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22 janvier 1832 - Numéro 13 |
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[1.1]Une souscription est ouverte au bureau de l’Echo de la Fabrique en faveur des blessés, des veuves et des orphelins des trois journées de novembre. Nous en appelons à toutes les ames généreuses, à ces cœurs philantropes qui ont secouru l’infortune jusque sur des rives étrangères, et dont l'humanité ne manquera pas de venir au secours de leurs concitoyens malheureux.
Notre feuille est tout industrielle : le seul but, en la créant, a été de provoquer des améliorations pour une classe laborieuse qui a fait la gloire de notre cité, et qui se meurt dans les angoisses de la misère. Pour y parvenir, il fallait extirper les abus qui se commettent chaque jour dans la fabrique d'étoffes de soie, qui sont le fléau de nos manufactures et par conséquent de la société. Des malheurs que nous ne cesserons de déplorer, nous ont écartés de la route tracée de prime abord devant nous ; nous avons été obligés de prendre la défense des ouvriers qu'on appelait rebelles, de prouver leur attachement au trône de juillet, tandis qu’on les montrait dans les départemens comme les instrumens d'une faction ennemie du pays et de nos institutions : nous avons eu peu de peine à convaincre la France entière de leur patriotisme ; la conduite des chefs d'ateliers et des ouvriers a mieux parlé que nous. La feuille que nous publions n'est pas politique, et nous nous soucions fort peu d'entrer dans de pareils débats : il a fallu pourtant montrer notre opinion ; nous [1.2]l'avons fait sans crainte et avec franchise, parce que nous pensons que l'homme n'a qu'à se glorifier d'être le défenseur de nos libertés et de cette charte proclamée dans la fumée des barricades. Pour la dernière fois, nous le dirons : Nous sommes des hommes de juillet, amis de la paix publique, de la prospérité de notre patrie, et ennemis de ceux dont les vœux coupables appellent l'étranger. Maintenant nous allons reprendre notre mission, nous allons consacrer notre plume aux véritables intérêts de la classe ouvrière, nous allons signaler, extirper les abus ; nous les saisirons corps à corps et ne laisserons aucun repos à ceux qui les commettent, tant qu'il en existera un seul : c'est par là que nous croyons servir ceux qui nous ont confié leur défense, et la France entière qui souffre de ce malaise, et peut être entraînée dans des malheurs que nous devons prévenir par tous les moyens ; car la misère est la sœur de l'émeute. Les abus que nous nous proposons de combattre les premiers, sont : 1° que le bénéfice du chef d'atelier ne soit pas absorbé par les frais de montage de métier, ou que, dans ce cas, il y ait indemnité proportionnée aux frais de montage de la part du négociant ; 2° indemnité au chef d'atelier pour les courses inutiles ; 3° du passage des nuits sans aucune gratification ; 4° du paiement des ouvriers à jour fixe, au lieu de les payer en rendant leur coupe ou pièce ; 5° de la différence des prix dans le même magasin et pour le même article, abus qu'on ne sait comment qualifier ; 6° que les livres doivent être réglés à toutes les pièces et en présence du chef d'atelier ; 7° que le poids des matières et les sommes d'argent doivent [2.1]être écrits en toutes lettres sur les livres ; 8° que le chef d'atelier ne doit jamais se dessaisir de son livre ; 9° que le temps accordé pour monter un métier soit écrit sur la disposition, indemnité à accorder au chef d'atelier s'il attend sa pièce ou son dessin ; 10° que le prix des façons doit être convenu contradictoirement entre le négociant et le chef d'atelier ; 11° des tirelles et déchets suivant les articles ; 12° indemnité à accorder au chef d'atelier pour l'emploi des mauvaises matières ; 13° que l'enlacement des dessins ne soit plus à la charge du chef d’atelier ; 14° que les prix des matières doivent être payés également, soit en arrière, soit en avance ; 15° qu'une règle générale doit être établie pour tous les magasins. Voilà les abus que nous nous proposons de combattre de toutes nos forces et avec persévérance. Ceux qui s'en rendront coupables ne seront point épargnés ; car nous croyons que là est la plaie du commerce et la perte de l’industrie. A compter de notre prochain Numéro, nous les attaquerons un à un, nous sonderons la profondeur du mal et nous chercherons le véritable remède : heureux si, pour prix de nos constans efforts, nous parvenons à sortir nos concitoyens de cet état de détresse où ils sont tombés, et à concourir au bonheur de tous, en rendant à la ville de Lyon sa splendeur commerciale. Après avoir porté le dernier coup aux abus que nous venons de citer, nous en signalerons un grand nombre qui se sont glissés dans les ateliers, et nous croyons que les ouvriers nous en saurons gré ; car le bonheur ne dépend souvent que de quelques réformes salutaires. Nous recevrons avec reconnaissance tous les renseignemens soit des fabricans, soit des chefs d'ateliers, qui auront pour but de détruire les abus et d'amener une amélioration dans nos manufactures : et, c'est en réunissant leurs efforts, que tous les hommes généreux verront se rétablir parmi nous cette confiance sans laquelle le commerce ne peut fleurir.
