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3 novembre 1833 - Numéro 44 |
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Un mot sur les Affaires.
Depuis quelques semaines les affaires se sont un peu ralenties et plusieurs métiers ont cessé de battre. Cet état de choses a suffi néanmoins pour semer l’inquiétude parmi les ouvriers ; et cependant, pour peu qu’ils eussent voulu se livrer à la recherche des causes, ils auraient été promptement rassurés. En effet, qu’ils veuillent se rappeler que dans le courant du printemps passé, quelques commissions furent données dans les articles brochés pour robe. Les commandes dans ce genre d’étoffes, destinées à la haute consommation, ne peuvent être de longue durée, car l’élévation du prix, fondé sur la lenteur de l’exécution et la richesse des dessins, n’en permet l’emploi qu’aux privilégiés de la fortune. Néanmoins un assez grand nombre de métiers furent employés à leur confection, et ces commandes étant à leur fin, il n’est pas étonnant que beaucoup soient en souffrance. S’ils ajoutent à cela le prix exorbitant des soies, que des spéculations qu’il faudrait pouvoir empêcher, ont fait subitement augmenter de 25 à 30 p. % ; les récens événemens d’Espagne1, dont la solution est encore un problème, et l’époque ordinaire de la morte saison dans laquelle nous nous trouvons, ils auront bientôt trouvé les véritables causes du ralentissement qui les inquiète. Mais, heureusement cet état de langueur sera de courte durée ; tous les renseignemens que nous avons pris nous portent à croire que le courant du mois de novembre verra les affaires reprendre leur cours et les métiers recherchés de nouveau. Patience donc ! C’est le moment de prouver ce que peut le dévoûment à la [1.2]chose publique. Nous apprenons avec satisfaction que les Mutuellistes, en cette occasion, ont compris le devoir de leur association, qui tous les jours grandit et prend de nouvelles forces. Ils ont senti que ce sont de ces instans d’incertitude que quelques négocians profitent pour diminuer le prix du salaire, afin de pouvoir ensuite obtenir sur leurs confrères la préférence des commissionnaires étrangers qui profitent seuls de nos sueurs. C’est ainsi que depuis plusieurs années les prix ont successivement diminué d’une manière effrayante, et que, par ce déplorable moyen, Lyon a été privé d’une masse énorme de capitaux arrachés aux peines des travailleurs, pour être transportés chez tous les peuples du monde. Patience donc, ont-ils dit ; mieux vaut chômer un mois, s’il le faut, que de consentir à faire à vil pris une étoffe qui ayant été une fois livrée à bas prix à la vente, ne peut plus ensuite que difficilement être raisonnablement payée quand vient le moment des commandes. Nous les félicitons bien sincèrement d’avoir pris enfin cette un peu tardive détermination, et nous leur assurons la réussite. Nous connaissons trop l’esprit d’ordre qui anime les membres de cette philantropique association, pour craindre qu’il en résulte rien de fâcheux. Ils n’ont qu’à vouloir et à savoir vouloir. D’ailleurs tous les genres (les articles de goût exceptés) jouissent encore d’une faveur marquée, et si ces derniers ne sont pas beaucoup demandés, l’époque seule en est cause. Nous sommes au moment où les maisons qui se livrent à ce genre de fabrication remettent leurs échantillons, et il s’écoule toujours quelque temps avant que les commandes arrivent. Tout nous fait espérer que cet instant ne peut être éloigné. Déjà les soies ont éprouvé une légère baisse qui ne peut manquer de continuer, puisque cette hausse extraordinaire n’est point le résultat de la mauvaise récolte mais bien de la spéculation. Au moment où les dispositions nouvelles des genres nécessitent des changemens indispensables dans les ustensiles, nous croyons devoir rappeler aux Mutuellistes une des principales clauses de leur association. Nous recevons à cet égard des observations d’un des membres, qui feraient croire qu’il se serait glissé quelque peu de négligence dans cette partie essentielle de l’organisation, ainsi que dans l’indication d’ouvrage. Nous pensons que cet avis suffira pour que tout se fasse avec conscience et fidélité. B......
AVIS aux souscripteurs du banquet industriel. [2.1]La commission exécutive prévient MM. les souscripteurs, que des circonstances imprévues, s’opposant à la célébration de ce banquet de famille, il n’aura pas lieu. En conséquence, elle les engage à vouloir bien retirer le prix de leurs billets auprès des commissaires qui les leur ont livrés. bouvery, président. gagnière, secrétaire.
A quoi servent les expositions des produits de l’industrie.1 Tous les journaux ont annoncé une exposition des produits de l’industrie française, fixée au mois d’avril prochain. Nous pensons que notre ville, qui compte peu de rivales en industrie, ne sera pas la dernière à répondre à cet appel. Le peuple y gagnera-t-il quelque chose ? L’expérience que l’on a tirée des expositions passées, ne nous en laisse guère l’espoir. A cet égard nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en leur mettant sous les yeux les réflexions suivantes que nous empruntons au Peuple Souverain : « Il faudrait un volume pour énumérer toutes les vanités que soulèvent ces sortes d’expositions et le peu de résultats qu’elles procurent. « Nous n’avons presque jamais vu aucun de ces intéressans producteurs des objets les plus nécessaires au peuple, obtenir des médailles ou des encouragemens, la faveur en dispose d’ordinaire, veut-on savoir pourquoi ? Parce que l’industriel, qui cherche moins encore à éblouir les yeux et à favoriser le luxe qu’à vêtir commodément, chaudement ou économiquement la classe la plus nombreuse des consommateurs, ne se hasarde pas à envoyer à l’exposition un échantillon de ses draps ou de ses tissus de coton, peu apparens, mais de bonne qualité et à bon marché, bien persuadé qu’il est que rien dans ses produits ne flattant les yeux, on n’ira pas s’enquérir si, par des procédés plus ingénieux ou par une plus grande économie, il est parvenu à produire le même objet à 10, 15 ou 20 p. % de moins. Mais qu’un célèbre fabricant ait exposé un riche tissu de cachemire, une belle mousseline blanche ou peinte, ou une superbe étoffe de soie brochée d’or et d’argent, oh ! Alors, chacun d’admirer ; et sans qu’on daigne s’informer de l’utilité de ces produits et de la quantité qu’on en peut consommer, le fabricant est sûr d’obtenir des médailles, des encouragemens, l’honneur même d’être complimenté par sa majesté, et la décoration par-dessus le marché. Combien de temps encore aurons-nous à signaler ces funestes erreurs, et quand verrons-nous la véritable richesse reconnue où elle est, et non dans ces brillans colifichets qui servent tout au plus à parer quelques opulentes héritières, et dont la consommation annuelle égale à peine celle d’un jour de nos plus modestes tissus ? Que l’on ne croie pas pour cela que nous n’ajoutons aucun prix aux brillans produits dont quelques fabricans distingués ont enrichi notre industrie ! Loin de là, nous estimons que tous ceux qui peuvent trouver un placement qui dédommage des frais de production, créent [2.2]toujours une nouvelle source de richesse profitable au reste de la nation. Mais ce dont nous nous plaignons, c’est que pour être bien vue à l’exposition, il faille que la fabrication emprunte des habits du dimanche et l’appareil des fêtes ; ce que nous regrettons, c’est la fausse direction qu’une routine ignorante et vaniteuse imprime à l’industrie française, nous désirerions au contraire que cette faveur, si elle est inévitable, fût accordée aux produits les plus simples, à ceux dont la consommation est la plus générale, afin de stimuler le zèle des producteurs à les améliorer, tant pour la qualité que pour la réduction des prix. Si au lieu de ces étalages de luxe, on encourageait une grande exposition européenne où les produits les plus communs de nos voisins viendraient se ranger à côté des nôtres, un tel acte serait vraiment grand et utile. Le consommateur, ayant plus d’objets de comparaison, en deviendrait plus difficile ; le producteur, dont l’intérêt est de toujours tenter de multiplier ses débouchés, voyant les obstacles qu’il a à surmonter, s’efforcerait d’égaler ses rivaux ; et la nation gagnerait en richesses tout ce que les progrès de l’art et du temps auraient ajouté de perfectionnement à l’industrie. Mais, qu’on ne s’y trompe point, ce n’est pas sur les produits d’un haut prix que le gouvernement doit porter sa plus vive sollicitude. Sans doute il est bon que nos filateurs de laine et de coton essaient de filer les numéros les plus élevés ; mais si l’on songe à la petite quantité qui s’en consomme par rapport à ceux qui servent à tisser les calicots et les draps ordinaires, on verra quels sont ceux qui méritent le plus d’intérêt. Il serait bien plus agréable à la nation d’apprendre qu’un manufacturier de l’Alsace est parvenu à tisser un calicot ordinaire à dix pour cent meilleur marché, que de savoir si l’on a fait avec nos fils une de ces percales dont la finesse étonne l’œil. Il vaudrait mieux donner aux fabricans de Rouen les moyens de soutenir la concurrence de la Suisse, qui, sans aucune prime d’exportation, offre ses tissus à 10 et 15 pour 100 au-dessous de ceux de cette fabrique. Il serait mieux aussi de procurer aux fabriques de St-Etienne les moyens de produire aux prix d’Eberfeld les nombreux articles de quincaillerie commune qui sont d’un usage journalier, que d’encourager la production de ces brillantes superfluités, appelées métaphoriquement nécessaires, qui ne sont à la portée que de quelques puissans du siècle. Le pouvoir, en France, a toujours eu la manie des représentations théâtrales, des écoles spéciales, des administrations dispendieuses ; et, de tous ces premiers frais prélevés sur le nécessaire des contribuables, il résulte que notre industrie est encore, à quelques égards, dans l’enfance, que nous avons à peine une marine militaire suffisante, que notre marine marchande décroît chaque jour au lieu d’augmenter, et que nos routes sont à peu près les plus mal entretenues de l’Europe civilisée. L’Angleterre, qui n’a ni école navale, ni école polytechnique, ni école de commerce, ni direction générale des ponts et chaussées, possède en revanche la première marine, les plus nombreux canaux, les plus beaux chemins de fer et les routes les plus parfaites du monde. Quelques bonnes lois et la protection bienveillante d’un gouvernement partout présent et partout respecté, ont donné au commerce et à l’industrie manufacturière de la Grande-Bretagne le quasi-monopole du [3.1]monde. En France, on sacrifie tout à la décoration, de l’autre côté de la Manche, on ramène tout à un but d’utilité pratique. Nous savons broder admirablement les manchettes à l’usage de quelques centaines de courtisans ; l’Anglais vend des chemises et des jupes aux trois-quarts de l’humanité. Une exposition européenne aiderait beaucoup à corriger nos industriels de ces manies ruineuses de petits-maîtres. L’idée en a été émise il y a déjà quelques années ; espérons qu’elle se réalisera à l’ombre des pacifiques loisirs que nous a faits le juste-milieu. L’intérêt de la civilisation la recommande, et les amis éclairés de l’industrie française doivent l’appuyer de tous leurs vœux. » (Peuple Souverain.)
Nous avons lu la lettre suivante dans le Précurseur du 30 octobre dernier, et nous nous faisons un devoir de la reproduire. Toutefois, nous ferions observer à M. Mouton-Duvernet, que, si nous n’avons cité dans notre numéro du 27, pour avoir adhéré à l’augmentation réclamée par les ouvriers tailleurs, que MM. Reynaud jeune, Fleury, Bretonville et Duverger, Girardon et Flasseur, c’est qu’ils étaient les seuls dont les noms fussent arrivés à notre connaissance. Si nous n’avons pas été complets dans les faits que nous avons livrés au jugement du public (et nous n’avons pas eu cette prétention), nous croyons du moins avoir été exacts, et alors notre tâche est remplie. Aujourd’hui nous apportons une nouvelle pièce au procès pendant devant l’opinion publique, l’opinion publique jugera… A M. le rédacteur du Précurseur. Lyon, 27 octobre 1833. Monsieur, J’ai lu dans l’Echo de la Fabrique, que les marchands tailleurs qui n’ont pas voulu accorder l’augmentation de salaire réclamée par les ouvriers, les ont dénoncés au procureur ; et l’on en cite seulement six qui aient adhéré à cette augmentation. Je déclare (et je crois n’être pas le seul) que mes ouvriers ont continué leur travail jusqu’au moment où leurs camarades ont été arrêtés, leur ayant promis de ne paraître à aucune assemblée, de ne rien faire ni signer qui pût leur être défavorable, et que je me conformerai à ce qui serait décidé en leur faveur. Ils peuvent le certifier. J’ai l’honneur, etc. mouton-duvernet.
AU RÉDACTEUR.
