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16 février 1834 - Numéro 59
 
 

 



 
 
    
 

Au Rédacteur.

Monsieur,

Veuillez livrer à la publicité un fait dont j’ai été témoin ; le voici :

La nommée Agathe Deville, veuve Blanc, d’une conduite irréprochable, après avoir lutté jusqu’à l’âge de 83 ans contre la misère, et n’ayant plus la force de tourner le rouet qui l’avait toujours préservée des horreurs de la faim et de la mendicité ; logée dans un galetas exposé à toutes les rigueurs de la saison, elle n’avait plus la force d’agiter la paille de son chétif grabat. Enfin, privée de tous secours, elle m’avait prié de solliciter pour elle un asile au Dépôt de mendicité. Je n’ai rien négligé pour cela, démarches, sollicitations, pétitions, j’ai tout mis en œuvre, mais inutilement. Elle ne pouvait être admise sans subir l’humiliation réservée aux mendians vagabonds et errans. Il a fallu qu’elle se fît arrêter !...– Elle s’est placée sous le vestibule de l’Hôtel-de-Ville, et, à mon invitation, un agent est venu l’arrêter et l’a fait comparaître devant M. le maire, qui, après l’avoir interrogée, ordonna de la mettre à la cave. Cette sentence a été comme un coup de foudre pour cette malheureuse, qui, toute désolée, s’écriait avec la plus vive indignation : Que c’était une infamie de jeter dans une prison 83 ans d’une vie laborieuse et irréprochable.

Alors, M. le maire, revenant à des sentimens plus humains, et prenant en considération son âge et sa position, l’a renvoyée chez elle ; et après une enquête, elle est entrée au Dépôt de mendicité. Maintenant elle attend que la mort vienne mettre un terme à ses souffrances…

Agréez, etc.

roux-raymont, Mutuelliste.

 

 

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