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1 janvier 1832 - Numéro 10
 

 




 
 
     

[1.1]Les personnes dont l’abonnement expire le 1er janvier, sont invitées à venir le renouveler pour ne pas éprouver de retard dans l'envoi du Journal.

Une souscription est ouverte au bureau de l’Echo de la Fabrique en faveur des blessés, des veuves et des orphelins des trois journées de novembre. Nous en appelons à toutes les ames généreuses, à ces cœurs philantropes qui ont secouru l'infortune jusques sur des rives étrangères et dont l'humanité ne manquera pas de venir au secours de leurs concitoyens malheureux.

LYON. LE 1er JANVIER.1

Ce jour, lorsque nos manufactures prospéraient, était un jour de fête pour chaque famille ; aujourd'hui il ne leur reste plus que de tristes souvenirs. Cependant tout n’est pas perdu, et nous pouvons, ouvriers, chefs d'ateliers et négocians, nous livrer à l'espérance. Avec les institutions qui nous régissent, la France manufacturière peut être encore sans rivale, comme elle peut être, avec le trône des barricades et son drapeau, la première et la plus puissante des nations. Nous croyons, au commencement d'une nouvelle année, pouvoir répéter ce que nous avons dit tant de fois : Il faut que tous les hommes se tendent la main ; que le passé s'oublie ; que l’ouvrier, le chef d'atelier et le fabricant, dont les intérêts sont liés, fassent le sacrifice de tout ressentiment [1.2]personnel pour l'intérêt de tous, afin que la paix, la concorde et la confiance se rétablissent pour durer éternellement entre des classes dépendantes les unes des autres.

Pour nous, empruntant un langage qu'un vieil usage a consacré, nous allons faire des souhaits ; puissent-ils s'accomplir pour le bien de l'humanité !

Nous souhaitons à M. le président du conseil des ministres qu'il connaisse les véritables causes de la misère des ouvriers de Lyon, et y porte remède.

Nous souhaitons à tous les préfets de mériter le titre glorieux que M. Du Molart a acquis parmi nous, de père des ouvriers.

Nous souhaitons à M. le maire de Lyon toute l’impartialité que commande le caractère dont il est revêtu, et surtout que si on lui demande de permettre la vente publique de la justification d'un ex-premier fonctionnaire il ne la refuse pas ; car il serait bien charmé qu'en pareil cas on permit la vente publique de la sienne, ce que nous ne lui souhaitons pas. Mais, dans ce siècle, qui peut compter sur la stabilité des places ?…

Nous souhaitons au député qui prétend que l'ouvrier peut vivre avec vingt-huit sous par jour, qu'il prenne pour lui cette somme et donne le superflu de ses revenus aux malheureux dont il n'a pas craint de mettre en doute la misère.

Nous souhaitons que les négocians honorables qui ne spéculent point sur la faim de l'ouvrier se fassent connaître, afin que chacun les comble de ses bénédictions.

Nous souhaitons que le petit nombre de négocians déhontés, vrais parasites commerciaux, soient démasqués et flétris par la réprobation publique.

[2.1]Nous souhaitons aux ouvriers que, par le tarif ou la mercuriale, ils voient enfin cesser cet état de détresse où l’égoïsme les a plongés.

Nous souhaitons aux philantropes qui, dans des jours de deuil, ont tendu une main bienfaisante aux infortunés ouvriers, que leurs noms nous soient connus, afin que nous puissions les publier et les transmettre à nos neveux comme des modèles d'humanité.

Nous souhaitons que toutes les ames généreuses, dans quelque classe qu'elles se trouvent, se réunissent pour faire cesser toutes les dissensions civiles ; dussent les ennemis de la France et de nos institutions en mourir de dépit.

Nous souhaitons que le commerce reprenne toute sa splendeur ; que Lyon redevienne, pour la soierie, le magasin du monde, et fasse, par son industrie, la gloire de la France.

Nous souhaitons, enfin, aux journalistes moins de procès et surtout point d'incarcération ; car ils ont à souffrir assez d'autres petites tracasseries.

En nous vouant aux intérêts de la classe ouvrière1, en embrassant sa cause, nous nous sommes dit : Elle ne peut rien donner, ni places, ni grandeurs, ni or ; nous serons abreuvés de dégoûts, parce que notre voix ne sera pas écoutée ; parce que, sortis du sein de cette classe que nous défendons, une réputation éblouissante ne nous aura point devancés. On dira, si nous voulons signaler l'égoïste qui aura forfait à l'honneur, que nous provoquons à la haine ; et si, ne consultant que nos cœurs, nous en appelons à l'humanité, à l'oubli du passé, à la réconciliation, on dira que nous sommes pâles, sans force, et que la crainte nous inspire. Fidèles à la route que l'honneur nous a tracée, nous serons les défenseurs courageux des ouvriers, parce qu'ils ont été généreux, parce que nous croyons que cette classe est la plus utile, et peut-être la plus vertueuse de la société.

Nous ne croirons point être pâles et sans force, quand en vrais citoyens, en bons patriotes, nous déplorerons les erreurs qui ont plongé notre cité dans le deuil, quand nous jetterons un voile sur le passé, et quand nous fléchirons le genou sur une tombe renfermant une victime des dissensions civiles, sans nous informer si c'est la dernière demeure d'un prolétaire ou d'un financier...

Nous ne croirons point provoquer à la haine, en signalant parmi les négocians une minorité insatiable qui sacrifierait les intérêts généraux et ceux même de la patrie à ses intérêts privés ; en signalant quelques hommes déhontés qui, pour nous servir de l’expression du poète, boivent la sueur au front du prolétaire ; hommes avides que la masse des négocians repousse, et qui ont causé tous les maux dont nous avons été les témoins.

Nous n'avons cessé de réclamer une amélioration du sort de cette classe trop long-temps malheureuse et vraiment digne qu'on s'occupe d'elle : nous l'avons fait avec modération, parce que la menace est toujours illégale, et que nous ne l'emploierons jamais que contre les ennemis de la patrie et des institutions qui nous régissent. On nous a répondu que l'ouvrier se créait des besoins factices, et un honorable député a dit, à la tribune nationale, que ce n'était pas la misère qui avait poussé les ouvriers de Lyon, puisque la plus mince journée y est de 28 à 32 sous… Eh bien ! malgré que nous ayons prouvé le contraire, nous acceptons que la journée soit telle que l'honorable député l'a annoncé, et c'est à nous, pères de famille, que l'on viendra dire qu'on n'est pas dans la misère avec un pareil gain ! et ce sont des hommes qui, nés dans l'opulence, mènent une vie délicieuse [2.2]et engloutissent 100.000 fr. de revenu par an, qui nous tiennent un pareil langage ! Nous allons nous attacher à eux ; notre main va les saisir, et ce sera une main de fer… Ils ne nous échapperont point ; nous allons les traîner, malgré eux, dans l'intérieur du ménage d'un ouvrier : nous allons les traduire à la barre de la misère…

Ici vous ne trouverez point à la porte une natte pour essuyer les pieds, on serait très-heureux si dans l'intérieur on en avait une pour coucher des enfans ; dans un coin est un peu de paille, c'est là où ces pauvres créatures passent les nuits. Ouvrez ce meuble, vous croirez y trouver quelques hardes pour préserver ces malheureux de la rigueur des saisons, ou le peu de linge que la propreté exige ? il est vide… vous n'y trouvez rien... Oh ! nous nous trompons, vos yeux ont découvert quelques papiers épars ; ce sont des billets de Mont-de-Piété… C’est là que tout s'est englouti ! c'est là qu'on a porté pièce à pièce les hardes pour avoir un morceau de pain ; mais ces billets ont vieilli, et tout est perdu...