Lyon, le 31 octobre 1833. Monsieur, Ce n’est pas sans une grande surprise que nous avons lu, dans le n° du Précurseur du 31 octobre, la lettre de MM. les marchands tailleurs. – Tout en prétendant rétablir les faits, ils les ont dénaturés d’une étrange manière. Cela ne nous étonnerait pas s’ils n’étaient pas intéressés à mentir. Nous allons tâcher de relever ces erreurs volontaires le plus brièvement possible. Vous devez sentir, M. le rédacteur, combien il est intéressant pour nous de prouver que nous n’avons ni violenté la liberté de nos camarades, ni manqué à la justice envers les marchands. Nous nous garderons de signaler quelques expressions de mépris employées pour nous désigner ; nous savons bien que pour cela, il ne faut pas nous en prendre à ces messieurs, qui, nous dit-on, ont fait rédiger leur [3.2]lettre par un ex-homme de lettres, aujourd’hui magistrat. Il n’est pas vrai que nous ayons déserté les ateliers avant que l’ouvrage commencé ait été achevé. – Il n’est pas vrai que nous ayons contraint nos camarades par des menaces ou par la force à quitter leurs ateliers. – Il n’est pas vrai que la façon d’un habit soit payée aujourd’hui de 18 à 20 fr. Le terme moyen, comme nous le prouvons par la note ci-jointe, est de 15 à 18 fr. Celui de nous qui se permettrait d’aller se présenter dans un atelier où il serait inconnu, pour tarifier les prix, serait à l’instant renvoyé de notre société. Nous le répétons, les façons sont diminuées pendant la morte-saison. Demandez plutôt à MM. Rigner et Odin. On nous accuse de nous être coalisés ! Et quand cela serait, n’est-ce pas un droit juste et naturel ; et la loi qui s’y oppose devrait-elle être invoquée lorsque l’on ne craint pas de faire en faveur des marchands, évidemment coalisés aussi, une révoltante exception ? N’est-ce pas en effet une preuve de coalition, que cette espèce de comité composé de 17 raisons de commerce, écrivant au nom de leurs confrères ? Les fera-t-on emprisonner comme nos douze camarades, dont sept ne sont sortis de Roanne que sous la caution de MM. Girardon et Flasseur ? Est-ce notre faute, à nous, si nous sommes forcés de nous associer pour lutter contre l’esprit de rapacité qui exploiterait notre misère si nous restions isolés ? Non, monsieur, les ouvriers tailleurs n’ont jamais eu l’intention, qu’on leur prête perfidement, d’entraver une industrie qui les fait vivre, et de ruiner les marchands qui les occupent ; et, soit dit en passant, il est difficile qu’une légère augmentation de 2 fr., et non de 4, prise sur les bénéfices énormes que font ces messieurs, puisse amener un résultat aussi fâcheux. Ce que nous voulons, c’est la pleine et entière jouissance du droit de discussion entre le marchand et l’ouvrier ; c’est, enfin, quoi qu’on en dise, de pouvoir VIVRE EN TRAVAILLANT ! Agréez, etc. marigné, ramel, dombet et gobert, Pour leurs camarades. P. S. Note des prix qui sont payés par les signataires de la lettre à laquelle nous répondons. MM. Joubert et Duvier, 17 fr. le plus ; Pfeiffer, 16 fr. ; Gay et Didier, 16 à 18 fr. ; Rigner et Odin, de 15 à 17 fr. ; et à tous prix pendant la morte-saison ; Duport, 17 fr. ; Delorme, 16 fr. ; Albert frères, 15 à 17 fr. ; Reynaud aîné, 18 fr. ; Ayasse, 17 à 18 fr. ; Manger, 17 à 18 fr. ; Perrotau, 16 à 17 fr. ; Reynaud jeune, avant l’augmentation, 17 fr. ; Gay et Brisseau, 16 fr. ; Morelon et Chanal, 16 à 17 fr. ; Leture, 16 à 17 fr. ; Verdat et Ce, 17 fr. – Les ouvriers à la journée gagnent le plus de 3 fr. à 3 fr. 50 c.
ARTICLE INTÉRESSANT.
bonne nouvelle ! grande nouvelle ! Réjouissez-vous, bons justiciables, le conseil vient d’entrer dans la voie des améliorations. Qui pourrait actuellement soutenir que les bons avis lui sont à charge, et que bon gré malgré il prétend rester dans l’éternel statu quo. Erreur d’une imagination tracassière, l’envie de bien faire ne lui manque pas ; l’occasion seule lui manque ; voyez plutôt. [4.1]A peine l’Echo lui a-t-il rappelé une bonne coutume entre tant de mauvaises de l’ancien régime qu’il s’empresse d’aller en avant, preuve incontestable qu’il veut enfin marcher avec le siècle. Ecoutez ! Ecoutez ! Les traditions nous apprennent que nos bons aïeux maîtres-gardes1 se réunissaient une fois par an, bien plus souvent peut-être, pour réglementer les intérêts de la fabrique, entre l’appétissante salade et le modeste poulet. Fidèles à tout ce que leurs prédécesseurs ont fait de bien, nos prud’hommes se sont empressés de les imiter, et un superbe dîner les a réunis en famille jeudi dernier. On nous assure que l’accord le plus parfait a régné avant, pendant et après le repas ; tant mieux ; car il y a déjà bien assez de discorde sur cette terre maudite, sans qu’il soit besoin que les arbitres de ce monde se chicanent entr’eux ; la paix est si douce qu’on ne saurait faire trop de sacrifices pour la conserver. Bref, tout s’est passé dans le plus grand ordre ; des toasts d’usage ont été portés, et on dit même qu’entre la poire et le fromage, il a été question d’une jurisprudence écrite dont on causerait de nouveau à la séance prochaine. Quelques-uns prétendent que ce dîner avait pour but de fêter la bonne venue des trois derniers suppléans qui ont donné tant de peines à les décider. AVIS AUX AMATEURS. (Communiqué.)
