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21 juillet 1833 - Numéro 29
 

 




 
 
     

De la nouvelle Organisation

du conseil des prud’hommes.

Suite. (Voy. l’Echo, N° 28.)

Les motifs apparens de l’ordonnance que nous signalons comme hostile à la classe ouvrière, sont ceux-ci : 1° difficulté de réunir les deux tiers des membres prescrits par le décret de 1806 : 2° avantage de pourvoir au remplacement des juges empêchés.

Nous disons que ce sont-là des motifs apparens. Tout à l’heure nous dirons les motifs secrets.

Difficulté de réunir les deux tiers des membres. Cette difficulté n’étant que le résultat de la mauvaise volonté des négocians, devait être surmontée par tout autre moyen que par le sacrifice du droit des ouvriers. Ce droit pouvait-il être ainsi mis en balance ? Non. Il fallait rompre une résistance coupable et ne pas lui donner satisfaction. Et si le gouvernement, dans sa prédilection pour les hommes qui ont de l’argent, et sur lesquels il croit préférable de s’appuyer exclusivement, ne voulait pas heurter les négocians en soierie de Lyon, il n’avait qu’une chose à faire, demander à l’autorité législative l’abrogation de la disposition du décret de 1806, ou mieux, faire juger successivement et à [1.2]des jours différens chaque section représentant une industrie, et alors la diminution du nombre des prud’hommes devenait de fait insignifiante. Ce moyen bien simple, fondé sur la logique la plus vulgaire, aurait paré à tout inconvénient. Mais on s’est bien gardé d’accueillir un moyen aussi naturel et qui se présentait de lui-même. Avons-nous donc tort de dire que cette difficulté n’est qu’un motif apparent ? Eût-il été réel, il ne serait pas suffisant. Toute une population ne devait pas être sacrifiée au caprice, à l’égoïsme de quelques-uns.

Avantage de pourvoir au remplacement des juges empêchés. Ce motif rentre dans le premier, il n’a rien de plausible. Qui empêchait de nommer des suppléans soit aux négocians, soit aux chefs d’atelier ? Nous ne croyons pas devoir nous occuper sérieusement de cette question qui ne nous paraît pas susceptible de plus ample discussion. Il est de ces propositions qu’il suffit d’énoncer pour les résoudre : celle-ci est du nombre.

Les motifs exprimés dans l’ordonnance du 21 juin étant ainsi appréciés à leur juste valeur, il nous reste à découvrir les motifs secrets auxquels elle a dû le jour.

Les prud’hommes négocians étant au nombre de neuf, et les prud’hommes chefs d’atelier de huit seulement, quoiqu’ils fussent les représentans de la classe la plus nombreuse, ils auraient eu nécessairement et toujours la majorité s’ils avaient été au complet, dans les questions vitales de la fabrique ; mais, d’un côté, ils étaient rarement au complet ; d’un autre, il leur fallait disputer par le raisonnement chaque question importante à leurs collègues dont la modération, blâmée par nous, n’excluait pas la ténacité à soutenir les intérêts de leur classe. Cette majorité pouvait encore être scindée par l’adjonction des prud’hommes des autres sections. Leurs votes flottans empêchaient toute oppression systématique. Nous l’avouons : par suite du refus calculé des négocians leur section se trouvait incomplète, et la majorité qui, primitivement, leur avait été attribuée, avait été transportée aux chefs d’atelier ; mais là encore l’adjonction des prud’hommes des autres sections venait paralyser la majorité ouvrière, et rendait aux négocians un équilibre rompu par leur propre fait.

Nous sommes loin d’approuver cette fusion des prud’hommes de diverses sections ; mais dans l’ordre de [2.1]choses vicieux où l’ordonnance du 15 janvier 1832 avait laissé la fabrique, et comme moyen de transition à un ordre de choses meilleur, on pouvait la justifier, sinon en droit, du moins en fait. Elle empêchait le triomphe exclusif d’une classe.

L’ordonnance du 21 juin a eu pour but de procurer légalement ce triomphe aux négocians. Par la diminution du nombre des prud’hommes, on rend inutile la bonne volonté, l’exactitude à remplir leurs fonctions des chefs d’ateliers ; ainsi il est à peu près certain que la section de fabrique se trouvera toujours au complet, ce qui n’avait pas lieu auparavant, et dès-lors majorité lui est assurée sans qu’elle ait besoin de recourir à un secours précaire tel que celui des autres sections.

Obligés de nous restreindre dans les bornes d’un article, nous ne transcrirons pas toutes les réflexions que font naître les divers points de vue sous lesquels on peut envisager l’ordonnance du 21 juin 1833. On le voit, elle ne remédie à aucun des inconvéniens qu’a laissé subsister celle du 15 janvier 1832 ; elle ne l’améliore pas ainsi qu’il était facile de l’essayer ; loin de là, elle retire le peu de bien que cette ordonnance avait produit. Son effet immédiat est de remettre le conseil dans la même voie où marchait l’ancien conseil, et l’on a vu par les événemens de novembre que cette voie aboutissait à un abîme.

Que si l’on nous disait, car nous voulons répondre à toutes les objections possibles à prévoir, que les proportions étant les mêmes, il n’y a, au demeurant, rien de changé, et que 5 sont à 4 ce que 9 sont à 8. Nous répondrions que non. On en impose plus facilement à quatre personnes qu’à huit, la résistance étant moins compacte est aussi moins forte. Pourquoi, d’ailleurs, dans tous les corps délibérans a-t-on demandé qu’il soit accordé le plus grand nombre possible de représentans. Et pour ne pas nous écarter de la question, ni sortir de l’ordre judiciaire, le nombre des juges n’a-t-il pas toujours été regardé comme une garantie donnée aux intérêts des justiciables. L’ordonnance du 21 juin change pour la classe ouvrière de Lyon ces notions si simples du droit commun. N’avons-nous donc pas raison de nous élever contre elle.

Disons maintenant un mot de la légalité de cette ordonnance.

Le pouvoir exécutif a le droit de faire des ordonnances, mais seulement pour l’exécution de la loi ; ainsi toutes les fois qu’une ordonnance est rendue, nous avons le droit, nous, citoyens, d’examiner si elle a été rendue dans le cercle tracé par la loi.

