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19 janvier 1834 - Numéro 55 |
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ÉLECTION DES PRUD’HOMMES.
Dimanche, 12 courant, les électeurs de la 4e section se sont réunis pour nommer un prud’homme en remplacement de M. Charnier, que le sort avait désigné comme sortant. Sur 111 votans, M. Charnier a obtenu 107 suffrages. Les électeurs ont déclaré unanimement nommer ce candidat à la condition expresse qu’il refuserait de siéger le jour de l’installation, si M. Labory s’obstinait à siéger en dépit du sort qui l’a exclu du conseil. Après cette énergique déclaration, M. Charnier a pris la parole en ces termes : « electeurs ! « Je comprends ce que veut dire une réélection presque unanime. Je comprends que j’ai représenté une opinion qui est la vôtre, chaque fois que j’ai discuté en faveur de la libre défense, et en appuyant toutes nos discussions sur le texte de la loi. « Je continuerai la marche tracée par mon serment de fidélité aux lois. « Enfin, ayant été appelé, de concert avec mes collègues et confrères, à fournir des renseignemens sur le compte des emprunteurs à la caisse de prêts, ces renseignemens n’ayant pas été jugés suffisans par la commission exécutive, je m’offre à en fournir de nouveaux ; mais à condition que les prud’hommes négocians y coopèrent, sans jamais dépasser les bornes de la délicatesse, d’une manière capable de compromettre la dignité des fonctions dont vous m’avez revêtu. » M. Charnier a eu, pour ce peu de mots, plusieurs interruptions à essuyer de la part de M. Raymond, président de l’assemblée, qui avait peut-être mission de [1.2]lui imposer silence. Malgré cela, il a été compris ; et l’on nous fait espérer que ce peu de mots nous vaudra des éclaircissemens complets sur la caisse de prêts. Nota. La 7e section, convoquée pour le même jour, à la Croix-Rousse, a élu M. Dufour en remplacement de M. Martinon, démissionnaire.
M. Ray, qui avait pris la parole au nom des électeurs chefs d’atelier de la 4e section, lors de l’élection de M. Charnier, a été appelé jeudi dernier auprès de M. le préfet qui l’invitait, dans la même lettre, à se faire assister des autres électeurs qui voudraient l’accompagner. M. Ray jugea convenable, pour éviter toute rivalité, de s’adjoindre seulement l’élu de la majorité. En conséquence, ces deux chefs d’atelier se rendirent dans le cabinet de M. Gasparin où eut lieu une explication qui amena des éclaircissemens de part et d’autre, dont voici le résumé : D’abord on discuta sur la préférence accordée à M. Labory, prud’homme sortant. La véritable cause de la prolongation de ce fonctionnaire, dit le préfet, c’est l’impossibilité de faire concorder l’exécution de la loi avec celle de l’ordonnance royale. A quoi les chefs d’atelier répondirent : que l’on devait accorder la préférence à la loi, et que s’ils eussent été préfet, ils auraient dissous le conseil. C’est, répondit le préfet, précisément ce que je vais demander, et au même instant un employé lut le projet d’ordonnance dont voici la substance : La section de fabrique sera dissoute. Elle sera reconstituée conformément à l’ordonnance du 18 juin, mais d’une manière qui précisera l’ordre de sortie et celui de remplacement au cas de décès ou de démission, c’est-à-dire que les élections des remplaçans auront lieu sous un laps de temps égal à celui qui restait à faire au fonctionnaire décédé ou démissionnaire. D’après l’opinion émise par les deux chefs d’atelier, qui ont déclaré connaître les intentions de leurs confrères, le préfet a promis de demander : 1° l’élargissement du système électoral en y admettant les maîtres possédant deux métiers. 2° Le droit de libre défense. Ils ont aussi instamment prié ce magistrat de demander à ce que la section de fabrique constitue à elle seule un conseil particulier. C’est ce qui ne leur est pas permis [2.1]d’espérer, vu que M. le préfet leur témoigna prévoir que le ministère n’en ferait rien. Eh bien ! Nous, journalistes, qui avons mission d’éclairer le peuple, nous pensons que si les électeurs réclamaient tous ce droit, qui est de toute justice, ils l’obtiendraient, par la raison qu’une pareille demande est conforme au but du législateur, qui a eu l’intention, en créant les conseils de prud’hommes, d’instituer des juges instruits dans des spécialités industrielles – de faire juger les citoyens par leurs pairs et leurs élus. Nous reviendrons sur cet intéressant objet. Ce sera le sujet d’un prochain article.
Des Tonneliers et des Crocheteurs. (deuxième article.) Nous avons dit, dans un précédent article, que la loi proscrivait les corporations ; nous disons, aujourd’hui, que l’intérêt de la cité en exige l’abolition, qu’il veut que l’exploitation de nos ports soit accessible à tous, et que les compagnies de crocheteurs ne puissent pas en expulser les malheureux qui viennent y chercher des ressources contre la misère. Ces vérités sont tellement palpables qu’il semblerait superflu de les développer ; cependant les crocheteurs se cramponnent à leurs privilèges, et la raison publique seule pourra les en séparer. Pour aider au progrès de la raison publique, pour porter la conviction dans tous les esprits, nous devons reproduire quelques considérations sur lesquelles chacun sans doute s’est déjà plus d’une fois arrêté. La liberté de travail est de droit naturel, et les lois civiles ne doivent la restreindre que lorsque l’intérêt de tous le commande ; or, cet intérêt de la cité veut-il l’organisation des crocheteurs en compagnie et leur possession exclusive de nos ports ? Non évidemment. Le but de toute administration habile et soucieuse du bien-être de ses administrés, est de faire en sorte que tous obtiennent du travail, et puissent vivre de son produit : or, le privilège est un empêchement insurmontable à ce que tous obtiennent du travail, à ce qu’il soit également réparti entre tous. Le privilège fait enfouir les capitaux et tarit ainsi les sources du travail. Avec le privilège, quelques hommes s’enrichissent, tandis que, misérables parias, d’autres ne peuvent satisfaire aux premiers besoins de la vie. Ainsi, chaque jour, les crocheteurs promènent sur nos quais leur oisiveté grassement rétribuée ou passent un temps précieux dans les joies grossières du cabaret, tandis qu’une foule d’hommes repoussés des ports, souffrent de froid et de faim. Il est de notoriété publique qu’ils travaillent à peine le tiers de la journée, et ce peu d’instans occupés fournit cependant aux besoins de leurs ménages, à la réalisation de quelques économies