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1 janvier 1832 - Numéro 10
 
 

 



 
 
    

[3.2]Le Journal du Commerce de Lyon, du 30 décembre, contient un article dans lequel il s'efforce de démontrer que la concurrence étrangère est le seul fléau qui afflige le commerce de Lyon. Après avoir énuméré les quantités de soie reçues en Angleterre de 1770 à 1815, il ajoute que, depuis cette dernière année, l'envoi des soies italiennes au marché de Londres a été si considérable, qu'en prenant le terme moyen, on l'évalue à 1,500,000 liv. par an ; que, pendant l'année 1826, il s'en était débarqué 2,350,000 livres ; qu'en 1827, on mettait en œuvre 4,200,000 livres de ce fil précieux ; enfin que l'industrie de la soierie n'est plus seulement concentrée à Spitafields, mais s'étend encore vers les côtes occidentales de l'île ; qu'au moyen de la grande diminution sur les droits d'entrée des soies grèges et tordues, l'Angleterre accapare les soies de l'Asie, de la Turquie et de l'Italie ; que, par ses inventions mécaniques, elle multiplie les forces productrices de l'industrie ; que cette industrie, qui emploie deux cent mille individus, fait circuler un capital de 300,000,000 de fr. Cet article est terminé par ces mots : « L'industrie est cosmopolite, elle aime l'ordre et la paix, elle se réfugie aux lieux où elle trouve l'une et l'autre. »

Nous prions nos lecteurs de vouloir bien jeter les yeux sur la note suivante qui nous est transcrite du Moniteur du commerce, et nous les invitons à la comparer avec l'article ci-dessus que nous ne devons attribuer qu'à la plume d'un négociant intéressé.

Londres, 19 décembre.

Une assemblée nombreuse et recommandable des manufacturiers en soie de la métropole s'est tenue aujourd'hui dans Basinghalle-Street, pour prendre en considération la détresse du commerce de soieries, et l'insuffisante protection que reçoit actuellement ce commerce contre l'importation des soieries de fabrique étrangère. Plusieurs orateurs, qui ont été entendus, ont représenté que les droits de protection avaient seuls jusqu'ici fait fleurir le commerce des soieries en Angleterre, de telle sorte qu'en février 1824, il y était employé dans ce commerce un capital d'une valeur de 12 millions, et au moins 500 mille hommes trouvaient à occuper leur industrie à Manchester, Congleton, Macclesfield, Norwich, Yarmouth et d'autres villes. Depuis l'introduction du système du libre commerce1, on a vu dépérir cette branche industrielle. A Noël 1829, on comptait 134 fabricans ; depuis lors, 47 ont fait banqueroute. La balance des importations avec les exportations, toujours favorable au commerce anglais, a, depuis 1826, tourné au profit de la France ; la France seule, depuis l'innovation du commerce libre, s'enrichit de notre détresse. Le commerce de gants n'est pas dans une position beaucoup plus brillante.

L'assemblée s'est séparée après avoir arrêté qu'elle appellera l'attention sérieuse des ministres sur la détresse actuelle du commerce des soieries.

Notes ([3.2] Le Journal du Commerce Journal du...)
1 L’année 1824 avait été marquée en Angleterre par l’annulation des Spitalfields Acts qui au XVIIIe siècle avaient autorisé la régulation des salaires des ouvriers en soie de Londres. Les années suivantes avaient également vu l’ouverture du marché anglais aux exportations du continent, et en particulier de Lyon. Au début des années 1830 les observateurs anglais ne pouvaient que constater l’extrême misère des ouvriers de Spitalfields. Des auteurs comme Georges Richardson Porter ou John Bowring vont s’efforcer de démontrer que la libre concurrence constituait pourtant un vecteur de progrès pour l’industrie anglaise des soies qui se devait simplement de rattraper les progrès en termes d’organisation et de productivité que l’on pouvaient observer ailleurs sur le continent, et tout spécialement dans le cadre de la fabrique lyonnaise. Références : Georges Richardson Porter, Treatise on the Origin, Progressive Improvement and Present State of the Silk Manufacture (1831) et John Bowring, Second Report on the Commercial Relations between France and Great Britain (1835).

 

 

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