que le jugement ne soit conforme à la demande.

Nota. Nous nous proposons de faire de temps à autre quelques excursions dans les justices de paix, et nous rendrons compte des affaires qui seront de nature à intéresser la classe ouvrière.

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique