Retour à l'accueil
5 janvier 1834 - Numéro 53
 

 




 
 
     

 

Des Tonneliers et des Crocheteurs.1

En 1830, à l?avénement de notre glorieuse révolution, on avait espéré voir tous les priviléges fuir sur la terre étrangère et faire cortége aux vieux priviléges de la légitimité ; on avait cru aux séduisantes mais mensongères promesses prodiguées au peuple par une bouche auguste (style de valet). On s?est étrangement trompé ; il n?y a qu?un mauvais Français de moins, et aujourd?hui il faut attaquer successivement et corps à corps chaque privilège, trop heureux encore si après de longs efforts on peut le renverser. Ainsi à Lyon les tribunaux de première instance et d?appel ont été saisis de la connaissance de contestations et querelles violentes suscitées par le privilége. Les crocheteurs de notre ville sont organisés en compagnies ; chaque compagnie a son port qu?elle exploite exclusivement à toutes autres personnes. Si de laborieux pères de famille se présentent aux propriétaires des bateaux qui stationnent sur la rivière, pour opérer le chargement ou le déchargement de leurs marchandises, ils sont brutalement repoussés par les crocheteurs, et si, invoquant le droit, ils résistent, ils sont lâchement assaillis et violemment frappés par le nombre, et rejetés dans les besoins et les privations jusqu?à ce que plus heureux ils trouvent des travaux qui ne leur soient pas interdits par d?injustes et barbares priviléges. Voila cependant où nous en sommes en 1833, après une révolution faite seulement pour la liberté. Des crocheteurs à Ainay demandaient à concourir aux travaux des ports de ce quartier avec d?autres crocheteurs privilégiés : ils ont été [1.2]victimes de lâches et cruelles violences. Un arrêt du tribunal d?appel l?a constaté. A Serin, les tonneliers ont demandé à décharger les vins concurremment avec les crocheteurs et toutes autres personnes. Les marchands de vin, qui préfèrent les tonneliers et leur accordent justement toute leur confiance, les ont autorisés par écrit à décharger leurs vins. Munis de leur autorisation écrite, les tonneliers ont voulu procéder au déchargement qui leur avait été commandé ; les crocheteurs, dix fois plus nombreux, les ont assaillis et violemment frappés. Un jugement du tribunal correctionnel de cette ville l?a constaté. Ils ont ainsi violé le plus sacré des droits, le droit du travail : ils ont violé le droit de propriété, puisque des marchands ne sont plus maîtres de leurs vins et ne peuvent en confier le déchargement à qui bon leur semble. Les crocheteurs exercent un monopole injuste, vexatoire et funeste à la cité ; ce monopole a pour premier résultat de priver de travail une foule de pères de famille et de permettre aux monopoleurs une vie de paresse et de cabaret. Ce monopole est contraire à la loi ; nous devons le prouver.

La loi du 2 mars 1791 abolit expressément les maîtrises et les corporations, et ouvrit la voie des prospérités à une grande nation qui si long-temps avait été écrasée des entraves que lui jetaient à l?envi une noblesse dédaigneuse, un clergé cupide et dominateur, et surtout une royauté, prodigue des trésors qu?elle arrachait par mille iniques fiscalités. Le fatal réseau qui comprimait la France fut rompu. L?art. 2 de cette loi mémorable de 1791, s?exprimait ainsi :

« A compter de la même époque (1er avril 1791), les offices de perruquiers, barbiers, baigneurs-étuvistes, ceux des agens de change, et tous autres officiers pour l?inspection et les travaux des arts et du commerce, les brevets et les lettres de maîtrises, les droits perçus pour la réception des maîtrises et jurandes, ceux des collèges de pharmacie et tous priviléges de profession, sous quelque dénomination que ce soit, sont également supprimés. »

L?art. 7 ajoutait : « A compter du 1er avril prochain (1791), il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d?exercer telle profession, art ou métier qu?elle trouvera bon ; mais elle sera tenue de se pourvoir auparavant d?une patente, et de se conformer aux réglemens de police. »

[2.1]Plusieurs autres lois rendues sur d?autres matières confirmèrent le principe émis dans cette loi de 1791, la liberté des industries. Nous nous dispensons de les citer ; car la loi du 2 mars 1791 est encore en pleine vigueur, et nulle loi, du moins en ce qui concerne les crocheteurs, n?est venue la modifier. Les crocheteurs ont été organisés par des ordonnances de la mairie : ces ordonnances sont obligatoires lorsqu?elles sont la conséquence de la loi ; mais elles sont sans force lorsqu?elles sont contraires au v?u de la loi, au principe que cette loi a pour mission de proclamer. Or, les ordonnances organisatrices des compagnies des crocheteurs créent un monopole que la loi avait détruit ; la magistrature a donc pour devoir de déclarer ces ordonnances illégales et sans lien obligatoire.

Mais déjà j?entends quelques esprits irréfléchis s?écrier : Vous appuyez les coalitions d?ouvriers et vous combattez les coalitions de crocheteurs. Ma réponse est que les ouvriers qui se coalisent sont libres d?accorder ou refuser leur travail ; les crocheteurs sont libres également d?accorder ou refuser leurs services, mais ils ne peuvent être maîtres d?empêcher que d?autres citoyens se présentent sur le port et se chargent, si bon leur semble, des travaux refusés par eux, de même qu?un ouvrier en soie refuse son travail à un fabricant, mais n?empêche pas et ne peut empêcher qu?un autre ouvrier en soie travaille pour ce même fabricant. Ainsi, on le voit, organe de tous les travailleurs, nous voulons liberté pour tous ; coalition pour le travail, pourvu que la liberté n?en souffre pas. Que les crocheteurs s?associent entr?eux pour partager leurs travaux et leurs bénéfices ; que les tonneliers fassent de même et d?autres encore, mais que nul ne puisse dire : L?exploitation de ce port m?appartient ; je ne livre mon travail qu?aux conditions qu?il me plaît dicter, et personne autre que moi ne pourra travailler sur ce port? Ce langage serait arbitraire ; ce serait un despotisme brutal. Ce langage est celui des crocheteurs ; il faut qu?il cesse, la loi le veut, je viens de le démontrer ; l?intérêt de tous l?exige. Ce sera le sujet d?un second article.

 

Des Boulangers et des Fariniers.

