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8 décembre 1833 - Numéro 49
 
 

 



 
 
    

Au Rédacteur.

Monsieur,

Nous vous prions d?insérer la présente lettre dans votre prochain numéro, en réponse à celle de MM. les maîtres charrons que vous avez publiée le 24 de ce mois1.

Puisque MM. les maîtres ont dit, sans le faire, qu?ils évoquaient la vérité, nous pouvons l?évoquer réellement quand il s?agit de démasquer le mensonge ou l?erreur.

Vous dites, MM. les maîtres, que vous n?avez pas dénoncé la Société des ouvriers charrons comme une coalition, et que vous n?avez pas dénoncé les citoyens Félix Louat et Péraux, comme chefs ? ? S?il en est ainsi, pourquoi avoir fait comparaître le citoyen Pascal par devant le commissaire central et le procureur du roi ? Dans quel intérêt a-t-on voulu lui faire signer un procès-verbal contenant ce qu?il n?avait pas dit ? Pourquoi l?a-t-on menacé de la prison s?il ne le signait ?? Vous vous êtes bien gardés de nous dire cela dans votre lettre, mais nous n?insistons pas, et laissons les hommes consciencieux juges de vos procédés : il ne nous appartient que de les signaler.

Vous avez enduré nos maux, dites-vous, et de plus grands encore, puisque vous étiez souvent privés de travail ! ? Que nous parlez-vous de 20, 30 ou 40 ans ? ? Ne savez-vous donc pas qu?il faut suivre la marche du progrès, et que autres temps, autres m?urs, et autres m?urs, autres lois ? Dites donc aussi aux marchands actuels de revenir à leur état de 1790 !

Si quelque chose est approuvable dans votre lettre, c?est le conseil que vous nous donnez de ne plus faire le lundi. Nous, pauvres travailleurs, ne cherchons pas à calculer tous les momens de délicieux loisir que les bourgeois se procurent, et, cependant, nous nous taisons lorsqu?ils viennent nous adresser le reproche de l?oisiveté, quelqu?injuste qu?il soit d?ailleurs.

Vous dites qu?il faut être maître pour connaître votre responsabilité et vos devoirs envers l?ouvrier ? Vraiment, vous auriez dû vous expliquer plus clairement, car nous ne comprenons pas votre responsabilité envers nous ; seulement, nous voyons que ce que vous appelez responsabilité et devoir, n?est autre chose que l?accord fait entre nous d?échanger le travail et le talent contre quelques parcelles d?argent.

Vous dites que vous ne faites pas d?énormes bénéfices, et vous citez à l?appui un certain nombre de maîtres charrons qui ont failli. On aurait bien des choses à dire là-dessus, mais, pour abréger, nous ne ferons qu?une observation. Si les maîtres que vous citez ont manqué, c?est que la plupart ont été obligés de travailler à vil prix pour soutenir la concurrence que vous leur faisiez. Du reste, il est faux que ce soient eux qui fassent le plus d?opposition contre vous.

[4.2]Nous pouvons gagner, dites-vous, depuis 2 fr. 50 c. jusqu?à 4 et 5 fr. ! ? Citez-nous quatre ouvriers qui gagnent, comme vous le dites, 4 et 5 fr. ! Vous seriez en peine de le faire. Certainement nous n?accusons pas tous les maîtres d?être égoïstes ; bon nombre ont déjà adhéré à l?augmentation demandée. Quant à la concurrence étrangère ou rurale dont vous parlez, nous la croyons moins funeste à votre prospérité que celle que vous vous faites volontairement entre vous.

Nous vous remercions infiniment des intentions paternelles que vous aviez de nous faire instruire. L?instruction est l?objet de tous nos v?ux ; mais que signifie de votre part cette générosité si tardive ? Aucun de nous jusqu?à ce jour n?a eu connaissance de ce que vous avancez ; il paraît que vous avez tramé notre bonheur dans l?ombre, comme une véritable conspiration.

Nous avons prouvé que nous voulions la concorde en faisant plusieurs démarches auprès de vous, et vous n?avez jamais voulu nous entendre?

Agréez, M. le rédacteur, etc.

Les délégués des ouvriers charrons.

Notes (Au Rédacteur. Monsieur, Nous vous prions...)
1 En fait il s?agit d?une réponse à la lettre parue dans le numéro 48, publié le 1 décembre 1833.

 

 

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