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11 novembre 1833 - Numéro 45
 

 




 
 
     

Des abus.

Nous avons dit : guerre aux abus, guerre à cette hydre sans cesse renaissante qui se repaît des sueurs du travailleur que l’ignorance ou la misère accablent. Aussi, est-ce sans pitié que nous signalons à l’indignation de tous les gens de bonne foi, la basse supercherie qu’exploitent encore quelques maisons de fabrique, pour extorquer au malheureux ouvrier une partie de son faible salaire. De quel nom qualifier en effet la conduite de ce négociant qui nie, en dépit du témoignage de deux membres du conseil, qu’il a promis 55 c. l’aune de gros de Naples au chef d’atelier, sur le livre duquel il n’avait point écrit le prix en donnant la pièce ? Quoi ! parmi une classe d’industriels qui s’honorent avec emphase du titre de commerçans, il se trouve des hommes qui ne rougissent point de trafiquer honteusement de la confiance qu’on leur accorde ! Quoi ! cette même classe d’industriels, qui compte encore dans son sein beaucoup d’hommes de bien, ne s’adjoindra pas à nous pour demander la répression d’un abus aussi révoltant que se permettent des gens qui la compromettent et la déshonorent ? En vérité, nous l’espérons, elle ne voudra pas être solidaire d’une pareille infamie. A nous donc hommes de bonne foi ; unissez vos efforts aux nôtres pour obtenir le seul moyen possible de guérir l’effrayante plaie des abus ; c’est dans une jurisprudence écrite que nous pouvons le trouver.

En présence des nombreux faits de coalition dont les journaux retentissent, qui pourrait nier le pressant besoin d’organiser l’industrie en lui donnant des lois [1.2]spéciales qui règlent ses intérêts. Qui pourrait aussi ne pas reconnaître l’insuffisance des moyens d’arbitrages employés jusqu’à présent dans nos débats journaliers, quand nous voyons se renouveler sans cesse les mêmes sujets de contestation que nul réglement ne prévoit, et dont l’impunité est assurée au coupable par l’absence de toute loi répressive ?

En effet, en condamnant ce négociant à payer au chef d’atelier la somme due pour prix de son salaire, qu’a-t-on fait pour prévenir une nouvelle escroquerie de la part de cet homme, qui ne rougit pas, pour quelques sous, d’engager son honneur en face d’un tribunal ? Il est des gens qui ne sont sensibles qu’à l’or qu’ils convoitent par tous les moyens : c’est donc par des amendes imposées à leur basse cupidité, qu’on parviendra seulement à corriger ces hommes à cœur de fer.

En second lieu, qui dédommagera le chef d’atelier dont le temps est précieux, des démarches quelquefois nombreuses que la partie adverse lui laisse faire dans l’espoir de le lasser par l’assurance où elle est de ne pas aggraver sa peine ?

Attendra-t-on que, se levant comme un seul homme, cette classe d’opprimés vienne demander raison de l’inconcevable délaissement dans lequel on tient les intérêts de son existence de tous les jours ? Ou bien, cédant enfin à l’évidence, le conseil consentira-t-il à faire respecter, par des lois sévères, la dignité de ses décisions ? Nous le disons avec regret, rien n’annonce de sa part ces bienveillantes dispositions ; et, confiant en la paix profonde dans laquelle nous vivons, et dont le bon esprit des ouvriers comprend, quoi qu’on en dise, toute l’importance, il s’endort, l’imprudent, sur le bord du volcan dont l’éruption pourrait être terrible.

A Dieu ne plaise que nos prévisions se réalisent ; mais il est de notre devoir, en présence de tant de maux, de jeter le cri d’alarme et de stimuler par tous les moyens qui sont en notre pouvoir l’indolence de nos gouvernans.

Associés pour la plus légitime des causes, le soin de leur existence, que les chefs d’atelier usent de tous les moyens que leur union met à leur disposition, et que l’amour de l’ordre qui les anime leur suggère, pour combattre à outrance le nombreux bataillon des abus que l’égoïsme a inventés et que la cupidité exploite [2.1]Organe de tous les travailleurs, nos colonnes sont ouvertes à toutes les réclamations, et nous ne briserons notre plume que lorsque de guerre lasse l’égoïsme s’avouera vaincu.

B.....

Nous avons reçu d’un de nos abonnés la lettre suivante :

Au Rédacteur.

Monsieur,

Veuillez insérer le fait suivant dans votre prochain numéro :

Les sieurs B...... et T....., négocians, s’arrogent le droit d’écrire en marge, sur les livres des maîtres lisseurs, une convention ainsi conçue : « En cas d’erreurs, les réclamations qui ne seront pas faites de suite, seront nulles. »

J’ai l’honneur, etc.

un chef d’atelier, l’un de vos abonnés.

Note du rédacteur. – Comme l’original de cette lettre est revêtue de la signature de son auteur, nous ne pouvons douter de la véracité du fait qu’elle contient. Nous croirions manquer à notre devoir en nous abstenant d’éclairer nos concitoyens sur la juste appréciation d’un pareil contrat.

Nous pourrions nous borner au mot nul, mais ce laconisme serait peut-être insuffisant pour quelques-uns de nos lecteurs ; nous entrerons dans le détail des motifs de cette nullité. D’abord, comme on doit, dans l’interprétation des conventions, s’arrêter plutôt à l’intention des parties qu’au sens littéral des termes, plus on réfléchit à l’esprit qui a dicté cette convention, plus elle paraît entachée de mauvaise foi ; ce serait un genre de spéculation frauduleuse tout à fait nouveau. Quoi ! un artisan, par le fait de cette convention, serait obligé de supporter toutes les conséquences des erreurs qui existeraient sur son livre à son préjudice ! Ses façons y suffiraient-elles ? Qui sait de quelles erreurs il pourrait être victime ? N’est-il pas présumable que ces erreurs seraient nombreuses ou considérables ? N’est-il pas permis de douter que celui qui ose imposer de pareilles lois, peut être capable de se tromper volontairement à son profit ? C’est vraiment incroyable, quand on songe quel degré d’astuce et de rapacité, quel comble de corruption il faudrait pour décider un négociant à descendre jusqu’à s’approprier les deniers du travailleur trop confiant. Le brigandage qu’exercent les scélérats qui obtiennent par la violence un acte à leur profit ne serait pas aussi dangereux qu’une pareille convention, si elle était exécutable, parce que la loi accorde aux victimes d’un guet-apens le délai nécessaire pour protester contre leur signature. Ici, pas le moindre délai ; c’est de suite qu’il faut réclamer. Réclamer de suite ? c’est être par trop exigeant ; c’est vouloir l’impossible ; c’est ne pas connaître ce qui caractérise l’erreur. Qu’est-ce que c’est que l’erreur ? c’est un mécompte qui n’est reconnu qu’après un laps de temps plus ou moins considérable. Le mécompte reconnu de suite ne constitue pas une erreur.

