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1 septembre 1833 - Numéro 35
 
 

 



 
 
    
Variétés.
tiens, mon napoléon !

Une scène demi-attendrissante, demi-burlesque, a eu lieu dernièrement sur la place Vendôme. Un ancien militaire décoré s’approche d’un homme qui vendait des petits bouquets de fleurs. Une large manne déposée à terre en était remplie.– Combien m’en donneras-tu pour vingt sous, dit le grognard d’un ton brusque ? – Dix, répond l’autre ; l’échange se fait ; et voila que le premier, faisant le tour de la colonne, lance ses bouquets sur le marbre, avec ces mots : Tiens, mon héros ! tiens, mon Napoléon ! tiens, mon empereur ! tiens, grand homme ! etc., etc. Son tour fait, il est apostrophé par le marchand qui lui dit : Bravo, camarade ; je reconnais là les anciens ! Et moi aussi, je suis un vieux soldat. – Toi ! et au lieu de jeter des fleurs à l’empereur, tu aimes mieux en faire trafic. – Il faut que chacun gagne sa vie. Mais, vous pouvez le demander à cette femme, elle m’a vu [8.2]lui en jeter deux ce matin. – Bah !… Deux qui étaient fanés. – Qui étaient plus gros et plus frais que ceux-ci… Au surplus, si on m’obstine, je suis fichu pour lui jeter toute la boutique. – Eh bien ! jette-la donc, je vais t’aider.

L’autre s’exécute de bonne grâce ; la manne est prise par les deux anses, et tout roule sur le marbre. La foule applaudit. – Ce n’est pas tout, dit le marchand, v’la vos vingt sous ; je n’en veux pas. – Ah ! ni moi non plus (dit l’autre en se retirant) ; ils sont à toi. – Je vous dis que vous les reprendrez (dit le marchand en le suivant). – Du tout. – Si fait.

Et la foule qui les suit de l’œil, les voit bientôt après s’attabler et vider ensemble une bouteille de bière.

(Historique.)

 

 

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