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18 août 1833 - Numéro 33
 
 

 



 
 
    
AU RÉDACTEUR.

De nombreuses lettres nous sont parvenues dans lesquelles les chefs d?atelier peignent toute l?indignation qu?ils ont éprouvée à la lecture de la 3e lettre de M. J. C. B. contenue dans le n° de dimanche ; nous nous bornerons à insérer la suivante, et une seconde qui servira de suite à notre article qui répond à M. J. C. B.

[2.1]La Guillotière, le 12 août 1833

Je vous prie de vouloir bien insérer la lettre suivante dans votre prochain numéro :

Ce n?est pas sans indignation que j?ai pu lire une lettre attribuée à un M. J. C. Bergeret, insérée dans le Journal du Commerce, ayant pour titre : des chefs d?atelier et de la fabrique d?étoffes de soie, et ce n?est pas sans étonnement que je l?ai vu transcrite dans votre journal sans que la réponse l?ait suivie immédiatement,

Tout le contenu de cette lettre ne peut être sorti que d?un cerveau aliéné, ou d?un homme dont la perfide ignorance avance des insultes à la classe nombreuse des chefs d?atelier, ouvriers en soie, tout en cherchant à troubler l?harmonie qui existe entre les ouvriers compagnons et eux.

Les ouvriers compagnons, destinés eux-mêmes à devenir chefs d?atelier, sauront faire justice de l?outrage qui est adressé à ceux qui les occupent dans leurs ateliers ; ils connaissent assez la position des chefs d?atelier pour repousser les assertions erronées de celui dont l?hypocrisie semble prendre une part si bienveillante à leurs intérêts.

Ce M. Bergeret paraît confondre les chefs d?atelier ouvriers en soie avec ces monopoleurs de commerce ou d?intrigues, dont le seul travail se réduit à quelques courses ou quelques entretiens dans les cafés ; et d?où résultent des bénéfices qui peuvent les engraisser, comme il l?exprime fort gracieusement à l?égard des chefs d?atelier.

Qu?il apprenne donc que les chefs d?atelier, ouvriers eux-mêmes, ne sont point des agens sans action, des rouages inutiles, ou toutes autres niaiseries qu?il lui plaira d?inventer ; qu?il visite lui-même les ateliers, qu?il consulte d?honorables fabricans, qu?il vérifie des comptes de chefs d?atelier, il pourra voir que le produit de leur travail, ainsi que celui du travail de leurs ouvriers, se trouve souvent insuffisant pour couvrir les frais de leurs métiers, et subvenir aux besoins de leur famille ; et que, loin de s?enrichir des sueurs de leurs compagnons, il n?arrive que trop souvent qu?ils atteignent la vieillesse sans avoir pu se mettre à l?abri de la misère pour cet âge du repos.

Les ouvriers compagnons ont, depuis de longues années, été satisfaits de la moitié du prix de la façon payée par le fabricant, et aucunes réclamations de leur part ne se sont élevées dans aucunes circonstances contre cet usage ; et si quelquefois ils ont réclamé une augmentation de salaire, ils n?ont jamais prétendu que cette augmentation soit prise sur la part du chef d?atelier, sachant bien eux-mêmes que cette moitié se réduit à bien peu lorsque les frais de montages, dévidages et autres frais accessoires sont prélevés.

Si les assertions mensongères de M. Bergeret n?étaient pas affublées de ce caractère grossier, qui détruit de lui-même toute la foi qu?on pourrait y ajouter, je pourrrais entrer dans d?autres détails, mais ils me paraissent inutiles ici, les armes qu?il nous founit contre lui-même sont suffisantes pour faire échouer tous les projets soi-disant philantropiques en faveur de la classe ouvrière.

L. F. S. B., Chef d?atelier à la Guillotière.

 

 

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