On ne niera pas que la souveraineté du peuple soit le principe fondamental de la constitution nouvelle ; car c’est en vertu de ce principe que la royauté a été octroyée. Ainsi, tout ce qui se rapproche du principe de la souveraineté populaire est légal ; tout ce qui s’en éloigne est illégal. Nous avions besoin de poser ces axiomes de notre droit public pour en déduire les conséquences. Nommer les magistrats est une suite du droit de souveraineté. Sous l’ancienne monarchie qui s’appuyait sur le droit divin, et qui avait octroyé (disait-elle) la liberté, c’était au roi qu’appartenait le droit de déléguer la justice ; par contre, sous la nouvelle monarchie qui repose sur le principe de la souveraineté du peuple, et à laquelle a été octroyée la royauté, comme nous avons dit, c’est au peuple à déléguer la justice. L’ordonnance du 15 janvier 1832 faisait donc une juste application de la loi constitutionnelle en rendant au peuple le droit d’élection dont le décret impérial de 1806 l’avait privé, et partant l’ordonnance du [2.2] 21 juin qui vient restreindre, annuler ce droit, est entachée d’illégalité flagrante, car elle s’éloigne de la loi constitutionnelle ; elle brise violemment ce que le peuple a fait ; elle attaque autant qu’il est en elle son droit imprescriptible de souveraineté. Quelle plus monstrueuse illégalité ! Dira-t-on que rien n’est changé au mode d’élection ? Ce serait une erreur ajoutée à tant d’autres. Les ouvriers en soie ont nommé des prud’hommes et non des suppléans. C’est donc méconnaître leur ouvrage, s’insurger contr’eux, que destituer les magistrats de leur choix. C’est bien en effet destituer un fonctionnaire nommé titulaire que de ne l’admettre que comme suppléant. Les ouvriers en soie ont nommé huit prud’hommes et non quatre titulaires et quatre suppléans. Les prud’hommes tiennent leur mandat du peuple et non du gouvernement. Au peuple seul appartenait le droit de les nommer ; ce droit, méconnu encore pour les autres justiciables avait été reconnu et admis en faveur des ouvriers en soie, seule conquête qui leur fût restée après l’insurrection de novembre ; c’était donc pour eux un droit acquis. Le gouvernement a renversé ce droit. La force pourra bien empêcher aux prud’hommes destitués de siéger à côté de leurs collègues conservés, mais l’empire de la force, durable ou non, n’est jamais juste.

Nous n’ajouterons rien à la théorie que nous venons de présenter. On pourra la trouver audacieuse… tout ce qu’on voudra ; elle n’en est pas moins vraie.

Dans notre prochain et dernier article nous parlerons de l’exécution de cette ordonnance illégale.

(La fin au prochain numéro.)

Nous croyons devoir publier la lettre que M. le préfet a écrite au président du conseil des prud’hommes en lui transmettant l’ordonnance du 21 juin dernier. Seulement nous avons pris la liberté d’y mettre des notes que nous soumettons d’abord au jugement de nos concitoyens, et ensuite à la conscience de M. Gasparin. Malheureusement c’est le préfet qui nous répondra si nous obtenons une réponse. (Voy. les notes à la suite de cette lettre.)

Lyon, 4 juillet 1833.

Monsieur le président,

L’expérience que nous faisons depuis dix-huit mois de la nouvelle organisation du conseil des prud’hommes, devait être étudiée avec loin et ne pas être perdue pour perfectionner cette admirable institution, lui faire porter tous ses fruits, et en assurer la jouissance à vos concitoyens.

Je me suis donc appliqué, dans mes rapports divers à M. le ministre du commerce, à lui faire ressortir et le bien qu’il produisait, et les inconvéniens qu’on pouvait y remarquer.

Sous le premier point de vue, le mode d’élection, reçu avec reconnaissance (1) par la classe ouvrière, qui n’avait jamais obtenu de représentation aussi réelle et aussi franche (2), avait produit un résultat si satisfaisant, qu’il devait être conservé avec soin. Les élections vous avaient donné des collègues dignes de l’estime publique, et qui ont successivement développé dans l’exercice de leurs fonctions des qualités et des intentions qui sont dignes d’éloges (3).

Les inconvéniens que l’on pouvait remarquer consistaient surtout dans la difficulté de compléter le bureau général qui, aux termes de la loi, devait être composé des 2/3 du nombre total des prud’hommes (4).

Les fabricans étant obligés (5), à certaines époques de l’année, à de longues absences, leurs sièges se trouvaient vides (6) ; dès-lors le public murmurait des délais apportés dans l’administration de la justice, et les conseillers nommés dans cette classe refusaient d’accepter de peur de s’imposer une charge qu’ils ne pourraient remplir qu’imparfaitement, et de porter la responsabilité de leur absence. Ainsi 1es démissions et les refus d’acceptation se sont multipliés aux dernières élections, et il est devenu impossible de compléter la section des soieries du conseil (7). D’un autre côté, les chefs d’atelier pouvaient [3.1]se plaindre d’un assujétissement qui ne leur permettait jamais de se faire remplacer pour pouvoir vaquer à leurs travaux et à leurs affaires (8).

Dans cet état de choses, il était à craindre que l’institution elle-même ne succombât, et le ministre, décidé à la maintenir, devait tenter tous les moyens pour que la fabrique de Lyon ne fût pas privée d’un tribunal spécial qui ne manque à aucune des villes bien moins importantes du royaume.

Le conseil des prud’hommes (9) le sentit et proposa la nomination de suppléans pour la section des soieries (10). Le ministre du commerce, à qui cette proposition fut soumise, pensa que l’accroissement de cette section déjà si nombreuse, n’aplanirait pas les obstacles, et qu’il deviendrait plus difficile encore de trouver des membres qui voulussent accepter si l’on en augmentait le nombre.

Il devenait évident à tous les yeux que le maintien de l’institution tenait cependant à l’existence de suppléans qui pussent décharger temporairement les fabricans, obligés de s’absenter, du fardeau de leurs fonctions et de la responsabilité, et en même temps à une réduction dans le nombre des membres nécessaires pour délibérer, qui ne fit plus craindre de voir le tribunal prononcer des ajournemens onéreux aux justiciables.

Plusieurs systèmes ont été proposés, mais la plupart s’écartaient des termes des lois existantes et demandaient le concours de l’autorité législative (11). On ignorait quand il serait possible de la consulter (12). Cependant, le temps pressait, le conseil était incomplet, des élections répétées n’avaient pu remplir les vides, plusieurs démissions étaient offertes (13) ; il fallait adopter un système qui, restant dans les limites des lois, conservât le mode d’élections qui avait obtenu l’approbation générale ; il fallait surtout ne pas priver le conseil du concours des prud’hommes actuels qui avaient fait preuve de tant de bonne volonté, de tant de zèle, de tant de capacité (14). Le gouvernement a rempli (15) toutes les vues qui paraissaient si contradictoires au moyen de l’ordonnance que j’ai l’honneur de vous transmettre, et qui a fait l’objet de longues et sérieuses délibérations au sein du conseil-d’état (l6). Il y a lieu d’espérer qu’elle constituera le conseil sur des bases solides, et en donnant à MM. les conseillers l’assurance de pouvoir être remplacés dans les cas d’absence ou d’occupations imprévues ; elle décidera à accepter ces honorables fonctions ceux qui ne s’en éloignent que par la crainte de ne pouvoir en remplir convenablement les obligations.