Dans deux numéros précédens nous nous avons démontré : 1° que la corporation des boulangers existait en violation de nos lois ; 2° qu?elle était lésive des intérêts de notre population laborieuse. Il était donc urgent de combattre cette corporation, de la faire rentrer dans le droit commun et de lui susciter une concurrence qui pût notablement améliorer la position des consommateurs. Aussi s?est-on adressé aux chambres, au ministre du commerce, et surtout à la publicité ; et l?on a enfin obtenu un commencement de justice, quelques concessions à un droit cependant incontestable. Les boulangers tenaient du décret du 6 novembre 1813 la faculté de n?admettre dans leur corporation que ceux qui justifiaient connaître les bons procédés de l?art, et cette justification se faisait par un chef-d??uvre. Ce décret de 1813 ouvrait une large voie à l?arbitraire ; les boulangers s?y jetèrent avec d?autant plus d?empressement que leurs intérêts leur en faisaient une loi. Ainsi ils limitèrent leur nombre pour notre cité. Si un jeune homme sans fortune, cependant désireux de marcher seul et d?arriver à l?aisance par un travail assidu et de sages économies, voulait créer et non acheter un fonds, les boulangers [2.2], qui craignaient de voir leur nombre s?accroître, pouvaient l?arrêter en déclarant tout simplement qu?il ne connaissait pas les bons procédés de l?art. Un pareil système ne pouvait durer. Notre révolution de 1830, qui eût fait tant de bien si de coupables mains n?eussent embourbé son char, amena cependant la fin de cet arbitraire. Les fariniers détaillans vendirent du pain de ménage et pensèrent ne pas empiéter sur le monopole des boulangers, puisque ces derniers vendaient seulement le pain blanc, le pain ferain et le pain bis. Mais les boulangers comprirent bien que le pain de ménage des fariniers, supérieur à celui qu?ils pouvaient faire, obtiendraient la préférence des consommateurs ; aussi ils attaquèrent rudement les fariniers détaillans. Ils avaient le décret de 1813, l?appui de la mairie et l?assistance toujours officieuse et empressée des commissaires de police ; les fariniers n?avaient que le droit, la liberté de l?industrie proclamée dans la loi de 1791, et leur énergique résolution de résister par tous les moyens que leur offraient les lois. Grâce à cette lutte, le droit a eu un commencement de triomphe ; M. le ministre du commerce a prononcé l?abrogation partielle du décret de 1813 ; il a décidé que tout citoyen pouvait se faire boulanger en faisant le dépôt de farines exigé par le décret de 1813, et en payant la patente de boulanger. Déjà plusieurs fariniers se sont mis en mesure ; ils vendent, librement et sans crainte des commissaires, du pain de ménage à meilleur marché et bien supérieur au pain bis ; car le pain de ménage est fait d?une farine qui n?a souffert que le prélèvement du gros son, tandis que la farine consacrée au pain bis n?est que le résidu d?une mouture qui a subi deux prélèvemens : la fleur proprement dite, destinée au pain du riche, et la seconde qualité consacrée au pain ferain. La farine du pain bis est donc dégagée de toutes les parties nutritives, elle n?est que du son soumis à une plus longue mouture. Honneur aux fariniers détaillans ! leur persistance adoucira le sort de nos concitoyens ouvriers ; ils auront à bon marché un pain plus sain et surtout bien plus nutritif que le pain bis. Consacré à la défense des besoins populaires, notre journal devait s?empresser de publier cette nouvelle importante. Espérons que nous pourrons annoncer bientôt l?entière émancipation de la boulangerie ; car alors seulement le peuple travailleur mangera du meilleur pain et à meilleur marché.

 

Quand notre impartialité ne nous ferait pas un devoir d?insérer la lettre suivante, le désir que nous avons de rendre justice à qui de droit nous dicterait notre conduite. Le public jugera qui de nous ou de M. Labory a dépassé la limite des convenances.

Au Rédacteur.

Lyon, 3 janvier 1834.

Monsieur,

Je ne puis me rendre compte de ce que vous voulez dire par ces mots : Encore un pas ! Encore un pas, me dis-je à chaque instant ; et quel est donc celui ou ceux que l?on peut me reprocher ? Est-ce ma faute si le décret de l?empire a voulu une majorité aux fabricans dans tous les conseils de prud?hommes de France ? Est-ce ma faute si, interprétant mal l?ordonnance de juin dernier, on a pris l?ordre d?appel pour l?ordre de sortie ? Est-ce ma faute si, plus tard, je suis sorti troisième ? Est-ce ma faute, si dans votre N° 50 vous dites que je [3.1]suis sorti premier au lieu de dire troisième ? Est-ce ma faute, si un arrêté décide que le troisième sera retranché ? Est-ce ma faute si, malgré les changemens opérés, les mêmes tableaux d?électeurs sont affichés par la ville ? Est-ce ma faute, si vous dites que le renouvellement complet du conseil a eu lieu en 1831, et que nous sommes à son troisième changement partiel, tandis qu?il n?a eu lieu qu?en 1832, et que nous ne sommes qu?au deuxième renouvellement ?

Encore un pas, M. le rédacteur, et vous aurez bien mérité de ceux qui attendent avec impatience le jour où la division sera semée dans toutes les classes. Réfléchissez un peu au danger qu?il y a d?insinuer dans l?opinion publique ce que l?on ne croit pas soi-même.

Non, M. le rédacteur, je ne fus et ne serai jamais un homme d?intrigue ; j?en appelle à tous ceux qui ont été en rapport avec moi ; je donne un démenti formel à tout ce que votre article peut faire soupçonner, et je vous défie de me dire en face que vous y croyez. Oui, Monsieur, fier et fort de ma conscience, je désire que ceux qui seraient assez téméraires pour ajouter foi à vos insinuations, puissent en dire autant que moi, qui n?ambitionne que l?estime de mes semblables.

Je compte, Monsieur, sur votre empressement à insérer ma lettre.

labory.

Note du rédacteur. ? Nous sommes surpris que M. Labory se formalise de l?article inséré dans notre dernier numéro. Cette susceptibilité ne prouve rien d?autre, si ce n?est qu?il commence à s?apercevoir qu?il joue, dans toute cette malencontreuse affaire, un rôle qui répugne à sa conscience.

Mais, pour Dieu, M. Labory ! veuillez réfléchir que votre entêtement à rester à un poste dont le sort vous avait éloigné, et auquel vous vous accrochez quand même, a donné et donnera lieu encore long-temps à vous accuser de prêter la main à cette dégoûtante comédie.

L?erreur que vous signalez en faisant observer que le conseil a été installé en 1832 et non en 1831, comme nous l?avons dit par inadvertance, ne change rien à l?ordre de sortie, puisque à la seconde comme à la troisième année, le renouvellement doit s?effectuer par tiers.

Au surplus, on ne vous accuse pas directement d?avoir trempé dans tout ce gâchis administratif. Seulement on vous conseille, et ce dans vos intérêts bien entendu, de ne pas prêter la main à pareille illégalité.

