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13 octobre 1833 - Numéro 41
 
 

 



 
 
    

Au Rédacteur.

La Croix-Rousse, 7 octobre 1833.

Monsieur,

Votre journal, créé dans l?intérêt de la classe ouvrière, doit être pour elle un cadre d?avis et de renseignemens utiles, c?est d?après ces considérations que je vous prie, Monsieur, de vouloir bien insérer la présente, qui a pour but de prévenir les chefs d?atelier d?une fraude contre laquelle ils doivent se tenir en garde. Voici le fait :

Le 3 octobre courant, je reçus quatre bobines en fer-blanc, toutes quatre garnies et pleines de soie, pour fabriquer des mouchoirs zéphir ; dans cet article-là, comme dans celui crêpe de Chine, il n?est pas trop possible de travailler sans quelques préparations ; voici quelle est celle que j?emploie depuis environ huit années que je les fabrique : J?expose à la vapeur ou fumée d?eau chaude les bobines pleines avant de faire les cannettes ; eh bien ! Monsieur, croiriez-vous qu?en usant de ce procédé pour les quatre bobines que j?ai reçues le 3 courant, [2.1]plus de deux onces de cire sont sorties d?une d?elles ; je dis d?une seulement, parce qu?une seule avait perdu le poids de la cire. Je me suis transporté de suite chez le fabricant qui m?a remboursé la perte en traitant son moulinier comme il le méritait.

Agréez, etc.

perton,

A la Croix-Rousse, rue du Chapeau-Rouge, n° 4.

Note du rédacteur. ? Le fait contenu dans cette lettre, et beaucoup de renseignemens que nous avons pris à ce sujet, prouvent incontestablement que les mouliniers abusent parfois du trop de confiance que les négocians ont en leur bonne foi. Nous aimons à croire que le conseil des prud?hommes se décidera enfin à prendre quelques mesures pour rétablir consciencieusement l?équilibre des déchets dans les crêpes de Chine et zéphirs. Il est juste que chacun supporte le méfait de son ?uvre ; et nous pensons qu?une enquête faite dans ce but offrirait des résultats assez certains pour que dorénavant les prud?hommes puissent porter sans crainte un jugement qui consacrerait les intérêts des deux parties.

Aux moyens que nous avons déjà proposés dans notre article sur le décreusage, on pourrait ajouter le suivant, qui nous paraît assez juste, et qui n?entraînerait pas à de grands embarras, ce serait d?engager le maître à fabriquer au commencement de chaque pièce, trois ou quatre mouchoirs sans aucun mouillagei, en ayant toujours soin de contremarquer sur les deux livres les noms des mouliniers et des ovalistes qui ont préparé la chaîne et la trame de cette pièce, et ensuite faire décreuser ces mouchoirs convenablement. Si ces mouchoirs perdent dans l?opération plus de 25 à 26 p. %, on saurait à coup-sûr d?où viendrait la fraude, surtout si l?on a pris le soin de faire échantiller la trame contenue dans ces mouchoirs.

Voila, selon nous, le moyen le plus sûr d?aplanir les nombreuses difficultés qui se présenteront sans doute dans le courant de cette saison qui va commencer pour le crêpe de Chine, si toutefois les négocians n?aiment mieux supporter le décreusage, que dans aucun cas le chef d?atelier ne doit payer.

 

 

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