Le jeudi, 26 septembre dernier, avait été fixé par la Société d’instruction élémentaire pour l’examen public de la partie la plus avancée des élèves de ses écoles ; cette nouveauté avait attiré une foule immense qui n’a pu prendre place tout entière dans la vaste salle de l’Hôtel-de-Ville. Nous n’entrerons pas dans les détails de cet examen, dont le programme contenait les objets variés d’enseignement, développés dans les écoles lancastriennes.
Les élèves ont répondu d’une manière satisfaisante aux questions diverses adressées indistinctement par les [4.2]nombreux spectateurs. Nous applaudissons aux fondateurs de ces écoles de n’avoir pas cherché à faire briller les élèves par des réponses arrêtées d’avance, mais d’avoir introduit le public dans le sanctuaire de ses écoles, en le faisant assister à tous les exercices de la journée, habilement resserrés dans un cadre de deux heures, et de nous avoir initiés à la manière ingénieuse dont la leçon est donnée soit par le maître, soit par les moniteurs ; c’était là, ce nous semble, le meilleur moyen de prouver l’excellence d’une méthode qui, comme on a pu le voir, permet à tous les élèves d’une classe de travailler en même temps, suivant leur degré de force aux mêmes objets d’étude.
Une innovation bien précieuse nous a frappé ; c’est que dans l’étude de la géographie on a fait entrer en même temps la connaissance complète des droits et des devoirs du citoyen. Ainsi, l’enfant, tout en apprenant qu’il habite une commune, étudie l’organisation ; il sait qu’il y a des charges envers elle, mais il sait en même temps qu’il a des droits. On lui enseigne qu’il paiera un jour sa cote part d’impôts ; mais on lui enseigne aussi qu’il devra recevoir en échange protection, sécurité, bonheur. Nous ne savons à quoi attribuer la maladresse insigne de nos municipaux qui se sont abstenus d’assister à cet examen ; ces jeunes enfans avaient appris pourtant que le dépositaire unique de l’administration d’une commune s’appelle Maire, qu’il a des Adjoints pour l’aider dans ses travaux ; que c’est au maire qu’appartiennent les belles fonctions de protéger le commerce, l’industrie, d’assurer la liberté de l’enseignement, de faciliter l’instruction du peuple, etc., etc. Ces mêmes enfans se sont sans doute demandé ce qui les privait de la présence de ces magistrats ; et nous nous sommes demandé, nous, comment celui qui a pu consacrer six mois hors de sa mairie, à signer des ordonnances aux malades de Vichy,1 n’a pu sacrifier deux heures pour s’assurer de l’état de l’instruction des enfans du peuple.
La distribution des prix a eu lieu dimanche dernier, dans la vaste cour de l’ancienne gendarmerie, aujourd’hui destinée à l’établissement philantropique fondé par le major Martin. Cette solennité, dépourvue du luxe des ornemens et des brillantes toilettes, n’en était que plus imposante.
Là, peu ou plutôt point de dames à chapeaux ornés de plumes et de fleurs, mais beaucoup de femmes en bonnet et en tablier ; beaucoup de mères, simples dans leur mise, les paupières mouillées de larmes de bonheur, en voyant couronner et en couronnant elles-mêmes leurs enfans ; là, huit cents enfans, vêtus de blouses uniformes, impatiens de recevoir les récompenses de leurs jeunes efforts ; là, trois cents braves ouvriers de toutes les professions et de tout âge, assis sur les bancs des élèves à cette distribution, comme ils sont assis chaque soir sur les mêmes bancs dans les écoles, et attendant en silence les médailles promises à ceux qui s’étaient distingués par leur aptitude et leurs progrès ; là, deux mille spectateurs répandus soit dans l’enceinte réservée au public, soit dans les couloirs latéraux, entourant ce bataillon sacré d’élèves grands et petits, qui appartenaient tous à la classe ouvrière et laborieuse de notre cité ; voila ce qui nous a touché ; voilà ce que nous pouvons appeler vraiment une fête populaire.
Les prix étaient distribués sur une modeste estrade où se trouvaient M. Terme, président, M. le préfet, M. le recteur, les représentans de la Société, et ceux des loges maçonniques qui ont fondé des prix annuels [5.1]pour les enfans, et une médaille d’or pour le professeur le plus distingué.
Au moment de la délivrance des médailles d’argent dans les classes d’adultes, fondées par les soins de la Sociétés ; le premier appelé, M. Fulchiron, ouvrier en soie, en recevant sa médaille des mains de M. le préfet, a prononcé la phrase suivante : « Messieurs, au nom de tous les ouvriers, recevez les remercîmens que nous devons à votre philantropie. » Cette phrase a été couverte de nombreux applaudissemens.
Dans cette cérémonie, comme dans celle de l’examen public, le peuple était heureux de voir le bienveillant empressement et du préfet et du recteur de l’Académie ; et il s’affligeait de l’absence inexplicable de l’autorité municipale. L’on se demandait si elle avait craint de déplaire au Réparateur qui dans son N° du 24 septembre, l’accusait d’avoir négligé les exercices des vénérables frères des Ecoles chrétiennes ; nous n’en pouvons plus douter après avoir lu le N° du 1er octobre de ce même journal.