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20 novembre 1833 - Numéro 6
 

 




 
 
     

Défense des Fabricans d’étoffes de soie,

Qui ne sont pas Mutuellistes.

[1.1]Des plaintes nombreuses, violentes même, nous sont parvenues contre un article signé par Me Chaney, avocat, intitulé des associations, et inséré dans le N. 45 de l’Echo de la Fabrique. Cet article nous avait échappé ; le nom de son auteur nous avait paru une garantie suffisante de la sagesse avec laquelle la question importante dont il s’agit, avait dû être traitée. Une lecture attentive nous a convaincus de notre erreur, et notre devoir nous force de répondre pour tous les chefs d’atelier, non Mutuellistes, aux injures qui leur sont adressées ; injures d’autant plus étonnantes, que la matière ne les comportait pas, et qu’elles se dissimulent sous un air de modération. Nous sommes convaincus qu’un faux exposé a été la base de l’opinion émise par Me Chaney ; mieux instruit, il déplorera la légéreté avec laquelle il a déversé sans raison le mépris et l’injure sur une classe nombreuse de ses concitoyens, qui ne le cède en rien à ses cliens sous le rapport du patriotisme comme sous celui de la probité. Loin de nous l’intention de dire rien qui soit fâcheux pour nos confrères Mutuellistes ; des liens tout aussi forts que ceux du Mutuellisme, l’honneur et un intérêt commun nous unissent !

Nous sommes d’accord avec M. Chaney sur la nécessité pour les classes laborieuses de s’associer, afin de résister avec force aux prétentions de ceux qui les exploitent ; nous sommes donc bien loin de nier les avantages des associations, mais doivent-elles être publiques ou secrètes ? Voici notre profession de foi à cet égard.

Nous aimons l’association, celle qui se montre au grand jour ; l’association qui dit au pouvoir : me voila ! frappe si tu l’oses. Nous aimons l’association qui dit à la loi : je te respecte, mais je suis au dessus de toi, parce que je suis la société, et que la société n’a pas été faite pour toi ; mais toi, la loi, pour la société ; dès-lors tu dois changer avec moi. Que quelques esprits méticuleux s’effarouchent de ce langage, c’est possible ; mais nous disons : La loi commande à quelques uns, elle obéit à tous. Sans ce principe, la législation serait immuable, et trop de débris de lois successives et opposées nous prouvent le contraire. Le droit d’association n’est pas encore dans la loi écrite ; qu’importe ? il est dans les mœurs, et ne pouvant changer les mœurs, le législateur changera nécessairement la loi écrite.

Nous l’avouons, notre sympathie n’est pas pour les associations secrètes. Celle du Mutuellisme est malheureusement de ce nombre. Delà notre dissidence. Le mystère sur lequel le Mutuellisme repose, lui a enlevé des [1.2]partisans notables ; c’est à la faiblesse et au mal de s’envelopper des ombres du secret ; la force et le bien doivent se produire au grand jour. Il n’est donc pas étonnant que sur près de huit mille chefs d’atelier dont la fabrique de Lyon se compose, un peu plus du quart seulement se soit soumis aux exigences du Mutuellisme. Ce fait établi, est-il possible, demanderons-nous à Me Chaney, de flétrir d’un coup de plume les nombreux citoyens qui ne sont pas Mutuellistes ? De quel droit vient-on leur mettre sur le front un stygmate de honte ? A quel titre vient-on leur imposer en quelque sorte l’obligation d’être d’une société secrète, lorsque leurs opinions s’y refusent ? Eh quoi ! aujourd’hui encore de l’intolérance, aujourd’hui encore des hommes qui diront : Avec nous ou contre nous ; qui, parodiant un mot devenu célèbre, diront : Nul n’aura de la vertu, hors nous et nos amis. C’est en vain que la philosophie aura prêché tolérance pour tous, tolérance même pour l’erreur, et comme dans l’ancienne église catholique hors de laquelle, selon des chrétiens fanatiques, il n’y a point de salut, une église industrielle s’élevant, proclamera avec non moins de fanatisme : Hors le Mutuellisme, point de salut !

Qui donc, Me Chaney, vous a chargé d’une cause aussi pitoyable, aussi peu libérale ? Oh ! vous n’avez pas été, nous en sommes certains, l’écho de tous les Mutuellistes, mais seulement de quelques uns, d’un bien petit nombre.