LA FABRIQUE EST-ELLE PERDUE ? 1
Que faisons-nous ? où allons-nous ? c'est la demande que chacun se fait chaque jour dans l'anxiété de l'avenir. La terre brûle sous nos pas, nos pieds foulent un cratère, et aveugles, nous courons à notre ruine sans chercher à la prévenir. Peu soucieux du présent, nous nous cramponnons au passé qui nous échappe, sans foi que nous sommes dans l'avenir béant devant nous. Eh ! qui, en effet aurait confiance, en proie au marasme qui nous tue, quand autour de nous tout languit, s'use, se flétrit, quand la France semble une vaste arène où viennent combattre toutes les ambitions mesquines, toutes les idées étroites, tous les projets rétrogrades ; quand l'industrie s'émeut, épuisée qu'elle est sous les coups redoublés de la concurrence, guerre sourde qui sape les bases de toute prospérité commerciale ; quand les arts, guindés comme le siècle qui les produit, rampent à terre fanés du soufle de l'égoïsme ; quand enfin, notre âge n'a plus ni poésie, ni inspiration ! quelle hardiesse peut avoir le spéculateur balloté par ce flot mouvant de la peur, qui tantôt lui annonce la guerre, et tantôt lui apporte l’émeute ? Hier encore, hier, les balles sifflaient à nos oreilles, le sang ruisselait de deux parts, la misère était là hideuse, flagrante, aux prises avec la richesse ; un problème social d'une immense portée se posait devant nos législateurs ; celui d'harmoniser les exigences de la faim avec celles de la concurrence, de donner du pain à l’ouvrier sans ruiner le fabricant ; cette pétition se présentait aux Chambres, noircie de la fumée du combat, chaude encore du sang [2.2]français ; des centaines de victimes mouraient, preuve irrévocable de l'urgence du remède. Quelle dérision ! ayez confiance, capitalistes ! rassurez-vous, ouvriers ! fabricans, prenez courage ! vos mandataires et vos gouvernans se sont occupés, non pas du remède à apporter, mais des causes de vos maux, et grande consolation sera la vôtre en apprenant que ce mouvement ne renfermait rien de politique en son sein ! rien de politique, y pensent-il ? Eh ! notre politique à nous n'est-elle pas le bien être de nos femmes et de nos enfans ? que nous importe de mesquines discussions sur la valeur de quelques mots ? qu'avons-nous à faire de la susceptible irritabilité de Messieurs tels ou tels, quand notre industrie reste frappée du coup qu'elle a reçu. Peu à peu se détachent toutes les illusions qui nous consolaient encore ; celle-ci en est une dernière à laquelle force est bien de renoncer. Les travailleurs ne sont pas encore l'objet de hautes sollicitudes ; ils doivent tout attendre d'eux-mêmes et de leurs efforts individuels. En effet, quelles merveilles n'a pas produites le génie vivifiant de cette industrie lyonnaise ! mais aussi qui pourrait redire les sacrifices, les veilles, les travaux ! combien les améliorations ne sont-elles pas lentes, contrariées, pénibles à introduire ! que d'essais infructueux, faute d'ensemble, de concert, ou par crainte d'exposer ou de perdre le fruit de ses sueurs ! et si des efforts partiels ont produit ce que nous admirons, quel ne serait pas le résultat d'un vaste accord, d'une confiance réciproque ! La fabrique de Lyon, qui long temps eut aux mains le sceptre de l'industrie, aujourd'hui chancelle sur son trône ébranlé par des commotions successives ; les fleurs de sa couronne se flétrissent, et une à une se détachent, semblant prédire une chute prochaine : quel bras serait assez fort pour la raffermir ? quel génie serait assez puissant pour lui rendre sa splendeur ? Ce moyen, ce génie, il existe : c'est l'union et la concorde. Périssent les jalousies et les rivalités ; que les fabricans se regardent comme solidaires de leur prospérité mutuelle ; ouvriers, cessez de considérer le fabricant comme un maître, ne voyez en lui que ce qu'il doit être, votre protecteur, votre conseil et votre aide ; plus d'aigreur, plus de haine. Vous, fabricans, voyez dans l'infortuné qui frappe à votre porte, un homme comme vous, qui comme vous sent sa dignité, et veut qu'on la respecte, qui comme vous a besoin d'égards, de justice et d'affabilité. Il est déjà assez triste pour lui que le hasard l'ait placé sur le dernier échelon de la hiérarchie sociale où vous pouviez naître à coté de lui ! Que le nom de prolétaire, nom insultant et devenu odieux, disparaisse, et que ceux qui le portaient trouvent en nous aide et secours. Bien douce en sera la récompense, quand vous verrez par votre conduite, s'adoucir, s'éclairer, s'humaniser ce peuple que l'éducation place au-dessous de vous, et qu'on affectait jusqu'ici de refouler dans la nuit de l'ignorance. Les ouvriers désormais ne doivent plus se regarder comme un corps compact dont les intérêts sont en ligne opposée de ceux des fabricans ; ils doivent au contraire se bien pénétrer les uns et les autres, que, anneaux de la même chaîne, le lien est réciproque, et que les avantages doivent être partagés. Que l'humanité, la justice, la douceur président donc désormais à toutes les relations des divers membres de la hiérarchie industrielle ; que tous ces efforts divisés se réunissent en un seul faisceau, et j'ose prédire pour la fabrique une ère de vitalité et de bonheur qui se jouera des foudres qui bientôt, peut-être, éclateront autour d'elle. L. F.
[3.1]Il ne faut pas confondre le baume avec la ciguë1, nous écrivait-on ces jours derniers ; et notre correspondant avait deviné toute notre pensée. Confondre le bon avec le méchant, l'égoïste avec l'homme généreux, ce sont des actes de perversité qui ne souilleront jamais notre feuille. Si notre but est d'extirper par des moyens de légalité, les abus sans nombre qui pullulent dans la fabrique d'étoffes de soie, au moins nous saurons faire la part du fabricant qui veut que les ouvriers vivent, et ne se croit point un être tellement supérieur à eux, qu'il doive les abreuver d'outrages et les accabler de mépris. Nous saurons faire la part de celui qui n'aura que des projets d'amélioration, et celle de l'homme appelé à prononcer entre les ouvriers et les commerçans, qui, n'écoutant que sa conscience, frappera d'une condamnation la fraude et la cupidité. Par exemple, nous disons que jamais homme ne comprit mieux sa mission que M. le président du conseil des prud'hommes : ferme dans le ministère qui lui est confié, rien ne le fait dévier de la route tracée par la justice : les considérations, les sentimens de l'amitié, tout s'évanouit auprès de lui, et la voix impérieuse de la vérité est la seule qu'il entende, comme dans les arrêts il n'écoute que celle de sa conscience. Voilà les hommes que nous nous plaisons à signaler, de même que ceux dont les ames généreuses ne rêvent que le bonheur de la classe ouvrière, et qui ne croient pas s'abaisser en se concertant avec nous et dans nos bureaux, afin d'aviser au moyen de faire cesser cet état de détresse et de dénuement, qui pèse depuis long-temps sur nos manufactures. Nous pourrions en citer un assez grand nombre, si nous ne craignions pas de blesser leur modestie ; ceux-là ne croient point compromettre leur dignité en siégeant parmi les organes des industriels, et en signant les articles qu'ils nous communiquent. Ceux-là sont, comme le disait un journal de notre ville, les vrais amis des ouvriers, sans se croire pourtant leurs chefs naturels. Maintenant, que pourra-t-on nous dire si nous frappons de notre fouet ce petit nombre d'égoïstes qu'on voit traîner deux fois par semaine devant le conseil des prud'hommes, où ils se débattent d'une manière vraiment scandaleuse et indigne d'un honnête homme, pour arracher quelques sous à leurs ouvriers, qu'ils vont ensuite engloutir dans un café ou au spectacle, tandis que les malheureux auxquels ils ont frustré une partie de leur travail, ne peuvent donner à leurs familles que la moitié du pain qu'il leur faudrait pour les nourrir. Nous savons que des méchans doivent se courroucer contre quelques phrases acerbes de notre feuille ; mais nous le demandons à tous les hommes de bonne-foi, peut-on passer sous silence les insultes que l'égoïsme démasqué dirige contre des êtres vertueux dont tout le tort est d'être pauvres et de vouloir vivre du fruit de leurs travaux ? peut-on avoir des ménagemens pour des hommes qui commettent tous les jours des petitesses envers la classe ouvrière, tout en voulant singer la grandeur ? Si leur haine n'était dirigée que contre notre feuille, peut-être pourrions-nous la mépriser, mais quand elle attaque cette classe intéressante que nous avons mission de défendre, le silence serait une lâcheté et même un crime de notre part. Il est un moyen de faire cesser nos débats ; que nos adversaires marchent avec nous vers le même but, afin d'obtenir une amélioration pour la classe pauvre. Nous ne dirons pas comme les hommes d'une certaine époque : [3.2]Nous accuserons quand même… Au contraire, nous tendrons la main à ceux qui viendront nous faire part de leurs vues philantropiques, oubliant les erreurs du passé et nous confiant à l'avenir, comme devant tout effacer. Ainsi, que quelques hommes cessent leurs ridicules accusations de provocation à la haine qu'ils dirigent assez maladroitement contre nous ; qu'ils pensent que le pays n'a pas de citoyens plus dévoués, et le trône de juillet de défenseurs plus ardens ; comme les ouvriers n'auront jamais des organes plus fidèles et des amis plus désintéressés.