Vous paraissez tenir beaucoup à l?erreur insignifiante que nous avons commise dans notre N° 50, en annonçant que le sort vous a désigné comme premier sortant, tandis que véritablement votre nom fût sorti le dernier de l?urne. Eh bien ! nous vous répondons, que lorsque nous avons fait cette erreur, l?ordonnance préfectorale n?avait pas encore été affichée, et qu?il était fort indifférent alors que votre nom fût le dernier où le premier sortant, puisque, en définitive, on devait procéder à votre remplacement. Au surplus, nous vous le répétons, c?est moins vous que nous blâmons dans notre article, que l?ordonnance préfectorale ; mais nous vous y conseillons de ne pas vous prêter à cette illégalité révoltante, au risque de perdre toute la confiance qu?avaient mise en vous vos amis et vos frères.

 

MM. Bernard, chef d?atelier et gérant de l?Echo de la Fabrique, et Martinon, chef d?atelier, se sont présentés ce matin, à huit heures, chez M. Sigaud, gérant de l?Echo des Travailleurs, accompagnés de M. Matrod, président [3.2]de la commission de surveillance de l?Echo de la Fabrique, et l?un des rédacteurs de ce journal. M. Sigaud, après avoir déclaré n?avoir nulle connaissance de la note insérée contre MM. Bernard et Martinon, dans le n° 18 de l?Echo des Travailleurs du 1er janvier 1834, dans laquelle il est dit que : MM. Bernard et Martinon ont sollicité la croix d?honneur pour leur conduite en novembre 1831, a accepté, pour rendre raison de cette note, un rendez-vous pour midi au bureau de l?Echo de la Fabrique. M. Sigaud s?est présenté à l?heure convenue, accompagné de M. Falconnet, chef d?atelier, a de nouveau désavoué cette note, mais a refusé toute espèce de satisfaction à MM. Martinon et Bernard, déclarant qu?il lui fallait jusqu?au lendemain, à huit heures du matin, pour produire une prétendue lettre, sur l?attestation de laquelle la note calomnieuse avait été rédigée. Etonnés du délai demandé par M. Sigaud, pour la reproduction de cette lettre et la réparation vivement sollicitée, MM. Bernard et Martinon appellent lâches et infames calomniateurs les hommes qui se sont associés à la publication de cette note, et tiennent également M. Sigaud pour un lâche et infame calomniateur, s?il persiste à reculer devant la réparation qui lui a été demandée en sa qualité de gérant du journal l?Echo des Travailleurs.

Agréez, M. le Rédacteur, nos salutations respectueuses.

Lyon, 4 janvier 1834.

bernard, Gérant. martinon.

 DU CONSEILLER DES FEMMES.

Le Conseiller des Femmes, cette intéressante publication, fondée et dirigée par Mme niboyet, poursuit courageusement la tâche qu?il a entreprise, et d?honorables succès sont déjà le fruit de nobles efforts. ? Entourée de collaboratrices de mérite et de c?ur, parmi lesquelles nous avons surtout remarqué Mmes Louise Maignaud, Sophie Hulliac, Dudrezène, Louise Amon et Aimée Harelle, Mme Niboyet triomphera certainement des écueils qu?elle pourra rencontrer dans une route toute nouvelle, et qu?il lui faut se frayer en marchant.

Assurément il faut du courage pour remplir une mission aussi difficile, surtout à une époque où les femmes ne sont encore regardées que comme un meuble de salon ou de ménage, et réduites à la nullité la plus complète par l?éducation fausse et les préjugés ridicules sous le poids desquels nous nous plaisons encore, nous autres hommes, à les retenir opprimées.

Pour nous, travailleurs, qui jugeons l?ouvrier à son ?uvre, et qui avons suivi Mme Niboyet dès son début, nous sommes heureux de lui trouver tout le courage qu?exige sa position, et de lui connaître une somme de dévoûment bien capable d?agiter au c?ur de nos dames lyonnaises les nobles et généreux sentimens dont la nature a si richement paré leur sexe, et dont naguère encore elles ont noblement fait preuve en volant au secours des héroïques débris de la Pologne !

Aujourd?hui, c?est à doter notre ville de quelques écoles gratuites, fondées sur de sages et utiles bases, que Mme Niboyet les invite. ? Ecoutez, femmes lyonnaises, écoutez le projet qu?elle vous appelle à réaliser :

« Lyon est une ville immense, elle compte dans son sein plus de 170,000 habitans ; il lui est donné de faire de grandes choses, et elle le pourra quand elle le voudra. [4.1]Supposons que sur 170,000 habitans, 100,000 seulement souscrivent la somme de quatre sous pour la fondation d?écoles gratuites, n?est-il pas vrai qu?on n?aura de suite un capital de 10,000 fr. ? N?est-il pas vrai que si la ville ou les hospices veulent prêter quelques-unes des salles qu?ils ont de libres au centre de notre cité, il n?y aura plus à s?occuper des frais de loyer ? Cette somme de 10,000 francs, dès-lors répartie entre quatre écoles (deux pour les garçons, deux pour les filles), laissera à chacune d?elles 2,500 fr. ? N?est-il pas vrai encore que les enfans envoyés dans ces écoles pourront être employés à de petits travaux dont on fera tourner le produit à leur profit, afin de les encourager et de leur rendre leur tâche plus douce ? Par ce moyen aucun temps ne sera perdu, les travaux seront variés et l?éducation générale deviendra, par le fait, le premier degré de l?éducation professionnelle.

Les jeunes filles, attachées par leur travail, seront bientôt propres à tous les ouvrages de couture. On ne leur imposera pas une tâche, on la leur fera demander.

Chaque enfant, admissible à sept ans, pourra continuer ses études jusqu?à douze. Il y a donc lieu d?espérer que ce terme venu, les enfans seront bien préparés à commencer une nouvelle vie.

Les objets faits à façon ou fabriqués et vendus dans les salles, donneront à chacun sa juste rétribution, et il n?y aura pas lieu de redouter la vue des haillons, quand chaque enfant pourra gagner de quoi se vêtir. Maintenant, nous le demandons, quelle est la mère qui ne donnera pas quatre sous par an pour voir élever son enfant ? »

Emettre ici l?opinion que vous serez sourdes à la voix de Mme Niboyet, serait vous faire une injure que l?histoire est là qui nous dit que votre sexe n?a jamais méritée, et c?est lui rendre justice que de compter, au contraire, que déjà vous êtes prêtes à seconder ses courageux efforts !

Nous applaudissons encore à cet autre projet que vous présente aussi la directrice du Conseiller des Femmes ; écoutez :

« Parmi les femmes, les petites filles ne sont pas seules à élever, et beaucoup d?entre nous ont encore à apprendre.