Il est bien entendu que MM. les conseillers suppléans chefs d’atelier de la section de soierie, continuent à jouir de l’indemnité (17) comme les conseillers titulaires ; car les fonctions continueront à être aussi assujétissantes (18), si l’on en excepte quelques heures d’audience par semaine au bureau général, où ils seront néanmoins fréquemment appelés en remplacement.

Le conseil et la fabrique de Lyon verront dans ces dispositions l’ardent désir de maintenir l’institution des prud’hommes qui n’a cessé d’animer le gouvernement, et s’empresseront de le seconder dans son exécution.

Après avoir donné au conseil lecture de l’ordonnance du roi, vous aurez en conséquence, Monsieur le président, à faire opérer le tirage au sort parmi les prud’hommes fabricans de la section de soieries, qui n’est plus composée en ce moment que de six membres, de manière à ce que l’un d’eux soit désigné pour membre suppléant. Les cinq autres resteront membres titulaires, et des élections prochaines compléteront le nombre des suppléans.

Vous procéderez ensuite à tirer de l’urne le nom des quatre prud’hommes chefs d’atelier qui resteront membres titulaires ; les quatre noms qui resteront dans l’urne seront considérés comme supppléans (20).

Vous terminerez l’opération en déterminant, par le moyen d’un nouveau tirage au sort, le numéro d’ordre des quatre suppléans chefs d’atelier, en vertu du paragraphe 3 de l’art. 2.

Agréez, etc.

Le préfet du Rhône,

Signé : Gasparin.

notes du rédacteur.

(1) Aveu précieux. La reconnaissance populaire est donc un fardeau bien pénible qu’on veut à tout prix s’en débarrasser.

(2) Motif secret de l’ordonnance. Cette représentation était trop réelle et franche pour convenir à l’aristocratie mercantile.

(3) Eau bénite de cour. Pourquoi alors les destituer ?

(4) Il fallait demander à l’autorité législative le changement de cette disposition, ou mieux encore attribuer à chaque section le jugement des affaires qui la concerne.

[3.2](5) Mauvaise locution. Négociant ou marchand sont les termes propres ; celui de fabricant doit être réservé aux chefs d’atelier qui fabriquent (voy. l’Echo, n° 11, p. 87. Lettre de M. C. B, prof. de grammaire).

(6) Pour obvier à cet inconvénient, il fallait que les nominations ne fussent pas le résultat d’une coterie qu’on a appelé celle des revancheurs, parce qu’ils ont demandé dans le Courrier de Lyon la revanche des événemens de novembre. Tous les négocians ne vont pas à Paris.

(7) C’est par suite d’un calcul justifié par le succès. Il fallait bien trouver un motif à l’ordonnance.

(8) Se sont-ils plaints, les prud’hommes chefs d’atelier ?

(9) Quand et comment a-t-il été consulté ? M. le préfet emploie là une figure de rhétorique appelée synecdoque, qui consiste à prendre la partie pour le tout. Est-ce que le sieur Goujon est le conseil tout entier ?

(10) C’eût été plus rationnel et surtout plus loyal.

(11) Quel inconvénient à cela ? Le régime du bon plaisir a donc bien d’attrait. C’était aussi par des arrêts du conseil que la fabrique lyonnaise était bouleversée avant la révolution. L’édit de 1744 et les suites désastreuses sont trop connues pour que nous les rappelions.

(12) A la première réunion des chambres.

(13) Suite du calcul dont nous avons parlé dans la note 6.

(14) Il est courtisan, M. le préfet. Est-ce qu’il ne sait pas que les prolétaires s’inquiètent peu de ces complimens. Ils savent ce qu’en vaut l’aune.

(15) Pétition de principes. C’est la question à résoudre.

(16) Qu’en sait-il, M. le préfet ? Nous croyons plutôt que cette ordonnance est une de ces choses qui s’obtiennent entre la poire et le fromage.

(17) Dans ce siècle d’argent c’est la première pensée qui vient à l’esprit des hommes du pouvoir, que les intérêts pécuniaires soient à couvert, ils croient que tout est dit. Ils offriraient au besoin de puiser dans les fonds secrets. Mais, pour l’honneur de la classe ouvrière qu’ils représentent, les prud’hommes chefs d’atelier doivent protester contre cette insinuation fâcheuse. Leur honneur personnel y est engagé.

(18) Contradiction avec ce qui a été dit plus haut. Voy. le passage auquel répond la note 7 ci-dessus.

(19) La fabrique de Lyon ne verra dans cette ordonnance que l’ardent désir de maintenir l’institution des prud’hommes dans un sens aristocratique et hostile à la classe ouvrière. L’ordonnance du 15 janvier 1832 était l’Edit de Nantes des ouvriers en soie de Lyon, et l’ordonnance du 21 juin 1833 en est la révocation.

(20) Nous renvoyons à notre article ci-dessus.

Remercîment a la société galien, musch et ce.

Nous avons reçu de la société typographique Galien, Musch et Ce, l’offre d’une souscription en faveur des ouvriers en soie qui se trouveraient en avoir besoin par suite de cessation de travail ou emprisonnement. Nous remercions sincèrement nos confrères prolétaires ; nous n’attendions pas moins d’eux, mais nous ne croyons pas devoir, quant à présent, accepter leur offre généreuse. Nous y aurons recours lorsque cela sera nécessaire, et nous en conservons le souvenir et la même gratitude. Honneur aux sociétaires de Galien, Musch et Ce ! Ils ont compris que tous les travailleurs sont solidaires.

Transport et Perquisition

DE M. LE COMMISSAIRE CENTRAL DE POLICE,

dans les bureaux de l’echo de la fabrique.

[4.1]L’association des fabricans d’étoffes de soie de la ville de Lyon, chefs d’atelier et compagnons ferrandiniers, préoccupe singulièrement MM. du parquet et de la police. Il faudra cependant bien qu’ils en prennent leur parti.

Lundi dernier, M. Prat, commissaire central de police, accompagné des agens Vernier, Loubières et Baboulat cadet, s’est transporté au bureau de notre journal en vertu d’un réquisitoire de M. le procureur du roi et d’une ordonnance de M. le juge d’instruction, à l’effet de faire perquisition et saisir tous écrits et pièces tendant à établir l’existence d’une association d’ouvriers en soie, dans le but de faire augmenter le prix de la main-d’œuvre. Cette perquisition a eu lieu en présence de M. Legras, l’un de nos actionnaires ; elle n’a rien produit ; et il faut en effet que MM. de la police et ceux qui les emploient soient bien simples pour s’imaginer de trouver quelque chose d’important à saisir, soit dans les bureaux d’un journal, soit dans les domiciles d’un gérant ou d’un rédacteur, qui, en acceptant une pareille mission, savent bien à quoi ils peuvent être exposés. Ceci est dit en passant.