Nous avons dit dans notre précédent N°1, en réponse à une lettre de l'un de nos abonnés, que nous ignorions où en était la commande pour la maison du Roi. Depuis, nous avons su, de source certaine, que 47 négocians avaient soumissionné pour cette commande, et qu'aussitôt que les dessins seraient acceptés, l'on mettrait les métiers en activité, que les paiemens n'étaient pas éloignés, mais fixés à la fin de la livraison des étoffes. Nous savons aussi que cette commande se compose des articles suivans : 1° De 750 aunes brocard, or et soie, bordure riche, fond satin, couleurs cramoisi, bleu et vert ; 2° De 380 aunes de gros de Tours blanc, broché soie et or, dessins séparés, pour tentures, bordures et siéges de la chambre à coucher de la reine au palais des Tuileries ; 3° De 500 aunes de satins brochés, soie nuée, lilas et et autres, pour boudoirs et cabinets ; 4° De 840 aunes de velours uni, cramoisi fin, 3 poils et 4 poils ; 5° De 2,500 aunes velours uni, blancs divers ; 6° De 1,670 aunes velours cramoisi moyen ; 7° De 2,900 aunes velours uni, couleurs diverses ; 8° De 2,180 aunes taffetas 5/8, couleurs cramoisi, blanc, bleu, vert et jaune ; 9° De 750 aunes cannetillé vert, bleu et jaune ; 10° De 7,040 aunes Damas, dessins et couleurs diverses ; 11° Enfin, de 10,000 aunes de Damas économique, fond diverses couleurs et dessins blancs ; ce qui fait un total de 20,510 aunes d'étoffes à fabriquer. Cette commande occupera au moins 200 métiers pendant l'espace de 5 à 6 mois.
On lit dans le Précurseur : Nous savons, d'une manière positif, que M. Gasparin, préfet du Rhône, vient de faire remettre en son propre nom, au Maire de la Croix-Rousse, cinq cents francs pour être distribués aux ouvriers sans travail et aux indigens de cette commune.
On raconte l'anecdote suivante dont nous pourrions garantir l'authenticité ; car nous la tenons d'un témoin oculaire et digne de foi : Lorsque quelques négocians furent auprès de S. A. R. le duc d'Orléans, afin d'exposer leurs plaintes, l'orateur qui portait la parole insinua au prince que ces messieurs n'avaient que 4 pour cent de bénéfice sur les marchandises qu'ils faisaient fabriquer. Sur quoi le prince parut surpris et leur dit que c'était une chose étrange de faire des fortunes colossales avec un gain si minine. Mais l'orateur frappé d'une illumination subite [4.1]de génie, répondit : C'est que nous gagnons beaucoup sur l'achat des matières premières… Hum !... hum !... hum !... que c'est bien se tirer d'embarras !
Plusieurs négocians notables de notre ville sont arrivés ces jours derniers de Paris, apportant de fortes commissions, surtout pour les articles unis. Les métiers ont été recherchés et les ouvriers croyaient déjà qu'une augmentation allait avoir lieu. Leur attente a été trompée, et loin d'augmenter les prix des façons, ces mêmes négocians les ont diminués de 5 cent. par aune, parce que, disent-ils, les commissions ont été prises à bas prix. Nous entrevoyons toujours le même système : on prend les commissions à bas prix, et l'ouvrier supporte toute la perte. Le fabricant sait pourtant que l'ouvrier ne peut pas vivre, et chercher à diminuer encore son salaire est un acte que nous ne savons comment qualifier. Pourquoi le négociant, s'il redoute la concurrence étrangère, ne s'adresse-t-il pas au gouvernement pour obtenir une prime ? Ne vaudrait-il pas mieux exposer franchement aux ministres l'état du commerce et sa décadence (car nous croyons qu'ils y porteraient remède), plutôt que d'ôter aux ouvriers jusqu'au dernier sou et le livrer aux horreurs de la plus affreuse misère ? Nous le répétons, cet état de choses doit avoir un terme : commerçans et ouvriers, gouvernans et gouvernés, tous doivent concourir à une amélioration dont le besoin se fait sentir chaque jour de plus en plus.
AU RÉDACTEUR.
