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6 avril 1834 - Numéro 66
 
 

 



 
 
    

AU RÉDACTEUR.

Lyon, le avril 1834.

Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien insérer dans votre journal cet article, comme suite à la réponse que vous avez faite à la 16e lettre départementale.

Comme vous, Monsieur, je prends un vif intérêt à tout le bien-être désirable pour la classe ouvrière, surtout pour celle attachée spécialement à la fabrique de soieries, la plus nombreuse, la plus intéressante, celle qui donne la vie et le mouvement à toutes les autres industries de Lyon.

Ayant l’habitude de lire votre journal, j’ai remarqué dans le N° de dimanche 23 mars, qu’au sujet du Courrier de Lyon, qui n’est pas l’ami des ouvriers, tant s’en faut, vous faites mention d’une pièce que vous y avez lue sous le titre de 16e lettre départementale. L’auteur de cette lettre, à travers quelques réflexions justes, a commis des erreurs graves que vous réfutez avec beaucoup de sagacité ; mais, comme l’auteur de la lettre, vous avez omis, en parlant des loyers, de signaler l’impôt des portes et fenêtres comme une surcharge aggravante des loyers. S’il faut rigoureusement que nous payons l’air que nous respirons, au moins l’impôt devrait être réparti plus équitablement ; l’ouvrier qui vit de son travail journalier paie plus que le riche occupant un magnifique appartement ; il faut, pour les ateliers de fabrique plus d’ouvertures que pour les belles maisons placées dans les plus riches quartiers. – Exemple : Un ouvrier payant 150 fr. de loyer, ayant trois croisées, paie 6 fr. 75 c. pour contributions de portes et fenêtres. – Autre payant 200 fr., ayant six croisées, est taxé à 13 fr. 50 c., et ainsi de suite. Il y a beaucoup d’ateliers de 8 et 9 croisées, dont le prix du loyer n’excède pas 300 fr., et dont l’impôt des portes et fenêtres monte à 18 et 20 fr. 23 c., tandis que dans les plus beaux quartiers, un appartement de 1,800, 2,000 fr. et plus ne paie pas davantage, les classes sont les mêmes ; un magnifique salon, pièce superflue, ayant deux croisées, paie 4 fr. 30 c. seulement, et le malheureux ouvrier, travaillant 16 heures par jour, à qui il faut beaucoup d’ouvertures pour son genre de travail, paie jusqu’à 20 fr. 25 c. Ces riches négocians, ces grands capitalistes, occupant des appartemens somptueux, ne paient presque rien comparativement. En voila assez pour démontrer que c’est l’impôt le plus onéreux à l’ouvrier, et même à la cité, parce qu’il tend à faire sortir beaucoup d’ouvriers, attendu qu’on ne paie que moitié hors des barrières.

L’impôt des portes et fenêtres a été créé par la loi du 4 frimaire an VII de la république, mais seulement temporairement et à un taux très modique ; mais comme il faut que le poids qui pèse sur le peuple s’accroisse toujours jusqu’à ce qu’il succombe, cette contribution a fait comme les autres, elle s’est accrue annuellement jusqu’à devenir insupportable.

Le 4 germinal an XI, art. 19 de la loi qui fixait la contribution des portes et fenêtres, le législateur, jugeant combien il était injuste et impolitique de faire supporter cette taxe à la classe ouvrière, exempta les ouvertures des ateliers pour les fabriques de l’impôt des portes et fenêtres. La majeure partie des fabriques du royaume jouissent de cette exemption prononcée par la loi du 4 germinal an XI. Pourquoi celles de Lyon ne jouiraient-elles pas de la même faveur ? Espérons que nos magistrats cicatriseront cette plaie qui afflige la classe manufacturière de Lyon, et qui rend les loyers intolérables.

Agréez, etc.

Un de vos lecteurs habituels.

 

 

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