Sans doute (cet aveu ne nous est nullement pénible), le Mutuellisme a été une pensée sublime, un progrès notable dans l’émancipation des prolétaires ; s’il était attaqué, il n’aurait pas de plus ardens défenseurs que nous ; sans doute, et plus justes que vous, nous ne le nierons pas, les Mutuellistes sont vertueux, mais sont-ils seuls vertueux ? Faut-il leur donner un brevet de vertu aux dépens de leurs confrères dissidens ?

Me chaney ! Quel homme peut prononcer sur la moralité d’un autre homme ? Qui est assez pur pour jeter la première pierre ? Oh ! s’il en est un qui ait le fol orgueil de le croire, qu’il se montre ! mais qu’il descende auparavant en lui-même, et s’il n’y trouve rien des faiblesses humaines, si sa conscience ne lui reproche aucun sentiment d’ambition, de jalousie, de haine ou de passions mauvaises quelconques ; s’il est aussi juste que vertueux, qu’il se proclame tel, et qu’il lance cette pierre que Jésus de Nazareth trouva si pesante, que la femme adultère lui dût son salut… Mais qu’il tremble alors, car un compte sévère lui sera demandé par un juge inflexible, par un juge qui sait lire dans les replis les plus cachés du cœur humain.

Après avoir rendu toute justice aux Mutuellistes sur leurs intentions philantropiques en fondant leur société, sur le bien qu’ils ont produit, sur celui qu’ils sont appelés à faire, la critique sera-t-elle permise ? Notre [2.1]franchise habituelle ne doit pas nous abandonner ; nous dirons : La société des Mutuellistes n’a pas compris toute sa mission.

Qu’on choisisse ses amis, rien de plus naturel ; mais ses collègues, c’est différent. Si donc un système d’exclusion existe dans cette société, si l’admission des chefs d’atelier dépend de conditions occultes, cette société a tort.

Sans doute, si toutes les exclusions pouvaient être motivées sur une preuve légale, la seule que nos mœurs comportent, il ne resterait plus que la question de savoir s’il est convenable et utile, en général, que les hommes coupables de quelques fautes, nous irons plus loin ; que les hommes vicieux et méchans soient à jamais rejetés de la société. Il faudrait seulement examiner s’il n’est pas à craindre que ces hommes exclus et lassés de leur isolement, se coalisant et s’associant entr’eux, ne fassent payer bien cher les dédains justes ou injustes qui auront flétri leur ame sans abattre leur courage. Rome eût été sage, l’histoire en convient, de pardonner à Coriolan.

Il y a plus, une réflexion trouve ici sa place. Ne sait-on pas que souvent, presque toujours, c’est moins à son mérite personnel qu’à l’audace, à l’intrigue qui se glissent partout et s’imposent, ayant l’art de se rendre nécessaires, et quelquefois à son obscurité qui ne lui permit pas d’avoir des ennemis, des envieux, qu’un citoyen doit son admission à une société ?

Dans notre critique, nous comprendrons encore, loin de l’approuver, cette inquisition, dont l’éloge a souillé la plume de l’avocat des Mutuellistes ; cette inquisition qui ne veut pas que la vie soit murée, qui exige un compte-rendu de tous les actes des sociétaires, qui charge quelques-uns des membres d’une censure toute personnelle, qu’on pourrait appeler d’un nom moins pompeux et surtout moins honorable. Nous admettons, puisqu’on le veut, que dans les associations sont les plus hommes de bien, les plus amis de l’humanité ; mais nous n’admettons pas que hors ces associations il n’y ait que des hommes tarés, sans probité. Nous consentirons qu’on regarde comme un honneur d’être admis par une société ; mais nous n’accorderons pas qu’en être repoussé soit une honte, parce que l’ambition, l’intrigue et la haine n’ont pas encore été extirpées du cœur des hommes. Nous connaissons plus d’un chef d’atelier qui, sollicité d’entrer dans le Mutuellisme, a refusé ; plus d’un autre qui, citoyen honorable, n’a pas été admis, quoique l’ayant demandé, et nous n’en tirons aucune conséquence fâcheuse, ni pour, ni contre. Liberté ! liberté ! Tes apôtres les plus vrais t’oublient trop souvent.

