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30 mars 1834 - Numéro 65
 
 

 



 
 
    
 TOUJOURS DU COURRIER DE LYON.

(Suite.)

Voici maintenant que l?auteur de la 16e départementale aborde la question des salaires et présente sur le partage entre l?ouvrier et le chef d?atelier, à peu près dans les mêmes termes que M. l?ancien fabricant, des considérations auxquelles, quoiqu?il n?en n?ait fait semblant, M. fulchiron sait bien qu?il a été clairement répondu, et d?une manière un peu plus authentique dans notre journal du 9 mars, que dans le journal qui lui a fait ses frais de tribune.

Il serait trop long de suivre l?écrivain que nous réfutons dans tous les détails plus ou moins exacts qu?il donne sur diverses branches de notre fabrication et en particulier sur les unis, sur les velours façonnés ou autres. Ainsi nous ne répondrons qu?aux différens points qui méritent un examen sérieux.

Selon le calcul posé par notre antagoniste, il s?ensuivrait qu?un apprenti pourrait confectionner 4 aunes de tissu uni par jour, soit à 250 jours mille aunes par an.

Nous avançons, nous, et nous défions un démenti valable, qu?il faudrait généralement à un apprenti 18 mois de travail pour atteindre ce chiffre, qui est la moyenne des ouvriers ou compagnons, et nous sommes certains qu?on ne saurait nous citer sans imposture dix ateliers où un métier, occupé par un ouvrier ou un maître, rende 1,200 aunes.

Mais ne semblerait-il pas, à ce luxe d?avantages à grands frais énumérés, que nous avons pour apprentis des fils de grands seigneurs, qu?ils sont, dès le premier jour, capables de faire tâche et de gagner en sus 5 ou 6 sous pour leurs menus plaisirs, en assurant à leurs maîtres d?énormes bénéfices, déduction faite de tous frais ?? Eh bien ! voyons ce que peuvent rendre, par exemple, 4 métiers d?unis en prenant pour base 1,000 aunes, qui sont la moyenne générale, et déduction faite de tous frais, nous verrons s?il y a lieu à devenir fabricant aussi aisément qu?on veut bien nous le dire.

Quatre métiers, y compris celui du maître, à 1,000 aunes par métier, et à 60 c. l?aune, forment un capital total de : 2,400 f.

Frais à déduire :
Dévidage pour 4 métiers : 320 f.
Cannetage à 5 c. l?aune : 200 f.
Torsage de 40 pièces, à 1 fr. 25 c. : 50 f.
Pliage, id. à 60 c. l?une : 24 f.
Détérioration de remisses et autres ustensiles de métiers : 60 f.
Total : 1.244 f.

[4.2]Maintenant, si nous déduisons encore les frais de nourriture de l?apprenti, qui doivent être portés de 75 à 80 c. et non à 50, de blanchissage, etc., il est aisé de prévoir qu?au lieu de bénéfice il y aura perte.

Mais, en vérité, cette question des étoffes unies a déjà été si souvent débattue, nous avons tant de fois prouvé par des chiffres exacts combien elle était désastreuse pour l?ouvrier, qu?il serait bien superflu d?y revenir encore aujourd?hui. ? Passons maintenant aux velours façonnés et unis ; mais avant, disons que depuis tantôt 15 à 20 ans, nous ne savons plus ce que c?est que les tulles bandes blondes.

Un métier de velours façonnés ne peut rendre, dans le cours d?une des meilleures années, que 150 aunes d?étoffe, à 9 fr. l?aune : 1,350 f.

A prélever la moitié de la façon pour l?ouvrier : 675 f.
Location du métier : 75 f.
L?achat de 6,000 maillons qui, au bout de 6 mois, ne sont plus bons à rien, à 15 fr. le mille : 90 f.
Une garniture d?arcade : 21 f.
Une garniture de callet : 6 f.
Cantre et entretien du corps de la mécanique : 10 f.
Appareillage : 6 f.
Nourriture de l?appareilleuse : 1 f.
Remettage : 6 f.
Nourriture de la remetteuse : 1 f.
Dévidage de 6 kilog. de trame à 3 fr. 50 c. le kil. : 21 f.
Cannetage, 5 cent. par jour, pour l?année : 15 f.
Fournitures des fers, deux masses à 5 fr. : 10 f.
Pour les peignes : 2 f.
Pliage de 7 pièces, à 60 c. : 4 f. 20 c.
Tordage de 7 pièces, à 1 fr. 25 c. : 8 f. 75 c.
Nourriture de la tordeuse pour les 7 pièces : 7 f.
Pour les changemens des bobines que l?on est obligé de faire pour entretenir la cantre : 15 f.
Logement de l?ouvrier, 10 c. par jour : 36 f.
Chauffage dudit métier : 10 f.
Pour les courses du magasin dans le courant de l?année : 20 f.
Aiguisage des forces, pinces et usure de la pierre à aiguiser : 1 f.
Total des frais y compris la façon la façon de l?ouvrier : 1,040 f. 05 c.
Reste au maître : 309 f. 95 c.

Ce calcul est pris sur celui des 8 métiers d?un atelier qui ait le plus rendu.

Il y a certainement des velours qui sont plus payés mais ils ne rendent pas davantage, attendu qu?il s?en fait moins, et que les frais sont plus grands.

Un métier de velours uni, en 300 jours et à demi-aune par jour, donne 150 aunes, à 5 fr. l?aune, produit : 750 f.

Moitié à l?ouvrier, plus 50 c. par aune en sus, ce qui met la façon à 3 fr. l?aune : 450 f.
Location du métier : 75 f.
[5.1]Remettage : 5 f.
Tordage de 4 pièces et 8 poils, à 70 c. les pièces et 50 c. les poils : 6 f. 80 c.
Nourriture de la remetteuse : 1 f.
Nourriture de la tordeuse pour 4 pièces et les 8 poils : 6 f.
Pliage de 12 rouleaux à 60 c. chaque : 7 f. 20 c.
Dévidage, 7 kilog. à 3 fr. 50 c. : 24 f. 50 .
Cannetage, 5 c. par jour, pour l?année : 15 f.
Fers et masse : 5 f.
Pince : 2 f.
Usure du métier, 5 c. par jour : 18 f.
Logement de l?ouvrier, 10 c. par jour : 36 f.
Chauffage dudit métier : 10 f.
Aiguisage des forces et pincettes, usure de la pierre à aiguiser : 1 f.
Total des frais : 662 f. 50 c.
Reste au chef d?atelier pour ses courses : 87 f. 50 c.

Enfin, n?est-ce pas que voila un état bien prospère, de séduisans profits ? N?est-ce pas que l?existence de la classe ouvrière est grandement améliorée. ? N?est-ce pas qu?en face de calculs tels que ceux que nous venons de donner comme un démenti formel aux chiffres de l?auteur de la 16e lettre départementale, il fait bon être époux et père de huit enfans, par exemple, comme le chef d?atelier dont nous venons de donner ici en quelque façon le bilan ?

N?est-ce pas qu?on a eu grand tort de créer, sous de si favorables auspices, des caisses de prêts, d?épargnes, tontines, etc., etc., triste négation des mensonges honteux dont MM. du Courrier de Lyon savent si bien remplir leurs colonnes ! ? En vérité, ils nous font pitié?

 

 

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