et à d’amples et quotidiennes libations. A Dieu ne plaise que nous soyons jaloux de leur bien-être ; nous vomirions qu’il fût le partage de tous nos concitoyens, mais le privilège s’y oppose invinciblement, il fait quelques heureux et frappe de misère le plus grand nombre. C’est là ce dont nous nous plaignons, et de même que nous ne voudrions plus de ces fortunes colossales qui sont écrasantes et ruineuses pour le pays, mais bien des fortunes moyennes en faisant la richesse et la prospérité, de même nous ne voudrions chez les crocheteurs point de ces gains excessifs en quelques heures, en face d’hommes manquant de pain, mais bien du travail pour tous et cette honnête aisance qui les rendront [2.2]tous heureux. Que le monopole disparaisse, que nos ports soient accessibles à tous, et cette aisance arrivera bientôt. Les crocheteurs n’en souffriront pas car les commerçans, affranchis d’un monopole si gênant pour eux, seront plus libres et plus hardis dans leurs spéculations, les opérations commerciales seront plus multipliées, et nos ports seront animés d’une nouvelle vie : il y aura plus de travailleurs sans doute, mais il y aura plus de travail, le prix en sera mieux réparti ; et là où quelques centaines d’hommes vivaient grassement, des milliers d’hommes trouveront honnête aisance pour eux et leurs familles ; nos rues et nos places publiques ne seront plus le forum corrupteur d’hommes valides et laborieux rejetés dans une dangereuse inaction par les privilégiés ; nous ne les verrons plus, nouveaux lazzaroni, promener sur nos quais leur paresse forcée, jusqu’à ce que, entraînés par de criminels entourages, ils tournent contre le sein de la société une force et une énergie dont elle aura dédaigné de profiter. Mais, pense-t-on que ces monopoleurs, ces privilégiés soient bien utiles à la cité ? Pense-t-on que cette vie mêlée chaque jour de durs travaux et de longues jouissances de table, en fasse des hommes extrêmement recommandables ? Ne seraient-ils pas meilleurs pères, époux et citoyens, s’ils cherchaient, dans le calme du foyer domestique, un repos et un délassement qu’ils demandent vainement à l’assourdissant tumulte des tabagies ? Ils seraient les premiers à ressentir les heureux résultats de l’abolition de leur privilège ; ils jouiraient d’une meilleure santé, auraient plus de satisfaction intérieure et leurs affaires n’en iraient pas plus mal ; les bureaux de charité auraient moins de familles à secourir, les tribunaux correctionnels et les cours d’assises moins de malheureux à frapper. La loi, nous l’avons dit, condamne le monopole, l’intérêt de la cité le prescrit, et cependant il est plein de force, il se relève plus vivace que jamais, et semble vouloir dominer la réprobation universelle ; tantôt demandant humblement grâce, tantôt se présentant comme essentiellement utile à la cité, il se débat contre la mort qui s’approche inévitable. Aux supplications, nous répondons : nous ne voulons pas vous faire descendre jusqu’à la misère de vos concitoyens, mais nous voulons les élever jusqu’à votre aisance. Sur votre indispensabilité, nous disons : si vous stationnez sur les ports et êtes toujours prêts à déjouer les coups du sort, si toujours vous voulez avec courage disputer aux flots l’infortuné qu’ils emportent ou les riches cargaisons qu’ils menacent d’engloutir, vous remplissez un devoir ; et quel est le citoyen qui, dans ces momens terribles, reste froid et impassible spectateur ? Est-ce chez les crocheteurs seuls qu’on trouve dévoûment et courage ? Quel est donc celui d’entr’eux qui pourrait justifier de plus de récompenses honorables que le citoyen Esbrayat ? Au reste, plus il y aura d’hommes admis à travailler sur nos ports, plus il y aura d’hommes empressés à prévenir les sinistres trop fréquens dans les débordemens de nos rivières et de nos fleuves. Si de ces considérations générales, nous descendons à la question particulière qui nous occupe, si nous examinons la juste réclamation des tonneliers, nous serions tentés de dire, si nous ne haïssions avant tout les privilèges, que seuls ils devraient être chargés de l’embarquement et du débarquement des vins ; car dans ces mouvemens de vins, si quelques accidens surviennent, qui peut y porter un prompt remède, sinon les tonneliers, puisque ces travaux sont du ressort exclusif de leur profession ? Les crocheteurs ne peuvent s’occuper que du transport des fardeaux proprement dits ; ils ne [3.1]savent rien, ils n’ont jamais essayé d’aucune profession ; ils n’ont que la force ; ce sont des instrumens qu’il faut diriger ; ce sont des bras auxquels il faut une tête. Ils devraient donc être écartés de tous travaux qui exigent quelques connaissances, et lorsque ces travaux se rattachent à une profession, ils devraient être réservés aux gens de cette profession, aux hommes du métier : l’intérêt des propriétaires l’exigerait. Mais les tonneliers sont loin de revendiquer le droit exclusif d’opérer les embarquemens ou les débarquemens des vins ; quoique ces travaux soient une dépendance nécessaire de leur profession, ils ne demandent pas qu’ils soient interdits aux crocheteurs, ils ne veulent que la libre concurrence. Que les marchands puissent confier leurs vins à qui bon leur semble, aux crocheteurs, tonneliers ou autres, qu’il n’y ait plus monopole, tel est le vœu des tonneliers. Ce vœu est conforme à la loi, nous l’avons démontré dans un premier article ; sa réalisation est dans l’intérêt de tous, chacun le comprend, et cependant l’administration s’opiniâtre dans une coupable résistance à la volonté de la loi, à l’intérêt de la cité ; et cependant de douloureux débats, des luttes violentes ont ensanglanté nos ports !!! Magistrats ! Vous devez prévenir toute collision nouvelle, c’est votre devoir. Si de nouveaux malheurs survenaient, la responsabilité en pèserait sur vos têtes, et la presse aurait aussi alors à remplir un devoir auquel elle ne faillirait pas : elle dénoncerait à l’opinion publique l’administration qui, sottement stationnaire, maintiendrait, contrairement à la loi, contrairement à la raison universelle, des privilèges qui ne peuvent plus avoir vie sous le principe de la souveraineté populaire. Liberté, égalité pour tous, voila notre bannière ; nous forcerons l’autorité à s’y rallier, et les crocheteurs, revenus à de meilleurs sentimens, à des idées plus nettes, plus claires sur leur position, comprendront qu’ils n’ont d’autre appui que l’injustice, et que c’est vouloir se préparer une ruine prochaine, qu’asseoir son avenir sur d’aussi fragiles bases.
Nous regardons comme un devoir de publier la lettre suivante que nous adresse M. labory. – Nous ne rentrerons pas de nouveau dans cette discussion ; mais nous croyons qu’il eût été de son intérêt de sortir au plus tôt de la situation fâcheuse dans laquelle il se trouve en face de nous, organes de ses mandataires, bien plus que de nous écrire cette lettre qui, nous regrettons d’avoir à le dire, ne détruit en aucune façon les préventions généralement élevées contre lui. Au Rédacteur. Lyon, 17 janvier 1834. Monsieur, Votre article du 12 janvier 1834, en rappelant à vos lecteurs la note du 5 déjà dirigée contre moi, m’engagerait à continuer avec vous une polémique que je me hâte au contraire de terminer aujourd’hui. Ce que vous appelez de la susceptibilité, chez moi n’est autre chose qu’un juste ressentiment des soupçons que l’on se plaît à faire planer sur moi. Vous m’accusez d’entêtement ! Je ne reste, Monsieur, que là où ma conscience me dit de rester. Je ne m’accroche et ne m’accrocherai jamais nulle part. Enfin, je ne suis et ne serai non plus ni l’esclave, ni l’instrument de personne. Vous dites, Monsieur, que je tends la main à l’illégalité. [3.2]A votre place j’eusse attendu son œuvre pour juger l’ouvrier. Vous me demandez aussi mon opinion sur l’ordonnance préfectorale et son esprit impopulaire ! Si vous ne m’aviez mis dans l’impossibilité de vous répondre, je le ferais aujourd’hui. Du reste, Monsieur, je me soumets avec confiance au jugement des miens pour mes actes passés ; rien que pour mes actes passés ! Qu’ils veuillent bien attendre pour ceux encore dans l’avenir. Vous me demandez encore, monsieur, si je suis transfuge ! Mais suis-je donc au camp des traîtres ?… Enfin, Monsieur, plus que vous je me sens et suis réellement affligé ; car en face de soupçons si injurieux, je ne puis que garder le silence. Agréez, etc. labory.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES,
(présidé par m. Riboud.) Audience du 16 janvier 1834. Riboulet, chef d’atelier, avait pris en apprentissage, pour 4 mois seulement, la femme Binet. Le conseil, considérant que la durée de cet apprentissage ne pouvait être suffisante pour l’instruction de l’élève, et par conséquent ne pouvait être que lésif aux intérêts de la dame Binet en particulier, et de la fabrique en général, résilie les engagemens sans indemnité. Lorsqu’un maître renvoie son apprenti, il perd ses droits à une indemnité et les engagemens sont résiliés. Ainsi jugé entre Botto et Dlle Bariot. Lorsque la mauvaise conduite d’un élève est constatée par une enquête, le conseil résilie les engagemens avec indemnité. Ainsi jugé entre madame veuve Delorme, chef d’atelier, et madame Truchet, qui paiera 100 fr. d’indemnité et l’arriéré des tâches de son fils. Botto, chef d’atelier, fait appeler Desgaultière pour lui réclamer une indemnité sur un montage de métier qui n’a fait qu’une pièce. Desgaultière prétend que c’est la faute du maître qui n’a pas rendu une journée moyenne. Botto déclare que la pièce était inférieure, ce qui a été constaté par une enquête. Nonobstant ses justes observations, le conseil alloue seulement 25 fr. d’indemnité au maître, et le déboute de sa demande en indemnité de temps perdu. Lorsque les deux parties contractantes ne sont pas d’accord sur les conditions de l’apprentissage définitif, la durée du temps de l’essai est payée au maître à raison de 50 c. par jour. Ainsi jugé entre Falquet et Dor. D’après le rapport des arbitres dans l’affaire Damirou et Cancalon (voir notre n° 54), le conseil décide qu’une indemnité de 36 fr. 60 c. sera allouée pour tout dédommagement à Cancalon ; malgré les réclamations du chef d’atelier, qui invoque le bénéfice de l’art. 1794 du code civil, le conseil passe outre et le déboute de sa demande. Nous reviendrons sur cette affaire dans notre numéro prochain.
Au Gérant. Lyon, 14 janvier 1834. Monsieur, Veuillez insérer dans votre estimable journal la note suivante : Il est de mon devoir de démasquer certains charlatans [4.1]qui n’ont de mécanicien que le nom, et qui, par des promesses qu’ils ne tiennent pas, cherchent à surprendre la confiance des acheteurs. Je veux parler ici du sieur Dazon, soi-disant mécanicien, mais tout simplement serrurier et fondeur. Voici le fait : M. Dubois, marchand de métiers, me livra, il y a à peu près un mois et demi, une mécanique en 750, sortie des ateliers dudit serrurier-fondeur. Elle me fut garantie ; mais, à peine fut-elle garnie, que je m’aperçus qu’elle ne pouvait pas travailler sans réparations. M. Dazon se rendit à la maison, et, après l’avoir examinée, déclara qu’elle ne pouvait se ranger que dans son atelier, et l’emporta. Lorsqu’elle me fut rendue, M. Dazon m’en assura de nouveau la garantie, ajoutant que je n’aurais désormais à faire qu’à lui seul en cas d’un nouveau dérangement. Je le crus et montai mon métier. Mais la mécanique n’a jamais pu travailler. L’ouvrier du sieur Dazon a fait au moins dix courses pour venir la ranger, et il a fini par déclarer qu’elle était irréparable, et qu’il fallait qu’elle soit entièrement démontée. On m’en a donc fourni une autre après neuf jours d’attente. Enfin, depuis le 11 décembre jusqu’au 6 janvier, mon métier a rendu pour 30 fr. de façon (métier de corps plein à 55 c. le mille) ; et lorsque j’ai réclamé au faiseur de prospectus, de vouloir bien réaliser ses promesses, il m’a payé sur-le-champ… en injures. Agréez, etc. A. noyer. P. S. Afin de ne pas m’écarter de la vérité, j’ajouterai qu’après avoir reçu un billet pour comparaître par devant les prud’hommes, le sieur Dazon me fit offrir 30 fr. ; je répondis à cela que les journées d’un chef d’atelier ne se payaient pas comme celles d’un lanceur.