Oh ! spéculer sur l’erreur ! nous n’aurions jamais osé prévoir la possibilité d’un pareil abus ; heureusement le législateur a été plus prévoyant que nous. Que les tisseurs qu’occupent les sieurs B...... et T..... se rassurent ; ces négocians sont peut-être ignorans de cette coupable innovation ; elle n’est, suivant notre avis, que l’œuvre d’un commis ignorant et présomptueux, qui ternit la réputation de ses chefs en croyant servir leurs intérêts. Qu’ils adressent à MM. B...... et T..... leurs justes plaintes à cet égard, et si, contre notre attente, ils n’obtenaient pas satisfaction, dans un autre article nous leur ferons connaître les moyens de droit qu’ils auraient à opposer.

Associations.

Depuis quelque temps l’esprit d’association se développe avec une admirable rapidité. En vain les feuilles du pouvoir le poursuivent de leurs dénonciations ; en vain les parquets le guettent au passage et tentent de l’écraser sous le poids des amendes et des chaînes, l’esprit d’association étend partout ses ramifications ; il s’implante dans le sol ; déjà il domine nos lois et neutralise, dans les mains des gens du roi, celles de leurs dispositions dont [2.2]ils s’arment contre lui. Le procès contre les Mutuellistes en a offert un mémorable exemple ; un magistrat probe et éclairé, tout en appliquant la loi, a proclamé des espérances de son abrogation.

Cet esprit d’association effraie nos gouvernans : on le conçoit, tout les effraie ; mais doit-il effrayer les hommes vraiment amis de leur pays et de l’humanité ? non. En voici quelques motifs que j’adresse aux hommes timides, afin qu’ils cessent de trembler, et aux ouvriers afin que, sans menace, sans violence, sans désordre, ils persistent dans leurs sages associations ; car dans leur sein est l’avenir du pays.

L’oppression, on le sait, a toujours enfanté les associations. Des hommes qui souffrent veulent combattre un mal, mettre un frein à l’injustice, soulager une infortune : leurs efforts isolés sont impuissans ; ils les unissent ; voila l’association. Ils l’agrandissent en appelant à eux d’autres hommes ; mais ces nouveaux adeptes ne sont pas admis, s’ils ne tiennent de l’opinion publique le brevet d’hommes de bien, s’ils ne promettent de faire des sacrifices personnels pour le bonheur commun. Ainsi, chacun sait donc qu’appartenir à ces sociétés est un honneur, qu’en être repoussé est une honte. Ces associations sont donc une excitation à la vertu, puisque pour y obtenir droit d’entrée il faut être vertueux ; les sociétaires savent que leur vie n’est pas murée, qu’ils doivent compte de tous leurs actes à la société ; il y a donc pour eux une obligation de combattre leurs habitudes coupables et d’être hommes d’honneur et de probité. Qu’on veuille examiner les associations politiques ou industrielles qui couvrent comme d’un réseau notre cité tout entière, on reconnaîtra que dans ces associations sont les plus hommes de bien, les plus amis de l’humanité. L’égoïste seul peut aimer à vivre isolé : renfermé dans son individualité, il est sourd à toutes les infortunes privées ou publiques ; lorsqu’il a pu s’entourer de toutes les jouissances de la fortune, que lui importe les souffrances d’autrui ?

Les associations sont un moyen de répandre les lumières. Entre des hommes réunis il s’établit un échange d’idées, une communication de réflexions souvent contradictoires. Cette opposition d’idées, ce frottement d’opinions divergentes, ont pour résultat ordinaire et presque immédiat la vérité. Toujours dans des réunions d’hommes on entend des paroles généreuses, des appels à la philantropie ; toujours l’exaltation de l’amour du pays, du dévoûment à la patrie ; toujours dans toute réunion on flétrit le vice et toujours on préconise la vertu. Ainsi ces ouvriers de toutes les professions dont les associations n’ont d’autre but que celui de s’aider mutuellement dans le besoin, savent tous que cet appui, pour être certain et durable, doit se fonder sur le travail et l’économie. Aussi, les premières conditions pour appartenir à leur association, sont une probité incontestée et l’amour du travail, de l’ordre et de l’économie. Ces conditions imposées à leurs adeptes n’en disent-elles pas plus que tous les livres ? N’ont-elles pas plus d’empire sur les cœurs que toutes les colères et les menaces de la chaire ? Reconnaissons donc, d’après ces seuls motifs, que ces associations sont essentiellement morales, et qu’elles ont pour résultat immédiat de corriger les mœurs avant même d’obtenir l’amélioration matérielle qui est leur seul but. Si maintenant on réfléchit que quelques sociétaires sont tour à tour chargés d’une censure toute personnelle, de visiter leurs frères malades, de les aider dans leurs besoins, de les consoler dans leurs douleur, de relever leur courage abattu par les souffrances [3.1]en leur montrant leur société veillant sur eux avec la sollicitude d’une tendre mère, on comprendra que ces associations doivent dissiper au lieu d’augmenter les terreurs des gouvernans, et qu’au lie d’entraver leur marche par les chicanes d’une odieuse police, ils devraient leur offrir, non leur appui, elles n’en ont pas besoin, mais ce droit de cité qu’elles sauront bien conquérir si ou persiste à le leur refuser.

Les associations mènent à l’égalité, à la démocratie… c’est là tout leur tort aux yeux des gouvernans ; aux nôtres, c’est leur principal mérite, et elles l’ont réellement, l’association des Mutuellistes le prouve. Le chef d’atelier n’est plus isolé ; fort de l’appui de ses frères, il fait respecter son caractère d’homme ; sans inquiétude d’un avenir qu’il sait n’être plus à la merci du négociant, il traite avec lui d’égal à égal, de puissance à puissance ; il sait qu’on peut lui refuser des matières à ouvrager, mais il sait aussi qu’il peut, lui, refuser sa main-d’œuvre ; et, dans les deux cas, il a pour appui ses associés qui ne souffriraient pas que la misère puisse, même de loin, lui montrer son front menaçant. Le fabricant, qui reconnaît impuissantes ses vieilles menaces de suspension de travaux, de cessation de commerce, revient enfin à de meilleures idées, et sa cupidité recule devant d’infames spéculations, celles sur la faim des ouvriers. Des rapports plus intimes, des relations plus amicales s’établissent entre eux, et l’alliance de l’ouvrier et du fabricant succède enfin au hideux despotisme dont l’un écrasait l’autre.

