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15 septembre 1833 - Numéro 37
 
 

 



 
 
    
UN DISCIPLE DE CHARLES FOURRIER.

Suite de l?analyse des passions.

(Voyez le numéro du 25 août.)

Les douze passions caractérielles dont nous avons successivement donné l?analyse, sont les douze ressorts du mécanisme appelé par fourrier attraction passionnelle ; c?est-à-dire impulsion de la nature agissant en dépit de la réflexion, du devoir et des préjugés.

En tout temps, et pour tous les hommes l?attraction passionnelle a tendu à trois buts : à la satisfaction des cinq sens, aux liens d?amitié et à l?harmonie des passions et caractères.

Chacun voudrait, bien certainement, en donnant un libre essor à ses passions, ne pas nuire à sa santé et arriver [6.1]à la fortune (seuls moyens de satisfaire les besoins des sens). ? Chacun voudrait aussi pouvoir se livrer en toute sécurité aux liens affectueux : et chacun, dans son intérêt, voudrait encore voir les passions et caractères s?harmoniser.

D?où vient que nous n?ayons jamais pu parvenir à réaliser ce souhait que nous faisons tous implicitement ?? Pourtant, et cela est aujourd?hui bien évident, la nature nous a donné ces passions dans un but tout contraire ; car elles ne sont point, ainsi que l?on a paru le croire jusqu?à présent, un accident imprévu de notre venue dans ce monde ; leur emploi avait été réglé d?avance, et toutes portent avec elles leur lien de sociabilité. Mais les MONOPOLISEURS du progrès de la raison humaine avaient dit que ces passions étaient mauvaises, destructives de l?ordre, et qu?il fallait les comprimer !

Assez long-temps, Dieu merci, nous avons essayé de leurs déplorables systèmes ; et il appartenait au génie de FOURRIER de nous livrer la clé du mécanisme des passions, la théorie-sociétaire, et de donner un éclatant démenti à ces doctes précepteurs, fort habiles sans doute à nous démontrer les effets, mais peu disposés à s?occuper de la recherche intégrale des causes. ? Qu?ils l?avouent donc franchement ! Il était temps enfin qu?une nouvelle voie vînt remplacer cette ornière tant battue.

Oui, toutes nos passions sont bonnes ! et toutes portent avec elles leurs liens de sociabilité ; ? mais elles veulent être librement développées, et doivent être assises sur le travail, ? sur le TRAVAIL ATTRAYANT !

Déjà il est facile de comprendre que le travail porterait en soi une sorte d?attrait, s?il était continu et si la rétribution qui en est le prix était toujours suffisante pour satisfaire aux besoins indispensables de la vie ; ? pourquoi donc ne le serait-il pas dans un ordre où ces conditions seront naturellement garanties ?

Eh bien ! distribué en subdivisions autant minimes que possible, ? exercé en séances courtes et variées, le travail, en même temps qu?il affranchira l?homme de cette assiduité mortelle à sa santé et destructive de ses facultés physiques et morales, aura pour avantages précieux de développer tous les germes de vocations industrielles, et d?offrir à chaque individualité une sphère dans laquelle elle puisse se placer et se mouvoir à son gré ! Ceci est chose fort importante, selon nous, et cependant les hommes à systèmes ne s?en étaient guère occupé avant que FOURRIER, si long-temps méconnu, si long-temps repoussé, se fût enfin posé au milieu d?eux.

Nous tenons, ainsi que lui, comme essentiellement nécessaire, cette organisation du travail par séances courtes et variées, et par subdivisions parcellaires ; d?abord, parce qu?elle répond aux besoins de notre nature, de nos passions, qu?elle est un gage certain de paix et de concorde entre tous les hommes par la multiplicité des fonctions de chacun et l?harmonie des intérêts de tous, de TOUTES CLASSES ! résultat infaillible de ce nouvel ordre qui, intéressant chaque individu dans la presque totalité des travaux, offre ainsi une garantie assurée de juste répartition en travail, capital et talent.

Un autre avantage ressortira encore de cette organisation, qui sera d?ouvrir à l?homme toutes voies de SANTÉ, de BONHEUR et de RICHESSES.

