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13 octobre 1833 - Numéro 41
 
 

 



 
 
    

LES UNIONS DE COMMERCE.

Ces unions s?étendent à toutes les parties du royaume où se trouvent des manufactures. On les appelle Réunion des loges : leurs démarches ont lieu avec tout le mystère de la franc-maçonnerie, et dans le même système que les illuminés d?Allemagne, sur lesquels elles paraissent avoir formulé leur réglement. Leurs portes sont gardées par les Tylers ; les non-initiés sont exclus par signes et par paroles, et la fidélité des membres est assurée par des sermens terribles. Comme les illuminés, les unionismes ont un catéchisme dans lequel on a fait ressortir avec talent et force les droits de la classe ouvrière et l?oppression des riches ; les unions se divisent ensuite en loge de districts : une grande loge se forme de délégués des loges de districts. Les officiers des grandes loges sont autorisés à envoyer dans toutes les parties du royaume des délégués pour ouvrir de nouvelles loges. Ces envoyés reçoivent des allocations pour leurs frais de voyage ; de cette manière s?est formée une immense combinaison qui a les ramifications les plus étendues. Cette organisation est de nature à atteindre les buts qu?elle se propose. Les objets qu?on se propose sont énoncés dans les réglemens des diverses unions qui, bien qu?elles diffèrent dans quelques détails, se rapprochent cependant toutes sous le rapport du langage et même de la substance. Ces réglemens s?accordent à déclarer que l?objet des unions est d?avancer et d?égaliser le prix du travail dans toutes les branches du commerce auquel appartient l?union.

Chaque membre classé dans une des catégories d?une des unions, a droit à une prestation hebdomadaire pendant qu?il est sans travail, et celui qui a des enfans reçoit même une somme fixée par tête d?enfans non employés. Une coopération mutuelle est établie entre les diverses unions ; un des principes généraux est que tout commerce sera tenu de fournir telle avance que de raison à tout autre commerce appartenant à la même catégorie qui peut entrer en collision avec ses entrepreneurs : ce service est réciproque. Est excommunié quiconque accepte du travail d?un maître qui ne s?est pas affilié à quelqu?une des unions : les ouvriers qui s?associent aux travaux de ces maîtres sont désignés sous le nom burlesque de béliers noirs.

Les fonds des unions sont faits au moyen des versemens pour droit d?entrée et des contributions hebdomadaires ; on emploie ces fonds à soutenir les ouvriers sans ouvrage et à entretenir le mécanisme compliqué de ce vaste établissement. Les sommes ainsi recueillies et ainsi employées sont énormes. On pourra s?en former une idée quand nous dirons qu?en cinq mois, l?automne et l?hiver derniers, il a été reçu et dépensé plus de 2.900 livres sterling par une union du district de l?ouest d?Yorck.

L?état alarmant actuel des affaires prouve toute la fausseté de la proposition de Smith,1 que, tandis que les maîtres peuvent s?entendre pour baisser le salaire des ouvriers, ceux-ci ne peuvent se coaliser pour faire augmenter ce même salaire. Les ouvriers ont formé une immense coalition, car les commerces sont réunis en un seul corps, tandis que les maîtres ne paraissent pas pouvoir former de coalition entr?eux.

(Halifax Guardian2.)

Notes (LES UNIONS DE COMMERCE. Ces unions...)
1. Dans son ouvrage Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des Nations (1776), Adam Smith expliquait qu?il était plus facile pour les patrons que pour les ouvriers de créer des coalitions. Il avançait deux arguments principaux : le faible nombre des patrons, leurs intérêts convergents. En outre, Smith estimait que dans un « état progressif » où leurs bras allaient le plus souvent être nécessaires à l?accroissement de la richesse générale, les ouvriers avaient une moindre nécessité à se coaliser. Quelques années plus tard, les autorités anglaises, effrayées par les débordements de la Révolution française, allaient plus prudemment décider, par les Combination Acts de 1799 et 1800, d?interdire les coalitions ouvrières.
2. Le Halifax Guardian était le journal libéral de la ville, créé en 1832.

 

 

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