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15 décembre 1833 - Numéro 50
 
 

 



 
 
    
 CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

(présidé par m. riboud.)

Audience du 12 décembre 1833.

Burel, chef d’atelier, demande la résiliation avec indemnité des engagemens qu’il a pris avec Charmillon, pour l’apprentissage du fils de ce dernier, dont la durée doit être de trois ans. Il fonde sa demande sur la maladresse de son élève et sur son peu d’habileté, quoiqu’ayant déjà deux ans de fait de son temps, et demande en outre que le jeune homme finisse chez un autre maître le temps de son apprentissage.

Le père demande au conseil que son fils subisse un examen pour qu’on puisse constater le degré de son instruction. Renvoyé à huitaine pour prononcer.

Joseph Bufe, apprenti de Frandon, a quitté à plusieurs reprises l’atelier de son maître ; depuis un mois [5.1]il est absent. Malgré les diverses recherches faites, on ignore sa retraite. Sur la demande de Frandon, le conseil résilie les conventions et accorde 150 fr. d’indemnité au maître, qui seront payés par Olivier, caution de l’apprenti, sauf son recours contre le père.

Lorsqu’un apprenti quitte son maître pour aller exercer un autre état, le maître qui l’occupe est-il passible de la contravention ? Oui.

Ainsi jugé entre Allemand, chef d’atelier, et Chaîne, enlaceur de cartons.

Lorsqu’un ouvrier sans livret, a déjà fait chez un maître deux pièces, et que la troisième est sur le point d’être commencée par l’ouvrier, le maître est-il en droit de le renvoyer sans lui accorder la huitaine ? Non.

Ainsi jugé entre Déchelette, chef d’atelier, qui paiera 10 fr. d’indemnité à Blanc, son ouvrier.

Un maître peut-il obliger un apprenti à le suivre quand il va s’établir dans une autre ville que celle qu’il habitait à l’époque où l’apprenti est entré chez lui ? Non.

Ainsi jugé entre Froget et Sornet.

Gaudet, ouvrier formier, a fait acheter par Brunier, maître formier, des ustensiles nécessaires à son état, pour travailler chez lui pour le compte de ce dernier. Aujourd’hui il ne lui convient plus de tenir à son engagement pris envers le maître qui lui réclame par conséquent le prix de ces divers ustensiles. L’ouvrier répond qu’il est d’usage, dans cette industrie, que les maîtres fournissent presque tous les outils. Le conseil, considérant qu’il existe dans le nombre de ces outils un banc que le maître ne doit pas fournir, condamne Gaudet à payer 4 fr. à Brunier pour le prix de cet objet.

Besset et Bouchard ont remis à Déphanis une disposition d’un métier schal indien, le 23 novembre dernier, et l’ont retiré le 30, parce qu’il leur a plu de ne pas monter le métier. Déphanis observe qu’il a fait emplette de divers ustensiles nécessaires au montage de ce métier, qu’il a perdu la huitaine à leur achat, et demande en conséquence le remboursement de ses frais et une indemnité pour ses courses. Le conseil condamne Besset et Bouchard à reprendre seulement le peigne et le remisse au prix d’estimation, et à 24 fr. d’indemnité envers Déphanis.

nota. Nous ignorons à quelle somme se monte les divers ustensiles achetés par le maître, qui prétend en avoir acheté pour plus de 200 fr. mais nous savons que la plupart d’entr’eux ne peuvent servir que pour ce genre d’étoffe.

Ainsi le caprice d’un négociant peut causer la ruine ou tout au moins la gêne d’un chef d’atelier, sans encourir une plus grande responsabilité ? Pauvres prolétaires !…

L’apprenti Muet s’est présenté au greffe du conseil pour se plaindre de ce que Brunet, son maître, ne réglait jamais le montant de ses tâches, et d’autres causes que nous ne nous permettons pas de rendre publiques. Sur cette simple plainte, et sans avoir fait appeler le chef d’atelier, M. le président crut devoir envoyer un membre du conseil chez Brunet pour vérifier les faits.

Aujourd’hui ce chef d’atelier proteste énergiquement contre cette conduite, et se plaint vigoureusement de ce que son domicile a été violé. Le président, ne pouvant calmer l’emportement bien pardonnable, à notre avis, de ce chef d’atelier, qui se serait vu condamner sans être [5.2]entendu, lui applique l’amende de 10 fr. avec impression du jugement à ses frais que prononce la loi, et renvoie l’affaire devant M. Perret.

Quant à nous, nous pensons que M. le président n’a pas le droit d’envoyer un prud’homme dans l’atelier d’un maître sans que ce dernier soit auparavant entendu contradictoirement à son adversaire ; autrement ce serait faire croire que le président devrait ajouter foi au dire d’une seule partie, ce qui ne nous paraît pas conforme aux lois de l’équité.

 

 

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