Déjà ces heureux résultats des associations ont été remarqués dans notre cité. Les tullistes, les tailleurs de pierre, les mutuellistes, les ferrandiniers ont cessé leurs travaux librement et sans qu’aucune violence ait été exercée. Les parquets ont bien poursuivi, les tribunaux ont bien prononcé quelques condamnations, mais les résultats qu’espéraient ces associations ont été obtenus ; les salaires ont été augmentés, et depuis les travaux ont continué sans que nulle part on ait fait entendre des plaintes. Qu’on déclame tant qu’on voudra contre les coalitions ; que les gens du roi, armés des dispositions tyranniques du code pénal, les poursuivent avec fureur : déjà sorties victorieuses de plusieurs luttes, elles survivront à l’article 415, car elles ont pour base une loi de tous les temps, de tous les pays, l’équité.

Les tribunaux l’ont reconnu ; ils ont plutôt donné de paternels avertissemens qu’infligé des peines aux ouvriers ; et bientôt, nous l’espérons, ils sauront repousser toutes poursuites du ministère public contre les associations. La misère enfante les crimes, l’association tue la misère. Poussons à l’association, le peuple deviendra moral, le peuple sera heureux !

Ph. ch....

Réponse à l’Echo des Travailleurs.

Le premier N° de l’Echo des Travailleurs a paru samedi 2 novembre.

Le gérant et les actionnaires de ce journal ont cru devoir se faire les champions de M. Marius chastaing ; ceci est leur affaire…

Quant à nous, nous maintenons tout ce que nous avons dit dans notre réponse à M. Marius chastaing, et, en vérité, nous trouvons bien singulier que ces messieurs, que nous ne connaissions, que nous ne connaissions pas, se soient arrogé le droit de s’en offenser.

[3.2]Il est aussi vrai que notre article ait été blâmé par notre commission de surveillance, qu’il est vrai que les hommes honnêtes aient rougi de notre diatribe.

Oui, nous avons refusé à M. Marius chastaing l’insertion de sa lettre ; et que MM. les actionnaires de l’Echo des Travailleurs méditent bien ceci :

Si nous l’avons refusée, c’est que nous n’entendions nous mettre en face de lui qu’assis sur le banc des accusés ! Et si nous l’entendons ainsi, c’est que nous sommes prêts pour toutes espèces d’investigations, et que nous n’avons aucun secret à taire ; c’est qu’enfin, pour nos actes comme pour nos paroles, bien loin de le redouter, nous appelons le grand jour !

S’il survient de la part de ces messieurs quelque nouvelle attaque contre nous ; convaincus que nous sommes, que nous pouvons faire ailleurs meilleur emploi de notre temps, nous la laisserons sans réplique.

B......

ENSEIGNEMENT MUTUEL.

RENTRÉE DES CLASSES.

La Société pour l’enseignement élémentaire du Rhône

Donne avis que la rentrée des classes a eu lieu dans ses Ecoles mardi, 5 novembre courant, à neuf heures du matin.

Cours normal primaire pour les instituteurs et les institutrices.

L’ouverture du Cours normal gratuit, a eu lieu mardi, 5 novembre courant, place de la Boucherie-des-Terreaux, n. 2.

S’adresser, pour se faire inscrire, à M. laforgue, inspecteur des Ecoles, place de la Miséricorde, n. 4, de huit à neuf heures du matin.

Le Secrétaire de la Société, gastine.

Vu, approuvé par le recteur de l’Académie,

Lyon, le 2 novembre 1833.

J. souslacroix.

nota. La Société rappelle en outre aux ouvriers adultes que les leçons gratuites qui leur sont destinées continuent, dans les Ecoles ci-après : rue des Tables-Claudiennes, n. 10 ; rue de l’Enfant-qui-Pisse (dans l’impasse) ; montée des Capucins, n. 20 ; rue Jarente, n. 4 ; rue Madame, n. 10 (aux Brotteaux).

Le but de notre feuille n’est point uniquement de protéger les intérêts matériels de la classe ouvrière ; en effet, il ne nous suffit pas de signaler l’avidité de ceux qui exploite son industrie ; il est également de notre devoir de procurer à l’ouvrier les moyens de reconnaître la tromperie et de l’éviter. Aussi ne laisserons-nous pas échapper cette occasion sans engager les ouvriers de toute profession à consacrer leurs heures de loisir aux leçons données chaque soir, dans les Ecoles d’adultes, et sans inviter les pères et mères de famille à conduire leurs enfants dans les Ecoles du jour. C’est là que les premiers puiseront les connaissances de lecture d’écriture et de calcul, nécessaires pour vérifier leurs comptes, et s’assurer du produit de leur travail ; et que les derniers, poussés par des méthodes faciles et expéditives, soulageront dans peu de temps leurs parens par le travail, en même temps qu’ils pourront, par l’instruction, les garantir des fraudes nombreuses dont leur ignorance les rend victimes.

PRIX POUR LES ÉCOLES D’ADULTES.

Nous nous empressons de porter à la connaissance du public, que la Société maçonnique du Parfait-Silence1 vient de fonder trois prix pour l’année 1834, en [4.1]faveur des Ecoles d’adultes, dirigées par la Société élémentaire du Rhône.

Le premier prix, composé d’une inscription d’un capital de 100 fr. sur la Caisse d’épargnes de Lyon, sera donné à l’élève adulte qui aura fait le plus de progrès pendant l’année, en lecture, écriture et calcul, parmi les élèves qui, lors de leur entrée dans l’école, ne possédaient aucune notion de ces trois branches de l’instruction primaire.

Le second prix, composé d’une inscription d’un capital de 75 fr., de même nature que la précédente, sera donné à l’élève adulte qui aura fait le plus de progrès, en écriture et calcul, parmi les élèves qui, lors de leur entrée dans l’école, savaient lire, mais ne possédaient aucune notion de l’écriture et du calcul.

Le troisième prix, composé d’une inscription d’un capital de 50 fr,, de même nature que les précédentes, sera donné à l’élève adulte qui aura fait le plus de progrès pendant l’année, en calcul, parmi les élèves qui, lors de leur entrée dans l’école, savaient lire et écrire, mais ne possédaient aucune notion de calcul.

Ces prix ne seront délivrés qu’à des élèves appartenant à la classe ouvrière, quelle que soit d’ailleurs la profession qu’ils exercent.

Ces prix, ainsi que ceux fondés les années précédentes par le Parfait-Silence, seront décernés, dans la séance solennelle qui sera convoquée par la Société élémentaire pour la distribution générale des prix, aux élèves de toutes les écoles, dont les progrès permettront à leurs professeurs respectifs de les présenter au concours général.

C’est un bienfait de plus, que l’honorable Société du Parfait-Silence vient de rendre à l’humanité, par la fondation de ces prix, destinés à entretenir une noble émulation parmi les hommes qui ont été privés de l’instruction dans leur enfance. Cet exemple ne sera pas perdu, il ne peut manquer d’avoir des imitateurs. Quel avantage pour celui qui, par son aptitude à profiter des leçons de ses maîtres, aura remporté un prix ? Il aura d’abord acquis une instruction élémentaire, indispensable aujourd’hui à l’homme, quelle que soit sa position, maître ou ouvrier. Ce prix peut encore être considéré comme la pierre fondamentale d’un petit établissement quelconque ; car, cette somme, il sera libre de la retirer de suite, ou de l’accroître, en versant ses économies à la caisse de prévoyance.

