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21 juillet 1833 - Numéro 29
 
 

 



 
 
    

Quelques mots sur la question actuelle

de coalition des ouvriers.

Nous n’avons pas l’intention de traiter aujourd’hui complètement cette question, mais nous voulons seulement donner quelques explications qui serviront à convaincre les gens de bonne foi, et notamment le Précurseur, aux suffrages duquel nous attachons autant d’importance qu’à l’estime personnelle de son rédacteur en chef, que la conduite des ouvriers en soie n’est pas aussi coupable qu’elle peut le paraître, abstraction faite de l’art. 415 du code pénal, et en admettant le droit de coalition, entré depuis peu dans nos mœurs, mais prohibé encore par la loi.

[4.2]Il existe dans le commerce de la soierie deux sortes de concurrences : celle étrangère et celle locale. C’est contre cette dernière qu’a eu lieu la mesure arrêtée par les ouvriers et mise par eux à exécution. Cette mesure était, si nous ne nous trompons, la seule qu’ils pussent prendre, et voici pourquoi. A la reprise des affaires les façons ont été augmentées, mais non uniformément. Qu’en est-il résulté ? C’est que les négocians qui font fabriquer le même article que leurs confrères, et paient les ouvriers 20 ou 25 c. de moins, peuvent diminuer d’autant les prix de leurs étoffes et faire par-là une concurrence nuisible aux autres maisons qui ont été de prime abord plus raisonnables. En cette occurrence que font les ouvriers ? Ils ne disent pas aux négocians : « Nous voulons telle augmentation ou nous arrêtons vos métiers » ; ce qui en effet serait abusif ; mais ils disent : « MM. tels…, vos voisins, paient tant, nous ne voyons pas pourquoi vous ne pourriez payer le même prix, et si vous ne voulez pas y consentir, comme il n’est pas juste que vous vous enrichissiez de nos sueurs, et au détriment de négocians plus généreux que vous, nous rétablirons l’équilibre en suspendant vos métiers. » La thèse, comme on le voit, n’a pas encore été discutée sur ce terrain, le seul que nous avouons ; le seul vrai. Deux maisons dans les unis (MM. Arquillière et Bonnet), et une seule dans les façonnés (M. St-Olive), ont été frappées de cet interdit momentané. On leur demande de payer le même prix que leurs confrères afin de cesser une concurrence ruineuse pour ces derniers.

Il est un autre genre d’interdit, mais qui consiste à attendre la fin des pièces sans en reprendre de nouvelles, dont les chefs d’atelier ont frappé deux autres maisons (celles de MM. Pellin et Bertrand, et Besset et Bouchard). Nous ne savons pas que l’association des chefs d’atelier et le devoir des compagnons aient pris d’autres mesures. On voit par-là combien sont exagérées les diatribes du Courrier de Lyon. Ce journal annonce une coalition des négocians pour refuser de l’ouvrage aux chefs d’atelier qui auront des métiers couverts par suite de l’interdit sur une maison de commerce. Les négocians peuvent être dans leur droit, mais alors ils ne trouveront pas mauvais que les chefs d’atelier refusent tout travail à la maison qui se sera prononcée ainsi envers un seul chef d’atelier.

 

 

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