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15 décembre 1833 - Numéro 50
 
 

 



 
 
    
 

De l’Adresse au Roi

PAR LES CHEFS D’ATELIER DE ST-ETIENNE.

Nous avons lu avec tout l’intérêt et toute l’attention qu’exige la matière, l’adresse des chefs d’atelier et ouvriers passementiers de la fabrique de rubans de St-Etienne à Louis-Philippe. Elle prouve qu’à St-Etienne comme à Lyon, comme à Rouen, comme partout, la partie la plus nombreuse et la plus morale de la nation est exploitée par une minorité imperceptible qui éloigne la classe ouvrière de toutes les assemblées où se discutent leurs intérêts les plus chers ; que partout le manque de communications entre les fabricans et l’ouvrier, augmente l’intensité du mal qui travaille la société industrielle ; que partout le salaire de la main-d’œuvre est loin d’être en rapport avec les bénéfices des capitaux. M. Philippe Hedde, dont nous nous plaisons à reconnaître la haute portée industrielle, s’est chargé de rédiger l’adresse au roi et d’indiquer les mesures à prendre pour faire cesser un état de choses, qui ne laisserait bientôt plus aux chefs d’atelier et aux ouvriers de St-Etienne aucun moyen de pouvoir vivre en travaillant, et d’élever leurs enfans. Quelques-unes de ces mesures sont bonnes ; elles peuvent, non pas guérir la blessure du corps social, elle est trop profonde, mais au moins l’adoucir. Nous doutons pourtant qu’elles soient adoptées, si nous en jugeons par l’indifférence qu’on a mise à Lyon à examiner une suite de moyens analogues, proposés dans une brochure publiée par M. Baune, après novembre, et discutés depuis dans le Précurseur et dans l’Echo de la Fabrique.

Nous applaudissons cependant à quelques-uns des principes qui ont dicté cette adresse ; mais nous ne pouvons nous empêcher d’exprimer notre étonnement de la forme humble et servile que M. Hedde a cru devoir y employer. Jamais le commerce, même sous Colbert,et dans le beau temps du droit divin, n’a adopté des formules plus fadement obséquieuses.

[4.1]Les très humbles et très obéissans sujets de sa majesté ont de plus oublié, dans leurs supplications, que, d’après nos lois, le pouvoir exécutif ne peut intervenir, pour conférer l’élection, qu’avec le concours de la puissance législative ; qu’il n’a aucun droit d’ordonner des associations de fabricans ; qu’il est dangereux pour l’industrie de demander au pouvoir de se mettre sous la tutelle de ses agens ; enfin, que les ouvriers et les chefs d’atelier invitent l’autorité à oublier leur dignité d’hommes lorsqu’ils l’oublient eux-mêmes.

 

 

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