Au Gérant. La Croix-Rousse, 28 octobre 1833. Monsieur, Nous sommes moins étonnés que fâchés que vous n’ayez pas répondu aux différentes questions que nous vous avions adressées par notre lettre du 9 courant, relativement à Lamartinière… – Nous concevons votre embarras : le provisoire, la fausse direction donnée d’abord par une administration inhabile, pour ne pas dire plus, est la suite nécessaire de la faute commise par l’Académie, en s’éloignant des vœux du testateur, et en créant, dans l’intérêt privé d’une partie de ses membres, des sinécures qui ne profitent qu’à eux. Rien n’est plus légitimement acquis que ce qui est donné par testament. Le testament du généreux major-général Martin est-il exécuté ? Au profit de qui ? Par qui ? Comment ? Où ? Art. 25 de son testament : « Je donne et lègue à la ville de Lyon, ma patrie, la somme de 250,000 roupies sicka ; et plus loin, il dit : Dans le cas où cette somme ne serait pas suffisante, je donne et lègue la somme de 50,000 roupies sicka pour établir une maison d’éducation industrielle pour les enfans des deux sexes des pauvres ouvriers de Lyon… » Nous sommes comme vous, M. le rédacteur, peu au courant de cette affaire qui intéresse au plus haut point la grande famille industrielle de Lyon. Quoiqu’il y ait à peu près cinquante ou cinquante-deux ans que le major-général Martin est mort, et que nos frères de Calcutta jouissent depuis lors de ses bienfaits, peu d’entre nous sont instruits d’une telle munificence de philantropie ; il n’y a que l’autorité qui puisse nous faire connaître l’emploi qu’on a fait de ce qui nous appartient par testament irrévocable ; nous serions plus instruits si on avait fait un bon emploi de nos fonds. Quand nous saurons quelque chose de plus, nous vous l’adresserons avec prière de le publier, afin que tous nos frères sachent quel intérêt ils doivent prendre à cette institution. Agréez, etc. Plusieurs industriels pères de famille.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
(présidé par m. riboud.) Audience du 31 octobre 1833. [4.2]Les contraventions pour des dessins copiés par des maisons de toiles peintes de Mulhouse se succèdent, et Dieu sait où s’arrêtera cette ardeur du plagiat, si des mesures sévères n’y mettent ordre. Voici la troisième cause de ce genre appelée devant le conseil par M. Josserand, négociant de notre ville, contre M. Gaillard. L’identité des patrons n° 4, 5 et 21, ayant été reconnue, les parties sont renvoyées devant le tribunal de commerce. Jandard, chef d’atelier, avait été condamné à accorder la huitaine à Pâcot, son ouvrier, ou à lui payer le prix de 4 journées de travail ; ce dernier ayant adhéré à la première condition, et n’étant venu pour l’exécution que deux jours après, le maître n’a pas voulu le recevoir. L’ouvrier est-il en droit de réclamer en sa faveur la seconde de ces conditions ? Non ; il perd ses droits à l’indemnité des quatre jours, puisqu’il n’a pas en temps opportun, rempli la condition première qu’il avait acceptée. Malerot réclame à Mazard, négociant, une indemnité pour les frais d’un métier qui n’a pas fait un aunage assez considérable, pour le dédommager. Mazard prouve, par les livres, que le métier n’a pas fait la journée moyenne, et que, par conséquent, il n’y a pas de sa faute si le maître se trouve lésé. Le conseil, prenant en considération les observations de Mazard, déboute Malerot de sa demande. Lorsque l’inconduite et l’insubordination d’un apprenti sont prouvées par des enquêtes, le conseil résilie les engagemens avec indemnité au maître, et l’élève ne peut se placer que comme apprenti et doit finir son temps d’apprentissage. Encore un exemple de l’inconvénient qui résulte de la mauvaise volonté que des négocians mettent à ne pas écrire le prix de la façon en donnant la pièce. Rivière, négociant, ne prétend payer que 50 c. l’aune de gros de Naples dont il avait promis 55 c. à Juillard, chef d’atelier. Malgré le désaveu de Rivière, et sur l’attestation de deux membres du conseil devant lesquels ce dernier avait promis 55 c., le conseil fait droit à la demande de Juillard. Charpy, compagnon, réclame à Raisin, chef d’atelier, 4 fr. 50 c. d’un article de manteau dont le prix n’est porté qu’à 4 fr. sur le livre du maître ; il appuie sa demande sur ce que la maisonTroubat payant 4 fr 50 c. l’aune quand elle ne donne pas la laine dévidée et 4 fr. quand elle est dévidée, lui, compagnon, ne doit pas entrer dans ces considérations. Le conseil déboute Charpy de sa demande, attendu que le prix convenu et écrit est de 4 fr.
Nous regrettons vivement qu’une note relative à l’affaire Bessac ait été omise à l’imprimerie ; nous l’insérons à titre de supplément à l’audience du 24 octobre. Lorsqu’un acte constitue lésion au préjudice d’une des parties, est-il entaché de nullité ? Oui. Ainsi jugé entre Bessac et son apprentie. Le conseil, considérant que l’apprentissage dont il s’agit (fabrication de cordonnet) n’exige que deux mois [5.1]pour acquérir ce genre de main-d’œuvre ; considérant qu’il y a lésion au préjudice de l’apprentie, les conventions sont résiliées. Cette décision mérite d’être considérée comme très importante, attendu que, jusqu’à ce jour, des conventions entre négociant et chef d’atelier, quoique empreintes du même caractère, ont été respectées par le conseil. Nous pourrions en citer un grand nombre, nous nous bornons à citer, en thèse générale, toutes celles qui autorisent une partie à se dépouiller de ce qui lui est dûment accordé par l’usage et l’équité : telles sont ces conventions souvent écrites sans consentement mutuel, dans lesquelles un chef d’atelier est privé de tirelles ; d’autres qui ont pour effet de garantir le négociant de tout préjudice causé par les procédés frauduleux du moulinier et ovaliste. Là, il y a lésion flagrante. Quoi ! Un chef d’atelier sur le livre duquel on inscrira ces mots : On fera décrouer les mouchoirs, sera, par le fait d’un pareil contrat, obligé de se constituer fournisseur de matières premières dans une proportion égale à la mauvaise foi des moulinier et ovaliste. Par exemple, si le chef d’atelier qui a extrait deux onces de cire, en soumettant à la vapeur quatre bobines, avait été appelé devant le conseil par son négociant, s’étayant sur ces mots : On fera décrouer les mouchoirs, une sentence arbitrale, semblable à celle de l’affaire Dépouilly (Auguste) et Douillet, l’aurait condamné à payer la cire au prix de la soie. Plus, une pareille décision aurait encore été une accusation de fraude portée contre lui. Ce principe n’est pas admissible. Chargés de la répression des abus, nous nous montrerons infatigables. En fait, il y a défaut de preuves, le chef d’atelier ne peut être condamné. En droit, le contrat est illicite, et les mots : On fera décrouer les mouchoirs, doivent être considérés comme entachés de nullité, attendu, pour nous servir du considérant du conseil, qu’il y a lésion au préjudice du chef d’atelier. Le conseil a donc reconnu que tout contrat ne peut être considéré comme licite, lors même qu’il est signé par un maître d’apprentissage et son apprenti. Nous invitons nos lecteurs à en prendre acte, et si, à l’avenir, contre notre attente, le conseil déclarait que toute convention quelconque tienne lieu de loi entre les parties, notre censure serait amère ; nous nous servirions d’un argument irrésistible, ce sera le considérant du conseil concernant l’affaire Bessac et son élève ; nous dirons… Les conventions devaient être résiliées attendu qu’il y a lésion. Nous croyons rendre justice à qui de droit, en observant qu’il est probable que si le chef d’atelier Douillet en eût appelé à la grande audience, nous aurions eu la satisfaction d’entendre prononcer un jugement contraire à la décision des arbitres ; nous osons même affirmer que le président, après avoir consulté le conseil, aurait déclaré ces conventions nulles, attendu qu’elles exposent le chef d’atelier à une lésion considérable, dans le cas où les matières ne seraient pas ouvrées fidèlement. Comme ce n’est encore qu’une question d’intérêt, le conseil aurait pu ajouter : Attendu aussi que le solde provenant du décreusage porte atteinte à l’honneur de la partie lésée.
OUVRIERS BIJOUTIERS.
Ces ouvriers, qui se trouvent au nombre de plus de quatre mille à Paris, et qui travaillent douze heures par jour, demandent une diminution d’une heure afin [5.2]de pouvoir suivre des cours de dessin qui leur sont nécessaires, et dont presque tous ont été privés jusqu’à présent. Dimanche dernier, 1,500 environ se sont réunis chez Desnoyers, à la barrière du Maine. Nous regrettons de ne pouvoir insérer ici ni l’allocution prononcée par l’un d’eux, ni la circulaire que l’assemblée a décidé d’adresser aux fabricans. Tout y respire un esprit de justice et de modération, auquel nous nous empressons d’applaudir. Une nouvelle réunion aura lieu aujourd’hui ; nous en rendrons compte. (Le Populaire.)
DE L’ASSOCIATION COMMERCIALE
d’échanges.1 Après une étude assez approfondie, il nous a semblé que dans ce nouveau mécanisme commercial on voyait scintiller quelque idée d’avenir, et qu’il pouvait être profitable d’appeler d’avance les intelligences à en éclairer le problème ; cette association compte d’ailleurs à Lyon 1,000 à 1,200 adhésionnaires, presque tous de la classe industrielle ; cette considération nous a décidé à faire une exposition de l’objet qu’elle se propose, et si quelques-uns regrettaient le temps que nous y avons mis, cette même considération nous excuserait encore. C’est en comptant le nombre des industries et la variété des travaux autour desquels gravitent les intelligences et les efforts de l’homme, que les auteurs de l’association d’échange ont vraisemblablement conçu ce qu’ils nomment leur monde commercial ; ils ont considéré que l’humanité était parquée par la main de la nécessité dans quelques centaines de catégories de différens travaux ; que chaque travailleur ne tirait sa subsistance quotidienne que des productions de plusieurs autres travailleurs, et qu’il serait plus simple que par un échange réciproque, ils se fissent, en détail, livraison journalière de leurs produits respectifs, que de voir toutes les productions, d’abord entassées à grands frais au profit de quelques accapareurs, diverger ensuite de ces différens points de centralisation vers tous les producteurs. Par une transmission immédiate d’un producteur à un autre, tous n’avaient affaire qu’entr’eux et étaient liés par une dépendance réciproque et égale ; tous restaient affranchis de la domination intéressée des capitalistes et de la nécessité des capitaux. Ce que voyant, les auteurs de l’association sont venus et ont dit à l’ouvrier : « Voila un travailleur comme vous, qui a besoin de vos produits, comme vous avez besoin de ses produits ; pourquoi n’échangez-vous pas ? Si son travail ne vous convient pas, voici un autre ouvrier, échangez avec lui ! Vraiment vous agissez d’une façon singulière ! Vous irez à l’emplette de son produit quand ce produit sera emmagasiné chez le capitaliste ? Vous devrez à ce dernier la dîme du prix pour frais de magasin, la dîme pour les commis, la dîme pour les transports, la dîme pour l’intérêt de ses capitaux, la dîme pour ses peines, la dîme pour les chances de pertes ? D’un autre côté, autant sacrifie l’autre travailleur, lorsque près du besoin de vos produits, il va les choisir dans les magasins ; eh ! que n’échangez-vous tous deux directement et proportionnellement ? que ne convenez-vous d’échanges réciproques ? Chaque année vous avez besoin, par exemple, de trente objets divers, confectionnés par 30 artisans, qui chacun ont [6.1]à leur tour nécessité d’un trentième de ceux que vous créez, faites pacte avec eux ; ils vous donneront chacun un trentième de leurs travaux en échange des vôtres ; et si le traité vous embarrasse à faire et les relations à nouer nous ferons cela : tenez seulement à notre ordre telle quantité de produit que vous consentirez et tout ira bien. Les auteurs du système sont allés vers chaque artisan, lui tenant même langage ; puis ils se sont posés sur la place publique s’écriant : dès ce jour l’argent est inutile ; producteurs respectifs, ne dites point : les capitaux font vivre le travail ; en vérité, le travail seul peut alimenter le travail. Quel que soit votre genre d’industrie, venez à nous et vous travaillerez. A vous, propriétaire, il manque le vivre, le vêtement ; soit : voici des billets à ordre sur tels marchands de pain, de vin, d’habits, allez, vivez et soyez vêtus ; mais à ces marchands un logement vient à manquer ; soit : voici sur le propriétaire un billet à ordre ! logez-vous ; celui-ci donne le pain, celui-là le vin, l’autre la chaussure, l’un les chapeaux, tel le bain, tel le spectacle ; enfin l’ensemble des associés produit à peu près toutes les jouissances réservées à l’humanité ; ils les échangent et jouissent ainsi de toutes choses : il est bien entendu que dans l’association, ceux-là doivent être en plus grand nombre, dont les produits sont d’un usage plus fréquemment répété ; les travaux engagés doivent être équilibrés de façon qu’il ne se trouve pas plus de vêtemens que de personnes à vêtir ; plus de chapeaux que de têtes à coiffer ; c’est l’affaire du receveur des engagemens d’échange, que de maintenir cet équilibre ; c’est à l’atteindre que se mesure la justesse de son coup-d’œil commercial, comme dans le commerce ordinaire, l’esprit du négociant brille dans la prévision exacte des consommations annuelles. Supposons cent travailleurs ainsi associés. Aujourd’hui le premier délivre au deuxième une valeur en marchandise ; celui-ci remet au troisième pareille valeur en échange ; cet autre au quatrième ; si dans le jour vingt-cinq mutations se sont succédé, et que chaque mutation coûte aux échangistes 4 p. %, la société aura encaissé par ce droit de courtage 100 pour 100 ; que, si rien ne vient suspendre le roulement des échanges, et que les cent adhésionnaires donnent et reçoivent chaque jour les choses nécessaires à tous leurs besoins de tous les jours, le bénéfice social devient énorme ; et si les associés, au lieu d’être cent, s’élèvent à mille, vous verrez ce bénéfice