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8 décembre 1833 - Numéro 49
 

 




 
 
     

Du droit de coalition.

Lorsqu’apparurent aux yeux de tous quelques-unes de ces nombreuses associations qui aujourd’hui enveloppent toute la France industrielle, les organes de certain parti vomirent tout d’abord contre les républicains une multitude d’injures et d’accusations dont il est aisé maintenant d’apprécier la sotte valeur.

Selon leur dire, c’étaient les républicains qui, exploitant adroitement la crédulité des travailleurs, leur faisaient un tableau menteur de leurs misères ; – c’était leur infame presse qui, par son action journalière et sa détestable tactique, les détournait de leurs travaux pour les appeler à la lecture des journaux ; leur apprendre qu’ils sont hommes et citoyens, et en cette qualité double, leurs droits et leurs devoirs. – Puis, c’était encore cette presse qui sollicitait, oh ! bien à tort sans doute, leur intervention dans certaines questions politiques dont les données échappent, disent-ils, à leur pénétration. – Leur prouver le contraire serait pour nous chose facile, et pourtant il faut nous taire sur ce point, car nous n’avons pas acheté le droit de parler de toutes choses. – Mais attendu que nous payons très cher et chaque jour le droit de vivre en travaillant, nous sommes par conséquent tout disposés à nous affranchir de la misérable condition dans laquelle gouvernemens et lois nous ont placés et voudraient nous retenir. Et ce serait vraiment folie, folie bien criminelle et surtout dangereuse, que de chercher à arrêter [1.2]dans sa rapide marche ce peuple qui s’éveille et devient homme.

A ce déplorable isolement, à ce long sommeil de la classe travailleuse, doit succéder un fait social nouveau, l’ASSOCIATION ! Fait qu’il faudra, quand même, bientôt accepter, et dont, pour nous, les mille coalitions qui ont surgi et jettent au loin leurs rameaux, ne sont que le prélude.

De nouvelles lois sur ces coalitions s’élaborent et seront prochainement, dit-on, soumises à la sanction de la chambre des députés. Eh bien ! Qu’on y réfléchisse sérieusement, tous ces traités d’alliance que forment à l’envi les travailleurs de toutes les industries, sont une immense barrière contre laquelle se briseraient tous les efforts qui seraient tentés contre leur liberté, leurs droits, leurs besoins et leur propriété ! – Malheur à qui la feront, cette coupable tentative ! Malheur à qui, s’insurgeant contre l’humanité presque tout entière, seront assez insensés d’en appeler encore une fois à la force brutale pour les leur arracher, et ravaler le peuple à cette condition de la bête de somme qu’on tue à la peine et qu’on jette après sur un fumier !

Aujourd’hui, les coalitions ne sont plus comme quelques hommes s’efforcent encore de le croire, le résultat des instigations d’un parti quelconque. L’Angleterre, l’Allemagne, la Suisse et la France sont là qui attestent qu’un mal profond, que de longues souffrances ont lassé l’immense famille d’ilotes qui couvrent la surface du globe, et que fouiller dans cette plaie avec du fer, serait allumer un incendie qui menacerait aussitôt de dévorer l’édifice social du faîte à la base.

O vous ! Savans de ce siècle, et vous, privilégiés de ce monde, gardez-vous bien de toucher à l’arche du peuple, de briser son ancre de salut ; gardez-vous enfin de sortir le fer du fourreau ; car il est écrit, a dit un ancien, que celui qui tirera l’épée périra par l’épée…

Comme membre de la société, l’homme a droit à l’existence, par conséquent, droit au travail. Nul entre tous ne devrait être sans asile et sans pain ; car de même que l’homme individuel doit à la société le concours de toutes ses facultés, de même aussi la société lui doit, en proportion de son apport à l’action sociale, une part dans les bénéfices de la production. – C’est dans l’emploi sagement combiné des fonctions de tous [2.1]et dans une répartition équitable de la richesse qu’il sera permis de compter sur la paix et l’harmonie entre les différentes classes de la société. Jusque-là l’état d’isolement dans lequel nous vivons, entretenant entre ces classes, par l’extrême opposition de leurs intérêts, une lutte tantôt faible, tantôt violente, aujourd’hui paisible, demain peut-être brisant avec fracas l’édifice social, cet état ne saurait rien produire d’heureux pour l’humanité.

En vérité, c’est quelque chose de bien étrange que la prétention de cette poignée d’hommes privilégiés, de vouloir nous dépouiller de la seule liberté dont nous, travailleurs, nous puissions user avec quelques succès. Obligés de mendier humblement ce travail, que nous revendiquons comme notre propriété, il ne nous serait pas permis de nous associer pour ne l’échanger que contre un salaire raisonnable et juste ?

Il ne nous serait pas permis de mettre un frein aux insatiables prétentions de ceux à qui nous vendons le service de nos bras, et nous serions ainsi réduits, sans pouvoir y mettre obstacle, à accepter la dure condition que nous offre la baisse constante des salaires ? – Chômages, maladies, vieillesse, privations incessantes et besoins de famille ; voila de cruels fléaux qui viendraient dévorer notre vie sans que nous ayons le droit de leur faire résistance ! – Enfin, nous léguerions à nos enfans ce lot révoltant qu’en pleurant nous ont légué nos pères, sans qu’il nous fût permis de le rejeter loin de nous ! – Puis nous tomberions épuisés de fatigues, de misères et de besoins quand c’est le travail, notre capital à nous, qui est l’un des leviers indispensables de la richesse sociale ! – Et puis, en un mot, quand un cri de désespoir s’échappe de la poitrine de ce peuple, qui n’a pour reposer sa tête et ses membres engourdis par une fatigue incessante, qu’un peu de paille au coin d’un fétide galetas, on lui dit :

Dors, peuple ! Dors jusqu’à ton dernier jour dans cet ignoble réduit, le bonheur naîtra pour toi dans un autre monde : n’attends rien dans celui-ci, car nous avons payé de notre or toutes les jouissances qu’il porte dans ses entrailles. – A nous ! A nous, tous ces trésors que ton bras fait jaillir de la terre ; – à nous, ces brillans hôtels ; – à nous, tous ces palais que trace le génie et que tu asseois sur la terre ; – à nous, ces brillantes et moelleuses étoffes qui te coûtent toute une vie de travail répugnant ; – à nous, ces champs que ta sueur arrose et fertilise ; – à nous, ces riantes vallées qui nous délassent de l’ennui de vivre riches et de mourir d’indigestion ; – à nous, qui avons besoin de distraction, à nous, ta jeune fille, fraîche et belle ; nous te rendrons son corps fané et son âme avilie !!!! – Enfin, garde-toi de te plaindre, car ainsi le veut la civilisation telle que nous l’avons faite ; – garde-toi surtout de demander une CHARTE qui te défende de la faim ! car nous, que tu as grandis, avons proclamé la liberté du commerce, et cette liberté est tout ce que nous avons pu faire pour escompter les cadavres que tu nous a donnés pour marche-pieds…

Merci, grands hommes ! Merci, illustres personnages ! – Merci de cet infame traité, répond aujourd’hui le peuple travailleur ; et, dit-il encore, malheur à qui voudra en rajuster les lambeaux déchirés sous le soleil brûlant des trois jours !