Ouverture forcée a été faite d’un bureau dans lequel M. Souchet, président de la société de bienfaisance des veloutiers, aussi l’un de nos actionnaires, renferme les papiers de cette société, et ce attendu son absence ; enfin, M. Prat n’ayant rien trouvé nulle part, a dressé procès-verbal de carence. Sur la demande de M. Marius Chastaing, qui est arrivé sur ces entrefaites avec M. Berger, gérant, MM. Strube, Berthelier, Falconnet, etc., actionnaires, il a laissé copie du procès-verbal.

Cette copie a donné lieu à un débat animé entre MM. Prat et Chastaing que nous soumettons à l’appréciation de tous les jurisconsultes. M. le commissaire central voulait bien laisser copie mais non la signer. Notre rédacteur lui a fait observer qu’aucun fonctionnaire ne pouvait se transporter dans un domicile sans dresser procès-verbal de son opération, qu’aucun procès-verbal n’était régulier si copie n’en était laissée, et enfin qu’une copie non signée était un véritable chiffon. M. le commissaire soutenait ne pas même être obligé de laisser de copie lorsqu’il se retirait sans opérer de saisie. Cependant il a cru devoir céder et a signé la copie de son procès-verbal. Du reste, et à part cet incident dont nous sommes sortis avec avantage, nous n’avons eu aucunement à nous plaindre de ce fonctionnaire.

Quelques mots sur la question actuelle

de coalition des ouvriers.

Nous n’avons pas l’intention de traiter aujourd’hui complètement cette question, mais nous voulons seulement donner quelques explications qui serviront à convaincre les gens de bonne foi, et notamment le Précurseur, aux suffrages duquel nous attachons autant d’importance qu’à l’estime personnelle de son rédacteur en chef, que la conduite des ouvriers en soie n’est pas aussi coupable qu’elle peut le paraître, abstraction faite de l’art. 415 du code pénal, et en admettant le droit de coalition, entré depuis peu dans nos mœurs, mais prohibé encore par la loi.

[4.2]Il existe dans le commerce de la soierie deux sortes de concurrences : celle étrangère et celle locale. C’est contre cette dernière qu’a eu lieu la mesure arrêtée par les ouvriers et mise par eux à exécution. Cette mesure était, si nous ne nous trompons, la seule qu’ils pussent prendre, et voici pourquoi. A la reprise des affaires les façons ont été augmentées, mais non uniformément. Qu’en est-il résulté ? C’est que les négocians qui font fabriquer le même article que leurs confrères, et paient les ouvriers 20 ou 25 c. de moins, peuvent diminuer d’autant les prix de leurs étoffes et faire par-là une concurrence nuisible aux autres maisons qui ont été de prime abord plus raisonnables. En cette occurrence que font les ouvriers ? Ils ne disent pas aux négocians : « Nous voulons telle augmentation ou nous arrêtons vos métiers » ; ce qui en effet serait abusif ; mais ils disent : « MM. tels…, vos voisins, paient tant, nous ne voyons pas pourquoi vous ne pourriez payer le même prix, et si vous ne voulez pas y consentir, comme il n’est pas juste que vous vous enrichissiez de nos sueurs, et au détriment de négocians plus généreux que vous, nous rétablirons l’équilibre en suspendant vos métiers. » La thèse, comme on le voit, n’a pas encore été discutée sur ce terrain, le seul que nous avouons ; le seul vrai. Deux maisons dans les unis (MM. Arquillière et Bonnet), et une seule dans les façonnés (M. St-Olive), ont été frappées de cet interdit momentané. On leur demande de payer le même prix que leurs confrères afin de cesser une concurrence ruineuse pour ces derniers.

Il est un autre genre d’interdit, mais qui consiste à attendre la fin des pièces sans en reprendre de nouvelles, dont les chefs d’atelier ont frappé deux autres maisons (celles de MM. Pellin et Bertrand, et Besset et Bouchard). Nous ne savons pas que l’association des chefs d’atelier et le devoir des compagnons aient pris d’autres mesures. On voit par-là combien sont exagérées les diatribes du Courrier de Lyon. Ce journal annonce une coalition des négocians pour refuser de l’ouvrage aux chefs d’atelier qui auront des métiers couverts par suite de l’interdit sur une maison de commerce. Les négocians peuvent être dans leur droit, mais alors ils ne trouveront pas mauvais que les chefs d’atelier refusent tout travail à la maison qui se sera prononcée ainsi envers un seul chef d’atelier.

EXPLICATION SUR LE DÉSAVEU

de mm. estienne et jalabert, l. gindre, berlier et buisson-tabard.

L’Echo de la Fabrique a inséré dans son dernier numéro une note dans laquelle il annonce que ces quatre maisons de commerce ont consenti à payer les prix demandés par les ouvriers.

Ces négocians ont cru devoir, dans une lettre insérée dans les journaux le Précurseur et le Courrier de Lyon, protester contre le mot consenti, et déclarer qu’ils n’avaient traité avec aucun intermédiaire, et qu’au surplus ils sauraient bien s’entendre avec leurs ouvriers.

Que cette lettre n’ait d’autre but que de satisfaire l’amour-propre de ces Messieurs, qu’elle soit une concession à leurs collègues, qu’elle ait été exigée par l’esprit de corps, écrite dans leurs comptoirs ou sur une table du café Grand, c’est possible ; mais l’Echo de la Fabrique ne doit pas en souffrir. Il ne peut pas accepter le démenti qui lui est donné.

[5.1]Voici les faits : Des délégués des chefs d’atelier d’unis se présentèrent, il y a quelques jours, dans ces quatre maisons et leur donnèrent la note des prix arrêtés dans l’assemblée générale. Ils furent assez mal accueillis : mais leur mission n’en fut pas moins remplie. M. Berlier est le seul qui ait déclaré n’avoir pas gardé copie de ces prix. Dès-lors les métiers furent arrêtés, ce que voyant ces messieurs, ils firent dire à leurs ouvriers qu’ils consentaient à payer les prix demandés ; alors les mêmes délégués retournèrent chez eux pour s’en assurer, et il leur fut unanimement répondu par MM. Estienne, Gindre, Buisson et Berlier, que les prix seraient payés ; qu’ils ne voulaient pas les afficher dans leur magasin, mais qu’ils consentaient à ce qu’il en fût donné connaissance aux ouvriers par la voie du journal. Les délégués sont connus et affirmeront la sincérité de ce récit comme ils l’ont fait devant M. le commissaire central de police, dans les bureaux duquel ils ont été conduits en sortant de chez M. Berlier, dénoncés nous ne savons par qui, mais s’inquiétant peu des suites de cette dénonciation.

Sur le Courrier de Lyon,
A PROPOS DES DISSENTIONS EXISTANTES

entre les négocians et les ouvriers.