Nous sommes fâchés d’avoir eu à combattre une société que nous estimons, et avec laquelle nous serons complètement unis le jour où elle répudiera tout mystère. Nous sommes fâchés aussi d’avoir eu à combattre un avocat dont le mérite et les sentimens patriotes sont incontestables ; mais la nécessité de repousser d’injustes attaques dirigées contre nous, et l’immense majorité de nos confrères, nous a mis la plume à la main.

sigaud.

conseil des prud’hommes.

Séance du lundi 18 novembre.

Galet, devideur, demande à Converset, fabricant, le paiement de plusieurs pesées de soie. Converset allègue qu’il a un solde, depuis que Galet devide pour lui, de près de 500 grammes ; il soumet son livre au conseil, auquel il dit avoir toujours fait au devideur le billet de devidage conforme aux pesées reçues chez le négociant, et qu’un des billets a eu des chiffres refaits en moins, et que c’est le devideur qui l’a fait. Le conseil, à défaut de preuves, condamne Converset à payer le montant des billets dans l’état où il se trouvent.

Coq, négociant, veut faire perdre la façon d’un premier schale à Genet, fabricant, attendu qu’il a été fabriqué avec un paquet de 900 cartons de moins. Genet dit qu’il a été à plusieurs reprises chez Galvand, enlaçeur, et qu’il lui a déclaré lui remettre le dernier paquet ; il s’est rapporté et a travaillé avec le nombre de cartons qu’il avait. L’enlaçeur présent dit qu’il avait observé qu’il en avait encore chez lui, et que l’on n’est [2.2]pas venu les chercher. Sa déclaration est combattue par Genet. Les parties sont renvoyées par devant MM. Reverchon et Perret, pour voir le schale, et entendre leurs moyens de défense.

Affaire Carrier, contre Michel.

Cette affaire doit se juger demain au conseil des prud’hommes.

Me Jules Favre a inséré, à la page 30 et aux suivantes de sa brochure de la Coalition des chefs d’atelier de Lyon, dont nous avons rendu compte dans le N. 2 du journal, des tableaux non contredits établissant les frais énormes supportés par les chefs d’atelier, et qui réduisent à presque rien leur salaire. Nous allons présenter les tableaux comparatifs des dépenses et des façons de quatre métiers employés par Carrier pour Michel. L’on verra s’il est étonnant que ce dernier, lors de l’apurement des comptes, se soit contenté d’un billet de 50 fr. pour solde, ainsi que l’articule le chef d’atelier, homme d’honneur, connu comme tel.

Montage d’un métier 4/4 crêpe de chine à tringle et 450 maillons, ci : 215 f 60 c
Id. d’un métier 5/4 barège à mécanique, 750 et 4,000 maillons, ci : 100 f 75 c
Id. d’un métier 5/4 barège lancé, 4000 maillons, ci : 116 f
Id. d’un métier 4/4 muphté, 4000 maillons, ci : 66 f 55 c
Total : 498 f 90 c
Ajouter chauffage, 16 ben. charb. à 2 f. 75 c : 44 f
542 f 90 c

Les façons sont ainsi réparties :
1er Métier du 29 décemb. 1832 au 25 mai 1883 : 388 f 45 c
2e id. du 17 janvier 1833 au 24 mars 1833 : 114 f
3e id. du 17 mars 1833 au 23 juin suivant : 303 f
4id. du 10 novemb. 1832 au 7 janvier 1833 : 63 f 90 c
Total : 869 f 35 c
A déduire la 1/2 de la façon pour le compagnon : 434 f 67 c 1/2 - 434 f 67 c 1/2
Il y a par conséquent déficit : 108 f 22 c 1/2

Si l’on conteste l’exactitude, soit des frais de montage, soit des façons, nous en avons le tableau détaillé, et nous le produirons ; si nous ne le faisons pas présentement, ce n’est que pour éviter de surcharger nos colonnes, mais si on le désire, nous le ferons. A ce déficit de 108 f. 22 c., joignez la créance de 154 f. 50 c. de Michel et Giraud, oubliée pendant trois ans, et qui a une physionomie toute particulière, et vous expliquerez bien des choses que la prudence nous commande de taire.

AU GÉRANT.

Lyon, le 19 novembre 1833.