Après avoir recueilli les voix des femmes les plus avancées, nous avons conçu le projet de fonder à Lyon, à dater des premiers jours de janvier, un Athénée spécial aux femmes et consacré à leur développement. Toutes ne seront pas appelées à être membres titulaires de ce corps, mais toutes pourront assister aux cours qui y seront professés. Ce sera une tribune morale et intellectuelle ouverte à toutes les femmes, et, nous ne doutons pas que les plus avancées, les plus considérées, celles enfin dont Lyon s?honore, ne s?empressent de répondre à notre appel. Il sera fait, à l?athénée, des cours de morale à la portée des femmes auxquelles la nature et le sort ont fait petite part. Il y aura aussi de hauts enseignemens où toutes celles qui se sentent force et puissance sont appelées.

[?]

Encore une fois, nous demanderons aux journaux leur appui, non pour une opinion, mais pour un but !!! Nous demanderons aux autorités administratives une salle, aux femmes leur sympathie, au monde son approbation, et, après avoir tant demandé pour notre sexe, nous lui dirons, à lui qui ne nous connaît pas encore : [4.2]Nous voici, nous venons vous aider à faire le bien, vous en donner les moyens ; si quelqu?une suspecte notre bonne foi, qu?elle juge nos ?uvres et qu?elle blâme après, si encore elle peut le vouloir !? »

Certes, voila pour les dames lyonnaises une belle occasion et de donner carrière à de grands et généreux sentimens, et de sortir de la prison étroite et mesquine dans laquelle ont tenu leur sexe enfermé des hommes qui nous ont décrété des codes de sociabilité dont, fort heureusement, il ne nous reste plus que quelques vieux lambeaux. ? Comprendront-elles l?appel que leur fait Mme Niboyet, et enfin auront-elles le courage d?y répondre ? Nous l?espérons, et nous le désirons fortement, nous qui ne sommes pas législateur, et qui comprenons combien elles peuvent hâter cette réforme sociale devenue si urgente aujourd?hui.

 

Au Gérant de l?echo de la fabrique.

Monsieur,

Les ouvriers cordonniers de la ville de Lyon et de ses faubourgs ont certainement fait faire un grand pas au progrès en fondant la Société du parfait-accord ; car aujourd?hui, compagnons, sociétaires, indépendans, tous se tendent la main et s?entendent sur leurs intérêts ; haines, jalousies de profession, rixes, tout a disparu ! Et cependant naguère encore ces différentes classes ne pouvaient se supporter en face les unes des autres.

Mais dès que nous avons vu un pas de plus à faire, nous nous sommes remis en marche : ? s?arrêter lorsque l??uvre est à peine commencée, c?eût été, nous le croyons, faillir à notre mandat d?hommes qui se sont dévoués pour le bien de tous? Dans la Société du Parfait-Accord, on se voit, on se parle, on traite de ses intérêts ; mais il y manque un lien de fraternité dont l?absence pourra produire de fâcheux résultats pour ses membres, si après avoir obtenu des maîtres les prix de façons demandés, la plupart venaient à se retirer croyant l??uvre accomplie ; car alors, profitant de cette désorganisation, les maîtres diminueraient de nouveau les salaires, et alors aussi recommenceraient les haines et les divisions entre les diverses classes de travailleurs.

C?est donc dans cette prévision, et pour éviter un aussi fâcheux retour, que du sein même de la Société du Parfait-Accord, nous avons fait surgir l?association des frères de la concorde.1? Notre but est de fonder une maison centrale de commerce : déjà nous avons réuni beaucoup de matériaux, et nous avons lieu d?espérer que bientôt nous pourrons commencer nos travaux.

Sociétaires du Parfait-Accord, gardez-vous de vous méprendre sur notre but ; en posant aujourd?hui les premières bases de notre maison, c?est aussi pour vous que nous travaillons ; car le temps est venu où le travail doit assurer à l?homme l?aisance et le bonheur, et repousser loin de nous tous la misère. ? Le temps est venu où le commerce ne doit plus à lui seul dévorer tout le fruit du travail ; il doit enfin changer et de mode et d?allure ; et c?est à le rendre profitable à tous que nous dirigeons nos efforts et que nous emploierons les fonds que nous avons recueillis et que nous recueillons chaque jour.

Vous qui, comme nous, êtes animés pour tout ce [5.1]qui tend au bonheur de l?humanité, vous viendrez à nous, nous l?espérons ! Vous viendrez, surtout lorsque vous saurez qu?au milieu de l?association des frères de la concorde, compagnons, sociétaires, indépendans, tous agissent, se traitent et s?aiment en frères.

Arborant pour drapeau cet antique et impérissable précepte : Fais à autrui ce que tu voudrais qui te fût fait, nous nous abstiendrons de tout acte attentatoire aux droits des autres hommes, quelle que soit du reste leur place dans la société ; mais, pour notre ?uvre toute sociale, toute démocratique, comme pour consolider notre union, on ne nous verra reculer devant aucun sacrifice.

mutuellistes !

Nous venons, à l?exemple des Unistes, signer à notre tour au grand traité qui doit lier fraternellement les travailleurs de toutes les classes, vous demander place sous votre drapeau, et aide et secours pour l?accomplissement de notre ?uvre d?émancipation et de progrès.

unistes !

Comme vous, nous désirons vivement l?alliance intime de tous les travailleurs. ? C?est pour marcher sur vos traces que nous nous sommes levés ; car le temps est venu de repousser loin de nous tous le lot de misères, de haillons et d?ignorance que nous ont légué l?égoïsme de quelques privilégiés et l?isolement des travailleurs. ? Enfin, le temps est venu où nous avons besoin du concours de tous pour le succès de ce grand ?uvre d?humanité ; c?est pourquoi nous vous tendons aussi la main, désirant comme vous que l?Echo de la Fabrique soit notre représentant à tous.

Mutuellistes stéphanois, Unistes, et vous Mutuellistes lyonnais ! qui les premiers sur la brèche avez reçu les premiers coups d?une législation rétrograde et donné le signal de l?émancipation des travailleurs ! accueillez la famille des Concordistes. Elle vous demande aujourd?hui place au milieu de vous comme bientôt, nous ne saurions en douter, viendront vous la demander d?autres associations entraînées par l?exemple que nous-mêmes avons suivi.

Les délégués des Concordistes,
(Suivent les signatures).