Un journal auquel nous sommes, bien malgré nous, obligés de faire l’honneur de le nommer, le Courrier de Lyon, puisque c’est ainsi que s’appelle ce journal, aussi fièrement aristocrate que platement ministériel, a saisi, avec une joie bravache, l’occasion des dissentimens malheureux survenus entre les négocians et les fabricans d’étoffes de soie, pour lancer ses diatribes ordinaires contre la classe ouvrière. Nous n’avons pas le courage de plonger dans le cloaque de boue et de sang où le Courrier aime à se vautrer.

Le Courrier a toujours sur le cœur que les événemens de novembre n’aient pas bien fini, et l’on sait ce qu’il a voulu dire ; il a pour patrons ces hommes bien connus qu’on a justement désignés sous le nom de revancheurs. Le jury de Riom a été trop indulgent selon lui : il devait, pour l’exemple, faire tomber quelques têtes. Aujourd’hui, dit-il d’un air provocateur, une insurrection n’est pas possible à Lyon. C’est là sans doute le secret de sa force et ce qui le rend si fier. Mais si elle l’était (et il ne tiendrait pas à lui qu’elle ne le devînt), oh ! alors, comme il ramperait ! Pour nous, qui ne craignons ni les insurrections populaires, parce que nous sommes avec le peuple, ni les vengeances monarchiques, parce que, encore une fois, nous sommes avec le peuple, nous ne ferons pas l’infâme métier d’attiser le feu de la discorde ; c’est la tâche habituelle du Courrier de Lyon, nous lui la laissons ; il la remplit avec une incroyable ardeur. Nous déplorons, quant à nous, les différends survenus entre les négocians et les ouvriers, mais nous plaignons surtout les premiers d’avoir pris pour organe de leurs doléances le Courrier de Lyon. Ce journal, nous le répétons, parce que nous ne saurions trop nous faire comprendre par les hommes bien intentionnés, ne voit qu’une question de force dans le conflit de deux industries, dont l’une fabriquant pour vivre, et l’autre faisant fabriquer pour s’enrichir, peuvent bien être en mésaccord, mais doivent au moins conserver certains ménagemens entr’elles. Le Courrier voit au contraire dans cette lutte déplorable le triomphe du principe politique qu’il défend ; il veut à toute force que le gouvernement y intervienne en se déclarant [5.2]l’ennemi de la classe la plus nombreuse. Il est toujours prêt à dire comme la Gazette Lyonnaise, le lendemain des événemens de juillet : « Viennent les coups de fusil, et l’on verra de quel côté est la majorité. » Quels intérêts sert-il donc ?… A coup-sûr ce ne sont pas ceux du commerce.

Le commissaire central de police Prat,

et les ouvriers.

De quel limon sont-ils donc pétris les hommes du pouvoir ? En endossant l’habit chamarré sous lequel souvent la nullité la plus complète se cache, cessent-ils donc d’être les égaux de leurs concitoyens ? L’oubli de tout sentiment honnête et libéral est-il la conséquence nécessaire de l’élévation des citoyens à des fonctions quelconques ? Ou bien croient-ils devoir se venger envers ceux qui leur sont momentanément subordonnés, des avanies qui leur pleuvent d’un peu plus haut ? Nous cherchons vainement un motif à cette aberration de l’esprit humain. Nous ne le trouvons point.

Ces réflexions nous sont inspirées par la conduite de M. Prat. Nous n’avons pas eu personnellement à nous en plaindre dans sa visite au bureau de l’Echo ; faut-il n’attribuer cette mansuétude de sa part qu’à la crainte de se commettre avec des gens qui ne fléchissent pas aisément le genou devant l’arbitraire, et qui sont armés pour le combat par la plus puissante des divinités modernes, la liberté de la presse ! Nous sommes obligés de le croire d’après sa conduite envers ceux dont il a craint moins de résistance. Comme si nous n’étions pas là pour venir au secours de nos frères ! pour les défendre contre l’arbitraire, le caprice d’un commissaire central de police, et même de fonctionnaires plus élevés s’il était nécessaire !

M. Prat a reçu, dit-on, des pouvoirs illimités ; il en a usé, tant pis pour lui ; il n’y a plus en France de pouvoirs illimités. Il n’y a de pouvoir discrétionnaire qu’à la charge d’en user avec discrétion. Il s’est permis de faire arrêter préventivement deux chefs d’atelier dont l’un est âgé de plus de 70 ans, et un compagnon… Pourquoi cette rigueur. Pourquoi choisir quelques-uns lorsque tous sont solidaires ?… Et lors même qu’en vertu d’une loi écrite dans le code pénal de 1810, mais que nos mœurs repoussent aujourd’hui, on voudrait imputer à quelques-uns ce qui est le résultat d’un concert unanime ; où a-t-il vu, M. Prat, qu’il était équitable d’arrêter préventivement des hommes dont la peine légale serait au plus de quelques mois de prison…, par son bon plaisir il transforme en crime ce que la loi elle-même n’a qualifié que de délit… Un cachot et le secret à des hommes dont la culpabilité est douteuse, à des hommes qui soutiendront devant les tribunaux qu’ils ont le droit de s’associer, de prendre telles mesures qu’ils jugent convenables à leurs intérêts… à des hommes qui pourront bien être condamnés, mais que la société ne rejettera pas de son sein, que leurs amis continueront d’environner de leur estime et de leur amitié… Cessez, M. Prat, ces persécutions odieuses !… Informez, faites tout ce qu’il vous plaira, traduisez devant la justice, mais attendez qu’elle ait prononcé ; n’anticipez pas sur ses arrêts qu’il faut respecter, lors même qu’ils seraient le fruit de l’erreur ; … ne vous rendez pas coupable d’attentats à la liberté individuelle. Vous savez que vous êtes responsable de vos actes.

Post-Scriptum. – Nous apprenons que les ouvriers [6.1]arrêtés viennent d’être mis en liberté. Nous ne savons pas encore si c’est sous caution ou par suite d’une ordonnance de non lieu de la chambre du conseil, ou simplement par l’ordre du juge instructeur.

Nous avons le plaisir d’annoncer à nos lecteurs que, malgré les insolentes provocations du Courrier de Lyon, les négocians et les ouvriers sont parvenus à s’entendre ; les premiers ont tous, à l’exception du sieur Bonnet, consenti une augmentation et les métiers ont recommencé de travailler. Ainsi se trouve prévenue une collision flagrante.

Au Rédacteur.