Et cet homme, jeune encore, mais pâle et décharné, qui lève sur vous des yeux éteints par l'agonie de la misère ? Il est malade ; que ne va-t-il à l'hôpital ? Sans doute il y serait à sa place. Chez lui un travail de dix-huit heures augmente, il est vrai, ses souffrances ; mais il lui faut gagner de vingt-huit à trente-deux sous pour acheter quelques alimens grossiers que ses enfans s'arrachent entre eux et dont il se passe, parce qu'il aime mieux endurer la faim que de voir souffrir les innocentes créatures auxquelles il donna le jour.

Et cette femme couverte de haillons ? C'est la compagne de sa misère ; son front est couvert de rides ; les larmes ont affaibli sa vue ; elle est jeune pourtant, mais les souffrances l'ont épuisée, et chaque jour elle se courbe vers le tombeau…

Maintenant, hommes stoïques qui, couverts d'un manteau, assis à une table splendide, insultez à la misère, en disant qu'on peut vivre avec vingt-huit sous par jour, vous pouvez nous échapper ! Allez oublier au milieu des festins l'impression du tableau que nous venons de faire ; mais ne vous plaignez pas si nous vous appelons égoïstes.

Le Constitutionnel du 28 décembre, dans un article intitulé : Causes politiques des troubles de Lyon, cite un passage de la Gazette du Lyonnais1, où il est dit qu'un drapeau blanc a paru en effet ; mais qu'il n'en a paru qu’un seul, comme signale paix, comme drapeau parlementaire, et qu’une méprise a produit un massacre. Nous pouvons affirmer que ce fait est faux. Nous avons dit, dans notre numéro du 27 novembre, l’exacte vérité ; ce ne fut point un drapeau qui parut, mais un mouchoir blanc qu'un homme sortit de sa poche et agita pour faire cesser la combat ; il faillit être victime de cette imprudence involontaire, car les ouvriers firent pleuvoir sur lui une grêle de tuiles et de balles.

Nous voyons avec peine que le Constitutionnel, journal généralement estimé et surtout très-répandu, donne par la publicité de la consistance à des assertions qui montreraient les ouvriers de Lyon comme les instrumens d'un parti qu'ils détestent, et avec lequel ils n'auront jamais aucun rapport.

Le nommé Fillière1, ouvrier en soie, âgé de 22 ans, avait été blessé au genou dans les déplorables journées de novembre. Ce malheureux a succombé à sa blessure le 27 décembre, et laissé en proie à la plus vive désolation une mère chérie et des frères avec lesquels il [3.1]vivait dans la plus étroite amitié. Ce qu'il y a de plus triste dans cette malheureuse affaire, c'est que cet infortuné, au rapport de la multitude rassemblée aux Broteaux, en face du pont Morand, était sans armes lorsqu'il fut atteint d'une balle partie de la maison Oriol ; ce qui causa l'irritation spontanée de ses amis qui venaient déjà d'être témoins de plusieurs faits semblables.

Ses obsèques ont eu lieu à l'église de l'Hôpital, le 28 décembre, à trois heures de l'après-midi. Plus de quatre cents personnes ont accompagné le convoi, qui a traversé religieusement la ville pour se rendre au cimetière de Loyasse.

Arrivés au lieu du repos, un ancien ami du défunt allait prononcer le discours suivant, lorsque, ému jusqu'aux larmes, il fut forcé de remettre cette tâche à un des assistans, qui ne s'en acquitta pas sans faire partager les sentimens dont il était pénétré lui-même :

« Dans la vive douleur qui m'accable, je fais un grand effort pour prononcer sur la tombe de notre brave et généreux ami Fillière nos derniers adieux, et pour témoigner en votre présence les justes et sincères regrets que nous cause sa perte prématurée. Vous savez tous combien sa société était agréable, son caractère doux et paisible, ses manières franches ; que son père, sa mère et ses frères sont plongés dans un désespoir d'autant plus cruel qu'il était bon fils, bon ami ; qu'en un mot, il possédait toutes les qualités qui sont l'apanage d'un excellent cœur et d'un vrai Français. Des larmes amères me suffoquent quand je songe que c'est pour ainsi dire dans mes bras que cet intime ami a reçu le plomb fratricide qui l'a conduit, après des souffrances aiguës, dans le champ de l'éternel repos où nous viendrons souvent semer de fleurs et arroser de nos pleurs la froide terre qui le couvre. »

M. le maire de Lyon, ayant été sollicité pour accorder la permission de crier et vendre dans les rues de cette ville la justification de M. Du Molart, extraite de divers journaux de Paris, a refusé son autorisation, en alléguant que cette justification de l'ex-premier magistrat de notre département n'était propre qu'à rallumer l'incendie. Or, nous demandons à toute personne franche et loyale, où se trouve, dans la défense de M. Du Molart, le germe prétendu d'incendie ? Est-ce que la vérité mise à nu et dévoilée au grand jour ferait peur à M. Prunelle ? Un magistrat quelconque, comme aussi le dernier des administrés, n'ont-ils pas le même intérêt à la connaître tout entière ? Si M. le maire se trouvait sous le poids d'une accusation semblable, relativement à sa gestion administrative, ne serait-il pas satisfait de recourir aux moyens qu'il refuse à l'honneur attaqué d'un premier fonctionnaire dont il a été à même, plus que tout autre, d'apprécier la noblesse, la générosité, le patriotisme, et par-dessus tout, les dangers imminens qu'il a encourus par sa sagesse et sa fermeté ? M. Prunelle devrait se rappeler qu'on n'a pas eu besoin de solliciter son autorisation pour débiter dans les rues certain Extrait de Courrier de l'Ain, adressé aux amis de l'ordre et de l’industrie, sur les événemens de Lyon ; on l'a distribué gratis, à la mairie, aux crieurs publics, pour le répandre avec profusion. Cet imprimé, qui est plutôt pour induire en erreur la population que pour l'éclairer sur ce qui s'est passé, n'est qu'un mensonge publié. L'imposture aujourd'hui serait donc seule permise au grand jour, et la vérité forcée de se cacher dans l'ombre !...