Monsieur,

Votre journal ne s’enquiert pas si l’on est Mutuelliste ou non, il ne voit dans un ouvrier qu’un citoyen auquel il faut rendre justice lorsqu’il est victime d’une vexation quelconque ; c’est pourquoi je m’adresse à vous.

Le 11 novembre courant, sur les onze heures du matin, j’ai vu entrer chez moi MM. Riboud, président du conseil des prud’hommes, et Bourdon, prud’homme, chef d’atelier, lesquels ont, de leur autorité privée, ordonné que les sieurs Corsain, Bottier et Chatanay, trois de mes élèves, ne feraient plus, à l’avenir, savoir : Corsain et Chatanay, qu’une aune et demie de tâche, au lieu d’une aune trois quarts sur un lustré 4/4, et Bottier, une aune trois quarts, au lieu de deux aunes sur un lustré 7/8. Je pense que je m’étais conformé aux usages de la fabrique, en fixant ainsi la tâche de mes élèves. D’où vient qu’on change cet usage ? et en supposant que le conseil en ait le droit, peut-il donner à sa décision un effet rétroactif ? Je demanderai encore de quel droit MM. les prud’hommes se transportent, sans aucune ordonnance ni jugement, dans l’atelier d’un fabricant, pour y prêcher l’insubordination des élèves ; car tel a été le résultat de la démarche de MM. Riboud et Bourdon. Les maîtres-gardes sont-ils rétablis ? [3.1]Je sais bien que votre collègue, M. Bernard, les demande, mais je ne pensais pas que le conseil des prud’hommes déférerait sitôt à sa volonté. Rien de tel, il est vrai, que d’être amis. Les maîtres-gardes ont été supprimés aux applaudissemens de la fabrique ; les rétablir sous un autre nom, serait rétrograder de quarante ans. Je proteste donc, et j’invite mes confrères à protester avec moi contre cette tendance de MM. les prud’hommes, qui ne sont que nos mandataires, de se croire nos supérieurs, et de s’arroger des droits qu’ils ne peuvent avoir que par une décision du conseil tout entier, et lorsqu’ils ont été saisis par la plainte d’une partie. J’appelle, Monsieur, toute votre attention sur ce fait, et vous prie de le signaler par l’insertion de la présente.

J’ai l’honneur, etc.

dailly, fabricant,
Rue Bouteille, N. 15, au 4e.

La Société d’Agriculture de Châlons-sur-Marne a proposé, pour prix à décerner en 1834, la question suivante : « L’institution de la garde nationale ne serait-elle pas susceptible d’améliorations également désirables dans l’intérêt du pouvoir et dans celui des libertés publiques ? En cas d’affirmative, indiquer ces améliorations. » Les mémoires doivent être envoyés, avant le 15 juillet 1834, au secrétaire de l’Académie, francs de port, et revêtus d’une épigraphe, suivant l’usage.

Nous nous empressons d’insérer la lettre suivante, qui nous est adressée contre le système de l’association commerciale d’échange. On le voit, nous n’oublions pas les promesses de notre prospectus. Nous l’avons dit, parce que c’est notre conviction : un journal est une tribune où toutes les opinions doivent librement se produire. Nous n’acceptons la responsabilité que de ce que nous signons ; c’est ainsi que, dans l’Echo de la Fabrique, les doctrines St-simonienne et fourriériste ont pu se développer successivement. Nous n’avons voulu subir la tutelle d’aucunei, nous agirons de même dans la nouvelle rédaction qui nous est confiée1. L’association commerciale d’échange a des champions dévoués, écrivains de beaucoup de mérite, qui relèveront le gant que lui jette notre correspondant ; ce dernier ne manquera pas sans doute non plus de donner à son attaque tous les développemens qu’elle exige. La cause du progrès ne peut que gagner dans ces débats, et le public jugera entre les partisans et les adversaires de l’échange. Provisoirement, nous sommes neutres.

Lyon, le 14 novembre 1833

A M. le rédacteur en chef de l’Echo des Travailleurs.

Monsieur,

Deux articles successifs sur l’association commerciale d’échange, tous deux émanant d’administrateurs ou d’intéressés de cet établissement, ont été insérés dans l’Echo des Travailleurs.