Monsieur,

Je crois devoir vous signaler combien il importe aux chefs d’atelier de discuter avec fermeté leurs intérêts. Par exemple, MM. Micoud jeune et Ce m’avaient remis le 12 juin dernier une pièce au prix de 65 c. ; mais, par un remords de conscience, ils ont rayé ensuite les cinq centimes lorsque j’ai rapporté mon livre pour être réglé, et cela hors ma présence. M’en étant aperçu, j’ai réclamé, et après une altercation que j’ai cru devoir soutenir autant dans mon intérêt que dans celui de mes confrères, j’ai obtenu que la façon fût réglée au prix des 65 c. primitivement portés sur mon livre, et ensuite arbitrairement rayés.

Agréez, etc.

Guillaume,
Rue St-Marcel, n° 7.

Au Même.

Monsieur,

Attaqué dans mon honneur, plus encore que compromis dans mes intérêts, je viens réclamer de votre obligeance le soin de mettre un terme à une lâche calomnie.

Je suis accusé d’être cause de l’arrestation de M. Trillat. C’est un mensonge infâme. Je mets qui que ce soit au défi d’en administrer, non pas la preuve, mais le moindre indice. J’ai eu, il est vrai, des difficultés avec cet ouvrier, mais j’en appelle à lui-même, me croit-il capable d’une pareille noirceur ? Je compte assez sur sa loyauté pour m’en rapporter à son propre témoignage.

Rien de commun entre moi et les hommes de la police… Le sieur Trillat n’a pas même pu être signalé par des réponses émanées de moi, car je n’ai pas même, comme plusieurs de mes confrères, été appelé dans les bureaux du commissaire central.

J’espère que ce désaveu public suffira à lever tout soupçon sur ma conduite.

Agréez, etc.

Juillard,
Chef d’atelier, rue Masson.

Note du rédacteur. – Nous ne saurions trop recommander aux ouvriers de se tenir en garde contre la calomnie ; c’est aussi une arme de la police, et la plus dangereuse. En semant des divisions entre les citoyens, on relâche, on détruit le faisceau qui les unit, et ils sont livrés sans résistance à l’arbitraire. Juillard nous est connu comme un bon citoyen, et nous n’hésitons pas à le dire, il est incapable de ce dont la malveillance l’accuse.

Le chef d’atelier qui nous a adressé une lettre sur la maison Estienne et Jalabert, est prié du passer demain soir, à six heures, au bureau.

SOUSCRIPTION

En faveur des victimes de novembre 1831.

Collecte faite chez Mercier, à St-Just, le 18 juillet, par plusieurs chefs d’atelier et compagnons ferrandiniers : 11 fr. 20 c.

Cette somme a été versée entre les mains du trésorier de la souscription mensuelle.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES

(présidé par m. riboud.)

Audience du 18 juillet 1833.

[6.2]D. Le compagnon qui a travaillé sur le métier du chef d’atelier pendant que ce dernier attendait de l’ouvrage, est-il fondé à demander la moitié de l’indemnité que ce chef d’atelier a ensuite reçue du négociant qui l’avait fait chômer. – R. Non.

Ainsi jugé entre Genet, chef d’atelier, et Jacquet, compagnon.

Toutes les autres causes n’ont présenté aucune question nouvelle à décider.

Henri Droiteau et Ce ont été condamnés à payer à Pradel la totalité de sa façon, le conseil ayant reconnu, par des épreuves qu’il a fait faire, que c’était à tort que ces négocians se plaignaient que leurs pièces ne fussent pas susceptibles de recevoir l’impression par la faute du fabricant qui les aurait graissées.

Les conventions entre Balant et Prost, son élève, ont été résiliées, attendu l’inconduite de ce dernier qui a été condamné envers lui à 200 fr. de dommages-intérêts.

Bertrand, chef d’atelier, a été condamné à 150 fr. d’indemnité pour avoir occupé l’élève de Manlius sans livret, la contravention ayant été constatée.

SOUSCRIPTION

en faveur des ouvriers mineurs d’anzin, condamnés comme coupables de coalition.

1re Liste.

MM. Bouvery, 50 c. – Duchamp, 50 c. – Strube, 50 c. – Legras, 50 c. – Berger, gérant, 2 fr. – Matra, 50 c. – Bernard, 25 c.– Moine, 25 c. – Falconnet, 25 c. – Labory, 25 c. – Gay, 25 c. – D…u, 50 c. – Berthelier, 50 c. – François, partisan de l’émancipation, 50 c. – Murat, victime de novembre, 50 c. – Sigaud, 25 c. – Flachat, 25 c. – Velot, 25 c. – Montfredy, 25 c. – Tabary, 25 c. – Massot, 20 c. – Garriot, 10 c. – Sabatier, 15 c. – Avinière, 25 c. – Renevier, 15 c. – Richard, 25 c. – Bouy, 15 c. – Espacieux, 25 c. – Commarmot, 15 c. – Solichon, 25 c. – Duplanelle, 25 c. – Gauthier, 25 c. – Roy, 25 c. – Gros, 25 c. – Roche, 15 c. – Charlet, 15 c. – Guichard, 15 c. – Jousserandot, 10 c. – Matras, 15 c.
Total : 12 fr. 55 c.

SOUSCRIPTION EN FAVEUR DE DAUMESNIL,

dit la jambe-de-bois.

Nous avons appelé dans le temps la reconnaissance publique sur la mémoire du général Daumesnil (Voyez l’Echo, 26 août 1832, n° 44, p. 6). Nous émettions le vœu que le gouvernement acquittât la dette de la patrie en venant au secours des enfans de l’illustre et vertueux capitaine. Notre vœu a trouvé bien d’autres échos, mais il est resté stérile. Ce n’est pas à nous qu’il est donné de dire pourquoi. Les journaux patriotes l’ont suffisamment appris à la France consternée.

Nous recevons de M. le maire de Vincennes la lettre suivante :

Le Maire de Vincennes

A M. le rédacteur en chef du journal l’Echo de la Fabrique, à Lyon.

Monsieur,

Dans toutes les circonstances où la reconnaissance nationale a dû se manifester envers les hommes qui ont bien mérité de la patrie, votre estimable journal s’est plu à rivaliser de zèle avec ceux de la capitale ; votre dévoûment ne se refroidira pas lorsqu’il s’agit du lieutenant-général Daumesnil, ancien commandant de Vincennes. Son nom, devenu [7.1]historique et comme identifié avec l’honneur français, dispense d’énumérer ses droits à l’admiration de ses concitoyens. Occupé pendant sa vie du soin de sa gloire et non de sa fortune, il ne laisse à ses trois enfans d’autre héritage qu’un grand nom.

Vous vous empresserez, sans doute, Monsieur, d’apprendre dans votre département, ou le courage et le désintéressement de la Jambe-de-Bois vivent dans la mémoire de tous, l’appel fait par le conseil municipal de Vincennes au patriotisme français.

Les enfans de Daumesnil recevront avec orgueil l’obole de la France sur le cercueil de leur père.

Recevez, etc.

Le Jemptal.