s’accroître dans une progression que l’expérience seule pourrait dire, et la société en disposerait à sa convenance, soit par une distribution proportionnelle, soit en acquisition des produits étrangers nécessaires aux associés. Tel est le tableau de l’association quand elle ne s’étend pas au-delà d’une ville ; mais une fois établie partout, elle correspondra avec toutes les sociétés parallèles ; vous pourriez prendre à Lyon sur Paris un billet à ordre pour tel objet qu’il vous conviendrait d’avoir dans cette dernière ville, absolument comme vous vous pourvoyez d’un billet de banque d’une ville sur une autre ; comme on voit, l’ouvrier est émancipé du capitaliste, et pour travailler toujours n’a besoin d’autre capital d’avance que de quelques semaines de travail. Nous avouons franchement que les dernières conséquences de ce système nous échappent ; nous entrevoyons en cas d’heureuse application, une révolution dans les rapports des industriels entr’eux ; mais, ce qui nous paraît certain, c’est que l’humanité [6.2]ne subsiste que des produits de l’humanité, et que le mode de distribution qui fera tenir à tous, par la voie la plus directe, les produits nécessaires à tous, sera le meilleur ; or, l’échange du produit contre le produit est assurément ce qu’il y a au monde de plus direct, de plus simple et de plus naturel ; mais il n’est donné d’arriver au simple et au naturel qu’en passant par les lumières de la civilisation. Quand le génie de l’intelligence humaine, secouant de ses ailes les gluaux de l’ignorance et des préjugés, aura doté le monde de communications telles que les marchandises ne coûteront guère plus de transport qu’aujourd’hui l’argent, je croirai fermement à la possibilité de substituer à l’échange par l’intermédiaire du numéraire, l’échange direct ; mais la généralisation des mesures matérielles qu’il faut d’abord prendre avant d’arriver à l’application facile et universelle de ce système, suppose auparavant dans les intelligences du peuple une habitude de généralisation, c’est-à-dire un développement intellectuel qui ait mis en jeu toutes les forces de l’entendement ; le concours de toutes ces forces, presque entièrement étouffées encore sous le boisseau de l’ignorance, me semble nécessaire pour imaginer les établissemens, qui, correspondant à l’idée de l’échange en général, doivent présider à sa réalisation : l’esprit des industriels n’en est pas là. Ce n’est pas, toutefois, que quelques villes privilégiées ne puissent se flatter d’être mûres déjà pour le système nouveau. Il se peut que Paris, Lyon, Marseille, renferment en assez grand nombre et dans des genres assez variés des producteurs de toute nature, pour le sustenter et pour en assurer à la longue la réussite partielle ; sous la protection d’un grand crédit avec une organisation provisoirement despotique, luttant contre les alarmes, les défiances, les ombrageuses terreurs qu’inspire ordinairement cette organisation, il pourra lentement et péniblement grandir en abjurant souvent ses propagateurs ; mais il ne s’universalisera, si l’on peut ainsi parler, il n’entrera dans les mœurs commerciales d’une nation, que lorsqu’il sera devenu une puissance et une administration gouvernementales, que lorsque la grande majorité des intelligences, unissant leurs ressources, enfin développées, auront pu disposer le sol et la législation à l’adopter et à le naturaliser. F. C.
La Contagion OU L’ÉPICIER CONVERTI.
air du Bon Dieu. Un jour mon voisin l’épicier Rêva qu’il était financier. Corbleu ! fit-il, dans ma cervelle Je sens une chaleur nouvelle : M’est avis que jusqu’à présent, J’ai vécu trop en… bon enfant. Nos députés comptent comme barème, Mais je voudrais bien compter un peu moi-même, Oui, morbleu ! Compter un peu moi-même. La religion a son prix, Mais à monseigneur de Paris Trop largement on s’abandonne ; L’or serait mieux chez la patronne ; J’entends ici la liberté, Qu’aux mains d’un prélat entêté. Je m’humilie aux pieds du Dieu suprême ; Quant à ses caissiers, il n’en va pas de même, Non morbleu non ! Il n’en va pas de même. [7.1]Nos ministres une fois l’an, Présentent, dit-on, leur bilan ; Or, depuis que l’arithmétique, A pénétré dans ma boutique, Je le confesse, j’y vois mieux, Et suis loin de penser comme eux. De nos écus ils ont un soin extrême, Mais je me sens bon pour les garder moi-même, Oui, morbleu ! Pour les garder moi-même. Du trône, les purs champions, Nous demandent vingt millions Pour solder la liste civile ; En ce cas, pères de la ville, L’emploi du prince à bon marché, Doit être ici peu recherché, C’est au pays un sacrifice extrême ! A ce prix pourtant, je le ferai moi-même, Oui, morbleu ! Je le ferai moi-même. Entre leurs mains, ce peu d’argent Rendra tout le monde content ; C’est fort bien dit en théorie, Mais répondez-moi, je vous prie ; Pour les illuminations J’ai vendu quatre lampions ! De joie aussi chez nous on fait carême ; Plaisir et profit tous deux s’en vont de même, Oui, morbleu ! Tous deux s’en vont de même. Je m’aperçois, tout bien pesé, Que je fus très mal avisé, Toutes vos royales momies, Dévorent mes économies ; Nicolas, Léopold, Othon, Mangeraient mon dernier jeton ; De droit divin s’ils ont leur diadème, Le père éternel peut les solder lui-même ; Oui, morbleu ! Peut les solder lui-même. Ainsi, messieurs, ne comptez plus Sur mon concours, ni mes écus ; A plein gosier chantez l’antienne De la royauté citoyenne ; Offrez la croix à qui paiera Les frais du culte et caetera ; Piper les bons fut tout votre système, J’ai donné dedans, mais plus n’y vais de même ; Non, mordieu ! Non, plus n’y vais de même. s. cahaigne. P. S. Ah ! ça, qu’ai-je entendu ? Vraiment Auriez-vous tant d’acharnement ? On me dit que seize bastilles Vont nous envoyer des pastilles, Et, de leurs augustes créneaux, Foudroyer églises et fourneaux… Ah ! Jour de Dieu ! Tant pis si je blasphème ; Mais en ce cas-là, gare le diadème ! Oui, mordieu ! Gare le diadème.
Variétés. LE TRAITEUR ET LE RÉFUGIÉ.