Mais, entre ces hommes et nous, la lutte est commencée. – Puissent nos gouvernans comprendre que notre jeune époque a besoin de nouvelles lois, et que [2.2]ce serait compromettre gravement la société et l’entraîner dans un chaos d’où elle sortirait toute mutilée, que de s’opposer à cette alliance des travailleurs. – Pour eux, les coalitions seront un droit aussi long-temps que pour les dispensateurs du travail il y aura faculté d’opprimer les travailleurs ; et leur dire qu’ils sont libres de discuter le prix de leur travail, est une insultante dérision pour qui sait que, placés entre les besoins d’aujourd’hui et ceux de demain, ils sont évidemment forcés de subir la loi du plus fort, la loi du CAPITAL.

Pour nous, et nous le disons encore, les coalitions ne sont qu’une transition de l’ordre actuel à un ordre plus conforme aux besoins de tous.

C’est l’homme avec son travail qui crie : Plus de parias ! Et qui ressaisit sa place dans la grande famille sociale. – La lui disputer n’est plus chose possible ; car il faudrait déclarer la guerre à l’intelligence humaine, et lancer un mandat d’amener contre vingt millions d’hommes. – L’issue de ce combat ne saurait aujourd’hui être un doute pour personne.

M. berbrugger, disciple de Charles fourrier, qui a donné récemment quatre séances dans notre ville, est de retour de son voyage en Afrique. Les idées phalanstériennes ont été bien accueillies dans un pays où l’on s’occupe avant tout de civilisation. Une Société s’est formée à Alger dans le but de réaliser le système de colonies-sociétaires agricoles et manufacturières, qui a été développé devant le public lyonnais ; et un député1, maire d’une des premières villes de France, offre six mille arpens, pendant dix ans et sans rétribution, aux colons qui ont l’intention de travailler à cette réalisation. M. Berbrugger se propose, avant de quitter Lyon, de donner de nouvelles conférences qui seront le complément des premières, et de publier l’exposition complète du système de Fourrier, tel qu’il l’a développé dans le palais St-Pierre. Le jour et le lien des réunions annoncées seront fixés ultérieurement et portés à la connaissance du public par la voie des journaux.

PROCÈS DES OUVRIERS CORDONNIERS.

L’association, ou si mieux on aime, la coalition des ouvriers cordonniers, représentée par MM. Tardy, Vuillamy et Durand, vient d’être EMPRISONNÉE pour quelques jours par arrêt du tribunal de police correctionnelle.

Nous en empruntons le compte-rendu au Précurseur du 28 novembre 1833, et nous le livrons tout entier à l’appréciation de nos lecteurs. Me Michel-Ange périer, ce jeune avocat dont le talent chaque jour se révèle et plus grand et plus brillant, a chaleureusement défendu cette cause, résumé avec vérité la révoltante situation des travailleurs, et surtout clairement démontré quelle doit être bientôt leur place dans la grande famille sociale.

TRIBUNAL DE POLICE CORRECTIONNELLE DE LYON.

coalition d’ouvriers.

Audience du 27 novembre 1831.

Une affluence extraordinaire se fait remarquer dans l’auditoire.

MM. Tardy, Vuillamy et Durand, tous trois ouvriers cordonniers, comparaissent sous la prévention du délit de coalition prévu par l’article 415 du code pénal.

Les prévenus reconnaissent faire partie d’une association d’ouvriers [3.1]cordonniers, qui a pour objet de réclamer la fixation des salaires.

Ils reconnaissent en outre avoir engagé, au nom de cette association, plusieurs de leurs camarades, à s’abstenir momentanément de travailler, mais de gré à gré, sans menaces ni violence.

Les dépositions des témoins ne révèlent aucune autre charge contre eux.

M. Durieu, substitut de M. le procureur du roi, soutient la prévention. Ce magistrat déplore, comme un symptôme de perturbation et de désorganisation sociale, cette fièvre de coalition qui se manifeste parmi les ouvriers de toutes les professions. – Lui aussi, dit-il, désire et désire plus vivement que personne l’amélioration du sort de la classe ouvrière ; mais cette amélioration ne découlera que de la concurrence illimitée de l’industrie, unique source, selon lui, de toute prospérité.

Les coalitions d’ouvriers lui semblent une entrave à cette liberté de concurrence. Il soutient que l’art. 415 punit ces coalitions d’ouvriers toutes les fois qu’il y a commencement d’exécution pour faire enchérir les travaux ou cesser le travail, même sans aucune espèce de violence ; mais que dans l’espèce il y a réellement eu violence morale. Vous appliquerez la loi, bonne ou mauvaise, dit-il en terminant son réquisitoire, vous l’appliquerez avec d’autant plus de nécessité qu’on fait aujourd’hui le procès à la loi elle-même, et que des législateurs improvisés mettent sans façon leur sagesse personnelle à la place de celle de la loi.

Me Michel-Ange périer, avocat des prévenus, a la parole et s’exprime ainsi :

« Je ne viens point, messieurs, législateur improvisé, substituer ma sagesse personnelle (qui est fort peu de chose), à la sagesse de la loi ; je ne viens point faire le procès à une loi qui n’a d’autre tort à mes yeux que d’avoir été conçue pour les besoins d’une autre époque, mais seulement à l’imprudent usage qu’en fait aujourd’hui le ministère public ; et j’ai le malheur de penser qu’il y a plus de zèle que de raison à faire des poursuites qui ne doivent servir, en dernier résultat, qu’à mieux constater l’impuissance de la loi contre la marche des choses et la force irrésistible des faits. »

L’avocat, après avoir parcouru les circonstances de sa cause et s’être attaché à démontrer l’absence de toute violence, même morale, fait le tableau de la misère des ouvriers cordonniers, et prouve par des chiffres l’insuffisance de leur salaire : L’ouvrier gagne au plus 12 fr. par semaine, sur laquelle somme il faut déduire le prix des fournitures à sa charge, et il résulte d’un calcul exact de ses dépenses de première nécessité, que cet ouvrier peut à peine, en se privant de la plus petite dépense de plaisir et en travaillant de 16 à 18 heures par jour, prélever sur le produit de sa semaine, pour son entretien et les besoins de sa famille, 1 fr. 69 c. !…

Me Périer envisage ensuite la question des coalitions de son plus haut point de vue. Nous avons recueilli de son improvisation quelques passages que voici :

« Dans l’ordre moral comme dans l’ordre matériel, les faits particuliers se rattachent à des faits généraux. Pour bien juger un phénomène isolé, il faut remonter aux causes et juger l’ensemble des phénomènes auxquels il appartient.