Note des Rédacteurs. ? Organes des Mutuellistes, et de notre tribune où nous avons appelé tous les travailleurs sans distinction aucune de professions, nous avons dit assez souvent et assez haut le but de cette association pour qu?il soit superflu d?y revenir aujourd?hui.? Les Mutuellistes de Lyon, en ce qui les concerne personnellement, applaudissent aux efforts des Concordistes, acceptent, en leur témoignant ici la sympathie la plus vive, l?alliance fraternelle qui leur est proposée, et ne négligeront rien pour les aider dans le but qu?ils se sont proposé, et faire triompher avec eux la cause de tous ; le droit au travail et à une distribution équitable des bienfaits de la production.

 

Nous avons lu dans le journal le Bon Sens un article que nous reproduisons aujourd?hui, moyennant quelques coupures que nous avons cru devoir faire, depuis surtout que le Journal du Commerce nous a fait savoir qu?il avait quitté sa plume pour l?honorable emploi de portier de M. le procureur du roi, chargé par conséquent du nous lire et d?éveiller la susceptibilité de son maître. ? Au surplus, en l?an de grace 1834, il est encore défendu [5.2]à tous Français qui n?ont pas versé quelques milliers de francs dans les caisses du fisc, de parler et des hommes qui gouvernent leur pays, et de leur façon de gouverner. ? Ainsi attendons ; patience, et puis nous verrons.

« La chambre des députés, nous l?avons dit cent fois, représente des intérêts spéciaux qui doivent nécessairement souffrir de tout changement introduit dans notre système financier, de toute amélioration apportée dans l?assiette et le mode de répartition des charges publiques. Cette raison suffit pour faire regarder comme fort difficile, nous devrions dire comme impossible, toute modification profitable au bien-être des masses.

Taxes indirectes, priviléges, monopoles, système des douanes, tout est à détruire, tout est à refaire, et cependant, quelle qu?en soit la nécessité, comment espérer que satisfaction sera donnée, sous ce rapport, aux exigences de l?opinion publique, lorsqu?il est malheureusement avéré qu?on ne peut rien obtenir que par la loi, et que la loi est faite par ceux-là même qui profitent des abus ?

[?]

L?agriculture souffre-t-elle de ce que les fers sont en France à un prix trop élevé ? Demande-t-elle que les tarifs protecteurs qui empêchent l?introduction des fers étrangers soient abaissés ou supprimés ?

L?industrie se plaint-elle de ce que le prix du combustible empêche les manufactures françaises de produire à bon marché, et de livrer à la consommation tous les produits qu?elle pourrait absorber ? S?indigne-t-elle de ce que, pour protéger les propriétaires des houillères françaises, on empêche l?introduction des charbons étrangers ?

L?ouvrier, le prolétaire réclament-ils contre les tarifs énormes qui frappent l?introduction des bestiaux étrangers, et font payer la viande de boucherie le double de ce qu?elle vaudrait si les tarifs n?existaient pas ?

Qui consulte-t-on pour savoir ce qu?il faut faire en pareille occurrence ? On consulte une assemblée qu?on décore du beau titre de comité général d?agriculture, des manufactures et du commerce ! on fait une espèce d?enquête à huis-clos, et on la proclame ensuite comme l?expression fidèle, désintéressée des v?ux du pays !

On bâtit sur cette enquête des projets de loi, on les porte devant les chambres qui votent par acclamation ; et la loi, ainsi préparée, ainsi discutée, est proclamée loi du pays, loi conforme aux v?ux nationaux librement et solennellement manifestés.

Après cela, qui oserait dire que le pouvoir n?a pas consulté l?opinion publique, qu?il ne s?est pas entouré de tous les documens, de tous les renseignemens qui pouvaient éclairer sa décision ? qui oserait prétendre qu?il n?a pas procédé par enquête ? qui oserait soutenir qu?il n?a pas déféré à la volonté du pays ?

Et voila comme on traite, le peuple ! voila comment on se joue de sa longanimité ! voila comme on prétend lui imposer le joug de la volonté générale !

Mais ce peuple n?est pas dupe des pièges grossiers qu?on tend à sa bonne foi : et, s?il ne siffle pas la ridicule comédie qu?on joue devant lui, et à ses dépens, c?est qu?il craint le désordre qui pourrait en résulter ; et il le craint parce que l?expérience est là pour lui rappeler que, dans les commotions sociales, c?est toujours lui qui est la dupe, c?est toujours lui qui tire les marrons [6.1]du feu ; mais, qu?on ne s?y fie pas, il pourrait bien un beau matin les tirer pour lui-même.

Ne sait-il pas, le peuple, que ce prétendu conseil général, appelé à le représenter dans les questions qui touchent aux intérêts de l?agriculture, du commerce et des manufactures, se compose exclusivement de délégués appartenant aux classes qui l?exploitent, aux classes qui vivent de priviléges, de monopoles, aux classes protégées par les tarifs ?

Ne sait-il pas, le peuple, que ce conseil tient ses séances à huis-clos, et qu?elles seraient publiques, si elles étaient destinées à des discussions générales ? Ne sait-il pas que, sur 138 membres dont se compose cette assemblée, les 30 représentans du conseil d?agriculture sont choisis par le ministre ; que, sur 60 membres formant le conseil des manufactures, les chambres consultatives des villes manufacturières n?en désignent que 20, et que les 40 autres sont à la nomination du pouvoir ? Ne sait-il pas, enfin, que les 48 membres du conseil de commerce sont désignés par des chambres de commerce élues par des notables désignés par les préfets ?

[?] »

 CONSEIL DES PRUD?HOMMMES,

(présidé par m. putinier, vice-président.)

Audience du janvier 1834.

Ponti appelle Bernasconi devant le conseil, parce que ce dernier occupe chez lui Moïse, qui n?a pas rempli les engagemens qu?il avait contractés envers lui. Le conseil, faisant droit à la demande de Ponti, condamne Bernasconi à 100 fr. d?indemnité, et renvoie les parties devant MM. Teissier et Berthaud, pour régler leurs comptes.

Mlle Sivet est une jeune personne qui tient à remplir ses devoirs religieux avant toute chose. Ce zèle, tant soit peu outré, a déjà motivé son renvoi de chez son premier maître d?apprentissage. Aujourd?hui Pellot, son nouveau maître, se plaint que son élève ne veut rien faire et demande la résiliation de son apprentissage. D?après le rapport fait par M. Martinon et les aveux de la jeune personne, le conseil résilie les engagemens, et condamne Mlle Sivet à 40 francs d?indemnité envers Pellot.

Germain se plaint que son maître Gerbou, tourneur, l?a frappé d?une manière qui ne lui permettra pas de travailler de quelque temps. Le conseil, sur sa demande, résilie les engagemens sans indemnité, et l?élève ne pourra se replacer que comme apprenti. Le conseil se déclare incompétent pour juger l?indemnité que réclame Germain.

