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4 mai 1834 - Numéro 68
 
 

 



 
 
    

1Alors que des lois anti-sociales, immobiles au milieu de l’immense révolution opérée par les rapides progrès de cette civilisation si bizarrement invoquée, poussent un peuple étreint dans de mesquines et étroites limites à se révolter contre des souffrances qu’il est las d’endurer ; – alors que l’étouffement de ses plaintes le jette armé sur la place publique, et que l’état social ébranlé jusque dans sa base verse des larmes de sang et attend l’issue de ces affreux combats que se livrent entre eux les enfans d’une même patrie, n’y a-t-il pas infamie et crime pour ceux qui s’élancent armés de lâches et honteuses passions au milieu des combattans et crient mort et anathème aux vaincus ? Telle est la question que nous posons à tous les hommes de bonne foi qui ont eu assez de courage pour subir les pages écrites par MM. du Courrier de Lyon, au milieu des douloureux événemens qui viennent d’étendre une seconde fois leur voile de mort et de deuil sur notre cité tout entière…

Et maintenant qu’une grande leçon a été donnée à tous (ce nous semble), et qu’il serait du devoir des écrivains qui se sont donné mission de châtier ou d’éclairer l’opinion de résoudre ce problème social et politique si violemment agité depuis tantôt cinquante ans, et qu’il serait, disons-nous, du devoir de ces écrivains de rechercher enfin avec bonne foi et sincérité la véritable cause de cette perturbation dangereuse et sans terme (jusqu’à aujourd’hui du moins), n’est-il pas à la fois étrange et alarmant de voir ces hommes trahir sans pudeur leurs devoirs les plus sacrés et jeter de nouveaux brandons de haines et de discordes au milieu de nous quand les ruines sont à peine relevées, que la terre des tombeaux n’a pas encore englouti toutes les victimes, et que le glaive de la loi poursuit sans pitié ceux que la mort a épargnés ?

[1.2]Telles sont les réflexions que nous suggère l’extrait d’un article du Courrier de Lyon du 29 avril 1834, que nous livrons à l’appréciation de nos lecteurs :

« Quels sont donc les coupables parmi les deux partis qui sont en présence ? A qui la responsabilité de tant de malheurs et de sang répandu, si ce n’est à ceux qui ont été les agresseurs, qui ont fait d’une ville populeuse et florissante un champ de bataille ? Quand on appelle les horreurs de la guerre civile au milieu de la civilisation et de la paix, faut-il s’étonner ensuite que les horreurs de la guerre civile répondent à cet appel ? Singulière ingénuité ! Quoi ! vous élevez des retranchemens au sein de nos villes, vous tirez des coups de fusil, vous tirez des coups de canon, tout cela de votre propre mouvement, sans y être provoqués par qui que ce soit, et vous vous étonnez que les balles répondent aux balles, les boulets aux boulets ? Vous vous récriez quand ces projectiles s’égarent dans leur direction, quand ils ne s’arrêtent pas au point précis de leur destination, quand ils produisent d’inévitables ravages, comme si c’était une chose extraordinaire et imprévue ! Mais vous, agresseurs, qui avez nécessité l’emploi de ces moyens terribles, c’est vous qui êtes responsables des victimes qu’ils immolent et des désastres qu’ils occasionnent. Déclamez tant qu’il vous plaira sur les calamités qui ont affligé notre ville, peignez-les sous des couleurs plus lugubres encore. Plus le tableau sera noir, et plus il attirera de haine et d’exécration sur ces détestables artisans de guerre civile qui ont livré notre ville au meurtre, à l’incendie et aux dévastations. »

Ces dernières paroles sont singulièrement remarquables et disent bien, toute la pensée qui les a inspirées.

Octroyer une loi qui déclarerait traîtres au pays les hommes qui sont assez osés pour avoir une croyance qui ne soit pas la vôtre, et ordonnerait aux bons citoyens de courir sus et d’en purger le pays, en serait bien l’expression ! Mais heureusement MM. du Courrier ne sont pas législateurs ; et, quelques plaintes que nous ayons à faire contre ceux sous l’empire desquels nous vivons, nous sommes loin de les croire à cette hauteur.

Notes (Alors que des lois anti-sociales, immobiles...)
1. Il s’agit du dernier numéro de L’Écho de la Fabrique qui aura donc connu cent trente livraisons régulières depuis octobre 1831. Après une interruption de cinq mois, l’organe des mutuellistes reparaîtra du 21 septembre 1834 au 4 juillet 1835 sous le titre L’Indicateur. Journal industriel de Lyon. Une dernière tentative sera lancée en août 1835 avec Le Nouvel Écho de la Fabrique qui ne connaîtra qu’une livraison, avant que l’attentat de Fieschi ne conduise, à l’automne 1835, à la suppression de la liberté de la presse.

 

 

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