« Les coalitions d’ouvriers (je me servirai si l’on veut de ce mot), sont un des faits les plus graves de notre époque, c’est un fait nouveau, immense qui surgit de l’état actuel des choses, et vient prendre place comme élément social.

« Les phénomènes sociaux se produisent comme des nécessités providentielles ; ils ne naissent pas de la loi, mais des besoins généraux. – Ils se font jour à travers d’autres phénomènes qui vieillissent et disparaissent. – Ils prennent place dans les idées, les mœurs, avant de se formuler en loi. – Si la loi est impuissante à créer des faits sociaux, elle est également impuissante à en étouffer le germe et à en arrêter le développement. Elle n’a de force qu’en vertu de ces phénomènes dont elle est la représentation et la formule. – Elle n’a de force, par conséquent, qu’autant qu’elle en est la représentation vraie.

« Ceci posé, il faut reconnaître, 1° que les coalitions sont un fait social ; 2° que la puissance de la loi ne saurait les empêcher.

« Elles sont un fait social puisqu’elles embrassent tous les points du territoire et l’universalité des professions. Ce n’est pas le moment d’examiner si ce fait est un bien ou un mal ; c’est un fait social, par conséquent, nécessaire.

« Et 2° la loi ne parviendrait pas à les empêcher, car elle ne pourrait leur opposer qu’une force relative, et les faits ont une force absolue.

« On se tromperait toutefois étrangement à ne voir dans les coalitions, comme M. l’avocat du roi, qu’un déchaînement de forces et d’intérêts anti-sociaux. – S’il en était ainsi, le mal serait sans remède, [3.2]la société serait perdue. – Mais il y a là au contraire un levier immense, un principe organisateur.

« Depuis long-temps s’était fait sentir le besoin d’une répartition meilleure des bénéfices entre l’ouvrier et le maître, c’est-à-dire entre l’industrie et le capital. – La réalisation de ce besoin était reléguée au nombre des utopies – Nous touchons à la solution du problème.

« L’exploitation de l’homme par l’homme cessera par de grandes associations industrielles où l’industrie et le talent ne seront plus les très humbles vassaux du capitaliste, mais entreront avec lui en partage des bénéfices. – Le germe de ces associations existe déjà. Les coalitions actuelles d’ouvriers en sont le prélude et l’ébauche informe.

« Dans l’état présent de l’industrie, le travailleur n’est entre les mains de l’exploitant qu’une machine à produire.

« Le salaire est calculé, non à raison de la valeur donnée à la matière première par le travail de l’ouvrier, mais à raison de ce qu’il faut strictement à l’ouvrier pour ne pas mourir de faim ou de misère.

« Voyez l’Angleterre où l’industrie est plus avancée : la misère des travailleurs s’est accrue en proportion exacte de l’augmentation de la richesse. – C’est ce qui arriverait chez nous par le progrès même de l’industrie, s’il ne devait se réaliser très prochainement par l’association une transformation immense dans l’organisation du travail. – En Angleterre, le pays le plus riche du monde, où les hauts barons de la féodalité industrielle comptent leur revenu par des millions, le tiers des travailleurs en est réduit à recevoir l’aumône publique !

« Eh bien ! Les ouvriers chez nous ne veulent pas de cette aumône, ils veulent vivre de leur travail : ce mot dit toute la cause.

« Nous laissons toute récrimination contre cet art. 415, dont les dispositions s’accordent peu avec le libre développement du principe de l’association. – Cette loi n’a qu’un tort, celui d’avoir été faite il y a vingt ans. – Elle ne pouvait pas tenir compte d’un fait qui n’existait pas encore, qui ne devait prendre place dans les mœurs industrielles que vingt ans plus tard. Il en est de cet article comme de toutes ces vieilles institutions que notre raison repousse aujourd’hui, quoique toutes aient été légitimes et nécessaires à une époque donnée.

« Cet article 415 ne signifie plus rien aujourd’hui, son application est impossible.

« Les maîtres et chefs d’atelier sont coalisés de toutes parts. – Nous ne nous en plaignons pas. Nous trouvons cela au contraire fort naturel. »

Me Périer prouve ici la coalition des maîtres par le seul fait d’un salaire fixé par eux à un taux uniforme dans tous les ateliers. Il discute ensuite les termes de l’art. 415 pour reconnaître si, dans le cas même où cet article ne serait pas abrogé par la force des choses, on pourrait voir un délit dans le simple fait de coalition sans violence.

« Une condamnation, quelque légère qu’elle fût, dit en terminant le défenseur, me semblerait un fait affligeant, un attentat contre les principes, une protestation inutile contre la marche des choses ; elle aurait en outre pour résultat d’user le pouvoir moral des arrêts judiciaires contre la force d’un fait indestructible.

« Si cette condamnation devait être prononcée, tout en la respectant comme l’expression de votre conscience, je me consolerais en pensant que les principes ne périssent point, que les idées vraies et utiles doivent s’imposer tôt ou tard et triompher de toutes les préventions et de toutes les résistances. »

Le tribunal entre en délibération et rend son jugement en ces termes :

Attendu qu’il est établi au procès que Tardy, Vuillamy et Durand font partie d’une coalition d’ouvriers pour l’augmentation des salaires, qu’en outre ils se sont rendus dans plusieurs ateliers au nom de cette coalition pour y faire cesser le travail ;

Qu’il résulte de ces faits le délit prévu par l’article 415 du code pénal ;

Attendu que la cause présente des circonstances atténuantes qui permettent de réduire la peine par application de l’art. 463 dudit code ;

Que ces circonstances consistent surtout dans l’absence de toute menace ou voie de fait ;

Le tribunal, faisant application des articles cités, condamne Tardy et Vuillamy à quinze jours de prison, et Durand à huit jours de prison, les condamne en outre solidairement aux dépens.

Pour être respectée la loi devrait, aujourd’hui surtout, être égale pour tous ; mais dès qu’elle a cessé de l’être, c’est, à notre sens, une tâche rude et pénible que celle de mentir à sa conscience pour lui servir d’interprète et combattre, quand même, l’opinion publique et [4.1]la parole de tous les hommes sensés. – Qu’en pense le tribunal, mais surtout qu’en dit M. prunelle, lui qui ne trouve de délit saisissable en cette matière que là où il y a manifestation par la violence ? – Nous serions fort envieux de le savoir ; mais nous n’espérons pas être satisfaits. – Nous croyons, au contraire, que maintenant, et pour plus d’un motif, ce magistrat est assez ennuyé d’avoir requis aux termes de la loi trois colonnes du Précurseur pour l’insertion d’une grande lettre qui n’a d’autre avantage que celui de nous convaincre qu’il n’entend rien à notre époque et rien aux besoins qu’elle a créés ; et qu’il est bien convaincu, lui, qu’il n’est pas plus heureux dans ses boutades d’écrivain, que dans ses impromptus à la tribune dite nationale.