Nous avons lu ce qui suit dans le Précurseur du 13 janvier 1834 : « La mise en liberté de M. Raspail vient de soulever encore de nouvelles difficultés de la part du fisc, qui semble ne pouvoir se résigner à lâcher sa proie. « Condamné différentes fois à différentes amendes, M. Raspail avait subi, pour cet objet, un emprisonnement de quatre mois, qui ont expiré à la fin du mois de décembre dernier ; il pouvait donc croire qu’il avait entièrement payé sa dette, puisque cette durée de quatre mois était précisément celle prescrite par la loi du 17 avril 1832 sur la contrainte par corps. « En conséquence, il s’était pourvu devant le tribunal de première instance afin d’obtenir sa mise en liberté. « Mais Me Teste, pour le trésor, a soutenu qu’il ne pouvait être question de l’art. 35, puisque cet article n’est applicable que lorsqu’il ne s’agit que d’une amende de 300 fr., et que M. Raspail n’est pas dans ce cas ; que le seul article qui pût être invoqué était l’art. 40 qui inflige un emprisonnement d’un an à dix ans, lorsque l’amende excède 300 fr. ; qu’à la vérité cette peine devait être prononcée par la cour d’assises, et qu’en supposant qu’elle ne pût l’être par le tribunal, il faudrait au moins appliquer par induction l’art. 53 du code pénal, qui prononce un emprisonnement de six mois, et que M. Raspail ne pouvait demander sa mise en liberté qu’à la fin du mois d’avril. « Ce système a été vainement combattu par Me Dupont, qui a soutenu, pour M. Raspail, qu’on ne pouvait faire revivre les dispositions de l’art. 35, puisqu’il a été abrogé par les dispositions de la loi nouvelle sur la contrainte par corps. [4.2]« Ce tribunal, après un fort long délibéré, a, par un jugement fort longuement motivé, consacré les prétentions du fisc contre M. Raspail, qui aurait encore deux mois d’emprisonnement à subir. « M. Raspail a aussitôt interjeté appel de ce jugement. L’affaire doit venir samedi prochain à la cour royale. » Et voici ce que nous avons lu antérieurement dans le n° du 4 janvier de ce journal, lorsqu’il annonçait cette cause si intéressante pour les patriotes. « M. Raspail, libéré de la prison pour cause d’indigence, et M. Raspail, indigent par cause d’emprisonnemens successifs, est un fait qu’il faut laisser constater pour l’honneur du régime actuel. « Nous attendrons donc l’issue de cette affaire pour ouvrir une souscription destinée à payer l’amende qui retient en prison M. Raspail. « Cette amende sera bientôt couverte, car les hommes de notre parti n’ont pu manquer d’éprouver de la sympathie pour cet homme énergique, qui renonce depuis trois ans, nous ne dirons pas au repos et à une fortune bassement acceptée, mais aux paisibles et laborieux plaisirs de la science, et se laisse traîner de cachots en cachots, de cour d’assises en cour d’assises, loin des calmes et solitaires jouissances de l’étude, pour défendre et proclamer la vérité politique. » nota. Nous avons applaudi de grand cœur à la pensée généreuse du Précurseur ; et M. raspail ne rencontrera certainement pas parmi nous un travailleur qui ne soit heureux de contribuer de sa modeste bourse à la mise en liberté d’un homme qu’il a toujours vu au premier rang parmi les hommes courageux, dévoués à la défense du peuple et au triomphe de l’humanité !
L’association libre pour l’éducation du peuple1 avait ouvert différens cours publics et gratuits d’hygiène spécialement destinés aux ouvriers. Voici ce qui s’est passé tout récemment à l’une des séances. M. le docteur Gervais avait commencé son cours en présence de deux cents auditeurs environ. Après avoir reproduit rapidement le sujet de la leçon dernière, il abordait la leçon du jour, lorsqu’un commissaire de police et un officier de paix, décorés de leurs insignes, se sont présentés et ont été introduits. Le commissaire de police a exhibé sur-le-champ un mandat du préfet de police qui lui enjoignait de s’opposer à la continuation du cours d’hygiène et de faire évacuer la salle. M. Gervais lui a répondu qu’il ne reconnaissait à personne le droit de limiter la liberté d’enseignement, qu’il refusait d’interrompre la leçon que l’Association libre lui avait donné l’ordre de faire, et que pour l’y contraindre, il faudrait employer la force matérielle. Il a engagé en même temps l’assemblée à rester complètement étrangère à ce qui se passait et à ne pas entraver par une intervention passionnée les mesures que la commission et lui croiraient devoir adopter. MM. Audiat, docteur-médecin, Cercueil, manufacturier, commissaires délégués par le comité central pour assister le professeur et représenter l’association au besoin, ont pris la parole tour à tour, constaté la participation de l’association à ce qui se passait au cours d’un professeur nommé par elle, déclaré que l’opinion émise par M. Gervais sur la liberté d’enseignement était celle de l’association tout entière, et qu’ils protestaient en son nom contre tout empêchement apporté à la continuation de la leçon ; que, de plus, eux, commissaires délégués, approuvaient la résolution de ne céder qu’à la force. Après une sommation aussi inutile que la première, le commissaire est sorti pour appeler la force armée. M. Gervais a dit quelques mots qui ont suffi pour apaiser l’agitation bien naturelle de l’auditoire, et, pendant un quart-d’heure à peu près, il a continué sa leçon au milieu du plus grand calme. Le commissaire de police et ses agens, des sergens de ville, une compagnie de garde municipale, la baïonnette au bout du fusil, ont envahi la salle ; on leur avait facilité les abords de la chaire, ils l’ont entourée. M. Audiat a sommé aussitôt le commissaire de délivrer copie de son mandat. Pendant qu’il le transcrivait, les agens de police, les [5.1]gardes municipaux s’étaient mêlés à la foule et écoutaient avec intérêt la leçon qui continuait toujours. La copie terminée, le commissaire de police s’est approché de la chaire, et après avoir invité inutilement M. Gervais à interrompre la leçon et à congédier l’assemblée, il a ordonné à la force armée de l’y contraindre. Un sergent de la garde municipale, tenant son sabre dans la main gauche, est monté sur l’estrade et a touché de la main droite le bras du professeur qui à l’instant a cessé de parler. Il était trois heures, l’assemblée s’est séparée après avoir donné les témoignages les plus vifs de sympathie pour la conduite de l’association. (Bon Sens.)