Vous avez annoncé que cette feuille était une tribune où chacun pouvait, suivant sa foi et ses lumières, défendre ou attaquer toutes les institutions capables d’améliorer ou de porter atteinte à la position matérielle ou sociale des travailleurs. Je viens éprouver les promesses de votre prospectus, en vous déclarant que ma conviction et mon expérience me commandent de combattre le système d’échange qu’on veut introduire dans notre cité, de l’attaquer surtout dans les formes adoptées par la compagnie actuelle, parce que je considère les conditions formulées, comme étant très préjudiciables aux intérêts des travailleurs en général. J’essaierai de leur faire comprendre toute la portée des engagemens qu’on leur fait contracter, et tout ce que ces engagemens ont d’onéreux. Je suivrai pas à pas les tentatives de l’établissement qu’on essaie de reconstituer, et j’éclairerai mes concitoyens sur les conséquences des opérations qu’ils se proposeraient d’entamer.

Nous sommes dévoués aux progrès, Monsieur, mais il ne faut pas accueillir avec un même empressement toutes les innovations qu’on nous présente entourées de phrases pompeuses et sonores. De nos jours, le mot philantropie est un manteau pour bien des gens, et ne savez-vous pas d’ailleurs que les meilleures choses, mal exploitées, mal dirigées, ne produisent que de fâcheux résultats ? Qui n’a pas approuvé, par exemple, la création de la caisse hypothécaire ? Qui n’a pas vu dans cet établissement un puissant appui pour l’agriculture ? Eh bien ! malgré son capital de 50 millions, ses opérations ont eu pour effet de ruiner prêteurs et emprunteurs ! Prenons garde à la même école.

Veuillez donner une place à cette lettre dans vos colonnes, et agréez, Monsieur, l’assurance de ma considération très distinguée.

Un de vos lecteurs, J.


i. M. Bernard, gérant actuel de l’Echo de la Fabrique, a déclaré adhérer au système de Fourrier. (V. l’Echo de la Fabrique, N° 39, p. 318. Du Système etc.).

Moyen de rendre le bois incombustible.

Il faut l’imprégner d’une décoction d’ail, ou dissolution de sels de carbonate de potasse et surtout d’alun.

Exposition Lyonnaise

de peinture, sculpture, etc.

Au Palais St-Pierre (M. Legendre Héral).

[3.2]Eclaircissons d’abord une petite difficulté grammaticale. Faut-il dire exposition ou exhibition ? Les journalistes parisiens sont partagés à cet égard ; les uns sont pour le premier de ces mots, les autres persistent à écrire le second. Pour nous, nous tenons pour le mot exposition, et en voici la raison : on expose ce dont on veut se défaire par vente, abandon ou délaissement ; on exhibe seulement ce qu’on veut montrer, mais garder en sa possession. – Une femme expose son enfant, un peintre son tableau, parce :qu’ils ont la pensée l’une de se débarrasser de son œuvre, et l’autre de la vendre ; ce qui est toujours s’en débarrasser. Au contraire, on se contente d’exhiber son passe-port à un gendarme, ou les pièces d’un procès à un avocat, parce qu’on ne prétend se défaire ni de son passe-port, ni des éléments qui constatent un droit judiciaire. Ainsi, en parlant d’un étalage public de morceaux de peinture et de sculpture dont les auteurs auront (je n’en sache point qui ne l’aient pas) une pensée de vente, c’est exposition qu’il faudra dire ; comme aussi exhibition sera seul le mot propre, si cet étalage est effectué par des amateurs dans un pur intérêt, ou d’amour-propre, ou de bienfaisance. D’où il suit que si la démonstration artistique qui a lieu aujourd’hui à St-Pierre est une exposition, dans toute la force du terme, celle qui se fit, il y a quelques années, à l’Hôtel-de-Ville au profit des ouvriers nécessiteux, n’était qu’une exhibition.

Ce petit coin de terrain grammatical déblayé, nous entrons dans le sanctuaire des arts lyonnais.

L’architecture, la sculpture et la calligraphie s’y disputent les regards, mais la sculpture a la préférence qu’elle mérite sans contredit.