[3.2]Le Journal du Commerce de Lyon, du 30 décembre, contient un article dans lequel il s'efforce de démontrer que la concurrence étrangère est le seul fléau qui afflige le commerce de Lyon. Après avoir énuméré les quantités de soie reçues en Angleterre de 1770 à 1815, il ajoute que, depuis cette dernière année, l'envoi des soies italiennes au marché de Londres a été si considérable, qu'en prenant le terme moyen, on l'évalue à 1,500,000 liv. par an ; que, pendant l'année 1826, il s'en était débarqué 2,350,000 livres ; qu'en 1827, on mettait en œuvre 4,200,000 livres de ce fil précieux ; enfin que l'industrie de la soierie n'est plus seulement concentrée à Spitafields, mais s'étend encore vers les côtes occidentales de l'île ; qu'au moyen de la grande diminution sur les droits d'entrée des soies grèges et tordues, l'Angleterre accapare les soies de l'Asie, de la Turquie et de l'Italie ; que, par ses inventions mécaniques, elle multiplie les forces productrices de l'industrie ; que cette industrie, qui emploie deux cent mille individus, fait circuler un capital de 300,000,000 de fr. Cet article est terminé par ces mots : « L'industrie est cosmopolite, elle aime l'ordre et la paix, elle se réfugie aux lieux où elle trouve l'une et l'autre. »

Nous prions nos lecteurs de vouloir bien jeter les yeux sur la note suivante qui nous est transcrite du Moniteur du commerce, et nous les invitons à la comparer avec l'article ci-dessus que nous ne devons attribuer qu'à la plume d'un négociant intéressé.

Londres, 19 décembre.

Une assemblée nombreuse et recommandable des manufacturiers en soie de la métropole s'est tenue aujourd'hui dans Basinghalle-Street, pour prendre en considération la détresse du commerce de soieries, et l'insuffisante protection que reçoit actuellement ce commerce contre l'importation des soieries de fabrique étrangère. Plusieurs orateurs, qui ont été entendus, ont représenté que les droits de protection avaient seuls jusqu'ici fait fleurir le commerce des soieries en Angleterre, de telle sorte qu'en février 1824, il y était employé dans ce commerce un capital d'une valeur de 12 millions, et au moins 500 mille hommes trouvaient à occuper leur industrie à Manchester, Congleton, Macclesfield, Norwich, Yarmouth et d'autres villes. Depuis l'introduction du système du libre commerce1, on a vu dépérir cette branche industrielle. A Noël 1829, on comptait 134 fabricans ; depuis lors, 47 ont fait banqueroute. La balance des importations avec les exportations, toujours favorable au commerce anglais, a, depuis 1826, tourné au profit de la France ; la France seule, depuis l'innovation du commerce libre, s'enrichit de notre détresse. Le commerce de gants n'est pas dans une position beaucoup plus brillante.

L'assemblée s'est séparée après avoir arrêté qu'elle appellera l'attention sérieuse des ministres sur la détresse actuelle du commerce des soieries.

On lisait dans le Globe du 23 décembre :

« La fabrication des soies de Lyon était réglée par un tarif entre les fabricans et les ouvriers.

Or, le tarif ancien permettait aux fabricans lyonnais de travailler et de conjurer la faillite ; le nouveau tarif ne le leur permettait pas : ils ont demandé le maintien de l'ancien tarif. »

Nous devons dire à M. Stéphane Flachat1 qui a tenu ce langage, qu'il a été induit en erreur ; que MM. les fabricans [4.1]étaient loin d'accepter l'ancien tarif qui était tombé en désuétude et portait les prix des façons presqu'au double de ceux portés au nouveau. L'intérêt des fabricans n'était donc pas d'en réclamer le maintien, puisqu'ils se sont opposés à l'adoption du dernier, quoiqu'ils y eussent apposé leurs signatures. Nous pensons que M. Stéphane Flachat voudra bien revenir d'une erreur que l'éloignement de la localité a seul pu lui faire commettre.

Une collecte faite à la manufacture de la Sauvagère, a produit la somme de 71 fr. 15 cent. Cette somme, remise il y a huit jours à notre bureau, a été immédiatement distribuée aux malheureux blessés des trois journées de novembre.

Une souscription dont le produit est destiné à donner du travail pendant l'hiver aux ouvriers de Lyon, vient d'être ouverte chez M. Laruaz-Tribout, fabricant de dentelles et de blondes, passage des Petits-Pères, n°9, à Paris. Pour une souscription de 40 fr. le souscripteur aura une robe de dix aunes de gros de Naples. Cette étoffe a été choisie de préférence, parce qu'elle est fabriquée par les ouvriers les plus malheureux. Le souscripteur a le choix des nuances ; il trouvera à cet effet des échanges chez M. Laruaz-Tribout.
(National.)

AU RÉDACTEUR

Lyon, le 29 décembre 1831.

Monsieur,

Dans une précédente lettre que j'ai eu l'honneur de vous adresser, j'ai examiné quelle pouvait être, pour la France, l'importance de la fabrique de Lyon, et j'ai indiqué l’établissement d'une prime de sortie pour ses articles, comme pouvant être le seul remède efficace aux maux qui l'accablent depuis si long-temps.

Aujourd'hui, Monsieur, si vous voulez bien encore m'ouvrir vos colonnes, je me propose de présenter quelques nouvelles considérations, et de prouver, à l'appui de mon opinion, que le moyen dont j'ai parlé est également indiqué par le système qu'ont universellement adopté, dans la direction de leur commerce extérieur, toutes les nations commerçantes de l'Europe, sans en excepter la France.

Mais auparavant, je dois enregistrer un fait qui s'est produit au milieu des débats que viennent de provoquer encore, à la chambre des députés, les malheureux événemens de notre ville.

M. le président du conseil avait d'abord essayé, dans un premier discours, d'expliquer les souffrances de notre industrie par de vagues généralités, qui cependant n'ont que peu ou point de rapport avec elles, et par des citations qui n'ont point assez d'exactitude. Mais plus tard, dans une occasion où il n'eut pas le temps de préparer ses phrases, cessant d'en dissimuler ainsi la véritable cause, il a enfin consenti à la voir plus simplement, comme tout le monde, dans la concurrence des soieries étrangères. C'est ce fait ou cet aveu qu'il importait à mon dessein de constater d'abord.

Puisque M. le président du conseil a reconnu que nous avons à l'étranger des concurrens qui nuisent considérablement à l'écoulement de nos soieries, il n'ignore pas, non plus, quel est l'avantage qu'ils ont sur nous. Il sait, sans doute, que la main d'œuvre chez eux coûte moins que chez nous, parce que leurs ouvriers peuvent vivre à meilleur marché que les nôtres. [4.2]Il sait encore qu'ils doivent cet avantage à leur pauvreté, l'argent ayant plus de valeur là où il est plus rare, et il doit en conclure nécessairement qu'à égalité de procédés il y a pour nous impossibilité absolue de produire au même prix qu'eux.

Dans cet état de choses, il doit lui être évident que, sans la protection d'une prime, nous ne pouvons entrer avec eux sur les marchés étrangers. Les Anglais eux-mêmes, nonobstant leurs machines économiques, ne peuvent s'y soutenir autrement, pour un grand nombre d'articles ; car sans cette ressource qui leur est offerte, les nations riches, vaincues successivement par les nations pauvres, dans toutes les branches de l'industrie, s'y verraient, à la longue, infailliblement supplantées par elles.

L'on peut donc s'étonner que le gouvernement, qui doit veiller à la conservation des sources de la richesse du pays, n'ait point encore songé à appliquer aux maux de la fabrique de Lyon le seul remède qui puisse les soulager. Ce remède cependant, qu'il trouverait dans une prime de sortie, lui est manifestement indiqué par le système commercial qu'il a adopté, et dont elle est, ainsi que les droits d'entrée, l'un des grands moyens.