Lyon, le 17 janvier 1832. Monsieur, Votre plus vif désir étant, dans la rédaction de votre utile journal, d'être impartial et véridique, je dois vous faire remarquer un inconvénient grave qui ferait que vous ne seriez à votre insu ni l'un ni l'autre. C’est que, lorsque pour critiquer un fabricant vous ne vous servez que de la première lettre de son nom seulement, vos traits satiriques ou blessent à la fois tous ceux dont les noms commencent de même, ou épargnent à tort le fautif pour frapper injustement celui qui ne l'est pas. Par exemple, dans votre numéro de dimanche dernier, l’on ne sait, je ne sais si vous voulez attribuer à moi ce que vous dites de M. G... Si telle a été votre intention, je viens vous prévenir que vous êtes dans l'erreur la plus complète, et vous attester que rien, absolument rien de ce que vous faites dire à M. G... n'est jamais sorti de ma bouche et n'a germé dans ma pensée. Lorsque je donne de l'ouvrage à ceux qui veulent bien travailler pour mon magasin, je ne me suis jamais informé de leurs opinions politiques ou autres, je ne leur ai jamais défendu de lire votre journal ; car je le lis moi-même assiduement ; je n'ai jamais demandé amicalement d'eux qu'une fabrication convenant à mon acheteur et des comptes fidèles. Ce que tous les maîtres dont j'ai l'avantage d'être connus, peuvent vous attester sans mentir. Ainsi donc, monsieur, veuillez me justifier dans votre prochain numéro. Je compte d'autant plus sur cette obligeance que je tiens plus à bonne renommée qu'à ceinture [4.2]dorée ; que je veux vivre d'accord avec tous les ouvriers. Ma foi étant que l'ouvrier et le fabricant doivent être unis comme les cinq doigts de la main et que cette union ne peut avoir lieu qu'à l'amiable et sans le concours des baïonnettes1. J'ai l'honneur de vous saluer. F. Galle2. Note du Rédacteur. - Nous pouvons affirmer à M. F. Galle que ce n'est pas de lui que nous avons voulu parler dans notre dernier Numéro. Nous serions fâchés de mettre en doute les bons sentimens dont il est animé, et, faisant droit à sa demande, nous lui promettons que dorénavant, pour éviter toute équivoque, nous signalerons ceux qui auront méfait de manière à ne point s'y méprendre.
AU MÊME.
Monsieur, J'ai souscrit à votre bureau en faveur des victimes des déplorables journées de novembre, et je suis étonné de ne point voir figurer sur vos listes les noms honorables de beaucoup de fabricans qui, le 23 novembre, promettaient de venir à leur secours. A Dieu ne plaise, Monsieur, que je veuille les accuser de manquer à leurs promesses, soit par haine ou par mépris ! Les hommes de qui je parle sont incapables de mauvais sentimens et sont connus par des précédens qui, certes, ne s'oublieront pas facilement. Je leur ai parlé en faveur des malheureux blessés de ces journées que nous déplorons tous, et j'ai reconnu que leurs sentimens étaient les mêmes ; seulement j'ai cru voir qu'ils n'étaient retenus que par ce que nous appelons la faussse honte, préjugé qui se glisse dans l'ame de l'homme généreux comme dans celle du méchant. Ainsi, il me semble que, si vous en appeliez à leur bonne volonté, votre voix ne serait point méconnue ; et je crois que tous s'empresseraient à venir déposer leurs offrandes, afin de secourir des malheureux dont on ne doit point s'enquérir s'ils ont eu raison ou tort. Je suis, etc. Un Fabricant. Note du Rédacteur. - Nous publions avec plaisir cette lettre, parce qu'elle nous fournit l'occasion d’en appeler à l'humanité d'une classe d'hommes qui, par leur fortune, peuvent venir au secours des malheureux ouvriers : nous le faisons avec d'autant plus de plaisir, que notre appel ne s'adresse qu'à de bons Français, à de vrais patriotes. Nous croyons qu'il n'y a point de honte à nous apporter une offrande faite à la misère, et une bonne action n'est jamais un méfait. Nous recevrons donc avec reconnaissance l'offrande la plus modique, nous réservant toutefois de faire connaître aux souscripteurs de quelle manière les sommes sont distribuées.
NOUVELLES DIVERSES.
Un mal grave est produit par l'excès de travail nécessaire pour continuer à rendre les manufactures profitables. Même avant la guerre, la concurrence forçait les manufacturiers anglais à exiger de leurs ouvriers des efforts contraires a leur santé, même préjudiciables à l'existence physique ordinaire. Le teint livide de l'artisan est devenu proverbial ; et quelle autre chose que [5.1]des distorsions de formes peut-on s'attendre à trouver chez l'enfant qui, au lieu de jouer dans les champs, en s'amusant plus qu'il ne se fatigue dans les occupations simples d'une vie rurale, est attaché dès l'âge de cinq ans à l'esclavage d'une machine, et ne respire l'air, ne fait d'exercice et ne développe ses organes physiques et intellectuels que dans l'atmosphère des chaudières de teinture, ou des machines à vapeur, et ne se familiarise, dans tout le cours de sa vie, qu'avec les machines à filer, et les moulins à tordre le fil, pendant douze heures par jour ? On parle des nègres arrosant de leur sueur le sol de la Jamaïque, sous un soleil brûlant, ou grelottant dans les mines de l'Amérique ; mais au moins l'enfance n'y est pas mise à la torture, et les maladies n'affligent pas des créatures humaines avant qu'elles puissent articuler leurs plaintes. Que l'on jette les yeux sur les relations de l'occupation des ouvriers dans les fabriques de coton ; et si l'on a des entrailles, on absoudra les adorateurs de Moloch du reproche d'être les seuls sacrificateurs de victimes humaines. Mais voici l'aggravation du mal : le système de travail forcé est maintenant devenu nécessaire ; on ne saurait s'en relâcher si on veut continuer à dominer les marchés de l'Europe ; il faut même le renforcer, le rendre plus rigoureux, si l'on veut continuer à vivre du produit des manufactures ; car toute l'Europe s'élève contre l'Angleterre, ses ouvriers, ses produits. L'Angleterre n'est plus exclusivement le pays des machines. Elles sont acclimatées parmi toutes les nations tout autant qu'en Angleterre ; celle-ci, privée dorénavant de ces alliés jusqu'alors exclusifs, doit soutenir une lutte inégale contre un ennemi débarrassé des taxes qui oppriment le colosse de la Grande-Bretagne. La question est maintenant de savoir si le travail peut encore augmenter : l'ouvrier peut-il vivre à moins de frais ? peut-il faire de plus grands efforts de travail ? On s'accorde à affirmer qu'il ne le peut pas, et que même, s'il le pouvait, on ne devrait pas l'exiger : ce serait exiger un suicide. D'ailleurs le monde n'est-il pas déjà gorgé du produit des manufactures anglaises ? Le continent, le Nouveau-Monde, les colonies britanniques, les établissemens orientaux, sont déjà surchargés du produit de ses fabriques ; d'ailleurs, chaque jour ces pays font des progrès vers le moment où ils se suffiront à eux-mêmes. Quel sera donc le sort du capital immense enfoui dans les manufactures, et des marchands principaux qui vivent de leur transport jusqu'aux bornes de la terre ? Ou, ce qui est d'une considération plus importante, que deviendront les trois millions d'individus qui vivent maintenant de la main-d'œuvre de ces divers produits ?... Le remède qui puisse conjurer l'imminent danger que présente cet état de choses, est un de ceux que les passions et l'imprévoyance des hommes empêcheront d'adopter. L'Angleterre ne renoncera jamais à la prétention d'être l'atelier général du monde. Elle ne voudra jamais descendre à l'humiliation de cesser de vendre des mousselines, des boutons et des canifs à meilleur marché qu'aucune manufacture étrangère, ni