La vue est tout d’abord frappée et presque offensée par l’aspect d’une Léda colossale ; – Cependant approchons et examinons cette masse de plâtre, dont le piédestal semble devoir craquer de moment en moment. La position en est naturelle, les bras et les mains sont bien, il y a de la justesse et de la grace dans l’inclinaison de la tête ; oui, mais cette tête n’a rien d’antique, rien de céleste, rien qui décèle la mère de Castor et de Pollux : avec ses yeux ulfra-fendus et son nez marchant vers son menton, Léda ressemble à une jolie chinoise plutôt qu’à la divine maîtresse de Jupiter. – Et le cygne, que caresse une main inerte, annonce-t-il par l’éclat de ses yeux, le port de sa tête, ou le frémissement de ses aîles, qu’il est actuellement animé par l’ame de feu du maître des Dieux, encore approchant de la plus belle des femmes de Grèce, touchant au siége des voluptés, et allant s’y noyer comme dans une mer de délices ?… Hélas ! non.

Mais voici un Silène du même auteur. M. Legendre-Héral prend ici sa revanche ; dessin correct, chairs morbides, expression physionomique parfaitement saisie. – Silène a cassé sa coupe, mais comme il est à trois quarts ivre, il rit de son malheur, et rit d’un de ces rires sans souci et ribauds, qui vous disent : « Qu’importe l’avenir, puisque le présent est à moi ? Je suis soûl, que Dieu fasse geler les vignes, je m’en moque. » C’est cela, c’est bien cela. C’est en un mot, une jolie chose que ce morceau de marbre. – Une observation toutefois. – M. Legendre1 n’ignore pas que Silène, père de Bacchus, est représenté par tous les mythologistes, vieux et barbare : pourquoi, dès-lors, l’a-t-il figuré vieux et imberbe (excepté un petit bouquet sous le menton), et pourtant complètement chauve ? Ensuite y a-t-il de l’harmonie entre la figure du demi-dieu, qui indique une trentaine d’années, et sa taille qui est celle d’un enfant de huit à dix ans ? A ces deux défauts près, et comme œuvre physique, le Silène de M. Legendre nous paraît sans reproches.

B. (A).

Parallèle du bon d’échange

avec la lettre de change et le billet a ordre.

L’échange est basé sur un principe de vérité : dans les premiers âges du monde, sous l’âge d’or, l’échange était seul le commerce, et c’est à la mauvaise foi des [4.1]hommes, à la cupidité des potentats, dit l’histoire, que nous devons le règne du système monétaire, complété plus tard par l’établissement du billet à ordre et de la lettre de change.

Certes, nous sommes loin de nier l’avantage qu’a sur l’échange primitif le système monétaire, né de la civilisation ; mais ce que nous pensons aussi, c’est qu’alors que tout marchait vers le progrès, lui seul est resté stationnaire et devient insuffisant aujourd’hui.

C’est à ce système de déception, étayé, il est vrai, des lois prohibitives et des entraves mises à la liberté industrielle, que nous devons attribuer ces crises affreuses qui, en 1827, en Angleterre, et en 1830 en France, ont plongé le commerce dans une espèce d’atonie dont il a peine à se relever.

Plébéïens, nous avons senti les souffrances du peuple, et porté sans hésitation une main hardie, mais sûre, sur la plaie dangereuse de notre époque,

Nous avons comparé l’échange primitif avec le système monétaire, et de cette comparaison a surgi l’échange combiné, ou l’échange par association.

Là n’était cependant pas toute la difficulté ; bien des économistes avant nous, les Owen, les Say, les Tracy, avaient prôné ce même système, mais tous s’arrêtaient interdits devant les moyens d’exécution. Il fallait rendre l’échange malléable, si nous pouvons nous exprimer ainsi, il fallait lui donner surtout cette facilité de circulation, seul mérite du numéraire.

Ainsi donc, nous devions trouver un signe qui pût représenter facilement l’échange, et le grand problème était résolu.

Ce signe n’est autre chose que le bon d’échange qui résume en lui toutes les qualités du billet à ordre et de la lettre de change, sans en avoir les vices ou les inconvéniens.

En effet, dans l’échange par association, le bon d’échange qui ne peut être émis que par l’effet d’un travail déjà exécuté pour la société, repose sur l’association tout entière ; tandis que le billet à ordre et la lettre de change ne sont souvent que l’œuvre d’une convention entre deux individus, pour en escroquer un troisième.

