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14 juillet 1833 - Numéro 28
 
 

 



 
 
    
EXTRAIT DU PRÉCURSEUR.

(10 juillet 1833, N° 2031.)

conseil des prud?hommes.

C?est une chose curieuse à étudier que la façon dont l?industrie est traitée par un gouvernement dont le chef a l?avantage de se flatter dans ses discours officiels d?avoir fait renaître la prospérité matérielle du pays.

Tandis que la justice civile est entourée de garanties multipliéesi, les intérêts industriels sont livrés à tous les caprices des volontés ministérielles, et aux intrigues de l?aristocratie d?argent. ? Lyon, on le sait, avait reconquis, après novembre, une institution qui aurait dû sortir d?une loi et non d?une simple ordonnance. Cette institution c?est le conseil des prud?hommes pour la fabrique de soieries. ? Ceux qui ne connaissent pas l?industrie lyonnaise ne peuvent guère se figurer quelle immense importance possède ce conseil pour quarante mille au moins des habitans de notre cité, et combien [4.1]les ouvriers sont attachés à cette unique garantie obtenue contre les vexations auxquelles ils peuvent être en butte. C?était le seul résultat de la catastrophe de novembre, et bien que son origine ministérielle fût incomplète et fausse, bien que le mode d?élection d?où il était sorti, fût injuste et inexact, bien que les intérêts des ouvriers y fussent manifestement sacrifiés à ceux des fabricans, puisque ceux-ci y comptaient neuf représentans et ces autres huit seulement ; les amis de la classe laborieuse voyaient pourtant dans le conseil des prud?hommes le germe d?une institution heureuse que le temps pouvait développer et revêtir peu à peu du caractère d?une représentation large et vraie des intérêts divers de l?industrie.

Mais ce n?est point ainsi qu?avaient calculé les gens dont l?avis fait loi à Paris dans nos affaires. Depuis long-temps leur mauvaise humeur s?était manifestée contre le conseil des prud?hommes, et nous avons rapporté les bruits qui avaient couru à cet égard il y a plusieurs mois. Depuis long-temps ils ont résolu d?affaiblir par une suite de mesures, et de détruire enfin une institution qu?on ne devait qu?à la peur inspirée par la victoire de novembre et que les ouvriers ne se seraient pas laissé enlever brusquement.

Une ordonnance royale vient de faire un nouveau pas dans cette voie. Elle a réduit le nombre des prud?hommes chefs d?atelier à quatre, en leur adjoignant quatre suppléans pour les cas d?absence, et celui des prud?hommes fabricans à cinq, en leur donnant quatre suppléans.

Ainsi la proportion de la représentation des ouvriers dans le conseil est encore affaiblie de toute la différence des deux fractions 8/9 et 4/5, et, le conseil étant au complet de neuf membres, il est clair qu?il ne reste aucune chance et aucune garantie aux ouvriers toutes les fois qu?il s?agira d?intérêts où sera mêlé l?esprit de corps ou de classe. En suivant le système arithmétique de l?ordonnance, on voit que le conseil pourrait enfin être ramené, de réduction en réduction, à deux membres fabricans et un membre chef d?atelier ; ce serait plus frappant, sans doute, mais non pas plus inique.

Nous ne cesserons de répéter, quoi qu?en disent les nouveaux avocats des intérêts matériels, que le malaise et l?irritation des classes laborieuses vient de leur exclusion de toute représentation dans la famille politique et industrielle. Si l?on veut s?en assurer, on n?a qu?à étudier l?effet produit par la dernière ordonnance sur les ouvriers de Lyon. Ici l?irritation est plus évidente parce que la représentation est plus directe ; mais prud?hommes ou députés, lois générales ou décisions particulières, n?est-ce pas toujours une représentation, une gérance déléguée d?intérêts qui ont besoin d?être défendus contre des intérêts hostiles ?

Anselme Petetin.

 

 

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