 

Lyon, 28 décembre 1833.

Monsieur le rédacteur,

J?ai recours à votre extrême obligeance pour l?insertion de la réclamation suivante :

Les membres de la société d?échange s?intitulent Disciples de Fourier, et je trouve sur une des cartes d?entrée à leurs séances : Réforme industrielle et commerciale, désignation que le public de Lyon a pu lire sur les cartes que j?ai délivrées récemment, et qui est aussi le titre de notre journal. Je ne pense pas que l?intention de ces messieurs soit de faire croire, à l?aide de ces ressemblances dans les mots, qu?il [6.2]y en ait également dans les choses. Sans prétendre, en aucune manière, jeter de la défaveur sur leur entreprise, je prendrai la liberté, toutefois, de repousser leurs prétentions. Non ! les membres de la société d?échange ne sont pas les disciples de notre maître, pas même celui d?entre eux qui se donnait jadis comme l?auteur des ouvrages de Fourier, parce qu?il le croyait mort, et que ses idées lui semblaient bonnes. Ce qu?ils appellent leur système est en effet une idée empruntée à la théorie sociétaire ; mais ce n?est pas une raison pour qu?ils cherchent à établir entre eux et nous une solidarité que nous n?admettons en aucune manière. Nous protestons donc formellement contre cette assimilation de leur entreprise de commerce à notre ?uvre toute sociale. Nous espérons que le public ne confondra pas le système d?échange avec le système de Charles Fourier, et qu?il ne considérera pas comme disciples de notre maître des personnes que M. Fourier n?a jamais avouées, et parmi lesquelles se trouve l?auteur de l?usurpation peu honorable que j?ai rapportée plus haut.

Agréez, monsieur le rédacteur, l?assurance de la parfaite considération de votre très humble serviteur.

A. BERBRUGGER,
Disciple de Fourier, au nom de ceux de Lyon.

 

Nous recevons de M. Rivière cadet, l?un des disciples de fourier à Lyon, une lettre signée Ravet et publiée dans le journal la Glaneuse du 31, avec prière de l?insérer dans notre journal, en la faisant suivre de sa réponse au nom de M. Berbrugger, absent, et des disciples de Lyon.

Au Rédacteur de la Glaneuse.

Lyon, le 30 décembre 1833.

Monsieur,

Je trouve dans votre estimable journal un article concernant l?association commerciale d?échange, où MM. les disciples de Fourier ont pris plaisir à nous faire une attaque directe, en avançant que nous voulions singer leur société, et leur ravir le glorieux titre de réformateurs sociaux. Veuillez, dans vos colonnes, monsieur, nous prêter la même obligeance, pour y insérer notre réclamation.

Les disciples de Fourier n?ont jamais prétendu, je pense, avoir seuls le droit exclusif de graver sur leurs cartes d?entrée à leurs séances les mots de Réforme industrielle et commerciale ; et, dans tous les cas, nous pourrions réclamer la supériorité ; puisque, bien avant que M. Berbrugger ne vint à Lyon y façonner un prosélitisme, nous avions eu des assemblées qui portaient la même dénomination, et dès-lors, il était bien libre à nous de leur contester aujourd?hui ce petit avantage, à moins que ces MM. n?aient conservé dans leur dictionnaire de réforme sociale le mot : Monopole et ses conséquences.

Non, mille fois non ! nous ne nous sommes pas intitulés disciples de Fourier ; non, mille fois non ! nous n?exhausserons pas l?édifice grêle du Phalanstère. A nous, il nous faut des faits, et non, des utopies? et d?abord, nous rejetons comme un démenti formel, que l?un de nous se soit pavané des ouvrages de M. Fourier, parce qu?on le croyait mort, etc. A de semblables petitesses, nous n?avons fait que sourire.

Le système d?échange, quoi qu?en disent les disciples de Fourier, n?est nullement emprunté à la théorie sociétaire ; et cela est si vrai, que chez eux, la société doit toujours rouler dans le même cercle vicieux, le numéraire, qui a enfanté et produit tous les jours les crimes qui affligent l?humanité.

Ainsi donc, qu?on cesse de s?acharner contre une association qui grandit ; que le nouveau disciple de Fourier se rappelle qu?il est encore disciple du fondateur de l?échange, et qu?il n?ait pas l?ingratitude de venir désavouer aujourd?hui sa noble et ancienne croyance sur cette association.

Agréez, etc.
ravet.

Monsieur le rédacteur,

Au nom des disciples de fourier à Lyon, je viens attester la vérité des faits avancés dans sa lettre du 28 décembre dernier, par notre ami, M. Berbrugger.

Oui ! les membres de la Société d?échanges s?intitulent disciples de Fourier ! et cela est si vrai, que c?est devant moi et en présence du gérant d?un journal de cette ville, que M. Mazel jeune prenait ce titre que je l?ai forcé à quitter !

Oui ! l?un des membres de cette Société d?échanges [7.1]s?est pavané des ouvrages de M. Fourier, le croyant mort ! et celui-là est encore M. Mazel jeune. Et s?il nous fallait comme preuve, faire descendre jusqu?à lui l?autorité du nom de l?inventeur de la théorie sociétaire, nous le ferions, quelle que soit du reste notre répugnance à cet égard.

Non ! M. Berbrugger, disciple de Fourier, n?a jamais été l?apôtre du fondateur de l?échange, et il n?a, par conséquent, nul besoin de désavouer sa noble et ancienne croyance. ? Cette assertion est, comme le démenti formel de M. Ravet, une méprisable imposture.

Je ne m?attacherai pas ici à prouver que le système d?échanges est emprunté à la théorie sociétaire ; car mon intention n?est pas de discuter avec M. Ravet, qui ne la connaît pas plus que le cercle vicieux dans lequel roule la société, et qui n?a pas plus appris le dictionnaire des convenances que celui de la réforme sociale, proposée par M. Fourier. ? Ainsi je me hâte de terminer cette lettre en émettant de nouveau l?espoir que le public ne nous confondra nullement avec les membres de la Société des échanges, bien que ces messieurs aient cru devoir s?emparer de ce titre (la réforme industrielle et commerciale), qui depuis deux ans est celui du journal publié par notre maître et ses disciples de Paris.

Pour nous, nous nous croyons déjà riches du titre de disciples, nous gardons pour notre maître celui de réformateur social, et nous sommes loin de porter envie à la philantropie assez largement escomptée de MM. de la Société d?échanges.

Agréez, etc.

rivière cadet,
Disciple de Fourier, au nom des disciples de Lyon.1

note du rédacteur.? Nous n?ajouterons rien à ces différentes lettres, elles nous semblent de nature à mettre nos lecteurs dans le cas d?apprécier l?association d?échanges, et de rendre justice à qui elle est due.