Pour nous, qui, ainsi que nous l’avons dit dans l’un de nos derniers numéros, ne voyons dans les coalitions qui surgissent de tous les points de la France, que le symptôme d’une époque meilleure, nous applaudissons à cette lutte paisible des travailleurs contre une législation vermoulue, honteuse de se trouver face à face avec le peuple de juillet : nous les encourageons de toutes nos forces, nous les défendrons de tous nos moyens, de toute l’énergie de notre plume ; enfin, nous leur tendons la main, car nous aussi nous sommes travailleurs, et tous les travailleurs sont frères.

Au Rédacteur.

Monsieur,

Nous vous prions d’insérer la présente lettre dans votre prochain numéro, en réponse à celle de MM. les maîtres charrons que vous avez publiée le 24 de ce mois1.

Puisque MM. les maîtres ont dit, sans le faire, qu’ils évoquaient la vérité, nous pouvons l’évoquer réellement quand il s’agit de démasquer le mensonge ou l’erreur.

Vous dites, MM. les maîtres, que vous n’avez pas dénoncé la Société des ouvriers charrons comme une coalition, et que vous n’avez pas dénoncé les citoyens Félix Louat et Péraux, comme chefs ? – S’il en est ainsi, pourquoi avoir fait comparaître le citoyen Pascal par devant le commissaire central et le procureur du roi ? Dans quel intérêt a-t-on voulu lui faire signer un procès-verbal contenant ce qu’il n’avait pas dit ? Pourquoi l’a-t-on menacé de la prison s’il ne le signait ?… Vous vous êtes bien gardés de nous dire cela dans votre lettre, mais nous n’insistons pas, et laissons les hommes consciencieux juges de vos procédés : il ne nous appartient que de les signaler.

Vous avez enduré nos maux, dites-vous, et de plus grands encore, puisque vous étiez souvent privés de travail ! – Que nous parlez-vous de 20, 30 ou 40 ans ? – Ne savez-vous donc pas qu’il faut suivre la marche du progrès, et que autres temps, autres mœurs, et autres mœurs, autres lois ? Dites donc aussi aux marchands actuels de revenir à leur état de 1790 !

Si quelque chose est approuvable dans votre lettre, c’est le conseil que vous nous donnez de ne plus faire le lundi. Nous, pauvres travailleurs, ne cherchons pas à calculer tous les momens de délicieux loisir que les bourgeois se procurent, et, cependant, nous nous taisons lorsqu’ils viennent nous adresser le reproche de l’oisiveté, quelqu’injuste qu’il soit d’ailleurs.

Vous dites qu’il faut être maître pour connaître votre responsabilité et vos devoirs envers l’ouvrier ? Vraiment, vous auriez dû vous expliquer plus clairement, car nous ne comprenons pas votre responsabilité envers nous ; seulement, nous voyons que ce que vous appelez responsabilité et devoir, n’est autre chose que l’accord fait entre nous d’échanger le travail et le talent contre quelques parcelles d’argent.

Vous dites que vous ne faites pas d’énormes bénéfices, et vous citez à l’appui un certain nombre de maîtres charrons qui ont failli. On aurait bien des choses à dire là-dessus, mais, pour abréger, nous ne ferons qu’une observation. Si les maîtres que vous citez ont manqué, c’est que la plupart ont été obligés de travailler à vil prix pour soutenir la concurrence que vous leur faisiez. Du reste, il est faux que ce soient eux qui fassent le plus d’opposition contre vous.

[4.2]Nous pouvons gagner, dites-vous, depuis 2 fr. 50 c. jusqu’à 4 et 5 fr. ! – Citez-nous quatre ouvriers qui gagnent, comme vous le dites, 4 et 5 fr. ! Vous seriez en peine de le faire. Certainement nous n’accusons pas tous les maîtres d’être égoïstes ; bon nombre ont déjà adhéré à l’augmentation demandée. Quant à la concurrence étrangère ou rurale dont vous parlez, nous la croyons moins funeste à votre prospérité que celle que vous vous faites volontairement entre vous.

Nous vous remercions infiniment des intentions paternelles que vous aviez de nous faire instruire. L’instruction est l’objet de tous nos vœux ; mais que signifie de votre part cette générosité si tardive ? Aucun de nous jusqu’à ce jour n’a eu connaissance de ce que vous avancez ; il paraît que vous avez tramé notre bonheur dans l’ombre, comme une véritable conspiration.

Nous avons prouvé que nous voulions la concorde en faisant plusieurs démarches auprès de vous, et vous n’avez jamais voulu nous entendre…

Agréez, M. le rédacteur, etc.

Les délégués des ouvriers charrons.

Noms de MM. les maîtres charrons qui ont consenti à l’augmentation demandée par les ouvriers.

MM. Garel, – Richoux, – Pelivet, – Danguain, – Bonnard, – Dagalier, – Matagote, – Laverrière, – Deschamps, – Verpat, – Déchaux, – Rissey, – Apt, – Roech.

Des Boulangers.

(2e article.)

J’ai dit, dans mon premier article, qu’avec la liberté de la boulangerie nous aurions du meilleur pain et à meilleur marché, je dois le démontrer. Lors de notre première révolution, la liberté industrielle fut proclamée en France ; un accroissement rapide de richesses en fut le résultat. L’agriculture, libre enfin des entraves de la féodalité, des corvées, des dîmes, des droits seigneuriaux, devint une source féconde de prospérités. Le cultivateur, sûr de recueillir le fruit de ses pénibles travaux, cultiva avec plus de soins ; le sol produisit davantage et lui permit une nourriture plus saine, plus abondante, des vêtemens moins grossiers et des habitations plus salubres. Ces heureux résultats de la liberté pour l’agriculture furent les mêmes pour toutes les industries. On le conçoit aisément ; lorsque chacun peut choisir une profession suivant ses talens, ses moyens et sa vocation, il y a nécessairement concurrence, émulation ; cette émulation, cette concurrence amènent le perfectionnement, le plus bas prix de chaque chose, et le peuple obtient à meilleur marché les choses qui lui sont nécessaires. Si, au contraire, on enchaîne une industrie, les produits de cette industrie sont plus rares et plus chers, et le peuple seul en souffre. Si, par exemple, on impose des charges à la boulangerie, si on la soumet à une taxe arbitraire, si on la contraint à certains approvisionnemens, on s’achemine au privilége ; car il faudra un dédommagement des charges imposées, c’est-à-dire une limite dans le nombre des boulangers, des défenses d’importer du pain ou seulement sous certaines conditions. Or, ce privilége est aux dépens des consommateurs ; car la limitation du nombre des boulangers, les capitaux qui leur sont nécessaires pour l’acquisition d’un fonds, la consignation des formes exigées, l’interdiction de toute importation, écartent la concurrence et empêchent l’abaissement du prix du pain. La taxe, loin d’être avantageuse aux consommateurs, est toute favorable aux boulangers, la raison en est bien simple. Les boulangers forment un corps avec lequel l’administration doit débattre le tarif et déterminer les [5.1]mercuriales des grains, auxquels ils peuvent, dans le moment utile pour eux, imprimer une hausse factice : ce corps est toujours agissant pour faire taxer au plus haut possible, tandis que la population, n’étant point représentée, ne peut défendre ses intérêts. Dira-t-on que le maire représente la population ? Mais ce maire, plus occupé de sa fortune privée que de celle de la cité confiée à ses soins, sera député, il fera antichambre dans les ministères, il assistera aux petits-levers du roi, il sollicitera, pour prix de ses votes complaisans, la lucrative sinécure de médecin-inspecteur d’eaux thermales ; il abandonnera à des adjoints inhabiles le fardeau de l’administration ; ces adjoints seront d’un caractère plus ou moins facile ; l’intérêt particulier agira constamment sur eux, tantôt par l’influence qu’on saura conquérir, tantôt par des supplications, quelquefois par des menaces, et ils accorderont la taxe demandée. Ainsi le prix, lorsqu’il est fixé par l’autorité, est toujours plus élevé que lorsqu’il est établi par la simple concurrence ; car, dans ce dernier cas, chaque boulanger a un intérêt de vendre au plus bas prix afin de vendre le plus possible, et si l’un d’eux baisse les prix, tous les autres sont obligés de suivre son exemple. Avec la libre concurrence, le pain est aussi plus beau ; car le boulanger sait que sa clientèle ne lui est pas tellement inféodée, que si elle est mécontente de son travail, elle ne puisse chercher mieux ailleurs. Avec la limitation du nombre, cette émulation du travail n’existe plus, car chaque boulanger a son quartier, et quelle que soit la qualité de son pain, il est presque certain de conserver sa clientèle, qui, éloignée des autres boulangeries, est forcément fidèle à celle de son quartier.