Histoire d’hier. Un jeune réfugié italien, de parens fort aisés, n’ayant depuis long-temps reçu aucun secours de chez lui, à cause de la difficulté des communications, ne se trouva, un jour, à l’heure du dîner, que trente-cinq centimes dans la poche. Il fallait cependant manger. Eh bien ! Se dit-il à lui-même, avec cette somme je ne mourrai pas pour aujourd’hui ; et demain…, demain la providence, [7.2]qui n’abandonne jamais personne, y pourvoira. Il cherche des yeux un endroit qui soit en rapport avec l’exiguïté de ses ressources, et il croit l’avoir trouvé à la place du Musée, n° 9, chez M. Lepelletier. A peine entré : « Donnez-moi, dit-il, pour quatre sous de viande et deux de pain ; pour du vin, je n’en bois pas. » Et aussitôt, qui le croirait, il rougit et balbutie. Mais il rougit de nouveau d’avoir honte de sa misère, sentant que le crime seul flétrit. Il répéta donc d’une voix assurée : Quatre sous de viande et deux sous de pain. Le marchand de vin, qui avait un extérieur fort dur, mais dont l’âme compatissante se manifestait par des effets plutôt que par des paroles, s’aperçut de l’embarras du jeune homme, et lui répondit brusquement : « Ici on ne donne pas à manger ; mais asseyez-vous ; et vous ferez un bon dîner. » L’Italien, qui savait bien n’avoir pas de quoi payer un bon dîner, ne pouvant pas à l’instant même lui notifier un refus en français, craignit que le marchand et sa famille, qui était présente, ne devinassent sa position ; le malheureux se mit encore à rougir, malgré les reproches qu’il s’était fait intérieurement quelques minutes auparavant, et dans son embarras, tout ce qu’il put faire fut de prendre son chapeau et de se disposer à sortir. Mais il fut arrêté par une voix rauque et tonnante, celle du bon Lepelletier, qui lui dit : « Vous n’avez pas d’argent », et ces paroles furent accompagnées de gestes et de regards tels, que le jeune proscrit est bien pardonnable de les avoir considérés moins comme une expansion de bienveillance que comme un reproche de vouloir escroquer le dîner. Nous avouons que, nous aussi, nous aurions répondu avec indignation comme il le fit : « Il est vrai, je n’ai pas d’argent pour payer le dîner que vous m’offrez ; mais j’ai pour quatre sous de viande, deux sous de pain et un sou pour le garçon. » Le Français, sans rien changer à son abord ordinaire : Je ne vous demande pas tant de compte ; je voulais vous dire qu’à votre accent je vous crois Italien, peut-être exilé, et assurément pauvre dans ce moment-ci. Restez donc ici ; vous aurez viande, vin ; bref, vous mangerez avec ma famille. » L’émotion de notre compatriote fut telle, qu’il en resta tout décontenancé ; il aurait voulu parler, mais le marchand, tout occupé à préparer le dîner, mettait tout le monde chez lui en révolution ; tantôt heurtant un petit enfant qui lui venait entre les jambes, tantôt criant à sa femme de se dépêcher ; puis, courant à une commode pour y prendre l’argent qu’il y avait, il se tourna vers son hôte : « Croyez-vous que je veuille mourir sans voir votre patrie. Moi aussi je sais combien elle est belle. Courage ! Si nous nous rencontrons, vous me rendrez ce dîner, et ces 15 fr. que je vous prie d’accepter. » Rousseau ne voulait pas recevoir de bienfait, parce qu’il craignait de ne pas pouvoir le reconnaître ; plusieurs l’eussent refusé pour ne pas s’abaisser. Eternels calomniateurs de la nature humaine ! Le bienfaiteur obéit à un de ces nobles mouvemens de notre cœur, qui n’est certainement alors souillé d’aucune arrière-pensée ; et l’orgueilleux seul dédaigne les secours de son prochain. Notre exilé rendit, peu de temps après, la somme qui lui avait été prêtée ; mais quand il l’accepta, il n’eut d’autre sentiment que celui de la reconnaissance et de l’admiration qu’inspire un beau trait de philantropie ; et, serrant la main de son frère le Français, il versa des larmes d’attendrissement. Cet instant comptera parmi les plus heureux de sa vie. [8.1]Nous avons extrait l’anecdote qui précède d’un journal italien, l’Exilé, journal de littérature italienne, ancienne et moderne1, auquel il appartenait de la raconter ; nous n’avons pas moins de satisfaction à la reproduire, que le rédacteur de cet excellent journal (M. Pescantini) n’en éprouve à la publier, et nous faisons écho après lui, lorsqu’il ajoute en terminant son récit : « Attachons les peuples par des liens sympathiques, en racontant les traits de magnanimité qui les ennoblissent, et en répandant parmi eux des paroles de concorde et de confraternité ; et ainsi la cause sacrée à laquelle se dévouent les honnêtes gens de tous les pays obtiendra plus facilement le triomphe que nous espérons. » (Le Bon Sens.)
louis babeuf, rue st-dominique. en vente : DE LA COALITION des chefs d’ateliers de lyon, prix : 75 centimes. Par Jules Favre, avocat. Au bureau de l’Echo de la Fabrique, et chez tous les libraires.
AVIS DIVERS.
(282) A VENDRE à sacrifice, pour cause de départ, un superbe lit à bateau tout neuf et tout garni, une jolie commode, également toute neuve et au goût du jour ; un brancard de petite mécanique, peignes à tisser les crêpes de Chine, roue de régulateur, etc. S’adresser chez M. Raumiens, rue des Fossés, n° 8, au 4e, à la Croix-Rousse. On trouvera le vendeur chez lui de 7 à 9 heures du matin. PAR BREVET D’INVENTION ET DE PERFECTIONNEMENT, tranchat, rue du Commerce, n° 18, fait des mécaniques à faire les canettes, à quel nombre que ce soit, et à quelle quantité de bouts que l’on désire. Le brevet qu’il a obtenu est pour la faculté d’arrêter la cannette aussitôt qu’un des bouts casse ou qu’un roquet est fini, en laissant hors la cannette une longueur de 7 ou 8 pouces pour ajouter ; ce qui évite les faux tours et une quantité de soie perdue ; empêche aussi toute trame tirante et crêmage, toutes sortes de trames sales, en même temps qu’elle donne un éclat à l’étoffe. Pour prendre connaissance des avantages que cette mécanique peut procurer, s’adresser à M. Morel, rue des Tables Claudiennes, n° 1, qui, par l’étude qu’il en a fait dans son atelier, a jugé à propos d’y faire d’importans changemens qui ont fait de l’objet une chose arrivée à son plus haut point de perfection. (292) (293) AVIS. Des bruits que la malveillance a répandus dans le public tendraient à faire croire que le sieur burel jeune, marchands d’ustensiles pour la fabrique, aurait vendu ses magasins. Il croit donc prévenir MM. les chefs d’atelier que ces bruits ne sont rien moins que fondés, et qu’il vient, au contraire, d’augmenter ses assortimens, et qu’il continue, comme par le passé, de vendre à prix fixe tout ce qui concerne les ustensiles de fabrique, tels que rémisses, plombs, qu’il fait tirer lui-même, etc. Ses magasins sont toujours