Le nombre des élèves qui ont fréquenté les neuf Ecoles d’adultes, s’est élevé, en variant suivant les saisons, de quatre à neuf cents. Ce nombre sera, sans nul doute, dépassé cette année, où un nouvel attrait est offert à l’intelligence, et doit avoir des heureux résultats.

Nous regardons comme un devoir de tout bon gouvernement de favoriser l’instruction ; mais c’est aussi un devoir au peuple, au citoyen, de faire tous ses efforts pour en profiter. Rien ne saurait donc justifier à nos yeux le jeune homme qui, par insouciance ou paresse, négligerait les avantages qui lui sont offerts par ces Ecoles, destinées à l’initier aux jouissances et aux bienfaits de l’instruction.

Nous apprenons que les ouvriers cordonniers et charrons viennent de quitter l’ouvrage d’un commun accord ; dans notre prochain N° nous tiendrons nos lecteurs au courant de cette affaire.

[4.2]Les ouvriers tireurs d’or nous adressent une lettre que le défaut d’espace nous force à renvoyer au N° suivant. Nous nous bornons à annoncer que cette classe d’industriels vient de jeter les bases d’une association qui devra réunir les travailleurs des différentes branches qui composent cette industrie.

AVIS.

Les membres de la commission des secours pour les blessés de Novembre, sont invités à se rendre à l’assemblée générale qui aura lieu lundi, 11 courant, à cinq heures du soir, au bureau du Journal. Nous les prévenons qu’il est indispensable de s’y rendre, afin que les comptes puissent définitivement être arrêtés. Qu’ils n’oublient point qu’il s’agit de venir au secours de frères malheureux.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES,

(présidé par m. riboud.)

Audience du novembre 1833.

Lorsque le père ou la mère d’un apprenti sont sous le poids d’un jugement de police correctionnelle, peuvent-ils être reçus à signer les engagemens de leur enfant ? Oui, un jugement pareil n’emportant point la peine de l’interdiction. D’après ces considérations, les engagemens qui ne sont point signés par les parens sont frappés d’illégalité par le conseil ; mais l’apprentissage ayant été reconnu de fait par le temps que l’apprenti est resté chez son maître, et les lettres écrites par les parens de l’élève, la contravention que réclame Baboulat contre Mlle Bidaud est bonne et valable.

Chapeau, chef d’atelier, et Grillet-Trotton, négociant, ont passé des engagemens par lesquels ce dernier s’engage à fournir à Chapeau de l’ouvrage sur 4 métiers de schals lancés, jusqu’à concurrence de 2,000 f. de façon sur chaque métier, le prix au cours des premières maisons de ce genre. Le chef d’atelier, de son côté, s’est engagé à faire travailler ses métiers pour ce négociant aux mêmes conditions, et pour garantie de leurs accords, ils sont convenus mutuellement qu’une indemnité de 200 f. par métier serait payée par celui qui ne voudrait plus tenir le marché avant son entière exécution. D’après quelques légères contestations survenue à l’égard de quelques racommodages, Chapeau demande la résiliation de ces engagemens, Le conseil, passant outre, déboute ce dernier de sa demande, et le condamne a exécuter les conditions, ou à payer à Grillet la somme de 200 fr. par métier qu’il voudra lui retirer, en vertu de l’art. 14, tit. 3 de la loi du 22 germinal an xi, et 12 avril 1833.

Michel, négociant, réclame à Carrier, chef d’atelier, un ancien solde d’argent, montant à 255 fr. 55 c, Ce dernier prétend ne devoir qu’un billet de 50 fr., qu’il s’offre à payer, en assurant que ce billet avait été fait pour solde de compte. Le conseil, considérant que Carrier ne peut rapporter ses livres qui sont égarés, et jugeant par ceux du négociant sur lesquels les comptes ne sont pas balancés par le billet précité, condamne Carrier à payer à Michel 255 fr. 55 c. par huitième, et annule le billet.

Carrier, d’après ce jugement, réclame des indemnités [5.1]sur des montages de métiers à Michel, et le conseil renvoie cette affaire par devant MM. Joly et Dumas.

Cette affaire, qui était loin d’être fort claire, nous a de plus en plus convaincus de la nécessité de créer une jurisprudence écrite, qui puisse fixer les droits et les devoirs de chacun, et servir de guide assuré aux décisions du conseil, qui, dans cette occasion nous a paru s’écarter de la ligne suivie l’an dernier, sous la présidence de M. Goujon, dans une affaire à peu près semblable, en ce qui a rapport aux livres des chefs d’atelier.

Lorsque la santé d’un apprenti se trouve altérée et compromise par l’exercice de sa profession, et que des certificats de médecins l’attestent, les conventions sont résiliées et une indemnité accordée au maître.

Ainsi jugé entre Baluet et Delas.

Lorsque la mauvaise conduite d’un apprenti est constatée par un membre du conseil chargé de le surveiller, les engagemens sont résiliés, et la plus forte indemnité accordée par la loi est allouée au maître.

Ainsi jugé entre Billon et veuve Robert.

S’il s’élève des contestations entre les parens d’un élève à l’essai et le maître, sur la durée du temps de l’apprentissage, le conseil fixe cette durée ou alloue au maître 50 c. par jour pour le temps que l’apprenti est resté chez lui, dans le cas où les parens ne demeurent pas d’accord.

Ainsi jugé entre Martin et Charvieux.

Au rédacteur en chef de l’echo de la fabrique.1

Lyon le 5 novembre 1833.

Monsieur,

Veuillez avoir l’extrême obligeance d’insérer dans votre prochain numéro ma tardive réponse à la lettre de M. J. Roux, du 29 septembre dernier.

Agréez etc.

Puisque c’est en parcourant votre journal, que l’un de mes articles sur la théorie sociétaire de CHARLES FOURRIER est venu tomber sous les yeux de M. Roux, peut-être, et je le crois fort, n’a-t-il fait que parcourir cet article. – C’est ainsi, du moins, qu’isolant quelques-uns de ses passages, pour ne s’arrêter sur rien de ce qu’il contient de fondamental ; c’est ainsi, dis-je, que M. Roux m’a donné le droit de le traiter comme un jeune écolier pressé de quitter les bancs de l’école pour rompre une lance en l’honneur de ses maîtres en philosophie.

L’auteur de cet article, dit M. Roux, est bien louable sans doute de s’occuper des intérêts du peuple ; mais son ardeur et son admiration excessive pour M. FOURRIER, ont pu le faire dévier malgré lui. – Ici, je dois l’avouer, l’assurance et la perspicacité de M. Roux m’étonnent ! et sa hardiesse à juger l’œuvre du maître sur quelques lignes de l’un de ses disciples, est (qu’il veuille bien me permettre de dire franchement ma pensée) le fait d’un étourdi.