 

Toutes les sections lyonnaises de l?association des Droits de l?Homme et du Citoyen se sont réunies mercredi dernier, en assemblée générale, dans la vaste salle de M. Bachelard, à Vaize. Un rapport sur l?état de la société en général, et de la société de Lyon en particulier, a été fait par un des membres du comité provisoire lyonnais. Il a montré quels progrès immenses la société a déjà faits en France, et à Lyon, quoiqu?en bien peu de temps. A la nomenclature qui a été donnée des villes et des cantons où l?association est fondée ou s?organise, il faut encore ajouter la ville de Rouen, dont le comité a adressé à celui de Lyon une lettre que ce dernier a reçue jeudi. ? L?assemblée a procédé à l?élection d?un comité central définitif, composé de sept membres. Le dépouillement du scrutin a duré quatre heures. Mais la majorité absolue des suffrages n?a été acquise qu?à six membres. La séance s?étant déjà extraordinairement prolongée, le septième membre sera nommé ultérieurement. Dès que le comité aura été complété, nous ferons connaître les noms des citoyens qui le composent.

 AVIS.

Nous croyons devoir mettre sous les yeux de nos lecteurs le texte même de la loi du 14 juin 1829, relative au cours des anciennes monnaies.

Article unique : « Les écus de six livres, trois livres, [7.2]les pièces de vingt-quatre sous, douze sous et six sous tournois, ainsi que les pièces d?or de quarante-huit livres, de vingt-quatre livres et douze livres, cesseront d?avoir cours forcé pour leur valeur nominale actuelle, au 1er avril 1834. Néanmoins, les percepteurs, receveurs particuliers et généraux les recevront au compte du gouvernement, pour leur valeur nominale actuelle, jusqu?au 1er juillet suivant. A compter de cette époque, ils ne seront plus reçus aux hôtels de monnaies que pour le poids qu?ils auront conservé, savoir : les pièces d?argent comme lingots, et payées comme lingots au titre de neuf cent sept millièmes, sur le pied de 198 fr. 53 c. le kil., et les espèces d?or, au titre de neuf cent millièmes sur le pied de 3,091 fr. le kil., conformément au tarif du 18 prairial an 11. »

 

Au Rédacteur.

Monsieur,

Je venais à peine d?être acquitté par le jury de l?accusation portée contre moi pour un discours prononcé sur la tombe de Mouton Duvernet, que j?ai été de nouveau arrêté. C?est la cinquième fois, depuis les événemens de novembre, que je suis en butte aux poursuites du parquet. Jusqu?à présent du moins, en attaquant ma personne, on avait respecté mon honneur : il n?en est pas de même aujourd?hui. On a besoin de salir l?homme absous par le jury, et l?on m?accuse d?escroquerie. Le journal de la police qui devrait être mieux instruit que personne, puisqu?il a les confidences du bureau de M. Prat, va plus loin que le parquet, et dit que c?est pour soustraction de minutes de jugement, et pour avoir détourné les deniers publics pendant que je remplissais les fonctions de commis greffier au tribunal de simple police de la ville de Lyon.

Tout est faux dans cette triple accusation : j?ai quitté volontairement le greffe de la police municipale en 1828 ; trois greffiers se sont succédé depuis cette époque ; des poursuites judiciaires sont dirigées contre l?un d?eux ; je n?ai jamais été son commis ; ce fait a été bien établi dans l?instruction.

Scribe par état, je faisais la besogne de quelques-uns des huissiers de service près ce tribunal, et j?avais ainsi connaissance des condamnations. Au mois d?avril de cette année, une décision ordonnait que tous les jugemens susceptibles d?appels ou d?oppositions seraient expédiés et signifiés ; dès-lors j?écrivais aux condamnés qu?ils eussent à se rendre auprès du ministère public afin d?acquiescer au jugement rendu contr?eux, ce qui leur évitait les frais d?expédition et de signification. Un grand nombre de citoyens ont été ainsi gratuitement avertis par moi, et je défie un seul d?entr?eux de dire qu?il m?ait donné, ou que je leur aie demandé la moindre rétribution pour ce fait.

Une vérification faite au greffe fit reconnaître que le greffier ayant reçu des amendes n?en avait pas tenu compte au fisc, et plainte fut portée contre lui au procureur du roi, en juillet 1833 ; vous remarquerez la date. Les contrevenans à qui on réclamait une seconde fois ces amendes, dirent les avoir payées au greffe à un grand blondin : j?ai le malheur d?être grand et d?avoir les cheveux blonds ; il n?en fallut pas plus pour être dénoncé par M. Trolliet, receveur de l?enregistrement. Cependant l?instruction de cette affaire a eu lieu ; les témoins confrontés avec moi ont déclaré [8.1]ne pas me reconnaître pour celui à qui ils avaient payé. A ma demande, M. Populus manda devant lui un commis greffier que les témoins reconnurent pour être le grand blondin à qui ils avaient remis leur argent.

Après ces preuves, j?espérais recouvrer ma liberté : on formula une autre accusation !? Les explications que je vais donner ne tarderont pas à la détruire, j?en suis certain. Sur près de quatre mille amendes que j?ai reçues des contrevenans et payées pour eux au fisc, deux sont demeurées entre mes mains, et voici comment : une femme Chanal, logeuse, chaussée Perrache, refusa d?aller acquiescer à son jugement, et me pria d?acquitter pour elle une amende de 18 fr. 60 c. dont elle me remit le montant, et dont je lui donnai un reçu, en lui recommandant de me faire prévenir lorqu?elle recevrait l?avertissement, attendu que c?était le moment seul où le receveur ayant l?extrait du jugement pourrait percevoir. Je ne revis plus cette femme. Avertie de payer, elle dit que je m?étais chargé de ce soin pour elle, et remit mon reçu au receveur qui, sans m?en donner le moindre avis, l?envoya au procureur du roi.