De bonheur, par la paisible jouissance de tous les avantages que peut offrir l?ordre sociétaire, où toute lutte désastreuse, cessant entre les passions et les intérêts des hommes, sera remplacée par la lutte émulative qui conduira à l?abondance en même temps qu?au [6.2]perfectionnement de tous les produits agricoles et industriels.

De santé, par l?équilibre devant résulter instantanément de l?emploi des passions qui, mises en jeu et agissant librement, provoqueront le développement de toutes les facultés morales et physiques de l?homme, au lieu d?accroître et de perpétuer cet état de décrépitude et de démoralisation incessante, triste effet des systèmes de compression que la CIVILISATION philosophico-morale a toujours opposés aux passions humaines.

Dire combien ces systèmes, au milieu desquels l?homme se débat contre la nature, sont dangereux ! comment ils transforment tant de nobles passions en fléaux dévorans, serait chose inutile aujourd?hui que nous sommes forcés de reconnaître ; que les passions, brisant ces impuissantes digues, jettent partout le trouble, la dégradation et la honte, au sein de cette société où, comme le dit FOURRIER avec tant et de si justes motifs, tout est à contre-sens et lutte contre les vues de DIEU.

De fortune, par le concours de tous, hommes, femmes, enfans et vieillards ; et le ralliement des trois classes, riche, moyenne et pauvre. ? Entraînés au travail par l?attrait et l?entière liberté du choix des fonctions, ? l?harmonieuse distribution des travaux, ? puis la certitude d?être équitablement répartie ; partout les hommes se créeront de nouvelles et abondantes sources de richesses.

Et puis, si nous ajoutons encore que le régime sociétaire substituant à deux à trois cents habitations de deux à trois cents familles, un vaste et bel édifice qui, avec tous ateliers nécessaires, leur offre encore en appartemens petits ou grands, d?un luxe modeste ou richement décorés, une variété telle, que goûts et fortunes puissent également se trouver satisfaits ; ? que substituant aussi à trois cents cuisines, trois cents feux, trois cents greniers et trois cents caves, une seule cuisine, un seul feu, un seul grenier, une seule cave, où les travaux seront certainement beaucoup mieux exécutés et soignés par vingt à trente personnes qui auront opté pour ces travaux qu?ils ne le sont aujourd?hui par TROIS CENTS ménagères, qui, n?en déplaise à MM. les PHILOSOPHES et MORALISTES, sont loin d?avoir toutes un goût très prononcé pour les fonctions du ménage, les seules qu?ils aient daigné leur assigner ! ? Eh bien ! il est dès-lors facile de comprendre combien seront grands les bénéfices et les avantages du régime sociétaire ; et fort heureusement ce calcul est à la portée de toutes les intelligences.

Enfin, aujourd?hui qu?il n?est que trop vrai que la liberté ILLIMITÉE du commerce et de l?industrie, est précisément l?arrêt de mort de l?industrie et du commerce, en même temps qu?elle est le gouffre dans lequel vient forcément s?engloutir le salaire des travailleurs, et puis assez souvent l?OR des capitalistes. ? Aujourd?hui que la production n?est plus en rapport avec les besoins de la consommation ; ? que malgré les pestes, guerres et révolutions, les populations se sont presque accrues d?UN TIERS depuis environ 40 ans ; que cet accroissement tend à un développement bien plus considérable encore, aujourd?hui que nos m?urs repoussent la guerre et se lassent de révolutions ! ? Aujourd?hui, disons-nous, n?est-il pas bien évident que, pour répondre aux besoins de la masse, puis créer la richesse générale (seule voie de LIBERTÉ, d?UNION et d?ORDRE PUBLIC !) La société a besoin d?une organisation toute nouvelle.

Eh bien ! cette organisation, CHARLES FOURRIER [7.1]nous l?offre : ? Place au travail, place au talent, place au capital ! voila le nouveau champ qu?il nous ouvre !

Travail attrayant, concours de tous, harmonie de toutes les classes ! Tel doit être le résultat de la mise en pratique de la théorie-sociétaire.

Pour nous, c?est un devoir comme une ?uvre d?humanité que nous croyons remplir en appelant l?attention sur les travaux de FOURRIER. Et par le temps qui court, nos modestes efforts valent bien, ce nous semble, une dissertation sur les douceurs et la LÉGITIMITÉ de la peine de mort.

R...... cadet.

 

 

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