Nous aussi, M. le gérant, dit encore M. Roux, nous voulons le bien de la société, du peuple surtout ; et c’est vers ce but que tendait nos faibles efforts.

Après cela, je croyais que, faisant d’un trait de plume le procès de la théorie sociétaire, il allait, arborant son drapeau, proposer, au nom d’une école nouvelle, des moyens de réforme moins dangereux que ceux que nous présentons ; mais non. M. Roux s’est contenté de trouver cette réforme au-dessus de nos forces. Eh bien ! discutons :

Chacun voudrait, bien certainement, en donnant un [5.2]libre essor à ses passions, ne pas nuire à sa santé et arriver à la fortune (seuls moyens de satisfaire les besoins des sens). – Chacun voudrait aussi pouvoir se livrer en toute sécurité au liens affectueux ; et chacun, dans son intérêt, voudrait encore voir les passions et caractères s’harmoniser.

D’où vient que nous n’ayons jamais pu parvenir à réaliser ce souhait que nous faisons tous implicitement ?… (voila ce que je disais dans mon article du 15 septembre dernier.)

C’est que, répond M. Roux, la santé et le libre essor des passions sont contradictoires ; car, dit Raynal, la modération seule donne fortune, la beauté, la liberté.

Selon FOURRIER, la santé et le libre essor des passions ne sont contradictoires, que parce qu’elles sont comprimées dans leur développement et faussées dans leur emploi. – Parce que la forme sociale dans laquelle nous vivons, groupant l’humanité par familles isolées, leur a assigné à toutes des intérêts divers constamment opposés à l’intérêt général ; – et parce que, impuissante à répandre le bien-être et le bonheur sur tous, elle n’a pu que sacrifier la masse à un petit nombre, et n’a pu par conséquent travailler à l’étouffement des passions.

Deux élémens composent la nature de l’homme ; le matériel et le passionnel ; – et c’est pour n’avoir voulu reconnaître que l’un d’eux, qu’avec vingt-cinq siècles d’essais des milliers de traités de morale et de philosophie sont venus se briser contre l’autre.

Ces bibliothèques, prétendus trésors de connaissance sublimes, ne sont qu’un dépôt humiliant de contradictions et d’erreurs. (barthélemy.)

Il faut refaire l’entendement humain et oublier tout ce que nous avons appris (condillac.)

Ce ne sont pas là des hommes ; il y a là quelque bouleversement dont nous ne savons pas pénétrer la cause (J.-J. Rousseau).

C’est en partant de ces données, et par l’étude approfondie de la nature passionnelle de l’homme, que FOURRIER a su pénétrer cette cause qui échappa au génie de rousseau, celui d’entre les philosophes qui sembla pourtant le plus près de toucher au secret de la nature.

Sans doute, dans l’état actuel de la société, les passions sont dangereuses et trop souvent nuisibles ; pour en être convaincu, il n’est besoin que de jeter un regard autour de soi. – Aussi, n’est-ce point à cette société dont l’incohérence, le morcellement et l’isolement des familles sont la base, que nous prétendons appliquer le libre essor des passions. – Mais quand les efforts qui ont été faits pour en paralyser les effets n’ont servi qu’à augmenter le désordre et l’anarchie sociale, n’est-il pas plus rationnel de chercher, de s’engager dans une autre voie ?

Mais où donc est le danger de celle que nous proposons, ou plutôt que propose FOURRIER ? – S’agit-il de renverser ce qui est, – de dépouiller le riche au profit du pauvre, – de fouler aux pieds des croyances et de substituer une religion nouvelle à d’autres religions ?

Remplacer l’industrie répugnante par l’industrie attrayante : – associer les trois forces productives : TRAVAIL, CAPITAL et TALENT ! et faire participer aux bénéfices de la production, dans une juste proportion, les trois classes représentées par ces trois facultés ! telle est la tant redoutable réforme que nous proposons ; tel est le problème que résout le nouveau mécanisme que nous soumettons à l’investigation et à l’approbation des hommes qui, comme nous, ont compris l’urgente nécessité de trouver pour la société une forme plus convenable [6.1]que celle dans laquelle nous vivons si péniblement aujourd’hui.

Mais, dit M. Roux, qui s’étaie de l’autorité de Raynal, la modération seule donne la santé, la beauté, la liberté. – A mon tour je demanderai à M. Roux ce que c’est que la modération, et combien il en faudra de sortes pour accommoder l’espèce humaine, les différentes classes de la société, les différens caractères.

Cette proposition, prise dans le sens que nous lui comprenons, est synonyme de privation, et pour nous l’autorité de raynal est aussi suspecte que celle de sénèque, par exemple, qui enseignait l’amour de la pauvreté avec une modique fortune de 120 millions !

Personne ne peut se livrer aux liens affectueux, dit M. Roux, parce qu’il en est qui excitent le remords, qu’on ne forme qu’en secret et que l’on craint de divulguer. Preuve que l’homme ne peut faire le mal avec sécurité.

Ici, quelle que soit ma bonne volonté, je ne puis saisir la pensée de M. Roux, et il me serait difficile de répondre à cette objection que je cherche en vain à comprendre.

Il est encore vrai, dit M. Roux, que chacun voudrait voir les passions et caractères s’harmoniser ; mais cela est impossible, parce qu’il est des passions et des caractères diamétralement opposés, et qu’entre deux contraires, il n’y a point d’union possible.

Le noir et le blanc sont aussi des couleurs diamétralement opposées, et leur contraste choque durement la vue ; mais, mariées à toutes les autres couleurs, elles produisent l’harmonie.

Les philosophes et les moralistes ne sont les monopoleurs du progrès de la raison humaine que pour ceux qui dédaignent de puiser auprès d’eux la vérité ; ils ont dit que les passions étaient mauvaises, non pas en elles-mêmes, mais par l’abus qu’on en fait ; et si leurs systèmes ont été déplorables, ils ne l’ont été que pour les libertins. Voila ce que nous dit encore M. Roux.

Quelle est donc cette vérité que prêchent depuis si long-temps et sans fruit la philosophie et la morale, et contre laquelle la nature a si grand tort de s’insurger ?

Où donc est la puissance de la saine raison pour harmoniser les passions et en régler l’emploi ?

Douter de tout et tout nier, voila la grande vérité à l’aide de laquelle les philosophes esquivent le problème social. – Imposer toutes sortes de sacrifices à l’homme, et comprimer, enchaîner les forces qu’il a reçues de la nature de Dieu ; tel est le secret des moralistes, qui, avec la conscience qu’il fit bien tout ce qu’il fit, n’ont pourtant rien fait pour découvrir ses vues, rien produit, quoi qu’en dise M. Roux, que le dévergondage et les mauvaises mœurs.

Eh quoi ! dit FOURRIER, Dieu qui a fait des codes pour les fourmis, pour les abeilles, n’aurait pas voulu ou pas su en faire un pour l’homme ?… Que dire d’une telle supposition, si ce n’est qu’elle est absurde ? La haine, la discorde et l’envie ne sont pas (comme le croit M. Roux) des passions, mais bien des affections subversives qui nuisent dans les déviations sociales, comme les maladies matérielles dans les déviations organiques (Victor considérant. Journal du Phalanstère.) – L’amour et l’ambition rentrent dans la catégorie des douze passions primordiales dont nous avons précédemment donné l’analyse, et marqué l’emploi en régime sociétaire ; je passe outre.

Quand on aura mis l’harmonie entre des sons contraires et discordans, dit aussi M. Roux, on pourra la mettre alors entre les passions qui toutes sont destructives les unes des autres. – Ici il est facile de comprendre que M. Roux n’est pas musicien.

Comment des séances courtes et variées pourront-elles développer le germe des vocations industrielles ? – Par la [6.2]faculté de prendre dans une industrie une ou plusieurs des subdivisions parcellaires, et la liberté pleine et entière de passer d’un genre à un autre genre de travail, chaque jour, chaque année, toute la vie enfin ; – et la raison pour laquelle le travail devenu attrayant, chacun pourra, entre tous les travaux, choisir l’un plutôt que l’autre, c’est que les goûts, les penchans et l’aptitude sont tous différens ; et ce ne sont certainement pas les goûts et les penchant que nous prétendons réformer, mais bien le milieu social.

Non, nous ne prétendons pas faire cesser toute lutte entre les passions et les intérêts ; mais nous croyons pouvoir la rendre harmonieuse et productive, d’anarchique et destructive qu’elle est ; et c’est à tort, bien certainement, que M. Roux nous accuse de nous charger d’une mission possible seulement au bras du créateur. – Cherchez et vous trouverez, a dit l’Evangile. Nous n’avons pas mesuré la grandeur de notre tâche.

Jusqu’ici, dit encore M. Roux, on avait cru que la santé était un effet de la modération et de la réserve dans l’emploi de l’attraction passionnelle. On avait cru que des passions trop relâchées énervaient les esprits vitaux et corrompaient la masse du sang. La croyance était fausse on se trompait : pour guérir le mal il faut le redoubler ; et bientôt en morale comme en médecine, on homéopathisera. Heureux progrès de la raison humaine !!!

Entre cette croyance et la nôtre, à nous phalanstériens, il y a toute cette différence qui distingue FOURRIER des philosophes et moralistes que défend M. Roux. Ceux-ci prennent le mécanisme social tel qu’ils le trouvent, et cherchent par des procédés de contrainte à amortir les forces qui y produisent des chocs ; tandis qu’il en cherche un, lui, qui les utilise (Victor considérant. Journal du Phalanstère.)

Nous n’ignorons pas plus que M. Roux qu’il est deux voies dans lesquelles la société peut s’engager, l’une droite et l’autre corrompue. C’est précisément de celle-ci que nous nous efforçons de sortir ; qui donc aujourd’hui oserait prétendre que nous sommes dans l’autre ?

En troisième lieu, la fortune acquise par cette organisation est pour la réunion générale et non pour l’individu ; en cela il n’est pas récompensé de son travail, puisqu’il ne possède pas ce qu’on juge à propos de lui donner ; et qui sait si le directeur du régime sociétaire ne cherchera pas son bonheur lui aussi dans une collecte prélevée sur les fonds, comme cela arrive quelquefois ? Ce calcul n’est donc pas à la portée de toutes les intelligences.

Non, la fortune acquise par cette organisation ne sera point propriété commune ; chacun reste maître de sa fortune ; seulement le mode de possession est changé. – Et, il faut bien que je le dise, la supposition de M. Roux, que l’homme pourra être lésé dans ses intérêts par le directeur du régime sociétaire, prouve une chose ; c’est qu’il a attaqué l’œuvre de FOURRIER sans la comprendre, sans la connaître.

L’homme ne souffre que parce qu’il ignore les moyens de faire cesser ses peines, et il l’ignore toutes les fois qu’on l’empêche de les rechercher.

Cette fois M. Roux a raison : mais s’aperçoit-il qu’il a fait lui-même le procès de la philosophie et de la morale ?

Il est faux, dit-il encore, que la liberté illimitée de l’industrie et du commerce soit leur arrêt de mort.

Nous croyons le contraire ; et peut-être M. Roux commence-t-il à comprendre aujourd’hui la vérité de cette assertion.

Enfin, nous dit encore M. Roux, l’économie, une fois captive et circonscrite, ne s’éveillera jamais d’elle même ; car l’invention, qui est le propre du génie, ne surgit que par la liberté. Ce n’est pas cette liberté qui engloutit le salaire des travailleurs, mais le mauvais usage qu’on en fait ; et puisque les productions ne sont plus en rapport [7.1]avec la consommation, c’est donc la liberté qu’il nous faut. Oui ! nous aussi, nous crierons place au travail, mais au travail uni à la vertu, au travail sans débordement.

Loin de parler de circonscrire l’industrie, nous avons précédemment démontré que, pour elle comme pour le travail du génie, la plus vaste carrière de liberté serait ouverte, – Si ce n’est pas la liberté illimitée du commerce qui engloutit le salaire des travailleurs en augmentant chaque jour le nombre des improductifs, et diminuant d’autant le chiffre des travailleurs réellement productifs, que M. Roux veuille bien s’expliquer et nous dire la plaie qui le dévore ?

Enfin, puisque la production n’est plus en rapport avec la consommation, c’est donc la liberté qu’il nous faut, nous dit-il encore.

Mais qu’est-ce que la liberté, et comment M. Roux en comprend-il l’exercice ? – Cette question, toute simple qu’elle puisse lui paraître, est pour nous d’une haute importance : qu’il veuille donc me pardonner de lui en demander la solution.

Je sens, M. le rédacteur, que j’ai aujourd’hui dépassé les limites que peut m’assigner le cadre de votre journal ; et pourtant je crains d’avoir réfuté trop brièvement la critique de M. Roux. – Si, à l’avenir, les articles que vous voulez bien admettre et dont je me propose la continuation, deviennent le sujet d’une nouvelle critique, alors j’emploierai, pour y répondre, une marche à la fois plus convenable au bienveillant accueil que nous avons toujours trouvé dans votre journal, et plus en harmonie avec la clarté et la précision qu’on a droit et raison d’exiger d’hommes qui, comme nous, se présentent avec une théorie nouvelle, qui (selon le vœu de Condillac), renverse tout ce que nous avons appris.

R...... cadet.

LE MUTUELLISME.

air du Dieu des bonnes gens.

Quand de son sein Dieu tira la lumière,
Du même instant la lumière se forma ;
Puis la nature, humectant la poussière,
Fit le limon dont elle nous créa.
Dieu, par amour, mit dans notre existence
Le doux besoin de la félicité ;
De l’homme ainsi la première espérance
fut la fraternité.

Législateurs, pour corriger les vices,
Qui dans tout lieu fait naître le malheur,
Qu’avez-vous fait ? Elever des hospices,
De noirs cachots, des bagnes, quelle horreur !!!
Comme chez nous que la vertu sévère,
Au lieu de l’or, soit mise en dignité,
Tous les mortels ne formeront sur terre
Qu’une fraternité

Ambitieux des regards du vulgaire,
Par un grand luxe étalez votre nom ;
Nouveaux Crésus, par votre savoir-faire,
Que vos trésors vous passent en renom.
Le Mutuel ne connaît d’autre gloire
Que les bienfaits, l’honneur et l’équité,
Et des ingrats il ne garde en mémoire
Que la fraternité.

Frères en vain dans le monde profane,
Pour être heureux fussions-nous demeurés ;
Il faut sur nous que la lumière plane
Et que nos cœurs soient par elle éclairés.
Dès cet instant où l’homme a changé d’être.

[7.2]Vers les progrès il marche avec fierté ;
Son dévoûment ne veut que le bien-être,
De la fraternité.

Aux Ferrandiniers.

Ferrandiniers, fils du mutuellisme,
Espérons tous un avenir brillant ;
Par notre accord éteignant l’égoïsme,
Nous pourrons vivre au moins en travaillant.
Tous vos patrons sont à vous pour la vie,
Ne craignez plus aucune adversité,
Jusqu’au tombeau vous aurez pour amie
Notre fraternité.

rémond fils.

DES MÉCANIQUES.

M. Owen1, de Lanarch, en Angleterre, a dit, dans une des dernières assemblées des manufacturiers de Londres, que deux cent mille ouvriers, à l’aide des mécaniques, filent actuellement une quantité de coton qui aurait exigé, il y a quarante ans, l’emploi de vingt millions d’ouvriers. Il a ajouté que le coton filé en Angleterre, sans le secours des mécaniques, exigerait au moins 60 millions d’ouvriers, et enfin que la quantité d’ouvrages fabriqués à l’aide des mécaniques demanderait au moins le travail de quatre cent millions de fabricans. Ce rapport est sans doute exagéré quant au dernier calcul ; mais, quoi qu’il en soit, on ne peut disconvenir que la quantité de coton filé, ainsi que celle des tissus fabriqués en Angleterre, par les mécaniques, ne soit immense et à même de fournir à la consommation non-seulement de toute l’Europe, mais aussi à celle de l’Amérique et d’une partie de l’Asie.

(Le Bon SensLe Bon Sens.)

Coups de navette.

L’erreur que nous avons faite en annonçant que les prud’hommes s’étaient réunis pour dîner jeudi dernier, avait fait soupçonner à quelques personnes que leurs affaires auraient bien pu avoir été mal jugées à travers les fumées du Champagne. Cependant, qu’elles se rassurent, c’était le mercredi qu’avait eu lieu la fête, et s’il y a eu quelques causes de jugées un peu à la légère, qu’elles ne s’en formalisent pas, c’est un défaut d’habitude.

À la vue de l’exiguïté du service, un prud’homme dit à un de ses collègues : Parbleu, MM. ...... ont bien fait de ne pas venir à ce dîner, car certainement il n’y aurait pas eu assez pour tous. Oh ! mais lui répondit celui-ci, s’ils fussent venus il y aurait eu certainement quelques plats de plus.

On doit placer un sténographe dans la salle du greffe pour prendre note des causes qui sont renvoyées en conciliation. Il aura à coup-sûr plus à faire que les deux qui sont à l’audience.

Voulez-vous vous faire la réputation d’écrivain ; le moyen est très facile, mettez-vous en tête de signer un journal : voyez plutôt M. S....d.

Il y a de par le monde trop de gens qui savent faire les cancans, et qui ne sauraient bien faire les coups de navette.

Il est né le jour des morts ; mais malgré cela l’Echo des Travailleurs aura de la peine à mordre.

[8.1]Si un homme est attaqué, gardez-vous de le défendre ; il vaut mieux entonner un hymne à sa louange.

Il est plus honorable d’être injurié par de certaines gens que d’en mériter les louanges.

AVIS DIVERS.

(297) A VENDRE, un pliage et 8 rasteaux de différentes grandeurs. S’adresser à M. Dumas, rue Tronchet, n° 1, au 2e, aux Brotteaux.

(298) A VENDRE, deux battans 1/2 aune pour velours ; un remisse soie tout passé ; rouleaux divers pour velours ; caisses et canards, etc. S’adresser au bureau du journal.

ANALYGRAPHIE,
Ou méthode facile pour apprendre en peu de temps l’orthographe, sans avoir besoin de conjuguer, ni de réciter de mémoire, etc., applicable à toute espèce d’enseignement mutuel ou autres, vol. in-12, 3me édition, par C. beaulieu, professeur de français.
Le débit rapide de deux éditions, une contrefaçon de l’ouvrage, et le compte avantageux qu’en ont rendu tous les journaux de cette ville, attestent assez de l’utilité de la méthode, et dispensent de nouvelles recommandations. Se trouve chez les libraires suivans :
A Lyon, chez M. Rusand et tous les libraires.
A Paris, chez M. Hachette, libraire, rue Pierre Sarrazin, n° 12.

A Mâcon, chez M. Diflieux, libraire.
A Avignon, chez M. Aubanol.
A Grenoble, chez M. Prudhomme.
A Bourgoin, chez M. Chambet.
A St-Etienne, chez M. Dejussieu.

PAR BREVET D’INVENTION ET DE PERFECTIONNEMENT,
tranchat, rue du Commerce, n° 18, fait des mécaniques à faire les canettes, à quel nombre que ce soit, et à quelle quantité de bouts que l’on désire. Le brevet qu’il a obtenu est pour la faculté d’arrêter la cannette aussitôt qu’un des bouts casse ou qu’un roquet est fini, en laissant hors la cannette une longueur de 7 ou 8 pouces pour ajouter ; ce qui évite les faux tours et une quantité de soie perdue ; empêche aussi toute trame tirante et crêmage, toutes sortes de trames sales, en même temps qu’elle donne un éclat à l’étoffe. Pour prendre connaissance des avantages que cette mécanique peut procurer, s’adresser à M. Morel, rue des Tables Claudiennes, n° 1, qui, par l’étude qu’il en a fait dans son atelier, a jugé à propos d’y faire d’importans changemens qui ont fait de l’objet une chose arrivée à son plus haut point de perfection. (292)

(291) A VENDRE, ensemble ou séparément, deux mécaniques en 784 chacune, avec engrenage, bascule à cylindre ; plusieurs rouleaux de devant et de derrière en noyer, pour 3/4, avec d’autres de 4/4 et 5/4 en tilleul ; diverses planches d’arcades ainsi que battans et peignes de différens comptes et en toutes largeurs ; le tout dans un état presque neuf. S’adresser au bureau du journal.

(290) A VENDRE, un métier de schals indiens en 5/4, mécanique en 1,800 ; on vendra, si on le désire, la mécanique séparément. S’adresser à M. Mauband fils, rue du Menge, n° 10, au 3e.

(289) SURDITÉ.
Des lettres ont été adressées au docteur Mène-Maurice, de Paris, par un grand nombre de personnes honorables de la capitale, des départemens et de l’étranger, qu’il a guéries, par son Huile acoustique, de la surdité la plus invétérée. Ces lettres forment une petite brochure in-8°, contenant des documens fort utiles pour les personnes atteintes de cette infirmité, et qui se délivre gratis chez M. aguettant, pharmacien, place de la Préfecture, n° 13, à Lyon.
Huile acoustique, 6 fr. le flacon.

(288) A VENDRE, un beau et bon battant tout neuf, en 8/4 et à double boîte des deux côtés. S’adresser à M. Bret, montée des Epies, n° 4, au 3e.

(284) AVIS AUX FABRICANS DE CHALES.
mercier, serrurier, fabrique des tampias en fer à 7 fr. pièce et à 72 fr. la douzaine.
Il demeure rue Condé, à Perrache, à côté des Bains.

[8.2](282) A VENDRE à sacrifice, pour cause de départ, un superbe lit à bateau tout neuf et tout garni, une jolie commode, également toute neuve et au goût du jour ; un brancard de petite mécanique, peignes à tisser les crêpes de Chine, roue de régulateur, etc.
S’adresser chez M. Raumiens, rue des fossés, n° 8, au 4e, à la Croix-Rousse. On trouvera le vendeur chez lui de 7 à 9 heures du matin.

(280) A VENDRE à l’amiable, une belle propriété entre Autun, Châlon-sur-Saône et Beaune, près le canal du Centre et la route de Paris à Lyon, dans une position agréable, consistant en une belle maison de maître, réparée et décorée tout à neuf ; logemens de fermiers et de vignerons, cours, jardins, pressoirs, foudres et cuves ; caves pouvant contenir ensemble près de mille pièces de vin, vinées, écuries et granges, d’une superficie d’un hectare cinquante ares ; cinquante hectares ou cent quarante-six journaux de terres ; vingt hectares ou quatre cent soixante ouvrées de vignes ; vingt-un hectares ou soixante-une soitures de prés ; et vingt-six hectares ou cinquante arpens de bois taillis. Il dépend de cette propriété un moulin à eau, placé avantageusement et bien achalandé.
La maison de maître pourra être vendue meublée ou non-meublée, au choix de l’acquéreur.
S’adresser, à Paris, à M. Maurice Richard ;
A Autun, à M. Chauveau-Picard ;
Et à Couches, à Me Moulinet, notaire, dépositaire des plans de la propriété.

(277) PAR BREVET D’INVENTION.
Les sieurs machizot, à la Croix-Rousse, et malozay, rue Vieille-Monnaie, n° 8 (mécaniciens), font des mécaniques à cannettes, selon le nombre de bouts que l’on désire, sans balles aux broches ni demoiselles, et dont la cannette s’arrête aussi promptement que l’éclair dès qu’un bout vient à casser ; en outre, l’attention des bouts est beaucoup plus fidèle qu’à celles qui ont été faites jusqu’à ce jour.
Ils font également des mécaniques rondes dans un genre nouveau, qui surpasse celles qui ont paru jusqu’à présent ; elles ont pour avantage une très grande douceur, par la suppression de tous les engrenages, bâton rompu et volans à lentilles.
Les inventeurs osent se flatter du succès de leur entreprise, vu les grandes améliorations qu’ils ont apportées à ces genres de mécaniques.

(256) A vendre, 8 rateaux pour la fabrique, et une mécanique en 900. S’adresser à M. Thivolet, rue des Tapis, en face de la poste des Chartreux.

(276) A VENDRE, grand atelier de lisage, composé de cinq lisages, deux repiquages, dont il y en a un de 1,056, 744, deux 600 et un 400 ; avec une bonne clientèle. S’adresser au bureau du journal.

louis babeuf, rue st-dominique.

en vente :

DE LA COALITION des chefs d’ateliers de lyon,

Par Jules Favre, avocat.

prix : 75 centimes.

Au bureau de l’Echo de la Fabrique, et chez tous les libraires.

MÉTHODE
pour s’exercer et même
APPRENDRE A LIRE SANS MAITRE
.
Prix : 1 Franc.
A Lyon, chez J. perret, rue St-Dominique, n° 13.

Notes (PRIX POUR LES ÉCOLES D’ADULTES. Nous nous...)
1. Le mouvement maçonnique s’était reconstitué dès la Restauration mobilisant désormais dans ses rangs libéraux, républicains et ouvriers-artisans. La loge du Parfait-Silence était ainsi créée en 1818. La monarchie de Juillet fut accueillie avec enthousiasme, le parti du Mouvement (que dirigeaient des maçons, d’Odilon Barrot à Jacques Laffite) paraissant en mesure de faire progresser, suffrage, éducation et liberté. À Lyon, l’action maçonnique se distingua par son envergure sociale, notamment sur le terrain de l’éducation. Voir ici : André Combes, Histoire de la franc-maçonnerie à Lyon des origines à nos jours, Lyon, Traboules, 2006.

Notes (Au rédacteur en chef de l’ echo de la...)
1. Ce texte, probablement rédigé par Rivière Cadet, signale une nouvelle fois que, un temps conquis par les thèses saint-simoniennes, puis intéressés par le versant républicain de l’économie politique de Jean-Baptiste Say, le journal des canuts partage de plus en plus nettement les options fouriéristes. Les références aux articles de Victor Considérant – qui va publier peu après le premier volume de sa Destinée sociale – indique l’orientation plus solidement doctrinale et plus pratique adoptée dès lors par les fouriéristes lyonnais et annonce par exemple les réalisations ultérieures de Michel-Marie Derrion.

Notes ( DES MÉCANIQUES.)
1. Il s’agit ici de l’une des rares mentions dans L’Écho de la Fabrique de l’œuvre et de l’action de Robert Owen (1771-1858). Réformateur et socialiste gallois, Owen avait d’abord fondé au début du XIXe siècle à New Lanark une filature expérimentant de nombreux progrès sociaux, avant de se faire le promoteur des coopératives. Il allait peu de temps après commencer à publier son Book of the New Moral WorldBook of the New Moral World.

 

 

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