Nous nous empressons de satisfaire à cette demande, et dès ce jour la souscription est ouverte dans nos bureaux. Nous publierons les listes de souscription.

Littérature.

Les adieux de Fontainebleau.

Messénienne.

par feu a. vidali.

Napoléon régnait, et l’Europe étonnée,
Invoquant le dieu des combats,
Voyait changer la destinée
Du plus florissant des états.

La France n’était plus cette puissante reine
Qui commandait à l’univers ;
Après tant de succès, un seul jour de revers
Ramena ses guerriers aux rives de la Seine.

L’élite de ses preux avait trouvé la mort
Sans abandonner la victoire ;
Et vingt ans de travaux, de succès et de gloire,
Etaient ensevelis sous les glaces du Nord.

Quelques soldats épars, dans ses champs, dans ses villes,
Défendaient encor leurs foyers ;
Nouveaux Léonidas, chacun de ses guerriers,
Voulait mourir aux Thermopyles !

Sublime dans l’adversité,
La garde, phalange héroïque,
Disputait la victoire à l’aigle germanique
Et gagnait l’immortalité !

Un cri s’élevant jusqu’aux nues
Annonçait la guerre aux Français ;
Et des hordes sans noms, jusqu’alors inconnues,
S’enivraient d’un peu de succès.

Pour la dernière fois, invoquant son génie,
Napoléon vit accourir
Un essaim de héros, l’espoir de la patrie,
Qui près de lui venaient mourir.

Sa voix animait leur courage ;
La France revoyait ses aigles triomphans,
Et l’ennemi, grondant de surprise et de rage,
Fuyait, vaincu par des enfans.

Tandis que la victoire, à sa voix attentive,
Prodiguait ses lauriers au plus grand des humains,
Et que le Rhin, encor, l’appelait sur sa rive,
Le sceptre échappait de ses mains.

Le ciel avait fixé le sort de ce grand homme
[7.2]Que peuvent les mortels quand les dieux ont parlé !…
Semblable à ces héros, et de Sparte et de Rome,
Il devait mourir exilé !

Napoléon, bravant des légions d’esclaves,
Rêvait un triomphe nouveau ;
Il avait rassemblé l’élite de ses braves
Dans les champs de Fontainebleau.

Des chefs, qu’abandonnait la fortune inconstante,
Près du vainqueur des rois paraissent abattus ;
Et l’un d’eux, l’embrassant, d’une voix déchirante
Lui dit : Napoléon, ton empire n’est plus…

Les jeunes bataillons se disent invincibles !
Quitter Napoléon ! la garde en a frémi…
Et soudain, déployant leurs enseignes terribles,
Marchons, s’écrient-ils, marchons à l’ennemi ! ! !

Ces guerriers, qui du monde avaient fait la conquête,
Brûlaient de frapper l’étranger ;
Napoléon paraît, et sa voix les arrête
Tandis qu’ils allaient le venger.

Rangés autour de lui, ses vieux compagnons d’armes
Lui rappellent ces jours de combats glorieux ;
Il saisit un drapeau, qu’il baigne de ses larmes,
Et leur fait ses derniers adieux.

« Compagnons, leur dit-il, vos palmes immortelles
Ont un nouvel éclat à ces derniers momens,
Que nos neveux, un jour, vous prennent pour modèles.
Adieux, braves soldats, je vous rends vos sermens. »

Un cri soudain se fait entendre !…
La flamme a dévoré leurs aigles, leurs lauriers ;
Et ces preux, ayant bu la cendre,
Dirigèrent leurs pas vers leurs humbles foyers.

Août 1828.


i Nous n’avons pas oublié notre promesse de donner successivement les opuscules inédits de l’ancien gérant de l’Echo. L’abondance des matières qui nous en a empêchés jusqu’à ce jour, reculera peut-être encore trop souvent l’accomplissement de ce devoir que nous nous sommes imposé, mais nous le remplirons. Il nous a paru de circonstance de profiter du rétablissement prochain de la statue du grand capitaine sur la colonne de la place Vendôme pour publier les Adieux de Fontainebleau.

Les n° 5 et 6 de l’École des Communes viennent de paraître. Instruire les maires de leurs devoirs, leur rendre claire et facile la connaissance et l’exécution des lois, ordonnances, circulaires et instructions ministérielles, tel est le but que se sont proposé les rédacteurs de ce recueil, qui s’adresse aux municipalités rurales.

Il n’est pas un maire qui, en le lisant, ne puisse y puiser des notions utiles et qui ne se pénètre de cette grande vérité, qu’en travaillant à la prospérité d’une commune si petite qu’elle soit, c’est contribuer à la prospérité de la France.

Sur 2291 souscripteurs que ce recueil a réunis en 1832 (1re année de sa fondation), 2281 ont renouvelé leur abonnement, et les 10 qui ont cessé ont fait connaître qu’ils n’y renonçaient qu’à regret, et à défaut de ressources disponibles au budget des communes. Ce fait prouve mieux que nous ne saurions dire le haut intérêt que MM. les maires attachent à cette publication.

ASSOCIATIONS

pour la liberté de la presse1.

Nos lecteurs ont appris par les journaux politiques que des associations nombreuses avaient été créées en faveur de la liberté de la presse. Nous croyons utile, sous le rapport historique, de consigner ici les noms des délégués de ces associations, et des départemens qu’ils représentent.

MM. Albert (Edouard), Puy-de-Dôme ; Arago (Etienne), Pyrénées-Orientales ; Argenson (Voyer d’), Haut-Rhin ; Astruc, Bouches-du-Rhône ; Audry de Puyravau, Charente-Inférieure ; Bouchotte (Emile), Moselle ; Boussi, Corrèze ; Bouygues, Cantal ; Cavaignac, Seine ; Cormenin, Tarn-et-Garonne ; Cutin, Cher ; Grandjean, Meurthe ; Maillefer (Martin), Nord, Pas-de-Calais et Somme ; Marchais, Manche, Gard ; Martignon, Loiret ; Morellet, Ain ; Pance, Aube ; Perrin, Dordogne ; Seguin (Jules), Rhône.

Ces dix-neuf citoyens, élus par les comités de vingt-deux départemens, se sont réunis dernièrement à Paris, à l’effet de former un centre commun d’action. La société Aide-toi le ciel t’aidera, qui concourt au même but, mais qui est spécialement chargée de diriger les élections dans le sens démocratique, a toujours pour président M. Carnier-Pagès, et M. Marchais (l’un des délégués sus-nommés) pour secrétaire.

Coups de navette.

[8.1]Le 21 juin 1833 serait-il l’antidote du 21 novembre 1831.

Tout le monde dit que G....n vaut G....n. Est-ce que G......n serait le seul qui ne s’en apercevrait pas.

Pour éviter l’effet des coalitions, plusieurs négocians viennent de s’associer avec des chefs d’atelier, à perte ou gain.