au crime de lèse-nationalité de mettre hors de ces prisons enfumées, de ces caves fétides et de ces continuels réceptacles d'exhalaisons pestilentielles appelés manufactures, quelques millions de jeunes hommes et de femmes, pour leur laisser gagner leur pain dans les travaux des champs, leur faire échanger les machines à vapeur contre la charrue et la bêche, les réduits pestilentiels où ils sont entassés, contre les prairies et les récoltes ; la distorsion, le vice et la mort contre la beauté, l'innocence, la fraîcheur et la vie. Cependant il faut que ce changement [5.2]s'opère, sinon toute l'Angleterre sera ébranlée jusque dans ses fondemens. La nécessité de la révolution de France n'était qu'une ombre auprès de la réalité du mal, et du besoin actuel de plusieurs millions d'individus de se procurer du pain qu'on ne peut plus leur donner. La France fut bouleversée, parce que la noblesse était une classe privilégiée qui s'emparait exclusivement de tout l'avancement militaire et ecclésiastique. C'était en grande partie de la vanité blessée ; mais la France, dans les temps les plus désastreux, nourrissait toute sa population ; mais le paysan français était plus heureux, et, à tout prendre, plus aisé que l'artisan anglais. En Angleterre on a déjà atteint le maximum du travail, on a aussi atteint le maximum du salaire ; tous les marchés du monde regorgent de ses produits. Les remèdes populaires auxquels on a déjà eu recours, sont la destruction des machines et l'incendie de tout ce qui abrège la main-d'œuvre. Chacun sait jusqu'à quel point de pareils moyens doivent aggraver le mal, et combien facilement ils traînent à leur suite le vol et l'assassinat ; l'incendiaire ne devient jamais un ouvrier paisible, et l'on ne peut plus se fier à lui. Le remède proposé par les orateurs populaires est la diminution des taxes. Mais tout homme connaissant l'Angleterre sait que les taxes sont déjà réduites au plus bas degré possible. Toutes les administrations whigs ou torys ont vainement tenté de les réduire davantage ; toutes sont arrivées à cette déclaration : « Les taxes sont déjà réduites au plus bas degré possible. » Mais supposant qu'il fût possible de supprimer toutes les charges de l'état, l'armée, la marine, la liste civile ; que l'on pût effacer la dette publique, et réduire à la mendicité un million et demi de veuves et d'orphelins, de vieillards et d'enfans, par la banqueroute nationale, la grande question ne serait pas encore résolue. Que deviendront trois millions d'individus qui doivent périr s'ils ne fabriquent du drap et des étoffes de coton ? Il ne leur restera qu'à prendre les armes, et à arracher aux autres classes, par la force, la subsistance qui leur manque. Il n'y a point d'expédient politique qui puisse découvrir un remède contre la faim. Le bouleversement total de la société ne favoriserait certainement pas le travail ; car en de pareilles circonstances le commerce et l'industrie meurent. Une rémission partielle de taxes ne ferait pas renaître la prospérité ; car il resterait toujours à combattre l'avancement progressif de l'industrie en Europe, qui rend inutile toute rémission qu'on puisse faire, et fait continuellement une guerre sourde, mais funeste à l'industrie anglaise. On a parlé de la ressource de l'émigration ; mais ce n'est pas le fileur ni le tisserand qui émigrent, ce sont le fermier et l'artisan, vivant d'un simple métier. Le fermier emporte avec lui sa bêche et ses connaissances pratiques ; le forgeron emporte son marteau. Mais comment le tisserand emportera-t-il ces immenses machines qui lui sont nécessaires pour pouvoir produire dans une proportion qui puisse lui être profitable ? Comment embarquera-t-il sa machine à vapeur de la force de cent chevaux, et son établissement merveilleux et compliqué de machines dont il n'est lui-même qu'une partie subordonnée, et auxquelles il n'est pas plus essentiel qu'elles ne le sont pour lui ? C'est dans le travail forcé, l'état précaire des manufactures, qu'il faut chercher l'origine des mécontentemens croissans du peuple. Ces mécontentemens peuvent avoir été accélérés ou augmentés par les démagogues ; mais il n'est pas au pouvoir d'une feuille périodique, [6.1]d'un pamphlet, d'un orateur, de convertir en fiel le sang de tout un peuple, ni de pousser tout une masse d'hommes honnêtes et industrieux à des actes de violence contre ceux qui les emploient, contre leurs voisins et leur pays, ni enfin d'enflammer l'esprit de la classe manufacturière jusqu'à la frénésie contre des institutions, simplement, parce que ce sont des institutions de leurs ancêtres qu'ils ne sont pas en état de discuter, et que leur éducation ne les a pas mis en état de comprendre. C'est vers ce point que doit être dirigée l’attention de tout ministère qui ambitionne le mérite de maintenir la nation en repos. Quel que soit le désir d'améliorer le système de représentation nationale, c'est plus profondément qu'il faut chercher la source du mécontentement général et manifeste qui s'empare graduellement de l'esprit du peuple. Le manque de pain est le véritable mot de la rébellion. Le désespoir les étouffe : la loyauté primitive des cœurs anglais, et la déclaration universelle des séditieux, que, s’ils doivent périr, ils ne périront pas seuls, est la véritable expression de l'esprit qui anime la multitude. Le seul remède est de revenir sur ses pas, de cesser d'unir l'idée de la grandeur nationale avec celle d'être les premiers manufacturiers du monde, ou en d'autres mots, de cesser de vouloir être les instrumens et les esclaves des besoins de toutes les nations de la terre. (Le Français.)1 - A Bristol, il règne une grande irritation parmi le peuple ; il n'est maintenu dans l'obéissance que par le grand nombre de troupes qu'on a envoyées dans cette ville. On ne pense pas que les auteurs des troubles du mois d'octobre soient condamnés à mort ; mais il est probable qu'ils seront déportés. - Le duc de Wellington a été tellement affaibli par sa maladie, que les médecins regardent comme impossible qu'il fournisse encore une longue carrière. (Constitutionnel.) - Les voleurs ne respectent plus rien ; hier matin ils se sont introduits chez un inspecteur de police, et en ont enlevé plusieurs effets mobiliers. (Gazette des Tribunaux.) - M. Bouvier du Molart est dangereusement malade à Metz. - La santé du général Lafayette est assez améliorée pour qu'il ait pu sortir hier, afin d'assister au mariage d'une de ses petites-filles avec M. Bureau de Pusy, fils du député de l’assemblée constituante, qui partagea avec M. Lafayette la captivité d'Olmutz. (Globe.) - Depuis l'apparition du choléra en Angleterre, 1,677 individus ont été attaqués de cette maladie ; 575 ont succombé. Les autres sont rétablis ou en traitement. - Nous le demandons à tous les hommes de bonne foi, quel est le parti, quel est le journal qui ne s'empressât de glorifier et de soutenir le gouvernement, s'il adoptait le programme suivant pour son programme de l’Hôtel-de-Ville ? Etablir dans le plus bref délai et pour tous successivement un système d'éducation morale et professionnelle. Imprimer à la société une immense activité pacifique : 1° Par la création d'un vaste ensemble de communications de chemins de fer, canaux, routes, etc.; 2° Par l’établissement d'institutions de crédits propres à doter la capacité qui couvrirait la France comme un réseau ; 3° Par la fondation, sur plusieurs points du territoire, [6.2]de hautes écoles où seraient formés des ingénieurs et des médecins, c'est-à-dire, les officiers de l'armée pacifique des travailleurs. (Globe.)