La prime et les droits d'entrée, quant à leurs résultats, sont parfaitement identiques ; ils ne diffèrent que dans leur application, la première devant agir sur les exportations, et les seconds sur les importations. Expliquons cela par un exemple.

Supposez que les draps étrangers entrassent librement en France ; ils y obtiendraient, sans doute, la préférence sur les nôtres, vu leurs bas prix. Evaluez à 10 millions la somme qu'ils pourraient alors nous enlever ; les droits d'entrée, en les repoussant, nous conservent donc cette somme ; et la faisant refluer sur nos manufactures, là d'abord elle se distribue par le travail entre nos fabricans et nos ouvriers drapiers, puis de leurs mains passe successivement dans celles d'autres travailleurs, crée par cette circulation une somme de revenus particuliers plusieurs fois égale à elle-même, et augmente proportionnellement les revenus de l'état.

Or, tous ces mêmes effets sont exactement produits par la prime. Ainsi, appliquée à nos soieries, elle en baisserait les prix à l'étranger, en augmenterait par conséquent l'écoulement ; et il se pourrait que cette augmentation fût bientôt portée à 10 millions. Cet argent entrant donc dans le pays, y suivrait le même chemin que je viens de décrire, et dans sa route augmenterait aussi de la même manière les revenus publics et particuliers.

Ainsi, dans l'un et dans l'autre cas, par la prime comme par les droits d'entrée, effet tout aussi favorable produit sur la balance de notre commerce, égale activité communiquée au travail et à la circulation, même augmentation apportée dans la richesse et dans les revenus des particuliers et de l'état, enfin identité absolus d'heureux résultats.

La prime est donc un moyen au moins aussi utile et aussi nécessaire à la prospérité du commerce extérieur et à l'accroissement de la richesse publique que peuvent l'être les droits d'entrée. Quoique la prime soit beaucoup plus rarement employée, plusieurs branches de commerce en sont cependant favorisées. Pourquoi donc en refuserait-on le secours à notre industrie, dans sa détresse ? Serait-ce parce qu'elle exige une dépense de la part de l'état ? Mais il est évident, comme je l'ai prouvé, qu'elle lui en rendrait le montant et même au-delà, par l'augmentation de ses revenus, résultant d'un accroissement de capitaux et de travail qu'elle procurerait [5.1]au pays. Elle ne serait donc véritablement qu'un prêt momentané à l'industrie.

Ce prêt d'ailleurs serait naturellement à imputer sur des fonds qui, par leur origine, semblent devoir lui être spécialement affectés. Tels sont les droits imposés aux marchandises étrangères. En effet, le gouvernement, dans la proposition qu'il en fait aux chambres, ne manque jamais de leur dire qu'il n'a point alors en vue les intérêts du fisc, mais uniquement ceux de l'industrie.

De ce principe, dont la justesse est incontestable, dérive, ce me semble, l'obligation d'appliquer par privilège le produit de cet impôt aux besoins de l'industrie. Voilà donc le fonds privilégié des primes, qui est bien loin toutefois d'être absorbé par elles.

Le système commercial suivi par la France indique donc manifestement au gouvernement une mesure propre à relever notre industrie abattue ; l'efficacité n'en est point contestée ; elle n'exigerait qu'une simple avance de l'état, puisque, en augmentant ses revenus, elle lui rendrait ce qu'elle lui aurait coûté ; enfin, dans tous les cas, des fonds lui sont assignés par privilège sur une certaine branche d'impôts.

Cependant privée d'un secours qu'il serait si facile de lui donner, la fabrique de Lyon s'affaiblit de plus en plus dans la lutte inégale qu'elle soutient au dehors. Voudrait-on donc, au milieu de tant d'autres causes d'appauvrissement pour le pays, laisser encore tarir ainsi l'une des sources les plus abondantes de sa richesse ? Que dans une telle nécessité la fabrique tout entière élève donc sa voix pour réclamer la seule mesure qui puisse la préserver elle et la France de cet irréparable malheur. Qu'oubliant leurs funestes divisions, franchement réconciliés, et déjouant ainsi de perfides combinaisons, fabricans et ouvriers réunissent leurs efforts dans une circonstance où il ne s'agit pour eux tous de rien moins que de leur ruine.

Qu'ils ne craignent point de voir assimiler leur demande à ces mesures réclamées par l'égoïsme des localités contre les intérêts du pays tout entier. Ce n'est point à eux que s'appliquent ces paroles de M. le président du conseil. Plus de 150 millions de revenus, que leur relations extérieures seulement procurent encore à la France dans leur décadence, prouvent suffisamment que tous les intérêts généraux du pays sont ici parfaitement d'accord avec les leurs. Qu'ils montrent donc une juste confiance dans leur cause ; qu'ils ne s'abandonnent point eux-mêmes dans un moment décisif, où ils se voient menacés de perdre, avec le plus important de leurs articles, la moitié de leur travail et de leurs affaires. Car ils se tromperaient s'ils se résignaient à cette perte dans l'espérance que ce fût la seule qu'ils auraient à craindre de la même cause. L'on ne peut en effet se dissimuler qu'après avoir enlevé l'uni à la fabrique de Lyon, les pays plus pauvres, qui produiront toujours à meilleur marché qu'elle, attireraient encore à eux insensiblement les divers genres de façonnés ; et il n'en saurait être autrement, si l'on persistait à se refuser la seule défense à laquelle, en pareil cas, puissent recourir les pays riches.

La violence de la crise va s'augmenter chaque jour. Nos rivaux qu'avec tant d'imprévoyance, nous avons d'abord laissé grandir si paisiblement, et qui nous sont enfin devenus si redoutables, ajoutent encore sans cesse de nouvelles forces à celles qu'ils ont déjà. Dans ce pressant danger, la fabrique de Lyon se manquerait à elle-même de rien négliger qui puisse l'en garantir. Qu'elle invoque donc l’appui de la ville entière et du département, [5.2]qui participent à ses biens comme à ses maux, où tout languit, ou bien tout prospère avec elle. Et nous en avons un exemple frappant dans les propriétaires de la ville, dont la fortune a diminué d'un tiers depuis le commencement de ses souffrances, et qui, sans nul doute, se récupérerait bientôt par le retour de sa prospérité.

Que tous les vœux donc, que toutes les volontés se groupant autour d'elle, viennent fortifier de leur concours celle dont ils partagent et doivent partager le sort, heureux ou malheureux, quel qu'il soit. Le gouvernement, les chambres ne pourraient se refuser à une demande légitime, qui leur serait présentée à l'unanimité de tant de voix, et où surtout les intérêts généraux ne trouveraient pas moins de faveur que les intérêts de notre malheureuse fabrique.

J'ai l'honneur d'être, Monsieur, avec la plus parfaite considération,

Votre très-humble et obéissant serviteur,

D.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 29 décembre.

La séance a été présidée par M. Guérin-Philippon. L'auditoire était bien moins nombreux qu'aux audiences précédentes ; mais, en revanche, les causes qui y ont été appelées, ont généralement offert plus d'intérêt.