De la Chambre des Députés. Ecoutez, lecteurs : il y a tantôt un mois que nos législateurs sont assemblés, prêts à clore leurs travaux, et fiers d’avoir, en trois années à peu près, entouré de leur loyal et surtout désintéressé concours, le trône aux institutions républicaines ; de lui avoir assuré pour cinq ans bonne et joyeuse vie, et sauvé cent fois au moins le pays des attentats des factions carlistes et républicaines. – Les voila à l’œuvre et prêts à ordonner leur cinquième budget. Attention ! Cette session, comme toutes les autres, a commencé par ces royales paroles : « Messieurs les pairs ! Messieurs les députés ! C’est toujours avec un nouveau plaisir, etc. » Le cadre de notre journal ne nous permet pas de nous étendre longuement sur le discours de Sa Majesté, et nous nous contentons, par conséquent, de vous dire que les factions carlistes et républicaines sont à jamais anéanties, et que nous pouvons compter sur la paix à l’extérieur comme nous sommes certains de la paix à l’intérieur. Après ce discours et quelques dispositions préliminaires, telles que la nomination des présidens, vice-présidens, questeurs, etc., etc., un projet d’adresse, duquel nous avons retenu les passages suivans, a été soumis à l’approbation et à la sanction des honorables membres ; puis une foule de bravos, de très bien, de marques d’assentiment, se sont fait entendre sur les bancs des sauveurs du trône. Voici ces passages : « La France élève une voix unanime pour mettre fin à toutes les manœuvres, à tous les obscurs complots qui tendent à arrêter ses nobles destinées. Autant elle proteste contre les fauteurs d’un régime de déception qui, sous le gouvernement déchu, a méconnu ses mœurs, ses intérêts et ses droits, autant elle repousse ces projets insensés qui tendraient à substituer un gouvernement électif à la monarchie héréditaire et constitutionnelle, autant elle s’indigne contre ces doctrines pernicieuses, ces passions violentes qui troublent toutes les existences, ébranlent la société dans ses bases, et menacent à la fois l’esprit de famille, le droit de propriété et l’essor de l’industrie et la liberté du travail. […] « L’activité de l’administration, la fermeté de la magistrature, le courage de la garde nationale et de l’armée, notre loyal concours, sont d’imposantes garanties pour la répression de ces tentatives anarchiques que repousse d’ailleurs l’opinion du pays, et qui sont frappées d’impuissance par la réprobation publique. Ce que veut fortement la France, Sire, c’est la monarchie constitutionnelle, c’est le système représentatif dans toute sa sincérité, ce sont les institutions qu’elle a conquises. » Vous entendez, lecteurs, la France ne veut plus d’institutions républicaines ; la France s’est trompée ! Et pourtant les peuples jamais ne se trompent… C’est du [5.2]moins ce que nous avons entendu dire quelque part par un haut et distingué personnage. Après la lecture de cette pièce, est venue la discussion. – D’abord nous voyons la tribune occupée par M. Salverte, membre de l’opposition ; après lui, M. Bérenger, député ministériel, puis M. Garnier-Pagès, ce député courageux si connu de la population lyonnaise. Après avoir combattu pied à pied le système de nos gouvernans, soutenu que l’organisation actuelle était fausse et qu’elle n’atteindrait ce degré de perfection auquel la société tend aujourd’hui, que lorsque tout individu aurait une juste part du bien-être auquel chaque homme a droit, M. Garnier-Pagès défend le droit d’association, puis il arrive aux coalitions. « Je sais, dit-il, qu’on a tâché de rattacher ces coalitions d’ouvriers à des motifs politiques ; on a fait des perquisitions pour prouver que des lettres écrites après l’événement avaient fait naître l’événement même, que les ouvriers étaient à la disposition du premier homme qui voulait faire un mouvement ; mais l’a-t-on prouvé ? Non, sans doute. Le mal matériel est réel : vous le dites dans votre adresse, on l’a dit aussi dans le discours de la couronne. Le mal matériel est réel, s’il est vrai que des corporations viennent faire entendre leurs plaintes, s’il est vrai qu’il ne soit pas au pouvoir de ceux auxquels ils s’adressent d’empêcher leurs souffrances ; s’il est vrai que l’autorité ne peut pas plus qu’elle ne le pouvait à Lyon, faire des tarifs ; s’il est vrai que nous devons laisser à chacun la liberté de faire ce qu’il croit devoir faire, il n’est pas moins vrai aussi que des hommes qui ont élevé des plaintes et n’ont vu apporter aucun soulagement à leurs maux, seront obligés de chercher ailleurs le moyen de les alléger. « Si la politique n’a pas donné naissance aux coalitions d’ouvriers, elle en sera la conséquence. » Après lui, M. Fulchiron s’élance à la tribune. – D’abord il remercie ses chers collègues d’avoir interverti pour lui l’ordre de la discussion ; puis il s’exprime en ces termes : « Cette tribune vient de retentir d’inculpations tellement graves contre l’ordre social en général, et contre une portion des habitans de la ville que j’ai l’honneur de représenter en particulier, qu’il est indispensable d’y répondre. « On a dit que les ouvriers en France, que les classes ouvrières n’avaient pas trouvé ce qu’elles avaient le droit d’espérer, non-seulement de la révolution de juillet, mais encore des révolutions précédentes. Relativement aux ouvriers de la ville de Lyon, on vous a dit que les promesses qu’on leur avait faites en novembre n’avaient pas été tenues. Je demanderai d’abord quelles promesses leur ont été faites ? A droite : Le tarif ! Le tarif ! « On vous a parlé des forts détachés de la ville de Lyon. On vous a dit que mes concitoyens s’en plaignaient. Tous mes concitoyens, messieurs, animés des plus nobles sentimens du patriotisme et du courage, ont la conscience que le système des forts détachés met la seconde ville du royaume à l’abri des attaques du dehors, leur permet de défendre leur sol et de déployer leur courage ! » Après, c’est M. Persil1, ce procureur-général si fameux, qui vient se défendre des attaques dirigées contre lui par son honorable collègue, M. Bérenger. Il regarde comme indispensable la presse de l’opposition, pourvu qu’elle se