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18 décembre 1831 - Numéro 8
 
 

 



 
 
    

La circulaire suivante a été adressée aux maires du département du Rhône :

Le Préfet de l'Isère, Préfet provisoire du Rhône,

Aux Maires de ce département.

Monsieur le Maire, après le malheur d'avoir été le théâtre de si tristes événemens, il ne pouvait pas en arriver de plus grand à Lyon et au département, que cet esprit d'inquiétude qui ne peut être entretenu que par un mauvais génie. De nouveaux troubles sont annoncés pour un jour fixé d'avance ; alors le propriétaire suspend ses achats ; le négociant arrête le cours de ses affaires ; l'ouvrier, inquiet, au lieu de travailler cherche des nouvelles, fréquente les cafés où il peut en trouver ; toute industrie, tout mouvement social s'arrête, et les honnêtes gens tremblent, tandis que les hommes de désordre se réjouissent, menacent, et se tiennent prêts à en profiter.

Ces symptômes sont graves, mais ils sont peut-être inévitables après une crise si violente.

Toutes les classes de citoyens ont intérêt à voir finir ces déplorables incertitudes. Elles doivent être convaincues de l'impuissance des partis politiques pour agiter la ville de Lyon ; d'autres questions occupent sa population, et la plupart de ces questions sont résolues de manière à garantir tous les droits. Si quelques parties des institutions qui règlent les rapports de l'industrie exigent de nouveaux perfectionnemens, manifestés par de nouveaux besoins, le gouvernement en sera averti et s'empressera d'y pourvoir ; l'administration sera l'organe impartial de toutes les réclamations fondées, et elle justifiera toujours la confiance qu'elle cherche à inspirer aux citoyens. C'est donc sur la certitude d'une protection égale pour tous les intérêts, que le gouvernement veut asseoir le retour à toutes les idées d'ordre et d'union dans la ville.

Que les partis cherchent à alarmer les opinions inoffensives, on le conçoit ; qu'ils cherchent à attirer dans leurs rangs, par la crainte des persécutions, des hommes qui ne demandent que le repos, c'est une vieille tactique qu'ils ont toujours employée ; qu'ils représentent une police dont tous les bons citoyens doivent désirer et bénir l'action, comme prête à créer des coupables et à ourdir des conspirations, c'est le langage que tiennent tous ceux qui redoutent sa surveillance.

Mon caractère connu dans deux département voisins, devrait me mettre à l'abri du soupçon le plus éloigné de vouloir me prêter à de telles manœuvres, et je ne souillerai pas mon passage parmi vous par la tache de m'y être montré en agent provocateur !… Mais c'est encore un besoin des partis : chercher à flétrir ceux qui s'opposent à leurs trames, c'est une marche qui leur est habituelle, et dont tant d'expériences ont assez appris la valeur pour qu'elle ne fasse désormais aucune impression.

La force militaire qui nous entoure, bien loin d'alarmer les bons citoyens, devient un gage assuré de repos. Les habitans se sont empressés d'obéir aux mesures prises par le gouvernement en déposant leurs armes ; les combats ne peuvent plus se renouveler ; mais il faut rassurer les esprits timides, il faut convaincre les esprits inquiets de la folie de nouvelles tentatives. Il faut qu'elles avortent devant une inflexible nécessité de repos. Voilà le seul but d'une garnison nombreuse, c'est sous sa protection que le travail devra renaître, donné avec confiance par les fabricans, accepté avec le même sentiment par les ouvriers.

Une grande œuvre reste encore à accomplir, mais le retour de la confiance la rendra  plus facile : secourir l'infortune, faciliter les moyens de travail à la classe ouvrière, adoucir pour elle les rigueurs [4.1]de sa position, voilà la tâche la plus douce qui nous est réservée. Puissent ceux qui seront appelés à vous administrer en comprendre toute l’importance, et n’en pas craindre les difficultés.

Vous repousserez donc avec force, M. le Maire, toute idée de renouvellement de troubles dans la ville de Lyon. Vous en montrerez l’impossibilité à vos administrés, afin que cette assurance fasse cesser cette agitation funeste, dont le plus cruel résultat serait de compromettre la subsistance des classes pauvres, en effrayant tous les intérêts.

Recevez, Monsieur le Maire, l’assurance de ma considération distinguée.

Le Préfet de l’Isère, Préfet provisoire du Rhône,

Gasparin.

 

 

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