M. Gaillard, chef d'atelier, faisait comparaître M. Reverchon, négociant. Ce dernier n'allouait à ses maîtres que 12 deniers, ou 3 p. 100, de déchet sur les schals bourre de soie qu'il fait fabriquer. Le sieur Gaillard a demandé au conseil si c'était bien là ce qui, depuis très-long-temps, avait été établi et reconnu par les fabricans. M. le président, après avoir pris l'avis de MM. les membres du conseil, a déclaré que, depuis douze au moins, par suite d'une délibération prise dans une réunion de négocians, le déchet alloué aux maîtres pour cet article était de 18 deniers, et a, en conséquence, condamné M. Reverchon à régler le déchet des schals de M. Gaillard selon ce qui venait d'être rapporté.

Le sieur Gaillard s'est plaint ensuite de ce que le sieur Reverchon lui avait fait couper une pièce, sous prétexte que la couleur était passée de mode ; mais qu'au lieu de la remplacer, ainsi qu'il l'avait promis, il en avait remis le dessin à un autre maître.

Le sieur Gaillard, d'après ce dernier procédé, a réclamé ses frais d'enlacement de cartons, du pliage et du torsage de la pièce coupée.

Le conseil, statuant sur la justice de cette demande, a condamné le sieur Reverchon à rembourser au plaignant les frais faits par ce dernier.

Ont comparu ensuite MM. Boferding, maître, et Champagne, fabricant.

Le sieur Boferding avait monté un métier de mouchoirs mandarines pour le sieur Champagne. Les frais, consignés dans un compte présenté par le sieur Boferding, s'élevaient à 42 fr. ; le salaire de l'ouvrage fabriqué se montait à 66 f. Le sieur Boferding, obligé de payer 33 f. à l'ouvrier, n'avait plus que 33 francs sur 42 qu'il avait dépensés pour le montage et le temps perdu. Il réclamait donc une indemnité.

Le négociant, de son côté, objectait que la note fournie par M. Boferding était de beaucoup exagérée ; mais qu'il ne se refuserait pas à l'indemnité que le conseil adjugerait.

M. le président a répondu au sieur Champagne qu'il connaissait l'état de la soierie ; que la demande du sieur [6.1]Boferding était très-modeste, puisqu'il avait perdu un mois et demi à l'opération dont il était question. Sur ce le sieur Champagne s'est écrié : « Je suis canut, et fils d'ouvrier, je connais aussi l’état. » Un mouvement prolongé d'hilarité, dans l'auditoire, a accueilli cette exclamation.

Le conseil, après avoir délibéré, a prononcé qu'il serait alloué au sieur Boferding une indemnité de 36 fr. 50 c.

A été appelée la cause des sieurs Patouillet et Girard.

Ce dernier avait proposé au sieur Patouillet un velours bleu de ciel, pour la confection duquel il lui promettait 6 fr. 50 c. par aune s'il était content. Le sieur Patouillet fit alors observer à ce négociant que dans cette saison il était impossible de faire un ouvrage aussi délicat, lorsque tout peut contribuer à sa détérioration ; que, dût-il le lui payer même 7 fr., à la condition de le confectionner comme dans les beaux jours, il ne pouvait s'en charger. Faites-le du mieux qu'il vous sera possible, répondit alors le sieur Girard, et la pièce fut acceptée par le maître.

Le velours terminé et rendu, le négociant n'avait plus jugé convenable de tenir la parole qu'il avait donnée ; il prétendait, sur un léger prétexte déjà prévu, faire à ce maître un rabais de 1 fr. 50 c. par aune.

M. le président, indigné d'une telle conduite, a dit au commis représentant le sieur Girard, que celui-ci avait livré la pièce à ses périls et risques dans un temps où il est impossible au meilleur ouvrier de répondre d'aucune avarie pour certaines couleurs ; qu'en outre le prix de 6 fr. que réclamait le maître-ouvrier Patouillet, était déjà trop minime pour être contesté.

M. le président a, en conséquence, condamné le sieur Girard à payer au sieur Patouillet le prix de 6 francs par aune de la pièce qu'il avait fabriquée.

M. Gabillot, négociant, appelé pour quatre causes, et M. Faure, également négociant, appelé pour deux, ayant fait défaut, M. le président a fait une juste observation à ce sujet, et à peu près en ces termes : « Quand les ouvriers, qui n'ont pas de temps à perdre, se rendent aux invitations qu'ils reçoivent, pourquoi MM. les fabricans refusent-ils de se présenter ? Je déclare que si ces messieurs ne paraissent pas à la prochaine invitation, ils seront passibles d'indemnités envers les ouvriers qu'ils dérangent de leurs travaux, sans préjudice des autres frais ou indemnités quelconques qu'ils encourraient par une condamnation, s'il y avait lieu. »

On nous rapporte que, sur la demande faite à M. le Maire de Lyon, par un chef d'atelier, domicilié aux Broteaux et justiciable du Conseil des Prud’hommes, d'être inscrit sur les listes des chefs d'ateliers et ouvriers patentés nommant les membres de ce tribunal. M. le Maire en a référé à M. le Préfet, qui a adressé une lettre à ce chef d'atelier, en réponse à sa demande qu'il a trouvée très-juste. Ce magistrat termine en l'assurant qu'il va faire de sa réclamation un des principaux articles du projet de la réorganisation de ce Conseil sur des bases plus larges et plus justes, en y introduisant la représentation de tous les intérêts ; car, dit-il, si l'on n'a pas jusqu'ici admis les patentés des Villes-Faubourgs, c'est que la loi du 18 mars 1806, prise à la lettre, n'établit ce Conseil que pour la ville de Lyon seulement.

Nous nous permettrons une réflexion à ce sujet : l'on envoie des patentes dans ce moment à divers chefs d'ateliers qui n'en avaient jamais payés, et dont un grand nombre pouvant à peine vivre, seront dans l'impossibilité de les payer. Ainsi, s'il venait à la pensée de nos hommes d'état, ce que nous ne pouvons croire, de n’élargir les bases de l'élection des Prud'hommes, qu'en augmentant le nombre des patentés, ce serait faire payer bien cher un droit naturel à tous les chefs d'ateliers, et en priver ceux que leur misère ne per­mettrait pas de solder leur patente. Nous croyons qu'il est de toute justice, que tous les chefs d'ateliers, patentés ou non, français, âgés de 30 ans et ayant 6 ans d'établissement, doivent concourir à l'élection des membres du Conseil des Prud'hommes ; faire des exceptions, [6.2]ce serait porter atteinte à la représentation de tous les intérêts, et créer un Tribunal incomplet, tel que celui qui existe maintenant.

VARIÉTÉS. CONFÉRENCE ENTRE UN CHEF D'ATELIER ET PLUSIEURS FABRICANS.

La discussion survenue entre MM. Périer et Du Molart est venue fixer encore davantage l'attention publique sur les événemens de Lyon, que l’on n'a pas encore assez compris, et sur lesquels on ne saurait trop méditer : car Lyon est le symbole de la France et de l'Europe entière1.

