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9 mars 1834 - Numéro 62
 
 

 



 
 
    
 

Nous devons éveiller l’attention de nos lecteurs sur la coupable négligence apportée à la rédaction des jugemens du conseil des prud’hommes ; cette négligence est le fait de M. le président et de M. le greffier ; elle est funeste aux plaideurs, il faut qu’elle cesse : la publicité est notre moyen de répression.

Le sieur Fillion, chef d’atelier, avait fait citer le sieur Ank, jardinier, en résiliation des conventions passées avec lui pour l’apprentissage de l’un de ses enfans, et en paiement d’une somme de 200 fr. à titre d’indemnité. Cette demande était fondée sur la paresse et le refus de travail du fils Ank.

A l’audience du jeudi, 2 janvier dernier, les parties se présentèrent ; le sieur Ank et sa femme développèrent, avec chaleur et surtout longuement, leurs moyens de défense. Le tribunal résilia néanmoins leurs conventions et les condamna à payer au sieur Fillion une somme de 200 fr. à titre d’indemnité. Mais, par une négligence inexcusable, ce jugement, contradictoire s’il en fut jamais, fut cependant sur la minute déclaré par défaut. Cette fausse énonciation expose aujourd’hui le Sr Fillion à la perte de son procès, et voici comment : L’huissier chargé de citer le sieur Ank, écrivit dans son exploit Ancré au lieu de Ank. Il n’y avait plus même nom, la citation était nulle ; mais cette nullité a été couverte par la présence du sieur Ank et sa femme à l’audience indiquée dans la citation, et le jugement rendu contradictoirement opposait au sieur Ank un obstacle insurmontable ; [6.1]il ne pouvait plus invoquer une nullité que sa libre présence à l’audience effaçait pleinement ; tandis que le jugement étant par défaut, Ank soutiendra ne pas s’être présenté et demandera la nullité de la procédure en se fondant sur la nullité de l’assignation. Déjà Ank a annoncé cette intention formelle, et c’est dans ce but qu’il a interjeté appel devant le tribunal de commerce. Si le sieur Ank réussit dans ses prétentions, le sieur Fillion supportera tous les frais, et son action en indemnité contre les mariés Ank pourra devenir illusoire : il sera ainsi victime de la négligence du président et du greffier du conseil des prud’hommes, qui auront déclaré par défaut un jugement cependant contradictoire. Lorsque le tribunal de commerce aura prononcé sur l’appel du sieur Ank, le sieur Fillion saura quelle conduite il aura à tenir avec M. le président et M. le greffier du conseil des prud’hommes.

 

 

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