Déjà nous pouvons invoquer l’expérience à l’appui du système que nous prêchons. Plusieurs villes, même très populeuses, jouissent de l’entière liberté de la boulangerie ; or, dans ces villes, et notamment à Genève, le pain y est constamment plus beau et à meilleur marché qu’à Lyon ; c’est un fait que chacun peut vérifier. Pourquoi cette différence ? Parce qu’à Genève les boulangers peuvent quitter, reprendre l’exercice de leur profession, sans être soumis à d’autres charges que celles imposées à tous les citoyens. En France, au contraire, à Lyon, il faut acheter un fonds, se soumettre à une coûteuse candidature près du syndicat, faire le dépôt d’une certaine quantité de farines, pour assurer, dit l’autorité, l’approvisionnement de la ville ; il faut chèrement rétribuer un garde-magasin ; enfin on fait des frais qui, en définitive, retombent toujours sur le consommateur ; car le boulanger doit recouvrer sur la vente de son pain tous les frais auxquels on l’assujettit, avant de s’occuper des frais de main-d’œuvre, de cuisson, etc.

Cependant notre administration, toujours enchaînée par les traditions de l’Empire, reste stationnaire ; elle ne voit pas que tout marche autour d’elle, et que ces décrets impériaux, sur lesquels elle s’appuie, sont en désaccord avec nos mœurs, en lutte avec nos lois, et surtout lésifs de nos intérêts. Pourquoi en agit-elle ainsi ? C’est qu’elle a horreur des innovations ; ensuite, c’est que, dans un cas de disette, elle n’aurait aucun moyen de subvenir aux pressans besoins d’une population affamée. L’administration sait aussi bien que nous que le dépôt fait par les boulangers ne pourrait pas alimenter la ville pendant quatre jours : ce n’est pas chez les boulangers qu’elle trouverait un remède à la disette, mais bien chez les fariniers en gros et les fariniers détaillans ; c’est avec leur aide qu’elle anéantirait les criminelles spéculations de quelques accapareurs. Ainsi qu’elle cesse [5.2]donc de paraître compter exclusivement sur les boulangers dans un cas de disette ; ce n’est pas parmi eux qu’est le salut de la cité.

La liberté de la boulangerie est dans les intérêts de l’administration elle-même. L’administration, elle nous permettra de le dire, est essentiellement paresseuse ; or, avec la liberté de la boulangerie, elle sera débarrassée de l’ennui de tenir constamment une balance égale entre des intérêts contraires et toujours en présence ; elle échappera ainsi aux plaintes, aux reproches et des boulangers et des consommateurs. En voulant régler les attributions d’une profession, l’autorité administrative se rend malgré elle complice de la cupidité. Ainsi, dans notre ville, les boulangers circonviennent chaque jour le maire ou ses adjoints ; ils en obtiennent des ordonnances dont ils s’arment contre les fariniers détaillans, et font tous leurs efforts pour écraser cette industrie si utile à notre population d’ouvriers ; ils ne veulent pas que les fariniers vendent du pain de ménage, et ils vendent, eux, de la farine, des grains ; forts de leurs privilèges, ils requièrent l’intervention de l’autorité dans une lutte d’intérêts privés, qu’on devrait encourager plutôt que réprimer, puisqu’elle ne peut que profiter au peuple.

Pour se débarrasser de tous ces ennuis, que l’autorité proclame enfin la liberté de la boulangerie ; c’est un besoin pour tous ; il est de son devoir de le satisfaire.

Ph. ch....

SIGNE DE PROSPÉRITÉ.

« Un fait épouvantable est venu se révéler inopinément à nos optimistes politiques. L’administration du bureau de charité du douzième arrondissement, a, par une circulaire, fait appel à la charité publique en faveur des pauvres des quartiers populeux, dont elle a pour mission de soulager les misères. Il résulte des termes même de cette circulaire que, sur une population de 90,000 habitans, le douzième arrondissement contient 15,000 pauvres secourus ; c’est un indigent sur six personnes, et encore, c’est toujours la circulaire qui nous l’apprend, il en existe un très grand nombre qui auraient besoin de secours. Pour donner une livre de pain à ces quinze mille malheureux, une somme de 2,400 fr. est à peine suffisante. Voila de ces choses sur lesquelles nos orateurs politiques auraient grand besoin de méditer, afin d’en faire leur profit quand ils donnent carrière à leur éloquence en présence des majestés citoyennes. Cela vaudrait un peu mieux que la phraséologie vaporeuse et courtisanesque dont ils ne paraissent pas vouloir sortir. » (Bon Sens.)

Oh ! Oui, ce fait est épouvantable ; et le cœur nous bondit d’indignation, quand nous, LE PEUPLE, nous mesurons notre détresse et notre misère…

Et nous souffririons plus long-temps que l’insultante pitié de quelques-uns vînt chaque jour nous jeter le morceau de pain qui traîne ainsi d’un jour à l’autre jour notre agonie sans fin !…

Et d’inhumaines lois seraient là qui nous feraient un crime de travailler à nous affranchir de cet exécrable lot que nous ont légué les dispensateurs de la fortune publique !…

Et puis un royal manteau irait couvrir de son inviolabilité cet INFAME TRIPOT qu’on appelle la Bourse1 ; et nous verrions encore, rampans autour d’un trône, d’honorables mendians dévorer sans honte et sans remords les sueurs et la vie du peuple !…

Et quand nous crions : DU TRAVAIL ET DU PAIN ! Ce serait la prison qui viendrait étouffer notre voix !…

Oh ! c’est que la prison ne tue pas la faim ; – mais le peuple qu’elle irrite secoue un jour sa chaîne, broie [6.1]dans ses dents la pierre de ses cachots, s’élance sur les canons, et brise un fauteuil de roi comme un enfant brise le joujou qui a cessé de lui plaire !