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 19 janvier (présidée par m. guérin.) La séance est ouverte à six heures et demie. La salle est, comme à l'ordinaire, très-remplie, et une quarantaine de causes sont appelées ; un grand nombre ont rapport à des divisions entre les maîtres et leurs apprentis ; quelques-unes sont conciliées. Les causes qui ont offert quelque intérêt, sont les suivantes : Le sieur David, placé en apprentissage chez les sieurs Broche et Pélisson, fabricans de tulles bobins, auxquels il a donné 1,000 fr. pour apprendre cette fabrication, réclame l'exécution des conventions de son apprentissage, où il était dit que le sieur David devait faire 1,500 rach à 60 c., et si les conventions n'étaient pas exécutées, être remboursé de 500 fr. Le sieur Broche expose au conseil que cet article ayant subi une diminution, il ne peut, sans faire de grandes pertes, occuper son élève. Cette affaire avait déjà été agitée et renvoyée pardevant M. Cochet, qui n'avait pu concilier les parties. Le sieur Broche offre 100 francs de défrayememt à son élève, s'il veut résilier leurs conventions : le sieur David réclame 200 fr., et, après quelques explications, les parties restent d'accord à 175 fr. Le conseil, vu le consentement des parties, prononce la résiliation desdites conventions, moyennant la somme de 175 francs, que les sieurs Broche et Pélisson devront payer au sieur David. Le sieur Masset réclame au sieur Petit le deuxième paiement, échu par les conventions, de l'apprentissage de son fils, se montant à la somme de 200 fr. Le sieur Petit dit que son fils est malade à l'hôpital, et qu'il refuse de payer ces 200 fr. parce que le médecin, M. Gensoul, lui a dit que son enfant n'avait pas été assez bien nourri. Le chef d'atelier prouve, à son tour, que la maladie de son élève vient d'une tout autre cause, et que d'ailleurs il n'avait jamais fait aucune plainte. Le conseil condamne le sieur Petit à payer au sieur Masset la somme de 200 fr. dont le terme du paiement est échu, et suspend l'exécution de l'acte d'apprentissage jusqu'au rétablissement de l'élève. Le sieur Comte, moulinier, fait comparaître devant le conseil deux de ses ouvrières qui ont quitté son atelier sans l'avertir, comme d'usage, huit jours d’avance ; il expose au conseil que, le même jour où ces ouvrières l'ont quitté, il en avait refusé le matin deux autres qui s'étaient présentées chez lui, ne pensant pas que ses ouvrières le quitteraient ainsi. Le conseil condamne les ouvrières à rentrer et faire leur huitaine, ou défrayer le sieur Comte. Une ouvrière répond qu'elle aime mieux défrayer le sieur Comte que de rentrer chez lui. M. le président regrette que les sieurs Cadier et Venel, mouliniers, qui ont reçu lesdites ouvrières, ne se soient pas rendus à l'invitation du sieur Comte ; il voulait, dit-il, leur faire sentir l'inconvenance qu'il y a de leur part de recevoir des ouvrières qui n'avertissent pas leur maître huit jours d'avance, et auquel elles doivent un arriéré. Le sieur Berger réclame aux sieurs Meauvernet et Roche un défrayement pour une pièce de gros des Indes de qualité inférieure, qu'il leur a tissée ; il fait aussi remarquer [7.1]que c'était une pièce qui avait déjà été levée dans un autre atelier, et qu'ayant averti le sieur Meauvernet qu'elle était de qualité inférieure, ce dernier lui avait promis de le défrayer en sus du prix qui devait être égal à celui des autres maisons de commerce, 60 c. l'aune. Le sieur Meauvernet n'a porté en façon le prix de cette pièce qu'à 55 cent, et allègue, pour raison d'abord, que la pièce n'était point inférieure, qu'il n'a rien promis à cet ouvrier, et qu'il lui a fait un rabais de 5 c. par aune, parce que la première coupe était mal fabriquée ; qu'au surplus il ne se croyait pas obligé de payer le prix des autres maisons. Le sieur Berger dit que sa pièce ne pouvait être mal fabriquée, quoiqu'il ait eu beaucoup de peine à la faire, qu'il n'a tissé la seconde coupe que dans l'espoir d'une indemnité, et que dans ce moment-ci le sieur Meauvernet offre de lui continuer de l'ouvrage. Il demande que le prix de sa façon soit porté à 60 c. et 12 f. de défrayement. Le conseil condamne le sieur Meauvernet à payer le sieur Berger à 60 c. l'aune, et à lui donner 6 fr. pour défrayement. Le sieur Berger expose aussi au conseil que le sieur Meauvernet lui a donné du coton humide et qu'une pesée de 3000 gr. a perdu 100 gr. dans un jour, et qu'il se trouvait par cela en arrière de compte de 480 gr. que le sieur Meauvernet lui avait promis de balancer son compte, qu'il avait en effet porté les 480 gr. pour balance, mais sans y écrire à côté aucune explication, et que depuis il lui avait porté ce solde à son compte d'argent. Cette dernière affaire a été renvoyée pardevant M. Guérin pour vérifier les comptes.