Pour mettre nos lecteurs à même de se faire une opinion sur la nature, la cause et les résultats des événemens graves de novembre, je tracerai ici quelques lignes sur une conférence à laquelle j'ai assisté avec M. Baud, et qui s'est passée entre un chef d'atelier venu de Lyon pour proposer des remèdes à la crise, et quatre fabricans lyonnais qui se trouvaient à Paris pour leurs affaires.

Le chef d'atelier m'a paru un homme distingué, plein de sens et animé d'un désir sincère de conciliation. Sa tenue était parfaite ; point de rodomontade, point de menace ; point d'aigreur même, quoiqu'il fut vivement blessé de quelques traits qu'il rapporta dans la conversation. C'est certainement une de ces perles enfouies dans la poussière des ateliers, une de ces capacités que la vicieuse organisation du travail industriel et l'absence d'institutions de crédit largement conçues enchaînent à des fonctions subalternes qu'ils traînent après eux avec un mélange indigeste d'impatience et de résignation. Le cœur de pareils hommes qui ont conscience de leur valeur doit être dévoré par de cruels soucis. Sa physionomie en portaient l'empreinte. Elle respirait une dignité qui n'est commune aujourd'hui que dans les camps, parce que là il y a encore un débris des sentimens anciens d'association, de la religion de la guerre ; mais aussi elle offrait l’apparence non équivoque de longs froissemens et de l’humiliation poignante qui pèse si fatalement sur tant d’hommes pleins de virtualité. On eût dit un Spartacus des ateliers, mais un Spartacus comprenant son émancipation par d'autres voies que par la révolte brutale.

Parmi ces fabricans deux étaient des pères de famille pleins au fond de bons sentimens, mais peu éclairés et devenus à la longue presque insensibles, au moins en apparence, aux maux des masses. Cette disposition d'esprit et de cœur, si fréquente malheureusement dans la bourgeoisie, est la conséquence forcée de l'organisation actuelle de l'industrie. Entre les maîtres et les ouvriers il y a débat, lutte ouverte ou cachée : c'est le fruit de la concurrence. De la sorte l'ouvrier est peu soucieux des intérêts et des joies du maître, et le maître peu jaloux du bien-être et du bonheur de l'ouvrier.

Le troisième était un jeune homme qui avant les événemens de juillet était fort chaud libéral, et qui depuis lors s'était fort dégoûté de la politique. La fatale concurrence qui condamne tous les industriels au mensonge et à l’avarice n'avait pas encore profondément exercé sur lui son action démoralisante. Il nous parlait avec émotion de ses rapports avec les ouvriers de ses métiers. Il eut un instant les larmes aux yeux en nous racontant que les funestes événemens de novembre avaient partagé Lyon en deux camps, et que les nombreux ouvriers qu'il employait, et qui auparavant l'aimaient presque comme un père, étaient subitement devenus envers lui froids et méfians. Malheureusement il était peu instruit et n'avait, comme il l'avouait lui-même, aucune teinture d'économie politique, aucune notion sur les intérêts généraux de l'industrie. Ses parens l'avaient dans sa jeunesse placé [7.1]dans un collége ; on lui avait appris le grec, on lui avait fait composer des vers latins ; et, après cette éducation préparatoire, il était devenu fabricant de soieries.

Le quatrième fabricant nous parut un homme parfaitement égoïste, un cœur dur. Il avait la parole brève, sèche, et l'accueil disgracieux. C'était de tous celui qui craignait le plus les ouvriers, et de tous celui qui était le moins disposé à donner une partie de son temps, ne fût-ce que quelques minutes, à des projets d'amélioration. Sa figure était pâle, amaigrie, contractée : c'est un de ces hommes à volonté rigide, que la société fait beaucoup souffrir par le désordre auquel elle est livrée, et qui le lui rendent autant qu'il est en eux. Il ne fit que paraître, jeta un coup-d'œil sur un papier où le chef d'atelier avait exposé ses idées, et sortit presque aussitôt.

La conversation fut longue et décousue, malgré nos efforts pour la régler et la conduire à bonne conclusion. Je ne la reproduirai pas sous forme de dialogue. Je tracerai seulement l'impression générale qu'elle a produite sur M. Baud et moi.

Ceux qui ont dit que les ouvriers ne s'étaient point révoltés pour cause de misère ont avancé légèrement un fait que tous les renseignemens démentent. Mais la misère seule n'a pas poussé les ouvriers à cette fatale extrémité. Il m'est démontré que les ouvriers ont été aussi mis en mouvement par un sentiment de dignité blessée. La dureté de quelques fabricans, en petit nombre, les avait exaspérés. Le chef d'atelier revenait souvent sur ce grief, et les fabricans convenaient qu'il était réel ; ils se plaignaient seulement de ce que l'Echo de la Fabrique, journal publié à Lyon par les ouvriers, n'eût pas assez spécialisé les méfaits à imputer à quelques fabricans, et de ce qu'il les eût pour ainsi dire tous rendus responsables de ce qui n'était la faute que du petit nombre. Nous ignorons jusqu'à quel point l'Echo de la Fabrique a encouru ce blâme. Mais ce qui avait le plus rudement froissé le chef d'atelier, ce qui, suivant lui, avait le plus vivement irrité la classe ouvrière, ce sur quoi il insista le plus, ce fut la fierté, l'arrogance, disait-il, d'un grand nombre de fabricans.

Les classes inférieures sont travaillées aujourd'hui d'un vif désir de voir tomber les barrières qui séparent les classes ; l'esprit de caste leur fait horreur ; il y a sous ce rapport chez elles une susceptibilité bien légitime certainement, car le temps est venu où les barrières élevées jadis entre les classes vont disparaître ; mais qu'il est souvent fort difficile de ne pas effaroucher, précisément parce que la bourgeoisie n'a pas l'habitude de la respecter assez. Les ouvriers attachent ainsi un grand prix à l'affabilité, à la bienveillance extérieure. Un maître insolent leur inspire plus d'antipathie qu'un maître avare.

Le chef d'atelier insista sur ce fait qui est grave en effet, car il révèle que les masses éprouvent des besoins urgens non-seulement dans l'ordre matériel, mais aussi dans l'ordre intellectuel et dans l'ordre moral ; ce qui explique fort bien pourquoi ce ne sont pas les ouvriers les plus nécessiteux qui s'étaient mis à la tête du mouvement soit à Paris en juillet, soit à Lyon en novembre. Il y avait particulièrement certains dédains qu'il avait à cœur et sur lesquels il s'expliqua avec une vivacité qui ne lui était pas habituelle. « Ce ne sont pas, disait-il, les fabricans de la vieille roche, les chefs des maisons les plus importantes par l’étendue de leurs opérations, de la hauteur desquels nous avons à nous plaindre. Les plus orgueilleux à notre égard sont ceux-là mêmes qui sont  sortis de nos rangs. Un ouvrier qui devient commis s'imbibe aussitôt [7.2]de fierté ; il n'ose plus, de sa main qui blanchit, presser notre main à la peau rude. S'il trouve moyen de faire fabriquer pour son compte il devient dur, inabordable. Les fabricans de fraîche date sont ceux qui nous pèsent le plus. Il semble qu'ils veuillent se venger sur leurs frères du dédain qu'ils éprouvèrent eux-mêmes. Nous avons été souvent tentés de désirer qu'aucun de nous ne pût franchir le fossé qui nous sépare de la richesse. »

C'est là le fait le plus saillant qu'ait présenté la conversation. Il y avait sans doute exagération de la part du chef d'atelier ; toutefois l'observation subsiste. L'industriel est aujourd'hui placé exclusivement et étroitement au point de vue du gain intellectuel ; cela est vrai surtout de ceux qui, sortant des rangs inférieurs, n'ont nullement été initiés par l'éducation à quelques idées générales. Le prolétaire parvenu à l'aisance ressemble à l'affranchi de Rome ; son émancipation n'est faite qu'à demi ; il reste en lui quelque chose d'égoïste et d'étroit qui marque son point de départ. On ne peut disconvenir que dans la bourgeoisie proprement dite les sentimens élevés, les larges pensées ne soient plus rares que dans les classes supérieures, au sein desquels une éducation haute, de glorieuses traditions et de grands exemples sans cesse présens, ont maintenu debout quelques débris de la grandeur et de la générosité qui furent le lot de la chevalerie…

Le chef d'atelier avait rédigé une note qui comprenait, 1° un règlement sur le mode de nomination et sur les attributions du conseil des prud'hommes à Lyon ; 2° une série de réclamations d'intérêt général à adresser au gouvernement, et qui avaient pour objet la suppression des impôts indirects, du sel et de la loterie, et l'application du fonds d'amortissement aux dépenses publiques. Au sujet de la seconde question qui de beaucoup est la plus grave, nous fîmes nos efforts pour faire comprendre aux fabricans combien il importait qu'ils s'en occupassent…

« Tous ensemble, disions-nous, maîtres et ouvriers, vous réclamez du gouvernement la loi sur les céréales, la loi d'expropriation, indispensable à l'amélioration de l'agriculture et par suite de tous les travailleurs ; réclamez un changement dans le système d'impôts, de sorte que l'ouvrier puisse vivre au taux actuel de la main-d'œuvre. Faites signer une pétition par les banquiers de Lyon, par les principaux manufacturiers et banquiers de France, et elle sera écoutée. Par là vous adoucirez, au moins transitoirement, la condition du prolétaire ; vous lui rendrez la confiance, vous le rattacherez à vous par un lien paternel. D'un autre côté, concertez-vous avec le gouvernement et avec les banquiers pour la fondation d'établissemens de crédit qui vous préserveront, vous, de la fatale banqueroute, et vous procureront à plus bas prix les capitaux dont vous avez besoin, et qui ouvriront des crédits aux chefs d'ateliers connus par leur moralité, leur intelligence et leur activité : de la sorte il y aura bénéfice pour tous, tandis que dans l'état actuel de choses il y a ruine pour tout le monde. »

Sur ce terrein une discussion eut lieu, mais elle fut sans profit, parce que nul des fabricans ne savait ce que signifie une loi sur les céréales, ni une loi d'expropriation pour cause d'utilité publique ; ils ignoraient en quoi consiste l'action de l'amortissement ; et ils faisaient naïvement l'aveu de leur ignorance comme d'un fait naturel. Leur économie politique était… basée tout entière sur ce principe que c'est le luxe qui fait aller le commerce, et qu'il n'y a pas de classe plus [8.1]utile aux commerçans que les riches oisifs. « Le plus grand malheur qui pût arriver à Lyon, nous dit l’un d’eux, ce serait qu’il n’y eût plus de ces hommes que vous appelez oisifs et qui en effet ne font que dépenser leurs revenus sans savoir bien d’où ils leur viennent. Un homme riche de cent mille francs de rentes et qui les mange est le bienfaiteur de l'industrie. — Le bienfait, répliquai-je, est dans les cent mille francs et dans les travailleurs, banquiers, entrepreneurs et ouvriers qui les gagnent pour les compter à l'oisif, et non dans celui qui ne fait que dépenser la somme. Le premier venu a la capacité suffisante pour dépenser cent mille francs d'intérêts, de loyers et de fermages, pour se faire habiller de velours et pour faire des frais prodigieux de table ; l'éléphant et l'ours du Jardin-des-Plantes tout aussi bien que le dandy le plus vain et l'élégante la plus frivole : tout le monde au contraire n'est pas bon pour gagner cent mille francs par an. Et ce sont ceux qui les ont gagnés qui devraient en toute justice les dépenser ; vous qui menez une vie laborieuse vous savez à quelles conditions l'argent s'acquiert. » Ces raisonnemens si simples, ces comparaisons si claires parurent aux fabricans des nouveautés bizarres ; ils étaient étonnés, mais point persuadés…

Cette absence de lumières chez nos trois fabricans nos interlocuteurs avait d'ailleurs un autre effet plus fâcheux ; ils confondaient la sécurité des rues avec l'ordre. De ce que les ouvriers ne se montraient plus en armes dans Lyon, ils concluaient que tout était fini, que ni eux ni l'autorité n'avaient plus rien à faire. Nous ne nous serions jamais attendus à tant d'insouciance. Les événemens du 21 novembre étaient par eux oubliés : ils en parlaient presque comme d'un combat de la guerre de Troie. Aussi la conférence à laquelle ils s'étaient rendus, leur semblait un hors-d'œuvre ; ils y étaient venus par pure politesse. Si tous les membres des classes supérieures étaient dans le même état d'aveuglement, à travers quelles explosions s’accompliraient donc les progrès des peuples ?
(Glob.)