Combien il est pénible d’avoir à enregistrer un fait si déplorable, et comment se défendre de la plus vive indignation, quand nous voyons le paupérisme s’acharner contre le peuple et lui imprimer si profondément au cœur sa griffe dévorante ?… Pauvre humanité !

PRÉFECTURE DU RHONE.

renouvellement annuel et partiel

DU CONSEIL DES PRUD’HOMMES.1

Section de la Fabrique d’étoffes de soie.

Nous préfet du Rhône,

Vu la lettre par laquelle M. le président du conseil des prud’hommes de la ville de Lyon, nous informe que MM. Goujon et Gamot, prud’hommes marchands-fabricans, et Brisson, suppléant de cette classe ; et MM. Dumas, prud’homme chef d’atelier, Charnier et Verra, suppléans de cette classe, tous membres du conseil des prud’hommes, section de la fabrique d’étoffes de soie, ont été désignés par le sort pour cesser leurs fonctions au 31 décembre 1833 ;

Vu la loi du 18 mars 1806, les décrets des 3 juillet 1806 et 3 août 1810, et les ordonnances royales des 15 janvier 1832 et 21 juin 1833 ;

Vu les procès-verbaux des élections qui ont eu lieu les 11 et 15 avril 1832, 13 janvier et 9 mars derniers, et desquels il résulte que, conformément aux dispositions de l’ordonnance royale du 15 janvier 1832, MM. Goujon, Gamot et Brisson, ont été élus dans une assemblée générale de tous les marchands-fabricans de soierie ;

Que M. Dumas a été élu dans une assemblée des chefs d’atelier ou ouvriers de la première section de la ville de Lyon, qui est formée du côté occidental de la Grande-Côte, des rues Neyret, Masson, des Chartreux, Tolozan, de Flesselles, de l’Annonciade, Bouteille, montée de la Butte, et des Carmélites ;

Que M. Charnier a été élu dans une assemblée des chefs d’atelier ou ouvriers de la quatrième section, qui est formée du cinquième canton de la justice de paix de la ville de Lyon, qui comprend la commune de Vaise ;

Que M. Verra a été élu dans une assemblée des chefs d’atelier ou ouvriers de la huitième section, formée de la commune de la Guillotière ;

arrêtons :

art. 1er Il sera procédé au renouvellement partiel du conseil des prud’hommes, section de la fabrique d’étoffes de soie. A cet effet, les listes qui ont été arrêtées pour les élections du mois d’avril 1832, seront revisées et rectifiées, savoir :

La liste générale des marchands-fabricans de soierie, par M. le maire de la ville de Lyon ;

La liste partielle des chefs d’atelier ou ouvriers de la première et quatrième sections, par le même fonctionnaire et M. le maire de Vaise ;

La liste partielle des chefs d’atelier ou ouvriers de la Guillotière, par M. le maire de cette commune.

Les changemens, additions ou retranchemens nécessaires [6.2]seront effectués sur ces listes, soit d’office par MM. les maires, soit d’après les déclarations de toutes parties intéressées.

art. 2. Les listes seront arrêtées provisoirement le 12 décembre prochain.

Dans les dix jours suivans, il sera statué, en conseil de préfecture, sur toutes les réclamations qui seraient présentées au sujet de refus d’inscription sur ces listes ou de radiation effectuée.

Les listes seront définitivement closes le 23 du même mois de décembre. Une carte d’entrée dans l’assemblée sera immédiatement adressée à chacun des électeurs inscrits.

art. 3. L’assemblée générale des marchands-fabricans de soierie est convoquée pour le samedi 28 décembre 1833, à huit heures du matin, à l’effet d’élire trois membres du conseil des prud’hommes, savoir : un titulaire et deux suppléans.

Elle se tiendra dans la salle de la Bourse, au palais St-Pierre, sous notre présidence ou celle du conseiller de préfecture que nous déléguerons.

L’élection aura lieu par un scrutin de liste, à la majorité absolue des suffrages, pour le premier tour de scrutin, et, s’il y a lieu, à la majorité relative, au second tour de scrutin. Les bulletins seront écrits secrètement dans la salle de l’assemblée.

art. 4. L’assemblée des électeurs chefs d’atelier ou ouvriers de la première section est convoquée pour le dimanche 29 décembre 1833, à huit heures du matin, et se réunira dans la même salle de la Bourse, au palais St-Pierre, sous la présidence de M. le maire de la ville de Lyon.

L’assemblée des électeurs chefs d’atelier ou ouvriers de la quatrième section est convoquée pour le même jour et la même heure, et se réunira dans la salle d’audience des assises, au palais de justice, place de Roanne, sous la présidence d’un de MM. les adjoints au maire de la ville de Lyon.

L’assemblée des électeurs chefs d’atelier ou ouvriers de la Guillotière est convoquée pour le même jour et la même heure, et se réunira dans la salle des délibérations de la mairie de la Guillotière, sous la présidence de M. le maire de cette commune.

L’assemblée de la première section élira un prud’homme parmi les électeurs de cette section, et les deux autres sections éliront chacune un suppléant parmi les électeurs de leur section respective, à la majorité absolue des suffrages, au premier tour de scrutin, ou, s’il y a lieu, à la pluralité des voix, dans un second tour de scrutin.

Les bulletins seront écrits secrètement dans la salle même de l’assemblée.

art. 5. Toutes les dispositions des lois, décrets et ordonnances sur la matière ci-dessus rappelés, relatives aux conditions d’électorat et d’éligibilité, et à la formation des bureaux d’élection, seront exactement observées.

art. 6. Le présent arrêté, dont l’exécution est confiée à MM. les maires de Lyon, de la Guillotière et de Vaise, sera imprimé et affiché.

Lyon, hôtel de la Préfecture, le 26 novembre 1833.

Le Préfet du Rhône.

gasparin.

[7.1]Plusieurs prud’hommes chefs d’atelier nous ont informé qu’ils pensaient ne pas devoir se conformer à l’arrêté de la préfecture, concernant la désignation des membres sortants, attendu qu’ils n’ont pas tiré au sort, attendu aussi que le tirage qui eut lieu conformément à l’ordonnance royale concernant la réduction du nombre des titulaires, n’a pas fixé l’ordre de sortie.

S’il en était ainsi, il est des prud’hommes qui siégeraient plus de trois ans, laps de temps rigoureusement fixé par la loi. D’après cette disposition, la mesure préfectorale est impraticable, étant en contradiction avec la loi, qui ne permet pas à un prud’homme de siéger plus de 3 ans sans être réélui.


i. La composition de notre journal était terminée lorsqu’on nous a remis la note suivante :

Fabrique de dorures.
Convoquée pour le jeudi, 2 janvier, devant élire un prud’homme suppléant, de la classe des marchands-fabricans, en remplacement de M. duret, démissionnaire.

Fabrique de bonneterie.
Convoquée pour le vendredi, 3 janvier, devant élire un prud’homme chef d’atelier, en remplacement de M. chantre, dont les fonctions cessent.

Fabrique de chapellerie.
Convoquée pour le samedi, 4 janvier, devant élire un prud’homme suppléant marchand-fabricant, en remplacement de M. pertigoz, démissionnaire.

Les lieux et heures des assemblées ne sont pas encore fixés.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES,

(présidé par m. putinier, vice-président.)

Audience du 5 décembre 1833.

Parmi les causes soumises à l’audience de jeudi, la suivante seule a offert quelqu’intérêt.

Mascard avait pris en apprentissage la jeune fille de Collonge pour un temps fort long, attendu le bas âge [7.2]de l’enfant. Depuis très long-temps cette jeune fille est atteinte d’une maladie dont les suites, d’après l’avis des médecins, paraissent devoir être longues.

Le conseil, prenant en considération l’état de maladie grave de l’élève, résilie les engagemens et accorde une indemnité de 300 fr. à Mascard, qui seront payés par le père, ainsi que tous les frais des divers jugemens.

AU RÉDACTEUR.

Lyon, 5 décembre 1833.

Monsieur,

J’ai lu avec satisfaction votre note sur la réprimande faite à Dailly par le président du conseil des prud’hommes. Comme vous l’avez fort bien dit, les fabricans ne possèdent pas plus que Dailly le droit de se créer une constitution particulière. Je crois qu’un tribunal, avant de faire une pareille observation, doit être à l’abri de la même censure ; cependant il n’en est pas ainsi. Le conseil des prud’hommes doit comprendre qu’il n’a pas le droit de se créer une constitution particulière. D’abord, où puise-t-il la prérogative d’opprimer ses justiciables en leur interdisant la faculté de se faire assister d’un défenseur ? Que le conseil interprète comme bon lui semblera le sens de la loi sur laquelle il dit s’étayer, nous répondrons que lorsque le législateur a voulu isoler les parties, il s’est exprimé d’une manière assez claire pour qu’on ne puisse supposer un double sens aux termes de la loi. C’est ainsi qu’il s’exprime dans le code de procédure civile, concernant les tribunaux inférieurs, titre xv, art. 333 : « La partie répondra en personne sans pouvoir lire aucun projet de réponse par écrit et sans assistance de conseil, etc., etc. » Voila qui ne laisse aucun doute ; mais le législateur a fait plus ; dans l’art. 88 du même code, il a voulu faire connaître qu’il est de toute impossibilité de rendre bonne justice sans une bonne défense. Cet article est ainsi conçu :

« Les parties pourront, assistées de leur avoué, se défendre elles-mêmes. Le tribunal, cependant, aura la faculté de leur interdire ce droit s’il reconnaît que la passion ou l’inexpérience les empêche de discuter leur cause avec la décence convenable ou la clarté nécessaire pour l’instruction des juges. »

Méditez, MM. les prud’hommes, méditez ces deux articles de loi, vous sentirez comme nous combien votre constitution particulière est en contradiction avec l’esprit de cette loi à laquelle vous avez juré fidélité. S’il vous plaisait de mépriser cet avis, nous espérons que vos justiciables y puiseront un enseignement salutaire. Un jour viendra où, comprenant l’importance du droit qu’ils ont de se faire assister d’un défenseur, ils secoueront ce joug ignominieux que vous leur avez imposé en vertu de votre constitution particulière ; et à l’aide d’une bonne défense, ils parviendront à obtenir bonne justice, conséquemment à cette jurisprudence industrielle dont le besoin se fait sentir chaque jour.

Un chef d’atelier.

Nouvelles.

Mercredi, 4 décembre, la cause de la Glaneuse a été appelée devant la cour d’assises du Rhône. Le gérant a fait défaut et a été condamné à 6 mois de prison et 3,000 fr. d’amende.

La Glaneuse a l’intention de former opposition à cet arrêt.

– Les ouvriers cordonniers et bottiers de Beaune se sont réunis en assemblée générale, et ont décidé qu’ils cesseraient le travail si les maîtres n’augmentaient pas le salaire.

– Les ouvriers tailleurs de Marseille, comme ceux de Paris et de Lyon, viennent de former une Société philanthropique dont le but immédiat est de faciliter leurs relations pour obtenir de l’ouvrage et d’acquérir un fonds commun qui leur permette plus tard, soit de [8.1]se secourir entr’eux en cas de maladie, soit d’ouvrir une maison de travail exploitée avec leurs seules ressources.

La Société, divisée en séries qui se subdivisent en sections, est régie par un président, un vice-président et un caissier.

– Le procès intenté au Patriote du Puy-de-Dôme vient d’être jugé. L’affaire avait été portée aux assises de St-Flour. Me Dupont, de Paris, a aidé M. Trélat dans sa défense. – Les débats ont duré trois jours et se sont terminés par l’acquittement du Patriote du Puy-de-Dôme.

– On évalue à 3 ou 400,000 fr. la perte causée par l’incendie qui a consumé la papeterie de MM. Montgolfier, à Annonay.

– Une rixe a eu lieu à St-Etienne, entre les garçons boulangers. Trois d’entr’eux ont été dangereusement blessés à coups de couteau. La justice est saisie de cette affaire.

7

AVIS.

Le 5 février de cette année, Joannès Couturier, âgé d’environ 13 ans, a disparu de la maison du sieur Collet, supérieur de l’institution dite de la Providence, à Caluire, en annonçant à ses condisciples qu’il voulait se faire berger.

Signalement : Plus grand que ne le sont d’ordinaire les enfans de son âge, cheveux châtains-clairs, yeux bleus, peau délicate et peu colorée. Il portait, à l’époque de sa disparition, une veste de chasse bleu clair avec paremens noirs, un pantalon bleu foncé, un gilet noir et une casquette brune.

Le 30 novembre dernier, on a retiré du Rhône, sur la commune de Vernaison, le cadavre d’un homme inconnu, paraissant âgé de 36 ans.

Signalement : Taille d’un mètre 65 centimètres, cheveux et sourcils châtains. L’état de putréfaction de la tête n’a pas permis de mieux préciser son signalement.

Il portait un habit dit veste de chasse, de drap bleu, rapiécé en divers endroits, un pantalon en coton gris, un gilet noir en indienne rayée, et une chemise de toile de ménage sans marque. Il avait des bretelles en lisière de drap, un tablier de peau blanche, un mouchoir de poche rouge et bleu quadrillé ; il était chaussé en souliers lacés.

Les personnes qui pourraient donner des renseignemens sur ces individus, sont priées de les adresser à la préfecture du Rhône, division de la police.

louis babeuf, rue st-dominique.
en vente
 :
DE LA COALITION
des chefs d’atelier de lyon,
Par Jules Favre, avocat.
prix : 75 centimes.
Au bureau de l’Echo de la Fabrique, et chez tous les libraires.

AVIS DIVERS.

[8.2](305) On demande, pour apprenti sur les velours unis, un jeune homme de 15 à 16 ans. – S’adresser au bureau.

(306) avis.

M. brun, plieur, demeurant place des Pénitens-de-la-Croix, est actuellement place St-Clair, n° 6, au 3e, sur le devant.

(303) A VENDRE, une mécanique ronde à dévider, de 10 guindres, trancanage et cannetière de David. S’adresser à M. Matrat, montée du Chemin-Neuf, n° 20, au 2e.

(304) A VENDRE, une belle planche d’arcades en 6/4, 4/4 et autres étroites ; rouleau de 6/4 de devant et de derrière ; d’autres en 5/4, 4/4 et 3/4 ; plusieurs peignes en 6/4 ; 5/4, 4/4 et autres largeurs et de tous comptes ; battans en 6/4 pour lancé, et autres de différentes largeurs ; le tout dans un état neuf. S’adresser au bureau du journal.

(301) A VENDRE, 4 métiers d’unis et une mécanique ronde de 12 guindres, ainsi qu’un ménage avec les meubles. S’adresser à Mme Fournel, place Rouville, n° 2, maison Brun.

(302) A VENDRE, 4 métiers d’indiens, en 900 et 1,200, avec tous les accessoires. S’adresser à M. Dufrène Pugnier, Grande-Côte, n° 28.

(280) A VENDRE à l’amiable, une belle propriété entre Autun, Châlon-sur-Saône et Beaune, près le canal du Centre et la route de Paris à Lyon, dans une position agréable, consistant en une belle maison de maître, réparée et décorée tout à neuf ; logemens de fermiers et de vignerons, cours, jardins, pressoirs, foudres et cuves ; caves pouvant contenir ensemble près de mille pièces de vin, vinées, écuries et granges, d’une superficie d’un hectare cinquante ares ; cinquante hectares ou cent quarante-six journaux de terres ; vingt hectares ou quatre cent soixante ouvrées de vignes ; vingt-un hectares ou soixante-une soitures de prés ; et vingt-six hectares ou cinquante arpens de bois taillis. Il dépend de cette propriété un moulin à eau, placé avantageusement et bien achalandé.
La maison de maître pourra être vendue meublée ou non-meublée, au choix de l’acquéreur.
S’adresser, à Paris, à M. Maurice Richard ;
A Autun, à M. Chauveau-Picard ;
Et à Couches, à Me Moulinet, notaire, dépositaire des plans de la propriété.

(276) A VENDRE, grand atelier de lisage, composé de cinq lisages, deux repiquages, dont il y en a un de 1,056, 744, deux 600 et un 400 ; avec une bonne clientèle. S’adresser au bureau du journal.

(282) A VENDRE à sacrifice, pour cause de départ, un superbe lit à bateau tout neuf et tout garni, une jolie commode, également toute neuve et au goût du jour ; un brancard de petite mécanique, peignes à tisser les crêpes de Chine, roue de régulateur, etc.
S’adresser chez M. Raumieux, rue des Fossés, n° 8, au 4e, à la Croix-Rousse. On trouvera le vendeur chez lui de 7 à 9 heures du matin.

(290) A VENDRE, un métier de schals indiens en 5/4, mécanique en 1,800 ; on vendra, si on le désire, la mécanique séparément. S’adresser à M. Mauband fils, rue du Menge, n° 10, au 3e.

(299) A VENDRE, une mécanique longue à marches, de 14 guindres, à détrencannage, en bon état. S’adresser à M. Maillet, Grande-Rue, n° 107, à la Croix-Rousse.

MÉTHODE
pour s’exercer et même
APPRENDRE À LIRE SANS MAÎTRE
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prix : 1 franc.
A Lyon, chez J. perret, rue St-Dominique, n° 13.

Notes (M.  berbrugger , disciple de Charles...)
1. L’établissement d’une colonie sociétaire en Algérie à cette date n’était pas immédiatement envisageable. Ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard que fut fondée par les fouriéristes, à Saint-Denis du Sig (à proximité d’Oran), l’Union agricole d’Afrique. L’expérience de colonie mentionnée dans cet article de L’Écho de la Fabrique est toujours celle de Condé-sur-Vesgres, appuyée par l’initiative d’Alexandre-François Baudet-Dulary (1792-1878), médecin, hygiéniste et député d’Étampes au tout début de la monarchie de Juillet (1831).

Notes (Au Rédacteur. Monsieur, Nous vous prions...)
1 En fait il s’agit d’une réponse à la lettre parue dans le numéro 48, publié le 1 décembre 1833.

Notes (SIGNE DE PROSPÉRITÉ. « Un fait...)
1. La critique de l’anarchie commerciale était au cœur du système de Fourier et de ses disciples. La presse ouvrière lyonnaise va désormais répercuter cette critique, multipliant les attaques contre agiotage, usure et manipulations boursières : un an après ce numéro, dans le successeur direct de L’Écho de la Fabrique, le journal L’Indicateur où Michel-Marie Derrion publiera alors sa série d’articles « Amélioration industrielle », on trouve la mention suivante : « Les maisons de jeu ! Voilà le théâtre à la mode : – la morale les a flétries !… Ah ! qu’importe la morale aux agioteurs ; ils ont fait de ces maisons un superbe palais, dans lequel ils jouent chaque matin leur fortune et leur honneur. – Au front de l’édifice ils ont écrit : LA BOURSE ! et sur la porte de la caverne, est le thermomètre des destinées humaines, qui chaque jour hausse ou baisse à leur gré » (L’Indicateur, numéro du 11 janvier 1835).

Notes (PRÉFECTURE DU RHONE . renouvellement annuel...)
1. C’est ici le début d’une nouvelle tentative de manipulation aux prud’hommes de Lyon. La règle était en effet le remplacement, par tirage au sort, de trois prud’hommes chefs d’ateliers tous les ans ; leur remplacement nécessitait alors une nouvelle élection. La règle était également de ne pas permettre à un prud’homme de siéger plus de trois ans. Mais à la fin de 1833, le préfet Gasparin tente de soustraire l’un des prud’hommes chefs d’atelier, particulièrement docile à ses injonctions (il s’agit de Labory), à cette règle. Ce cas va embarrasser L’Echo de la Fabrique pendant plus de deux mois, car Labory est un mutuelliste, proche de l’administration du journal, ce que ne manquera pas de relever et d’exploiter très rapidement L’Écho des Travailleurs. Le journal des mutuellistes va toutefois réagir assez vite en exigeant le retrait de Labory.

Notes ([7.1] Plusieurs prud’hommes chefs...)

 

 

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