Retour à l'accueil
30 juin 1833 - Numéro 26
 
 

 



 
 
    

Qu’a-t-on fait pour les Prolétaires ?

[7.2]On ne peut, à moins d’aveuglement ou de mauvaise foi, se dissimuler combien notre organisation sociale est défectueuse. Depuis le retour au principe monarchique, rien n’a été fait en France, par le pouvoir, pour remédier à un état de choses de plus en plus intolérable ; jamais nos gouvernans n’ont eu le moindre souci de ce qui intéresse directement les masses, de l’application des vrais principes de l’économie publique.

Toutefois, il serait injuste de passer sous silence les louables efforts de quelques philantropes, pour entraîner le pouvoir sur le champ qu’il refuse de défricher. Les principes d’économie politique des rédacteurs du Globe, le système rationnel et si consolant de Fourrier, les enseignemens de la presse périodique abordant les fécondes questions d’ordre social, ce concert de vues et d’idées pour l’amélioration du sort du peuple, tout cela, disons-nous, n’a point été inutile. Mais que peuvent des efforts isolés ? Tout au plus indiquer le mal sans pouvoir y appliquer le remède ; c’est aux hommes assis au timon de l’état de mettre la main à l’œuvre ; c’est à eux surtout, avant l’organisation des grandes associations qu’ils repoussent, de prendre l’initiative dans tout ce qu’il y a de grand et d’universellement utile, parce qu’eux seuls ont entre les mains les moyens de réussir qui manquent aux citoyens paralysés par l’individualisme.

Telle était, spécialement la mission du régime issu des barricades ; combien il lui eût été facile de fermer une plaie qui s’agrandit de plus en plus, de prévenir une crise dont l’éventualité effraie. Ce qu’il avait à faire pour y parvenir ; il le savait, à moins qu’il n’eût un bandeau sur les yeux. Son égoïsme dynastique, non moins que la salutaire expérience qu’il pouvait tirer de l’insurrection lyonnaise, l’avertissaient que la révolution de juillet n’avait pas en vain consacré à tout jamais, le principe de souveraineté nationale, que le premier et le plus important corollaire de ce principe était de s’occuper activement des intérêts moraux et matériels des masses. Le gouvernement ne le fit point.

Les erremens de la restauration furent continués : favoris, courtisans et priviléges reparurent ; bref, il fut reconnu que les Tuileries n’avaient fait que changer de maîtres.

Comment aurait-on eu le temps de penser au peuple : Comment aurait-on songé de tenir la promesse d’un gouvernement à bon marché ? C’eût été un miracle. Aussi, le budget fut comme auparavant, une curée affectée à une poignée de privilégiés ; bien plus, il ne suffit pas à leur appétit glouton, on l’augmenta de plus d’un tiers, et des millions arrachés aux travailleurs se votèrent au pas de charge comme sous la légitimité.

Ainsi donc, loin d’avoir éprouvé aucune amélioration, le sort du peuple est empiré ; une crise commerciale et industrielle est venue encore ajouter cette véritable calamité. Les plaintes des malheureux poussés au désespoir ont été étouffées à coups de fusil et de baïonnette.

Aujourd’hui, ils dévorent en silence le regret d’avoir été frustrés de leur légitime attente ; mais ce calme trompeur ne rassure point l’homme initié aux souffrances des prolétaires et qui jette un coup-d’œil philosophique sur notre état social. Il pourrait bien arriver que ce calme ne fût que le précurseur de la tempête.

(Progressif de l’Aube.)

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique