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4 mai 1834 - Numéro 68
 
 

 



 
 
    

Une souscription vient de s’ouvrir à Marseille, dans les bureaux du Peuple Souverain, en faveur des familles d’ouvriers lyonnais victimes des événemens d’Avril. – Voici en quels termes s’exprime ce patriotique journal :

« Ni les soins, ni le pain, ni les récompenses ne manqueront aux militaires qui ont eu l’occasion funeste de signaler leur courage dans la guerre civile de Lyon. Jusqu’à présent, au contraire, le pouvoir ne s’est occupé des vaincus que pour ajouter à leur désespoir par la terreur des poursuites judiciaires. Il faut donc que la sympathie des uns et la pitié de tous se hâtent de secourir les femmes et les enfans des pauvres ouvriers lyonnais. Ce n’est pas une affaire de parti, mais bien de charité chrétienne et de tolérance politique. Nous espérons donc que notre appel sera entendu par les ames généreuses : des enfans, des vieillards et de faibles femmes, privés par la plus horrible catastrophe de leurs soutiens naturels, ne réclameront pas vraiment la pitié d’un public français.

« Une souscription est ouverte en leur faveur au bureau du Peuple Souverain. Les noms des donateurs seront publiés ou resteront secrets, suivant qu’ils en décideront eux-mêmes. »

Beaucoup de souscriptions ont été aussi ouvertes dans plusieurs villes et sous une influence semblable à celle qui a motivé la détermination toute philantropique du Peuple Souverain, et, grace au ciel, les sympathies ne manquent pas à nos classes ouvrières.

Mais si nous reportons nos regards sur notre cité, combien ne sommes-nous pas attristés de cet esprit peu conciliant et si peu propre à ramener l’harmonie entre les ouvriers et les fabricans, qui a présidé aux sacrifices volontaires que se sont imposés nos riches bourgeois ?

Certes, nous avons assez souvent dit que ce n’est point d’une lutte permanente entre les différentes classes qui composent la grande famille sociale que doit sortir le triomphe de la cause des travailleurs, pour qu’on n’attache pas aujourd’hui à nos paroles un sens qu’elles ne sauraient avoir. – Organes des ouvriers, si nous nous sommes souvent révoltés contre toutes les misères qui les assiègent, nous n’avons pas du moins cherché de remède contre ces misères en leur montrant les riches comme des ennemis à combattre jusqu’à ce que victoire s’ensuive. – Les victoires achetées par le sang des citoyens, quel que soit le vêtement sous lequel le fer et le plomb des guerres civiles le fassent couler, le seraient trop chèrement pour nous.

Loin donc que nous appelions la haine des travailleurs sur ceux que le hasard a faits leurs maîtres, aujourd’hui comme hier, demain comme aujourd’hui, nous les appellerons tous à une conciliation forte et durable ; nous leur dirons que pour tous il y aura paix et sécurité dès le jour où, comprenant enfin les droits et les besoins de l’homme social, de meilleures relations et une plus juste répartition des charges et des bénéfices de la production se seront établies entre les hommes de travail et les possesseurs de capitaux.

Maintenant nos lecteurs auront bien compris pourquoi nous déplorons que des actes d’une imprudence grande soient venus rendre plus difficile encore le rapprochement que nous avons toujours désiré entre ouvriers et fabricans au moment où il eût été plus sage et surtout plus humain de confondre en une seule et même infortune, pour mieux et plus vite les oublier, les malheurs inouïs qui viennent de désoler notre cité.

 

 

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