rue de Fleurieux, n° 6, près la place Grôlier. (290) A VENDRE, un métier de schals indiens en 5/4, mécanique en 1,800 ; on vendra, si on le désire, la mécanique séparément. S’adresser à M. Mauband fils, rue du Menge, n° 10, au 3e. (288) A VENDRE, un beau et bon battant tout neuf, en 8/4 et à double boîte des deux côtés. S’adresser à M. Bret, montée des Epies, n° 4, au 3e. [8.2](291) A VENDRE, ensemble ou séparément, deux mécaniques en 784 chacune, avec engrenage, bascule à cylindre ; plusieurs rouleaux de devant et de derrière en noyer, pour 3/4, avec d’autres de 4/4 et 5/4 en tilleul ; diverses planches d’arcades ainsi que battans et peignes de différens comptes et en toutes largeurs ; le tout dans un état presque neuf. S’adresser au bureau du journal. (289) SURDITÉ. Des lettres ont été adressées au docteur Mène-Maurice, de Paris, par un grand nombre de personnes honorables de la capitale, des départemens et de l’étranger, qu’il a guéries, par son Huile acoustique, de la surdité la plus invétérée. Ces lettres forment une petite brochure in-8°, contenant des documens fort utiles pour les personnes atteintes de cette infirmité, et qui se délivre gratis chez M. aguettant, pharmacien, place de la Préfecture, n° 13, à Lyon. Huile acoustique, 6 fr. le flacon. (287) Le sieur ROSTAING, mécanicien de Paris, inventeur des métiers au quart, demeurant rue du Mail, n° 4, à la Croix-Rousse, a l’honneur de faire connaître à MM. les chefs d’atelier qu’il vient de perfectionner de nouveau ses rétrogradans, employés avec avantage jusqu’à ce jour à Paris et à la fabrique de la Sauvagère, où il a été employé pour ce genre d’industrie. Ce nouveau système consiste a régler la rotation par le moyen d’une simple vis, et faciliter le travail de l’ouvrier par son extrême justesse et par la douceur de la bascule qui enlève les valets. Il confectionne également les crochets pour les changements de griffes ; se charge de les placer et en garantit l’exécution ; le tout à juste prix. (284) AVIS AUX FABRICANS DE CHALES. mercier, serrurier, fabrique des tampias en fer à 7 fr. pièce et à 72 fr. la douzaine. Il demeure rue Condé, à Perrache, à côté des Bains. (283) A VENDRE, plusieurs battans de rubans à doubles boîtes, faits par Guépot ; navettes de rubans. S’adresser chez Lablanche, rue Dumenge, n° 8, au premier. (256) A vendre, 8 rateaux pour la fabrique, et une mécanique en 900. S’adresser à M. Thivolet, rue des Tapis, en face de la porte des Chartreux. (276) A VENDRE, grand atelier de lisage, composé de cinq lisages, deux repiquages, dont il y en a un de 1,056, 744, deux 600 et un 400 ; avec une bonne clientèle. S’adresser au bureau du journal. (277) PAR BREVET D’INVENTION. Les sieurs machizot, à la Croix-Rousse, et malozay, rue Vieille-Monnaie, n° 8 (mécaniciens), font des mécaniques à cannettes, selon le nombre de bouts que l’on désire, sans balles aux broches ni demoiselles, et dont la cannette s’arrête aussi promptement que l’éclair dès qu’un bout vient à casser ; en outre, l’attention des bouts est beaucoup plus fidèle qu’à celles qui ont été faites jusqu’à ce jour. Ils font également des mécaniques rondes dans un genre nouveau, qui surpasse celles qui ont paru jusqu’à présent ; elles ont pour avantage une très grande douceur, par la suppression de tous les engrenages, bâton rompu et volans à lentilles. Les inventeurs osent se flatter du succès de leur entreprise, vu les grandes améliorations qu’ils ont apportées à ces genres de mécaniques. (280) A VENDRE à l’amiable, une belle propriété entre Autun, Châlon-sur-Saône et Beaune, près le canal du Centre et la route de Paris à Lyon, dans une position agréable, consistant en une belle maison de maître, réparée et décorée tout à neuf ; logemens de fermiers et de vignerons, cours, jardins, pressoirs, foudres et cuves ; caves pouvant contenir ensemble près de mille pièces de vin, vinées, écuries et granges, d’une superficie d’un hectare cinquante ares ; cinquante hectares ou cent quarante-six journaux de terres ; vingt hectares ou quatre cent soixante ouvrées de vignes ; vingt-un hectares ou soixante-une soitures de prés ; et vingt-six hectares ou cinquante arpens de bois taillis. Il dépend de cette propriété un moulin à eau, placé avantageusement et bien achalandé. La maison de maître pourra être vendue meublée ou non meublée, au choix de l’acquéreur. S’adresser, à Paris, à M. Maurice Richard ; A Autun, à M. Chauveau-Picard ; Et à Couches, à Me Moulinet, notaire, dépositaire des plans de la propriété.
Notes ( Un mot sur les Affaires.)
. L’article fait mention ici de la crise de succession d’Espagne à la mort de Ferdinand VII. C’est alors le début de la première guerre carliste.
Notes ( A quoi servent les expositions des produits...)
. Plus que de la grande exposition des produits de l’industrie qui se déroulera au printemps 1834 à Paris, l’article évoque surtout le projet d’exposition des fabrications étrangères d’étoffes de soie. Cette exposition eu finalement lieu à Lyon en septembre 1834, Arlès-Dufour publiant à cette occasion, chez Léon Boitel, Un mot sur les fabriques étrangères de soierie, à propos de l’exposition de leurs produits faite par la Chambre de commerce de Lyon.
Notes ( ARTICLE INTÉRESSANT.)
. Rappelons que les règlements de la fabrique au XVIIIe siècle, notamment celui de 1744, validaient la domination des maîtres-gardes sur les maîtres-ouvriers. Ce règlement séparait en effet les fonctions de vente et celle de fabrication, les premières dépendant désormais du paiement d’une lourde taxe que ne pouvait payer les simples maîtres-ouvriers désormais coupés du marché de la soie
Notes ( DE L’ASSOCIATION COMMERCIALE)
. L’existence de cette entreprise, se plaçant habilement sous le signe du fouriérisme pratique, avait déjà été signalée, au printemps, dans L’Écho de la Fabrique. Présenté de façon neutre dans ce numéro, ce projet sera par la suite vivement critiqué. Quelques semaines plus tard, un correspondant exprimera des doutes forts concernant un système prétendant se passer de tout numéraire, mais dans lequel, curieusement, les organisateurs s’octroyaient un intérêt, en monnaie, de 4 % (numéro du 24 novembre 1833). Un peu plus tard, les représentants officiels du fouriérisme lyonnais, Adrien Berbrugger et Jacques Rivière Cadet, présenteront une critique plus sévère encore, assimilant l’Association commerciale d’échange à une pure escroquerie (numéro du 5 janvier 1834).
Notes ( Variétés. LE TRAITEUR ET LE RÉFUGIÉ.)
. Référence ici au journal des patriotes italiens en exil en France, L’Esule, giornale di letteratura italiania antica e moderna, dirigé alors par Federico Pescantini (1802-1875).
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