En lisant l’Echo de la Fabrique, des négocians plaisantaient sur nos prix courans, et disaient chiens courans. Oui, oui, leur répliqua un ami ; ce sont bien des chiens courans, car ils font lever de fameux lièvres.

Dans l’échelle de l’ordre animal les poissons sont les derniers, et dans celle des poissons ce sont les goujons.

C’est un homme bien estimable que M. Guerin ! – L’ancien président du conseil des prud’hommes ? Non ; M. Guerin fils, banquier.– Ah ! (Historique).

Le mois de juillet n’est pas aussi chaud que nous l’aurions cru… il est vrai qu’il n’est pas encore fini.

Est-ce vrai que les gardes nationaux veulent prendre leurs uniformes ? Je n’en sais rien. En tout cas ce ne sera que par économie ; pour éviter de les laisser manger aux artes.

Les artes mangent-elles l’acier ? – Non, mais la rouille le ronge.

Qu’est-ce qu’un commissaire ?… C’est… c’est un homme comme un autre.

Que veut donc ce commissaire sans entrailles, disait une revendeuse à sa commère, en voyant un ouvrier qu’on menait en prison ?… L’ignorante voulait dire central.

Demain lundi, l’art. 291 du code pénal sera enfreint au bureau de l’Echo. La réunion périodique des actionnaires excédant de beaucoup le nombre prescrit par la loi. – A qui la faute ? Au code pénal ; mais pas à nous.

Il y a deux camps à Lyon : celui des ferrandiniers et celui des revancheurs. Dans le premier, l’immense majorité des citoyens ; dans le second,… le Courrier de Lyon.

Les revancheurs, s’ils font les matamores pourraient bien s’appeler les revanchés.

Si les ouvriers arrêtent les métiers, disait M…, au café Grand, nous ferons aussi une coa… coa… coa… lition.

MONT-DE-PIÉTÉ.

Il sera procédé, le vendredi 26 juillet courans, et jours suivans, depuis quatre heures après midi jusqu’à huit, dans la salle des ventes du Mont-de-Piété, rue de l’Archevêché, à l’adjudication, au plus offrant et dernier enchérisseur, de divers objets engagés pendant le mois de juin de l’année 1832, depuis le N° 33649 jusque et compris le N° 41230.

Les lundis et les jeudis, on vendra les bijoux et l’argenterie, les montres et les dentelles, etc. ;

Les mardis, les draps, percales, indiennes, toiles en pièces et hardes ;

Les mercredis, les matelas, les lits de plume, les [8.2]glaces, les livres reliés et en feuilles, les vieux papiers, autres objets et hardes ;

Et les autres jours, le linge, les hardes, etc.

MM. les actionnaires qui voudront prendre part à la nomination de la commission de surveillance du journal pendant le trimestre qui commencera le 1er août prochain, sont invités à se rendre demain à sept heures précises du soir, au bureau.

AVIS DlVERS.

(239) L’on désire acheter un métier de tulles de 34 à 36 pouces de large, 24 à 26 de jauge, une onde forte, une belle cage et les nœuds pas trop larges. S’adresser au bureau.

(195) A vendre, une mécanique en 900, régulateurs de première force, rouleau 5/4, planches d’arcades, 5/4, 6/4, et caisse pour cartons ; le tout en très-bon état, ayant peu travaillé. S’adresser au bureau.

(221) A vendre, un battant 6/4 pour lancé, un 5/4 et un en 4/4, 3 tampias 5/4 et rabats élastiques, rouleaux en 62 percées, navettes pour lancé. S’adresser à M. Charpenet, rue de Cuire, n. 35.

(238) PAR NOUVEAU PROCÉDÉ
Jacquet-Rossillon, fabricant de fers en cuivre pour velours, prévient MM. les fabricans de velours qu’il vient de diminuer le prix de ces fers qui sont actuellement à 50 c. la paire, ou 3 fr. la masse, soit carrés, ciselés et à l’adresse, largeur 11/24 et 1/2 aune ; il tient aussi un assortiment complet pour frise et duvet de cygne.
Il demeure rue de Condé, n. 2, au rez-de-chaussée, aux Brotteaux, à Lyon.

(228) A vendre, belle cantre pour velours. S’adresser quai Bourg-Neuf, n. 114, au 3e.

(219) A vendre, un atelier composé de 5 métiers, tous travaillant en 5/4 et 6/4 au quart, suite d’ouvrage, ustensiles et mobilier. S’adresser au bureau du journal.

L’ECOLE DES COMMUNES,
Ou Bulletin des lois et ordonnances développées, expliquées et mises en pratique à l’usage des maires et des officiers municipaux des communes de 5,000 ames et au-dessous.
analyse des matières contenues dans lEcole.
Matières générales. – Améliorations proposées pour les progrès de l’administration municipale. – Devoirs des maires. – Circulaires annotées des divers ministres. – Instruction primaire. – Correspondance. – Arrêtés de MM. les préfets. – Décisions de l’autorité – Réponses aux questions soumises. Jurisprudence. – Historique sommaire du mois. – Dictionnaire des formules.
On s’abonne chez P. Dupont, éditeur du Journal officiel des Gardes nationales, rue de Grenelle-Saint-Honoré, n° 55, à Paris. Le prix d’abonnement est de 15 francs par an, franc de port.

PROCÈS
de la glaneuse.
Prix : 1 Franc.
Aux bureaux de la Glaneuse, du Précurseur et de l’Echo de la Fabrique ; et chez tous les libraires.

Révolution de 1830
SITUATION PRÉSENTE (Mai 1833.)
Par le citoyen CABET, député de la Côte-d’Or.
2 vol. in-12 : Prix : 75 c. le vol.
C’est à raison de cet ouvrage que M. Cabet a été traduit devant la cour d’assises et acquitté. Nous ne saurions trop recommander 1a lecture de cet ouvrage important aux ouvriers qui désirent s’instruire sans consacrer un temps long à la lecture.
On s’abonne à Lyon chez M. Marius Chastaing, rédacteur en chef de l’Echo de la Fabrique, rue du Bœuf, n° 5, au 2e, de 10 à 11 heures du matin ou chez M. Berger, gérant, place Rouville.
Le premier volume vient de paraître.

Notes (ASSOCIATIONS pour la liberté de la presse ....)
1 C’est à l’initiative de Lortet qu’avait été créée un an plus tôt à Lyon la première Association pour la liberté de la presse. Cette création était significative de la vitalité et surtout de l’autonomie du républicanisme lyonnais. Le « centre commun d’action » évoqué ici signale l’attraction croissante exercée au cours de l’année 1833 par Paris et que viendra sanctionner l’implantation de la Société des droits de l’homme à Lyon en septembre-octobre. Néanmoins le mouvement social et politique lyonnais conservera son autonomie par rapport au centre parisien.

 

 

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