PRÉFECTURE DU RHONE.
Conseil des Prud'hommes de Lyon. Nous, Préfet du département du Rhône, Ordonnons la publication par affiches de l'ordonnance du Roi dont la teneur suit. Lyon, le 21 janvier 1831. Le préfet du Rhône, Gasparin. ordonnance du roi. LOUIS-PHILIPPE, Roi des Français, A tous présens et à venir salut : Sur le rapport de notre ministre-secrétaire-d'état au département du commerce et des travaux publics ; Vu la délibération de la chambre de commerce de Lyon et du conseil des prud'hommes de ladite ville ; Vu la loi du 28 mars 1806, le décret du 3 juillet 1806, et le décret du 8 novembre 1810 ; Notre conseil-d'état entendu, Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : Art. 1er. Le conseil de Prud'hommes de Lyon sera porté de quinze à ving-cinq membres. La fabrique d'étoffes de soie nommera dix-sept prud'hommes, dont neuf marchands-fabricant et huit chefs d'ateliers ou ouvriers possédant, en propriété, au moins quatre métiers. Il n'est rien innové à l'égard des huit autres membres du conseil, qui continueront à être nommés par les fabriques de bonneterie, de chapeaux, etc. conformément à l'article 2 du décret du 8 novembre 1810. Art. 2. Les neuf prud'hommes marchands-fabricans de soierie, seront élus dans une assemblée de tous les marchands-fabricans, qui justifieront de leur patente. Art. 3. Pour l'élection des huit prud'hommes chefs d'ateliers ou ouvriers en soierie, la ville de Lyon et les [7.2]communes de Vaise, la Croix-Rousse, Caluire et la Guillotière, seront, par arrêté du préfet du Rhône, divisées en huit arrondissemens, dans chacun desquels un desdits prud'hommes sera nommé par les chefs d'ateliers ou ouvriers domiciliés dans l'arrondissement, qui justifieront de la possession de quatre métiers. Art. 4. Les électeurs devront se faire inscrire, avant la tenue des assemblées, sur un registre à ce destiné, dans les mairies respectives où ils produiront les justifications exigées par les articles 2 et 3 ci-dessus. Le mode de cette inscription et le délai dans lequel elle devra avoir lieu, seront déterminés par arrêté du préfet. Art. 5. Au moyen des dispositions ci-dessus, la fabrique de soierie ne nommera plus de prud'hommes suppléans. Art. 6. Notre garde-des-seaux, ministre de la justice, et notre ministre du commerce et des travaux publics, chacun en ce qui le concerne, sont chargés de l'exécution de la présente ordonnance qui sera insérée au bulletin des lois. Donné au palais des Tuileries, le 15 janvier 1832. Signé : LOUIS-PHILIPPE. Certifié conforme : Le secrétaire-général de la préfecture du Rhône, Alexandre. Aujourd'hui, 22 janvier, doit être affiché l'arrêté de M. le préfet qui prescrit les mesures pour l'élection des membres du nouveau conseil des prud'hommes.
AVIS.
Christophe Escoffier né à Carouge, canton de Genève, a disparu depuis le 21 novembre dernier, du domicile du Sr. Rojet, fabricant à la Croix-Rousse, rue Calas, n° 4, chez lequel il travaillait de sa profession d'ouvrier en soie. Signalement. Agé de 26 ans ; taille de 5 pieds un pouce, cheveux et sourcils chatains, yeux gris bleus, nez moyen, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, teint coloré, marqué de petite vérole. Il portait, le jour de sa disparition, une veste en printanière grise, un gilet en drap noir, un pantalon en drap gris de fer, une casquette en crin gris-vert, une cravate en soie noire à bordure rouge, des bottes. On voudra bien adresser les renseignemens qui pourront être donnés sur Christophe Escoffier à la préfecture du rhône, division de la police.
SOUSCRIPTION
En faveur des veuves, des orphelins et des blessés des trois journées de novembre. 3me liste. MM. L. N., 2me versement. : 3 fr. Un anonyme. : 1 fr. 50 c. Gilibert, D. M. : 20 fr. Mathieu (Josué), âgé de 7 ans. : 3 fr. Un anonyme : 40 fr. [Total]1 : 67 fr. 50 c.
COUPS DE NAVETTE.
[8.1]Un prince a dit : « Les intérêts des uns doivent être les intérêts des autres. » Les ouvriers sont toujours les uns, quand seront-ils donc les autres ?... Le même prince a dit : « Le fabricant et l'ouvrier ne doivent faire qu'un... » C'est fort bien ! pourvu que ce ne soit pas quand l’un aura mangé l'autre. Quand on dit à un égoïste que des ouvriers se meurent de faim, il répond : Ce ne sont pas ceux-là qui se plaignent. Les ouvriers en soie vont offrir à un honorable député une superbe couronne de pisse-en-lit, dont le prix doit s'élever au moins de vingt-huit à trente-deux sous. Les mêmes ouvriers veulent offrir au rédacteur du Mercure ségusien (journal de St-Etienne), une belle et grande plume de perroquet. On parle d'envoyer des ouvriers en soie à Alger ; ils sont trop hommes de terre depuis qu'ils ne mangent que des pommes. Le siècle de papier, disait un vieux canut, valait mieux que le siècle de verre. Les ouvriers gagnaient davantage avec leurs châssis, que maintenant avec leurs belles vitres... Les ouvriers ne seront plus des ourang-outang. Plusieurs négocians ont mis bas les grilles des cages, et en ont fait placer sous leurs cheminées. O progrès de la philantropie !!! MM. F. et R. disaient, ces jours derniers, on ne peut plus prendre une tasse sans qu'on vous mette sur le journal… Eh bien ! nous nous cotiserons pour faire tomber l’Echo de la Fabrique. Ah! MM. F et R., cotisez-vous plutôt pour faire augmenter les façons.
MAISON SPÉCIALE D'INDICATION POUR LA FABRIQUE D’ÉTOFFES DE SOIE 1.
Dans une branche de commerce qui occupe 150,000 personnes de notre ville, un isolement complet existe entre les artisans et ceux qui les font travailler. La position sociale des uns et souvent le dénuement des autres, empêchent ce contact sans lequel il ne peut y avoir de prospérité pour l'industrie. Les chefs d'ateliers, les ouvriers éprouvent le même isolement entr’eux. De là naissent des embarras sans nombre lorsqu'il s'agit de monter de nouveaux articles ; de là des frais énormes qui souvent accablent le chef d'atelier, et qu'on éviterait, ou du moins qu'on épargnerait en partie, si chacun pouvait se tourner vers un centre commun. Les avantages que produira la maison spéciale d'indication pour la fabrique d'étoffes de soie, sont incalculables : le chef d'atelier y trouvera les moyens de se procurer, soit des ouvriers, soit des apprentis, soit enfin tous les ustensiles, harnais et accessoires pour le montage des métiers suivant les divers articles ; il y trouvera aussi les moyens de se procurer de l'ouvrage sans aller au hazard frapper à la porte des magasins. Les ouvriers auront moins de crainte de rester [8.2]sans travail, parce que la maison d'indication étant le centre où aboutiront toutes les demandes d'ouvriers, ceux-ci sauront à qui s'adresser et ne végéteront plus en cherchant d'un atelier à l'autre un métier à prendre. C’est surtout dans les temps mauvais où la maison d'indication sera le plus utile, parce qu'alors il y a manque d'ouvrage, et par conséquent l'ouvrier est plus exposé au changement d'atelier. Les négocians pourront se procurer plus facilement le nombre d'ouvriers nécesaires pour remplir les commissions. Ce que nous avançons a été éprouvé par quelques maisons de commerce auxquelles nous avons procuré sous deux jours le nombre d'ouvriers dont elles avaient besoin. Ainsi, dans l'intérêt du commerce et de l'industrie, une maison spéciale d'indication pour la fabrique d'étoffes de soie, sera établie à dater de ce jour dans les bureaux du journal l’Echo de la Fabrique. On se chargera : 1°des demandes de métiers par MM. les négocians ; 2°du placement des ouvriers dans les divers ateliers et selon les articles ; 3°des demandes et du placement d'apprentis ; 4°de la vente des métiers, harnais et accessoires pour tous les genres de fabrication, et enfin de toutes les demandes en rapport avec la fabrique. La feuille d'annonces de l’Echo facilitera, par la publication, cette entreprise éminemment utile. Comme ce journal n'a été créé que dans le but d'extirper tous les abus, et non par une spéculation de lucre, la maison d'indication sera créée par le même motif, et les personnes qui s'y adresseront ne seront point rebutées par les frais d’insertion ou de bureau qui sont extrêmement minimes. La maison d'indication sera ouverte comme le bureau du journal, de 9 heures du matin à 5 heures du soir.
ANNONCES DIVERSES.
en vente Demain 23 janvier, Au Bureau de l’Echo de la Fabrique réplique de m. bouvier du molart aux récriminations insérées dans les journaux ministériels du 6 janvier.
AVIS.
A vendre, un atelier de six métiers en velours façonné et uni, avec beaucoup d’ustensiles et accessoires. S’adresser chez M. Drivon cadet, côte des Carmélites, à la barrière de fer. - On demande plusieurs ouvrières pour des courans et des unis. S’adresser au Bureau du Journal, - On demande des ouvriers compagnons pour des métiers de pluches pour chapeaux. S’adresser au Bureau du Journal.
Notes (LYON.)
L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Ce texte, contemporain de la réforme des prud’hommes, est le premier d’une longue série rédigée par Falconnet dans les premiers mois de 1832 pour lister, détailler et combattre les abus de la fabrique. Dans le numéro 15 de L’Echo de la Fabrique (5 février 1832, 2e partie dans le numéro 16), il traitera spécifiquement de l’abus du montage de métier. Suivront rapidement des textes consacrés spécifiquement à l’abus du travail de nuit (numéro 17), à l’abus des écritures sur les livres d’ouvriers (numéro 18), à l’abus du règlement des comptes (numéro 19), à l’abus du paiement à jour fixe (numéro 22), à l’abus du laçage de carton (numéro 23). La série s’interrompt en avril peu de temps avant que Falconnet soit élu pour représenter les canuts aux nouveaux prud’hommes de Lyon.
Notes (LA FABRIQUE EST-ELLE PERDUE ?)
L’auteur de ce texte est Léon Favre d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes ([3.1] Il ne faut pas confondre le baume avec...)
L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (Nous avons dit dans notre précédent N ° , en...)
L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (AU RÉDACTEUR.)
L’idée domine encore d’une solidarité naturelle de tous les industriels, solidarité seulement méconnue par quelques négociants égoïstes et retardataires. Très rapidement L’Echo de la Fabrique organise la mise à l’index des négociants fraudeurs et peu scrupuleux. Différentes rubriques du journal seront mobilisées : celle sur les séances des prud’hommes, les lettres au rédacteur, mais aussi, les coups de navette qui servent à alpaguer ces mauvais négociants. Cette pratique culminera avec l’ouverture, en février 1833 d’une rubrique intitulée, « Catalogue des maisons de commerce qui sont en contradiction avec les décisions du conseil des prud’hommes » (L’Echo de la Fabrique, 10 février 1833), rubrique qui conduira presque immédiatement Berger, le gérant de L’Echo, devant le Tribunal de police correctionnelle. Il s’agit probablement de François Galle, marchand fabricant établit 25, rue des Capucins. Présent dans la liste des électeurs du Rhône en 1829 il disposait donc d'une certaine fortune.
Notes (NOUVELLES DIVERSES.)
Probablement Le Français. Journal politique, commercial et littéraire, lancé en novembre 1831.
Notes (SOUSCRIPTION)
Ajouté par les éditeurs.
Notes (MAISON SPÉCIALE D'INDICATION POUR LA FABRIQUE D’ÉTOFFES DE SOIE.)
Le projet d’une maison centrale illustre l’initiative des chefs d’ateliers qui réclamaient alors une organisation plus rationnelle de la fabrique lyonnaise. Les journalistes de L’Echo insistaient parallèlement sur le laxisme, la paresse, le manque d’esprit d’entreprises et d’innovation, l’absence de plan d’ensemble chez certains des principaux négociants. Le même avis sera publié dans le numéro 18 (26 février), le numéro 30 (20 mai 1832) et le numéro 37 (8 juillet 1832) de L’Echo de la Fabrique.
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