NÉMÉSIS1

Comme les deux Gracchus, ces énergiques frères,
Je ne viens point ici prêcher les lois agraires,
Ni dans les longs versets d'un mystique sermon
Convertir l'homme riche aux lois de Saint-Simon.
Le temps viendra peut-être ou, du grand héritage,
L'équitable raison refondra le partage ;
Les lois proclameront, après de longs retards,
Que le sol maternel n'a point d'enfans bâtards,
Et la première Charte octroyée à la terre
Sur les points inégaux passera son équerre :
Mais, pour nos enfans seuls, sous un code nouveau,
Ce siècle d'or promis prépare son niveau ;
Laissons mûrir des temps la sagesse profonde ;
Si les vieux pilotis qui soutiennent le monde
Etaient changés d'un coup par une brusque main,
Ce monde crevassé s'écroulerait demain ;
Aujourd’hui cependant que sa base chancelle.
Il faut qu’on se prépare à l’œuvre universelle,
Que l'égoïsme froid, si long-temps imploré,
Prête au vieil édifice un étançon doré.
Méditez bien ceci, riches ! l'heure est venue
De donner une veste à la pauvreté nue ;
A la faim, un pain noir ; à ce prix seulement
Gardez votre manteau, mangez le pur froment.
Hommes qui jouissez devant l'homme qui souffre,
Pour sauver le vaisseau que demande le gouffre,
Hâtez-vous de jeter à ce flot mugissant
Votre lest superflu, dans la cale gisant :
[8.2]De ce que vous donna le caprice céleste
Démembrez un lambeau, vous sauverez le reste...
.   .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . .  .
Vous ne lui devez rien, il est vrai, c'est justice :
Qu'au coin de votre seuil sa plainte retentisse ;
Sans doute pour avoir sa part de votre pain
Il n'a pas un billet signé de votre main :
Mais prenez garde, il est une lettre de change
Que tira l'homme à jeûn sur l'homme heureux qui mange,
Elle est au point d'échoir, escomptez-la ; l'huissier
Qui doit la présenter a le geste grossier.
Mais non, vous attendrez jusqu'aux dernières heures,
Nul cri ne trouble encor vos sereines demeures ;
Et tant que le péril n'est pas dans vos salons,
Vous ajournez l’aumône à des termes plus longs,
Quand le journal du soir, par un triste message,
Refoule dans vos cœurs tout le sang du visage ;
Quand par le désespoir le pauvre suscité
Ensanglante le sol d'une grande cité ;
Alors développant vos bourgeoises tactiques,
Vous cherchez à ce mal des causes politiques ;
Vous voyez tour à tour dans votre optique étroit,
Le club républicain et l'Ecole de droit.
« Nul doute, dites-vous, que le mal ne provienne
De l'enfant d'Holyrôd ou de l'homme de Vienne. »
Vous accusez le maire et le préfet du lieu,
Le parti radical ou le juste milieu.
Oui, le juste milieu, ce Typhon doctrinaire
Est bien des maux présens la cause originaire,
Et si de nos beaux jours le dernier avait lui
Je pourrais hardiment n'en accuser que lui ;
Mais un forfait plus noir fait siffler mes couleuvres,
La misère publique est fille de ses œuvres !
La misère ! voilà le formidable agent
Qui change en révoltés tout un peuple indigent,
Ainsi de nos malheurs le grand secret s'explique ;
Les chances de l'empire ou de la république,
Les rêves du moment ne font pas le danger :
L'énigme a quatre mots : Le peuple veut manger !

librairie d’auge baron, rue Clermont, n° 5.

histoire de lyon pendant les journées des 21, 22 et 23 novembre 1831,
Contenant les causes, les conséquences et les suites de ces déplorables événemens ; lettres officielles, titres et pièces justificatives ; recueil de traits de bravoure et de dévouement ; opinion des principaux journaux de Paris et de la province ; discours de M. Casimir Périer, président du conseil, à la Chambre des Députés.
1 vol. in-8°. Prix : 5 fr.
en vente
Au Bureau de l’Echo de la Fabrique,

justification de m. bouvier du molart,
ex-préfet du rhône,
Cinq articles formant ensemble 20 pages in-4°, caractères neufs et beau papier. Prix, pour les abonnés, 25 c., et, pour les personnes non abonnées, 50 c.

Mardi prochain, nous livrerons au public le raport circonstancié des causes qui ont amené les événemens de Lyon, rapport fait et présenté à M. le président du conseil des ministres et à M. le ministre du commerce, par deux chefs d'ateliers de notre fabrique.

AVIS.

On demande des ouvriers ou ouvrières pour courans, crêpes de Chine, peluches pour chapeaux, petites peluches et gros de Naples.
S'adresser au Bureau du Journal.

Notes (LYON. LE 1er JANVIER.)
1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Antoine Vidal évoque ici la disgrâce du préfet Bouvier Du Molart, relevé de ses fonctions par Casimir Périer. Il s’élève également contre le refus, prononcé par le maire Prunelle de « crier et vendre dans les rues la justification de M. Du Molart » (voir plus loin dans ce même numéro). Mais dès ce numéro, les rédacteurs de L’Echo de la Fabrique annonceront parmi leurs « avis » la publication de Justification de M. Bouvier Du Molart, ex-préfet du Rhône.

Notes (En nous vouant aux intérêts de la classe...)
1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes (Le Constitutionnel du 28 décembre , dans un...)
1 Succédant au Cri du peuple, la Gazette du lyonnais, fondée en 1831 par Théodore Pitrat était le principal journal légitimiste à Lyon. Le journal récusait l’empire croissant de la bourgeoisie libérale et s’associait aux critiques que l’Eglise catholique lyonnaise adressait au nouvel ordre politique et social orléaniste. Voir sur ce point, Jeremy D. Popkin, Press, Revolution and Social Identity in France (1830-1835), ouv. cit., p. 99-100.

Notes (Le nommé Fillière , ouvrier en soie, âgé de...)
1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes ([3.2] Le Journal du Commerce de Lyon , du...)
1 L’année 1824 avait été marquée en Angleterre par l’annulation des Spitalfields Acts qui au XVIIIe siècle avaient autorisé la régulation des salaires des ouvriers en soie de Londres. Les années suivantes avaient également vu l’ouverture du marché anglais aux exportations du continent, et en particulier de Lyon. Au début des années 1830 les observateurs anglais ne pouvaient que constater l’extrême misère des ouvriers de Spitalfields. Des auteurs comme Georges Richardson Porter ou John Bowring vont s’efforcer de démontrer que la libre concurrence constituait pourtant un vecteur de progrès pour l’industrie anglaise des soies qui se devait simplement de rattraper les progrès en termes d’organisation et de productivité que l’on pouvaient observer ailleurs sur le continent, et tout spécialement dans le cadre de la fabrique lyonnaise. Références : Georges Richardson Porter, Treatise on the Origin, Progressive Improvement and Present State of the Silk Manufacture (1831) et John Bowring, Second Report on the Commercial Relations between France and Great Britain (1835).

Notes (On lisait dans le Globe du 23 décembre  :...)
1 Ingénieur civil, Stéphane Flachat (1800-1884), était un représentant de la branche plus « pratique » du saint-simonisme. Auteur en 1832, avec G. Lamé et E. Clapeyron, des Vues politiques et pratiques sur les travaux publics en France il sera l’un des principaux acteurs et promoteurs de la ligne de chemin de fer reliant Paris à St-Germain-en-Laye inaugurée finalement en août 1837. Voir en particulier Antoine Picon, Les saint-simoniens : raison, imaginaire et utopie, Paris, Belin, 2002.

Notes (VARIÉTÉS. CONFÉRENCE ENTRE UN CHEF D'ATELIER ET PLUSIEURS FABRICANS.)
1 Au tournant de 1831-1832, l’insurrection est encore interprétée globalement dans la presse canut comme un gigantesque accident. Le soulèvement et l’affrontement auraient pu être évités si un minimum de respect et de reconnaissance vis-à-vis des ouvriers en soie avaient été assuré ; le mal est alors venu d’une minorité blâmable de négociants aveugles à la nouvelle solidarité entre industriels ; « Je veux du respect pour ce PROLETAIRE » écrira significativement Chastaing quelques mois plus tard (numéro du 18 mars 1832). Ce n’est qu’à partir du milieu de l’année 1832 que progressivement une lecture de plus en plus politique va se substituer à cette première ligne, plus morale, d’interprétation.

Notes (NÉMÉSIS)
1 Il s’agit ici d’extrait du texte sur les évènements de Lyon publié par les journalistes et poètes  Joseph Méry (1798-1866) et Auguste-Marseille Barthélémy (1796-1867) dans leur journal satirique en vers Némésis qu’ils publièrent en 1831-1832.

 

 

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