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18 août 1833 - Numéro 33
 
 

 



 
 
    
UN MOT SUR LA QUESTION LYONNAISE.

S’il est des intérêts dont on ne doit pas craindre de fatiguer le lecteur, certainement ce sont ceux qui touchent de près une grande cité. La question de l’industrie lyonnaise est de ce nombre.

Quoique plusieurs journaux l’aient traitée avec une supériorité de talent incontestable, nous croyons devoir, comme intéressés plus directs à la solution de ce grand problème, donner notre avis.

Abandonnant à ces journaux tout ce qui rentre dans la politique touchant cette question, nous nous bornerons à démontrer qu’il est urgent d’apporter remède à nos maux, en attendant l’effet qu’aura pu produire sur l’esprit des gouvernans les justes et sages avis de ces amis du peuple.

L’absence de toutes règles écrites d’après lesquelles les intérêts de chacun seraient protégés, est selon nous une lacune qu’il serait important de remplir. Notre législation s’y oppose, dira-t-on ; tant pis, la fabrique des étoffes de soie en France est trop importante pour qu’on ne s’occupe pas spécialement d’elle ; les rapports des chefs d’atelier avec les négocians sont trop chanceux pour que les uns et les autres ne soient pas intéressés à pouvoir agir avec sécurité.

En effet, parmi les nombreuses causes appelées à la barre du conseil des prud’hommes, beaucoup sont trop [4.1]importantes pour être seulement le sujet d’une simple conciliation ; mais rentrent dans le droit écrit au code des lois dont le texte ne peut être appliqué que par similitude aux intérêts des justiciables.

Quel immense bienfait ne retirerait-on pas d’une telle jurisprudence qui garantirait et le chef d’atelier et le fabricant de ces surprises journalières qui maintiennent cet esprit de haine et de division dont l’existence ne peut produire que le plus déplorable effet en tenant en état permanent de défiance deux classes d’industriels que leurs rapports commerciaux devraient constamment unir.

Car il ne faut pas se faire illusion ; ce sont moins peut-être les prix des façons qui par leur nature sont sujets à varier selon les temps, mais que les ouvriers sont à même maintenant de ne plus laisser descendre si bas, comme au temps où ils vivaient isolément ; ce sont moins, disons-nous, les prix des façons qui soulèvent ces dégoûtans appels à la barre du conseil, que l’abus que font de certains négocians de la confiance qu’ont en eux leurs chefs d’atelier, en les engageant à faire des frais souvent très onéreux, sans garanties d’un travail assez long pour les dédommager de leurs déboursés et de leurs peines ; bien que quelquefois, il faut l’avouer, ils ne peuvent pas leur donner ces garanties, mais la bonne foi devrait être là pour parer à cet inconvénient ; car il n’est pas juste que le chef d’atelier courre les mauvaises chances d’une fausse spéculation qu’il n’a pas faite.

Espérons donc que, mieux éclairés sur leurs véritables intérêts, les négocians et les prud’hommes, en cela d’accord avec les chefs d’atelier et tous les hommes qui tiennent à la conservation de la fabrique, reconnaîtront la nécessité d’une jurisprudence écrite, et feront leurs efforts pour l’obtenir.

B.......

 

 

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