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11 novembre 1833 - Numéro 45
 
 

 



 
 
    
Des abus.

Nous avons dit : guerre aux abus, guerre à cette hydre sans cesse renaissante qui se repaît des sueurs du travailleur que l?ignorance ou la misère accablent. Aussi, est-ce sans pitié que nous signalons à l?indignation de tous les gens de bonne foi, la basse supercherie qu?exploitent encore quelques maisons de fabrique, pour extorquer au malheureux ouvrier une partie de son faible salaire. De quel nom qualifier en effet la conduite de ce négociant qui nie, en dépit du témoignage de deux membres du conseil, qu?il a promis 55 c. l?aune de gros de Naples au chef d?atelier, sur le livre duquel il n?avait point écrit le prix en donnant la pièce ? Quoi ! parmi une classe d?industriels qui s?honorent avec emphase du titre de commerçans, il se trouve des hommes qui ne rougissent point de trafiquer honteusement de la confiance qu?on leur accorde ! Quoi ! cette même classe d?industriels, qui compte encore dans son sein beaucoup d?hommes de bien, ne s?adjoindra pas à nous pour demander la répression d?un abus aussi révoltant que se permettent des gens qui la compromettent et la déshonorent ? En vérité, nous l?espérons, elle ne voudra pas être solidaire d?une pareille infamie. A nous donc hommes de bonne foi ; unissez vos efforts aux nôtres pour obtenir le seul moyen possible de guérir l?effrayante plaie des abus ; c?est dans une jurisprudence écrite que nous pouvons le trouver.

En présence des nombreux faits de coalition dont les journaux retentissent, qui pourrait nier le pressant besoin d?organiser l?industrie en lui donnant des lois [1.2]spéciales qui règlent ses intérêts. Qui pourrait aussi ne pas reconnaître l?insuffisance des moyens d?arbitrages employés jusqu?à présent dans nos débats journaliers, quand nous voyons se renouveler sans cesse les mêmes sujets de contestation que nul réglement ne prévoit, et dont l?impunité est assurée au coupable par l?absence de toute loi répressive ?

En effet, en condamnant ce négociant à payer au chef d?atelier la somme due pour prix de son salaire, qu?a-t-on fait pour prévenir une nouvelle escroquerie de la part de cet homme, qui ne rougit pas, pour quelques sous, d?engager son honneur en face d?un tribunal ? Il est des gens qui ne sont sensibles qu?à l?or qu?ils convoitent par tous les moyens : c?est donc par des amendes imposées à leur basse cupidité, qu?on parviendra seulement à corriger ces hommes à c?ur de fer.

En second lieu, qui dédommagera le chef d?atelier dont le temps est précieux, des démarches quelquefois nombreuses que la partie adverse lui laisse faire dans l?espoir de le lasser par l?assurance où elle est de ne pas aggraver sa peine ?

Attendra-t-on que, se levant comme un seul homme, cette classe d?opprimés vienne demander raison de l?inconcevable délaissement dans lequel on tient les intérêts de son existence de tous les jours ? Ou bien, cédant enfin à l?évidence, le conseil consentira-t-il à faire respecter, par des lois sévères, la dignité de ses décisions ? Nous le disons avec regret, rien n?annonce de sa part ces bienveillantes dispositions ; et, confiant en la paix profonde dans laquelle nous vivons, et dont le bon esprit des ouvriers comprend, quoi qu?on en dise, toute l?importance, il s?endort, l?imprudent, sur le bord du volcan dont l?éruption pourrait être terrible.

A Dieu ne plaise que nos prévisions se réalisent ; mais il est de notre devoir, en présence de tant de maux, de jeter le cri d?alarme et de stimuler par tous les moyens qui sont en notre pouvoir l?indolence de nos gouvernans.

Associés pour la plus légitime des causes, le soin de leur existence, que les chefs d?atelier usent de tous les moyens que leur union met à leur disposition, et que l?amour de l?ordre qui les anime leur suggère, pour combattre à outrance le nombreux bataillon des abus que l?égoïsme a inventés et que la cupidité exploite [2.1]Organe de tous les travailleurs, nos colonnes sont ouvertes à toutes les réclamations, et nous ne briserons notre plume que lorsque de guerre lasse l?égoïsme s?avouera vaincu.

B.....

 

 

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