taise et s’agenouille devant tous actes, toutes violations de la souveraineté populaire, et s’il demande une réforme dans l’institution du jury, c’est [6.1]qu’il a vu que sur 20 de ses poursuites, 19 lui échappaient ; – c’est que 19 fois sur 20 le jury donnait un démenti à la cour et au tribunal ; – c’est qu’enfin le procureur-général A SU qu’un grand nombre d’acquittemens avaient lieu à 7 contre 5. (Vive interruption aux bancs de l’opposition.) D’où il est aisé de conclure que la loi du jury a besoin d’être amendée, vu l’aversion de M. Persil pour les défaites. Ensuite vient M. Guizot, qui regarde le gouvernement de juillet comme très légitime et non comme quasi-légitime, et qui se défend de l’avoir jamais regardé comme tel. (Il répond à M. Mauguin.) « Veut-on savoir, dit le ministre, ce que j’ai pensé, le voici : « Lorsqu’en juillet la part fut faite à la destruction, que le gouvernement qui existait fut renversé en 24 heures, j’ai pensé avec la masse du pays qu’il fallait un autre gouvernement monarchique, qu’il fallait une monarchie pour l’Europe… (Interruptions et rumeurs sur quelques bancs de la droite). « Messieurs, ne fait pas des rois qui veut ; il n’est pas au pouvoir, même de 32 millions d’hommes, de créer un roi d’un seul mot. « Il y a deux manières de faire des rois : d’abord comme l’a fait Napoléon, qui s’est fait roi par lui-même, par sa gloire, et après avoir sauvé son pays ; ensuite on peut être roi par la volonté du peuple ; ensuite, comme cela est arrivé en juillet, il existait un homme né prince et sur les marches du trône, il était (pardonnez encore cette expression) du bois dont la providence fait les rois. (On rit.) Eh bien ! Un peuple dans son bon sens, a dit : « Voila le roi qu’il nous faut ; c’est un prince appelé à monter sur le trône ; par sa situation forcée, il est d’accord avec nous, il est incorporé avec la cause nationale ! » Voila, messieurs, comme nous avons fait un roi ; et, je le répète, il n’était pas en notre pouvoir de faire autrement. » Ensuite M. Guizot, abordant la question des forts détachés, dit : « Je suis hors d’état de juger la question militaire, je ferai seulement remarquer à l’orateur que lorsqu’une vive opposition s’est manifestée contre ces forts détachés, il y avait deux ou trois ans qu’ils se faisaient au vu et au su de tout le monde. « Lorsque le gouvernement a fortifié Lyon, il a cru bien servir la population de cette ville, la garantir contre l’étranger : c’est uniquement dans cette vue que les fortifications de Lyon ont été élevées, et la population en est aujourd’hui pleinement convaincue. Si cependant il arrivait qu’un de ces grands désordres qui peuvent éclater, même dans le pays le mieux gouverné, se manifestât comme en novembre 1831, et que les forts détachés servissent à le réprimer… (Vives interruptions aux bancs de l’opposition.) » MM. Voyer-d’Argenson et Audry de Puyraveau, sommés par le général Bugeaud de donner des explications à la chambre sur leurs actes de citoyens, prennent tour à tour la parole, et voici ce que nous avons gardé de leurs discours : « On a parlé, dit M. Voyer-d’Argenson, du devoir qu’impose le serment. – Le premier de tous nos sermens n’est-il pas d’obéir à la souveraine volonté du peuple, et la souveraine volonté du peuple n’est-elle pas variable, progressive ainsi que la raison et la volonté d’une intelligence individuelle ? […] [6.2]« Je rougis d’être obligé de répéter des vérités aussi triviales. La souveraineté du peuple est proclamée en 1830, et certes elle avait assez glorieusement agi pour mériter d’être aussi légitimée. Quelques députés, se disant les organes de cette souveraineté, font une charte, s’en saisissent, et n’admettent parmi eux que des hommes disposés à répéter servilement la formule qu’ils ont dictée ; que dis-je, ils n’accordent le droit de suffrage (indépendamment d’un cens arbitrairement fixé) que sous la condition de réciter cette formule. Si bien que voila une nation qui sera souveraine, mais dont chaque citoyen devra renoncer individuellement à sa part de souveraineté. En conscience, c’est par trop abuser des mots et se jouer de la raison publique. » « Malgré les injures des feuilles stipendiées et certains réquisitoires, dit M. Audry de Puyraveau, on ne fera jamais croire à la France que la grande cité, ce pays des lumières, renferme une société d’hommes de désordres, de bouleversement et de pillage, même de la loi agraire, ce Croque-Mitaine des imbéciles. (Rires et murmures.) Juillet 1830 a prouvé le contraire de cette assertion machiavélique, jetée, sans être crue de ses auteurs, à la tête des niais. « Ce serait peut-être ici le moment de parler de moi pour détruire les calomnies dont je suis l’objet depuis si long-temps, mais elles n’en valent pas la peine, et je dois les estimer à la même valeur que ceux qui s’en sont rendus les colporteurs salariés. D’ailleurs, ceux qui me connaissent savent que je ne dois rien, ni à la révolution, ni à l’empire, ni à la restauration : la révolution de juillet a causé ma ruine (sensation), et j’ai acquis la haine du pouvoir. Ici l’orateur entre dans le récit de faits qui lui sont personnels. « Que l’on en finisse donc enfin, dit-il, et que l’on mette donc à exécution la sentence que Charles X avait prononcée contre moi ; je l’avais bien méritée au moins. Je l’attends sans crainte, ce ne sera pas trop pour expier le tort impardonnable d’être l’ami du peuple, de désirer son bonheur et de le croire possible. (Très vive impression. – On a remarqué que pendant ce discours M. le président s’est tenu debout.) » Maintenant c’est M. Thiers qui, de ce qu’il est venu s’asseoir au conseil du roi, à côté d’hommes ayant des titres magnifiques, de grands noms, de hautes positions sociales ou bien gagné des victoires, prétend qu’il n’y a plus d’aristocratie. Après avoir défendu et le ministre et l’homme de lettres, l’ex-protégé de M. Laffitte parle du calme profond qui règne dans le pays, boit de l’eau sucrée et termine à peu près ainsi son discours, qui nous a semblé n’avoir pas cette gravité qui convient à un ministre à la face du pays : « Le gouvernement a été attaqué par des émeutes, il a fallu livrer des batailles dans les rues. A-t-il fait tomber une seule tête ? Pas une. Véritablement dans un pays où la répression a été telle, dans un pays où l’on peut dire, en fait de procès intentés aux journaux : Il n’y a eu de procès faits qu’à ceux qui attaquaient le principe du gouvernement, au National et à la Tribune ; mais il n’y a pas eu un procès fait au Constitutionnel. (Marques d’adhésion.) A-t-on le droit de parler de persécutions ? « Nos honorables collègues de l’opposition ont fait l’examen de nos opinions, de notre système, de notre conduite. Eh bien ! qu’ils viennent dire avec nous qu’ils donneraient mille fois leur vie pour empêcher qu’une autre forme de gouvernement ne fût substituée à celle qui existe. Venez le dire comme nous l’avons dit et [7.1]comme nous l’avons confirmé par nos actes, car nous n’avons pas craint d’arracher des provinces qu’elle troublait par sa présence, une princesse fameuse ; car nous avons donné des gages que personne n’a donnés avec plus de force et de dévoûment. » Et puis c’est M. Odilon-Barrot, cet astre éclatant hier, mais si pâle aujourd’hui ! qui entre à son tour dans l’atelier où se fabriquent ROIS et LOIS, et propose d’intercaler dans l’adresse l’article qui suit : « La chambre des députés a l’assurance que le gouvernement de votre majesté a protesté contre l’état actuel de la Pologne, et qu’il réclamera toujours avec persévérance contre les persécutions infligées à cette brave et malheureuse nation. » (Appuyé ! Appuyé !) Enfin, voici venir pour la clôture de la discussion, M. Dupin aîné, l’honorable président de l’honorable chambre des députés : « Nous voulons, dit-il, un ministère qui soit un, solidaire, indépendant et responsable par conséquent ; deux chambres, pour éviter la tyrannie d’une seule ; le vote annuel de l’impôt, comme garantie souveraine, comme vœu de la majorité, exprimant le vœu du pays que notre devoir est toujours d’interroger ; la liberté de la presse : qui dira qu’elle n’existe pas ? le progrès, mais par les moyens constitutionnels, par une discussion régulière qui n’ait pas une révolution pour premier terme et l’anarchie pour dernier résultat. (Marques d’adhésion.) La liberté réglée par les lois, c’est ma devise : Sub lege libertas, et non pas cette liberté dont la devise est : Liberté ou la mort ! et dont la livrée est couleur de sang. » Ces préliminaires enfin terminés, il a été procédé au tirage au sort de la grande députation chargée de présenter l’adresse au roi. – Quelques députés, parmi lesquels M. odilon-barrot, s’étaient joints à cette députation, et l’adresse a été lue en présence de tous les ministres. – Le roi a répondu : Messieurs les députés, Je reçois avec satisfaction cette expression de vos vœux, etc., etc. Voila, lecteurs, tout ce qu’avait fait la chambre des députés lorsque nous l’avons quittée. Somme totale : vous avez entendu un honorable membre faire l’apologie des forts détachés, et dire que vous en étiez TRES SATISFAITS. Un ministre, dire que si un événement semblable à celui des 21, 22 et 23 novembre 1831, à Lyon, survenait, les forts détachés pourraient bien être bons à quelque chose… Puis un autre honorable membre, procureur-général, demander un jury plus conforme à ses goûts ; celui actuel n’étant pas en harmonie avec son ardent amour pour l’état de choses. Puis un autre ministre, dire que ses collègues et lui étaient prêts à sacrifier mille fois leur vie pour conserver la forme actuelle du gouvernement, et citer, comme un de leurs actes périlleux, MADAME arrachée aux provinces qu’elle troublait par sa présence… Des lois ? Elles ne vous manqueront pas : attendez. – La chambre basse (comme disent nos voisins d’outre-mer) en a fait CENT et plus l’année dernière. – Ne conviendrait-il pas mieux de passer de suite au budget ? – Qu’en pensez-vous, lecteurs ? Pour nous, nous en pensons bien quelque chose, mais penser est chose permise ; dire sa pensée c’est autre chose ; il faut mettre la main à la bourse et puis payer ! Et encore !…
CATÉCHISME POLITIQUE
de la sainte-alliance. [7.2]D. Qu’entendez-vous par Sainte-Alliance ? R. La confédération de ceux qui veulent des esclaves contre ceux qui ne veulent pas l’être. D. Quels sont les principes de la Sainte-Alliance ? R. L’absolutisme, la destruction de toute représentation nationale, de la liberté civile et des moyens de les conserver. D. Quels sont ses appuis ? R. L’ignorance, la superstition et le fanatisme. D. Et ses chefs visibles ? R. En Russie, l’empereur Nicolas, et en Angleterre, Wellington. D. Et ses principaux agens ? R. A Vienne, Metternich, et à Madrid, Zéa. D. Et ses organes ? R. Les prêtres et les moines. D. Et ses troupes ? R. Les miguélistes en Portugal, les carlistes en Espagne, les chouans et les verdets en France . (Indicateur.)
– Nos lecteurs nous sauront gré de les avertir qu’un grand nombre de pièces de cinq francs rognées sont en circulation. La plupart sont de 1833, à l’effigie de Louis-Philippe. Tout le cordon qui précède la feuille de chêne est adroitement enlevé. L’exergue : Dieu protège la France, est habilement remplacé par les mêmes mots, mais au lieu d’exister en relief, chaque lettre y est empreinte à l’aide d’un poinçon. Enfin, l’œil le mieux exercé n’est convaincu de l’altération de la pièce qu’en la comparant avec celle qui n’a rien souffert de l’instrument du coupable. (Gaz. des Trib.) – Il y a quelques années, un capitaine de corsaires enleva la femme d’un malheureux bûcheron des environs de Messine. Après l’avoir gardée quelques mois à son bord, il la déposa dans une île de la mer du Sud, sans s’inquiéter de ce qu’elle pourrait devenir. Le sauvage monarque de cette île, à qui on la présenta, en fut épris, l’épousa à la manière du pays, la plaça sur le trône, et lui laissa en mourant la souveraineté de ses états. C’est par un vaisseau européen, venant de l’Amérique, que le pauvre bûcheron a reçu tout récemment des nouvelles de sa femme ; elle lui a fait passer des présens d’une valeur considérable, qui vont en faire un des particuliers les plus riches de la Sicile, en attendant qu’il plaise à S. M. la reine son épouse de l’appeler à sa cour. (Bon Sens.)
Nouvelles Diverses. Une pétition adressée aux députés de la France, ayant pour objet de faire cesser le bannissement de la famille toute française de l’empereur Napoléon, est déposée dans les bureaux de l’Edilité parisienne1, rue Laffitte, n° 19, pour recevoir les signatures des personnes (de toute classe) qui ont conservé le souvenir des services rendus au pays par le chef de cette famille, et qui gémissent de participer par leur silence à une grande injustice. Les bureaux seront ouverts tous les jours de 10 heures à 4. C’est le général Bertrand2 qui s’est chargé, dit-on, de déposer la proposition tendant à demander le rappel de [8.1]la loi qui bannit les membres de la famille Bonaparte. On cite MM. Bérenger, Vial, Mauguin, Salverte, Cormenin, comme devant la soutenir. (Le Temps.) – Les étudians de l’Ecole de Droit de Poitiers ont envoyé l’adresse suivante à Mes Michel de Bourges, Dupont et Pinard : « La jeunesse française a de tout temps applaudi au talent et à l’indépendance ; elle remercie vivement les défenseurs des vingt-sept accusés des émotions brûlantes qu’ont réveillées chez elles leurs énergiques paroles. « Elle espère que le souvenir d’un réquisitoire haineux se perpétuera comme un monument éternel de la jalousie d’une magistrature qui se venge d’une victoire arrachée à de stériles efforts. Eloquence, grandeur d’âme, force de caractère, tout est là… Défenseurs, parez-vous de la vengeance du pouvoir ! Déjà la France a jugé vos juges. La jeunesse des écoles a foi dans son avenir ; elle aussi croit être un jour appelée à défendre, à faire vibrer les cœurs par les accens mâles de la vérité. Fière de marcher sous la bannière d’hommes libres, elle félicite ces athlètes du barreau de lui avoir tracé un bel exemple, de lui avoir découvert l’indépendance de l’avocat, dépositaire de l’honneur d’hommes injustement persécutés. « Honneur aux avocats français ! le jugement du peuple est sans appel. S’il flétrit à jamais les traîtres, il rendra justice aux martyrs de la liberté. » (Patriote du Puy-de-Dôme.) – Le budget de 1835, qui sera incessamment présenté à la chambre des députés, s’élève, pour les recettes, à 997 millions. Et pour les dépenses, à un milliard 64 millions. Pour combler le déficit, il sera ouvert un emprunt de 70 millions. Les causes principales de ce déficit sont : L’organisation de la réserve, six millions ; La formation d’un nouveau corps de gendarmerie dans les départemens de l’Ouest, 2 millions 500 mille francs. Plus, une augmentation de dépenses du ministère de la guerre de 11 millions, etc., etc. Ainsi, pour 1835, le fonds de l’amortissement, les contributions indirectes seront maintenus, et toutes les améliorations financières promises, et qu’on était en droit d’attendre de la révolution de juillet, seront encore ajournées. (National.)
AVIS. Le 3 décembre dernier, le sieur Combechèvre Fleury, propriétaire, demeurant au lieu dit de la Moussière, commune de Loire (Rhône), a disparu en sortant du moulin de Loire. On présume qu’il se sera noyé. Signalement. – Agé de 65 ans, taille de 5 pieds 4 pouces, cheveux et sourcils châtain foncé, front couvert, yeux roux, nez bien, bouche moyenne, menton rond, visage allongé, teint coloré, borgne de l’œil droit. Il avait pour vêtemens un habit en ratine bleu clair, un gilet et un pantalon marron, de grandes guêtres vertes, une chemise en toile marquée F. C., un chapeau noir à grands bords et des souliers forts. Le 5 du même mois, le sieur Etienne Buisson a quitté furtivement la commune de Mauguio (Hérault) où il est domicilié, emmenant avec lui une jeune paysanne de 17 ans. Signalement. – Agé de 32 ans, taille de 5 pieds 2 pouces, cheveux noirs, yeux noirs, teint brun, n’ayant point de favoris ; il est d’une forte corpulance. [8.2]Il portait, le jour de sa disparition, une redingote courte grise ouverte, un pantalon bleu et un chapeau noir. Le 22, Joseph Perret, âgé de 13 ans, a disparu du domicile paternel, rue Tronchet, n° 6, aux Brotteaux. Signalement. – Cheveux châtains, front grand, yeux bruns, nez épâté, bouche grande, dents blanches, menton rond, teint blanc. Il était vêtu d’un habit en drap noir et d’un pantalon bleu en mauvais état. Il avait un gilet en drap de soie bleu avec des boutons de nacre, un bonnet gris et des souliers lacés. Les personnes qui pourraient donner des renseignemens sur ces individus, sont priées de les adresser à la préfecture du Rhône, division de la police.
MONT-DE-PIÉTÉ. Il sera procédé, le vendredi 24 janvier courant, et jours suivans, depuis quatre heures après midi jusqu’à huit, dans la salle des ventes du Mont-de-Piété, rue de l’Archevêché, à l’adjudication, au plus offrant et dernier enchérisseur, de divers objets engagés pendant le mois décembre de l’année 1832, depuis le N° 77145 jusque et compris le N° 84457. Ces objets consistent en linge et hardes, dentelles, toiles, draps, glaces, bijoux, etc. Les lundis et les jeudis, on vendra les bijoux et l’argenterie, les montres et les dentelles, etc. ; Les mardis, les draps, percales, indiennes, toiles en pièces et hardes ; Les mercredis, les matelas, les lits de plume, les glaces, les livres reliés et en feuilles, les vieux papiers, autres objets et hardes ; Et les autres jours, le linge, les hardes, etc.
AVIS DIVERS.
Produit chimique, TABLETTES VÉGÉTO-MINÉRALES, Pour faire couper les rasoirs, canifs, instrumens de chirurgie, etc. Manière de se servir des tablettes : Vous frottez votre tablette sur un cuir, très légèrement, vous donnez le mordant à la minute. Prix des tablettes : 10 sous, 1 franc et 2 francs. Chez M. GUIOT, rue Bourg-Chanin, n° 12, au premier. (312) On demande une dévideuse à gage ou différemment. S’adresser à M. Gagnière, rue Dumenge, n° 13. (311) Une mécanique ronde de 12 guindres avec le détrancanage, de Delègue et Bailli, un pliage avec différens rasteaux. S’adresser à M. Curiat, quai Peyrollerie, n° 130. (210) A VENDRE, ensemble ou séparément, 2 métiers en 6/4, en 1500 ; un métier de corps plein, suite d’ouvrage et suite du loyer si l’acheteur le désire. S’adresser au bureau. (309) A VENDRE, pour cessation de commerce, 4 métiers travaillant, dont un en 6/4, un en 5/4, et deux en 4/4. On cédera la suite du loyer si l’acheteur le désire. S’adresser au bureau. (305) On offre un emplacement pour un métier pour maître. S’adresser au bureau du journal. (307) A VENDRE, 2 métiers travaillant en 6/4, à 4 fils au maillon. S’adresser chez M. Rebeyre, liseur, rue Casati, n° 6.
Notes ( L’association libre pour l’éducation du...)
. Avec la Société des droits de l’homme et l’Association pour la liberté de la presse, l’Association libre pour l’éducation du peuple constituait alors l’une des trois institutions majeures du mouvement républicain.
Notes ( De la Chambre des Députés. Ecoutez,...)
. Jean-Charles Persil (1785-1870), avocat libéral sous la Restauration, député puis procureur général près la cour royale de Paris. Ce partisan zélé du parti de l’Ordre, adversaire des associations, sera nommé en avril 1834 ministre de la Justice et des Cultes.
Notes ( Nouvelles Diverses. Une pétition adressée...)
. Il s’agit ici probablement de L’Édile de Paris. Journal des propriétaires, publié en 1833-1834. . Général Henri-Gatien Bertrand (1773-1844).
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