Retour à l'accueil
1 décembre 1833 - Numéro 48
 
 

 



 
 
    
NÉCROLOGIE.

Le peuple vient de faire une grande perte ; Alphonse peiffer, chirurgien, aide-major à l’Hôtel-Dieu, a été inhumé samedi, 23 novembre1. Tous les journaux de cette ville, quelle que soit leur nuance, ont été unanimes à le peindre comme un homme vertueux, de haute capacité et de grande espérance. Le Précurseur l’a réclamé comme un de ses collaborateurs et de ses amis : quoique nous ne puissions pas nous flatter que Peiffer nous eût encore prêté le secours de sa plume, cependant, l’ayant connu de très près, nous nous croyons en droit de le revendiquer comme un des nôtres.

Il était dévoué à l’amélioration du sort, des travailleurs ; depuis long-temps il avait pressenti et proclamé hautement que la marche isolée des industriels ne pouvait les conduire qu’à une misère toujours croissante ; aussi pensait-il que ce n’était point à de misérables réformes qu’il fallait aspirer ; que, par exemple, un gouvernement à bon marché, s’il n’apportait avec lui que ce seul avantage, ne valait pas la peine qu’on s’agitât pour l’obtenir ; car en effet, disait-il, supposez que les impôts soient d’un jour à l’autre réduits des trois-quarts, le bien-être que produira cette mesure ne sera que transitoire si le prix du travail de l’ouvrier est abaissé bientôt après, par l’effet de la concurrence, au niveau d’une dépense moindre. Peiffer travaillait donc avec ardeur à résoudre le problème d’une association industrielle qui détruisit la concurrence, cause constante de tous les maux. Il applaudissait aux associations naissantes de notre cité, comme à un début dans la voie pacifique.

Peiffer n’était l’homme d’aucun parti ; association et paix, voila quel était son principe. Lorsqu’une secte se présenta, qui proclamait cette doctrine, il s’y dévoua tout entier ; mais il se retira lorsqu’à ce but elle en joignit un autre d’abnégation de sa propre liberté et de mysticisme, il s’en retira pour éviter de devenir exclusif et pour et pour étudier sans prévention tous les systèmes qui feraient marcher les hommes en avant.

Ce qui distinguait Peiffer autant que son âme généreuses et ses hautes capacités, c’était un caractère ferme ; l’amitié même n’obtenait rien de son cœur si la raison n’appuyait ses sollicitations, il ne sacrifia jamais à la puissance du jour, et sa vie eût été fortunée s’il eût [6.2]consenti à être souple et caressant ; mais il ne voulut rien devoir qu’à la science et au travail : aussi se vit-il la arracher la palme méritée d’un concours, injustice cruelle pour lui qui y trouva un germe de mort, et dont ne se laveront jamais ceux qui en furent les auteurs ou qui en ont profité.

Que le souvenir de cet homme de bien, qui tout jeune encore attirait sur lui tant de regards et tant d’estime, soit conservé par le peuple auquel il vouait les secours de son art et ses veilles philosophiques : que sa mémoire ne soit point mise en oubli ! La reconnaissance du peuple est la plus pure, et c’est celle que Peiffer a méritée. 

Notes ( NÉCROLOGIE.)
1. Chirurgien-major à l’Hôtel-Dieu, Alphonse Peiffer (1803-1833) avait aussi été l’un des principaux animateurs de l’Église saint-simonienne de Lyon.

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique