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21 juillet 1833 - Numéro 29
 
 

 



 
 
    
Littérature.

Les adieux de Fontainebleau.

Messénienne.

par feu a. vidali.

Napoléon régnait, et l?Europe étonnée,
Invoquant le dieu des combats,
Voyait changer la destinée
Du plus florissant des états.

La France n?était plus cette puissante reine
Qui commandait à l?univers ;
Après tant de succès, un seul jour de revers
Ramena ses guerriers aux rives de la Seine.

L?élite de ses preux avait trouvé la mort
Sans abandonner la victoire ;
Et vingt ans de travaux, de succès et de gloire,
Etaient ensevelis sous les glaces du Nord.

Quelques soldats épars, dans ses champs, dans ses villes,
Défendaient encor leurs foyers ;
Nouveaux Léonidas, chacun de ses guerriers,
Voulait mourir aux Thermopyles !

Sublime dans l?adversité,
La garde, phalange héroïque,
Disputait la victoire à l?aigle germanique
Et gagnait l?immortalité !

Un cri s?élevant jusqu?aux nues
Annonçait la guerre aux Français ;
Et des hordes sans noms, jusqu?alors inconnues,
S?enivraient d?un peu de succès.

Pour la dernière fois, invoquant son génie,
Napoléon vit accourir
Un essaim de héros, l?espoir de la patrie,
Qui près de lui venaient mourir.

Sa voix animait leur courage ;
La France revoyait ses aigles triomphans,
Et l?ennemi, grondant de surprise et de rage,
Fuyait, vaincu par des enfans.

Tandis que la victoire, à sa voix attentive,
Prodiguait ses lauriers au plus grand des humains,
Et que le Rhin, encor, l?appelait sur sa rive,
Le sceptre échappait de ses mains.

Le ciel avait fixé le sort de ce grand homme
[7.2]Que peuvent les mortels quand les dieux ont parlé !?
Semblable à ces héros, et de Sparte et de Rome,
Il devait mourir exilé !

Napoléon, bravant des légions d?esclaves,
Rêvait un triomphe nouveau ;
Il avait rassemblé l?élite de ses braves
Dans les champs de Fontainebleau.

Des chefs, qu?abandonnait la fortune inconstante,
Près du vainqueur des rois paraissent abattus ;
Et l?un d?eux, l?embrassant, d?une voix déchirante
Lui dit : Napoléon, ton empire n?est plus?

Les jeunes bataillons se disent invincibles !
Quitter Napoléon ! la garde en a frémi?
Et soudain, déployant leurs enseignes terribles,
Marchons, s?écrient-ils, marchons à l?ennemi ! ! !

Ces guerriers, qui du monde avaient fait la conquête,
Brûlaient de frapper l?étranger ;
Napoléon paraît, et sa voix les arrête
Tandis qu?ils allaient le venger.

Rangés autour de lui, ses vieux compagnons d?armes
Lui rappellent ces jours de combats glorieux ;
Il saisit un drapeau, qu?il baigne de ses larmes,
Et leur fait ses derniers adieux.

« Compagnons, leur dit-il, vos palmes immortelles
Ont un nouvel éclat à ces derniers momens,
Que nos neveux, un jour, vous prennent pour modèles.
Adieux, braves soldats, je vous rends vos sermens. »

Un cri soudain se fait entendre !?
La flamme a dévoré leurs aigles, leurs lauriers ;
Et ces preux, ayant bu la cendre,
Dirigèrent leurs pas vers leurs humbles foyers.

Août 1828.

 

 

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