Le sieur Guy, voiturier à Cuire, était poursuivi par l?huissier de la régie de l?enregistrement pour une somme différente de celle à laquelle il avait été condamné. Il alla se plaindre au greffe, d?où on me l?envoya pour lui faire rendre justice. En effet, je vérifiai le jugement et reconnus l?erreur : Guy gagna 2 f. 20 c. qu?on lui demandait en trop. J?instruisis l?huissier du fait ; il suspendit les poursuites jusqu?au moment où un nouvel extrait serait délivré, époque à laquelle je prévins que je devais payer. M. Trolliet, averti de cette erreur et sachant sans doute que j?étais chargé d?acquitter, fit avec Guy comme il avait fait avec la femme Chanal, et l?un ne me prévint pas plus que l?autre. Le devoir de M. Trolliet était cependant de poursuivre le paiement de ces amendes ; s?il l?eût fait, les deux personnes qui m?avaient chargé de payer pour elles m?eussent prévenu et je n?eusse point été victime d?une sorte de guet-à-pens. Mais cela n?eût pas fait le compte de M. Trolliet qui se souvient que j?ai travaillé six ans au bureau de l?enregistrement, que les employés m?accordaient quelques capacités dans cette partie et en refusent et moi aussi à mon antagoniste. Je me suis même assez franchement prononcé sur son savoir, et dès-lors c?est une affaire d?amour-propre dans laquelle il a à se venger. Enfin, il a encore un grief à me reprocher, et le voici : en écrivant aux condamnés, pour leur éviter l?expédition et signification du jugement, je fais diminuer les recettes de M. Trolliet, car il y a du timbre et de l?enregistrement de moins. Lorsqu?un jugement est entaché de nullité, j?en préviens le condamné qui forme opposition, ce qui suspend les poursuites ; M. Trolliet, que je n?ai pas la complaisance d?avertir, continue, et lorsque le jugement est reformé, les frais ne sont pas payés et j?ignore à la charge de qui ils tombent.

J?ai dit toute la vérité ; on me jugera. Cette lettre a été écrite le lendemain de mon premier interrogatoire ; mes amis m?ont empêché de la publier, ils craignaient d?irriter les hommes à qui je dois ma captivité ; ils espéraient me faire obtenir ma liberté sous caution : elle me fut en effet promise moyennant 500 fr. Mes amis [8.2]les apportèrent, mais ce n?était qu?un leurre, ils avaient 500 fr., on leur en demanda 2,000 !?

J?attendrai donc en prison le jour du jugement, je l?attendrai avec calme et sans crainte, mais je n?ai pas dû par mon silence laisser plus long-temps planer sur moi des soupçons outrageans.

Recevez, monsieur, mes salutations fraternelles,

tiphaine.

 AVIS DIVERS.

(311) Une mécanique ronde de 12 guindres avec le détrancanage, de Delègue et Bailli, un pliage avec différens rasteaux. S?adresser à M. Curiat, quai Peyrollerie, n° 130.

(210) A VENDRE, ensemble ou séparément, 2 métiers en 6/4, en 1500 ; un métier de corps plein, suite d?ouvrage et suite du loyer si l?acheteur le désire. S?adresser au bureau.

(309) A VENDRE, pour cessation de commerce, 4 métiers travaillant, dont un en 6/4, un en 5/4, et deux en 4/4. On cédera la suite du loyer si l?acheteur le désire. S?adresser au bureau.

(305) On offre un emplacement pour un métier pour maître.
S?adresser au bureau du journal.

(307) A VENDRE, 2 métiers travaillant en 6/4, à 4 fils au maillon. S?adresser chez M. Rebeyre, liseur, rue Casati, n° 6.

(308) A VENDRE, un métier de 4/4, mécanique en 900, 4,000 maillons, et tous ses accessoires, ainsi que le mobilier si l?acheteur le désire. S?adresser à M. Hypolyte Collavon, chez M. Sabardisse, rue Madame, n° 6, au 4e, aux Brotteaux.

(309) CHANGEMENT DE DOMICILE.
Le sieur LATTIER, fabricant de peignes à tisser en tous genres, demeurant côte des Carmélites, n° 27, au 1er, est actuellement rue Vieille-Monnaie, n° 2, au 2e, du côté de la Grand?Côte, allée de la fontaine. ? Il tient un assortiment complet de peignes neufs et de rencontres, et fait des échanges.

(306) AVIS.
M. brun, plieur, demeurant place des Pénitens-de-la-Croix, est actuellement place St-Clair, n. 6, au 3e, sur le devant.

(304) A VENDRE, une belle planche d?arcades en 6/4, 4/4 et autres étroites ; rouleau de 6/4 de devant et de derrière ; d?autres en 5/4, 4/4 et 3/4 ; plusieurs peignes en 6/4 ; 5/4, 4/4 et autres largeurs et de tous comptes ; battans en 6/4 pour lancé, et autres de différentes largeurs ; le tout dans un état neuf. S?adresser au bureau du journal.

louis babeuf, rue st-dominique.
en vente
 :
DE LA COALITION
des chefs d?atelier de lyon,
prix : 75 centimes.
Par Jules Favre, avocat.
Au bureau de l?Echo de la Fabrique, et chez tous les libraires.

MÉTHODE
pour s?exercer et même
APPRENDRE À LIRE SANS MAÎTRE
.
prix : 1 franc.
A Lyon, chez J. perret, rue St-Dominique, n° 13.

Notes (  Des Tonneliers et des Crocheteurs. En 1830,...)
1. Cet article ainsi que le suivant permettent, une nouvelle fois, de relever l?importance grandissante que prend alors, dans le journal des mutuellistes, la critique des corporations et de l?esprit de restriction et de monopole. Dans cette période, le basculement des idées s?accélère. En décembre 1833, le mutuellisme lyonnais avait fait sa mue. L?ancien Conseil des présidents de centrales avait été déposé car jugé trop modéré, trop timide. Une nouvelle génération plus offensive avait pris en main les destinées du mutuellisme et sera à l?origine de la grève de février 1834.

Notes (  Au Gérant de l? echo de la fabrique ....)
1. Parallèlement à la critique des vieux réflexes corporatistes ? chez les boulangers, chez les tonneliers ?, on voit s?affirmer peu à peu une direction nouvelle de la notion d?association. Se distanciant de l?origine strictement professionnelle et de la réalité des corps de métiers traditionnels, l?association se conçoit désormais sur un mode plus large et plus ambitieux et l?horizon devient l?établissement d?une association de toutes les associations. Cette évolution rencontre et se métisse en partie avec les revendications et l?action des républicains dont ce numéro du journal des canuts mentionne les progrès en faisant écho à l?organisation à Lyon de la Société des Droits de l?Homme.

Notes (  Nous recevons de M.  Rivière cadet , l?un...)
1. Cet échange que vient clore l?intervention de Rivière cadet (qui prendra en main la direction de L?Écho de la Fabrique peu après le retrait de Bernard) permet d?observer  la présence et l?influence intellectuelle et institutionnelle croissantes des fouriéristes lyonnais dans les orientations du journal des canuts. Le profil éclectique de Rivière cadet, industriel en soierie, républicain converti au fouriérisme, proche des jeunes mutuellistes, résume assez exactement les orientations de cette dernière période du journal

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique