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8 décembre 1833 - Numéro 49
 
 

 



 
 
    

AU RÉDACTEUR.

Lyon, 5 décembre 1833.

Monsieur,

J?ai lu avec satisfaction votre note sur la réprimande faite à Dailly par le président du conseil des prud?hommes. Comme vous l?avez fort bien dit, les fabricans ne possèdent pas plus que Dailly le droit de se créer une constitution particulière. Je crois qu?un tribunal, avant de faire une pareille observation, doit être à l?abri de la même censure ; cependant il n?en est pas ainsi. Le conseil des prud?hommes doit comprendre qu?il n?a pas le droit de se créer une constitution particulière. D?abord, où puise-t-il la prérogative d?opprimer ses justiciables en leur interdisant la faculté de se faire assister d?un défenseur ? Que le conseil interprète comme bon lui semblera le sens de la loi sur laquelle il dit s?étayer, nous répondrons que lorsque le législateur a voulu isoler les parties, il s?est exprimé d?une manière assez claire pour qu?on ne puisse supposer un double sens aux termes de la loi. C?est ainsi qu?il s?exprime dans le code de procédure civile, concernant les tribunaux inférieurs, titre xv, art. 333 : « La partie répondra en personne sans pouvoir lire aucun projet de réponse par écrit et sans assistance de conseil, etc., etc. » Voila qui ne laisse aucun doute ; mais le législateur a fait plus ; dans l?art. 88 du même code, il a voulu faire connaître qu?il est de toute impossibilité de rendre bonne justice sans une bonne défense. Cet article est ainsi conçu :

« Les parties pourront, assistées de leur avoué, se défendre elles-mêmes. Le tribunal, cependant, aura la faculté de leur interdire ce droit s?il reconnaît que la passion ou l?inexpérience les empêche de discuter leur cause avec la décence convenable ou la clarté nécessaire pour l?instruction des juges. »

Méditez, MM. les prud?hommes, méditez ces deux articles de loi, vous sentirez comme nous combien votre constitution particulière est en contradiction avec l?esprit de cette loi à laquelle vous avez juré fidélité. S?il vous plaisait de mépriser cet avis, nous espérons que vos justiciables y puiseront un enseignement salutaire. Un jour viendra où, comprenant l?importance du droit qu?ils ont de se faire assister d?un défenseur, ils secoueront ce joug ignominieux que vous leur avez imposé en vertu de votre constitution particulière ; et à l?aide d?une bonne défense, ils parviendront à obtenir bonne justice, conséquemment à cette jurisprudence industrielle dont le besoin se fait sentir chaque jour.

Un chef d?atelier.

 

 

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