En outre, le bon d’échange n’est pas une valeur accidentelle, fugitive, et telle que le numéraire, mais bien une marchandise ayant une valeur et une utilité réelles ; et poussant notre raisonnement à l’extrême, n’est-il pas vrai que si l’argent venait à être démonétisé et remplacé par un métal plus précieux ou un signe plus commode, le détenteur en serait fort embarrassé, tandis qu’il n’en serait pas de même avec un bon d’échange représentant un objet de consommation qui est toujours nécessaire ? Cette comparaison n’est du reste que pour faire ressortir l’avantage du bon d’échange sur la lettre de change ou le numéraire.

Ainsi donc, le bon d’échange est le pivot du système d’échange ; mais était-il suffisant pour faire tourner la machine ? Non, certes, il lui fallait encore le lien d’une association légale dont nous reconnaissons tous chaque jour la puissance et la force. C’est donc pour parvenir à notre but que nous avons fait souscrire des actes d’adhésions à nos statuts, c’est-à-dire, recherché des associés.

Jules dubroca.

variétés.

Logophore. – Deux Belges, MM. J. B. A. Jobard1 et Stieldorff, viennent d’inventer un instrument destiné à établir une correspondance verbale d’un lieu à un autre, quelle que soit la distance. Cette invention va recevoir son application entre Bruxelles et Anvers, au moyen de tuyaux souterrains qui porteront la voix de deux milles en deux milles.

Machine a vapeur. – Hoëné Wronski2 vient, dit-on, de vendre 4,000000 fr. à une compagnie française, la découverte d’un nouveau système de machines à vapeur, applicable au mouvement des voitures sur routes ordinaires, et à tous autres instrumens locomotifs, charrue, etc.

Papier de betterave. – Un Suédois, nommé Sinison, a publié un traité sur la manière de faire du papier avec la betterave, et ce traité est écrit sur ce papier ainsi composé.

Télégraphes. – M. Michel, de Brest, a soumis à la Société d’Emulation de Quimper, un nouveau modèle de télégraphe dont l’appareil [4.2]est beaucoup plus léger que celui de Chappe, et donne 1,048,576 figures, dont la plupart peuvent se répéter la nuit.

Tuiles en verre. – M. Dorlodot, verrier à Anzin, a inventé une espèce de tuiles en verre, très solides et diaphanes, qui seront d’un grand secours dans les constructions où l’on veut se ménager les jours d’en haut et pour la couverture des cages d’escalier. Il n’a point pris de brevet d’invention.

Mont-de-Piété.

Samedi prochain, 23 du courant, à quatre heures du soir, dans la salle ordinaire de vente, rue de l’Archevêché, commencera la vente des effets engagés au Mont-de-Piété pendant le mois d’octobre 1832, savoir : du N° 62538 au N° 70051.

Nota. Aucun journal n’annonçait ces ventes qui ont lieu sans autre publicité que celle des affiches, avant que nous prissions la rédaction de l’Echo de la Fabrique. Nous ne commettons, par conséquent, aucun plagiat en les insérant dans l’Echo des Travailleurs ; nous ne faisons que suivre une idée qui nous appartient exclusivement, et dont la classe ouvrière a apprécié l’utilité.

Nous croyons devoir prévenir que l’ordre des ventes est ainsi réglé : lundis et jeudis, les bijoux, l’argenterie, montres, dentelles ; mardis, les draps, percales, indiennes, toiles en pièces et hardes ; mercredis, les matelas, lits de plume, glaces, livres reliés et en feuilles, vieux papiers, effets et hardes ; vendredis et samedis, les linges et hardes. S’il survenait quelques changemens, nous en avertirions les lecteurs. Dans le cas contraire, nous ne renouvellerons pas cet avis.

Nouvelles générales.

paris. – 225 garçons boulangers ont été arrêtés le 14 novembre ; plus de 300 ouvriers tailleurs l’ont été le lendemain.

– Les ouvriers selliers-carrossiers se sont réunis le 17 à l’Hermitage Montmartre.

– Les ouvriers tailleurs d’habit ont établi un second atelier. Les patriotes s’adressent à eux de préférence aux maîtres.

– Les ouvriers cambreurs se sont également séparés de leurs maîtres, d’après le refus de ceux-ci de porter à 4 fr. la journée qui n’est que de 30 à 45 sous. Ils ont ouvert un atelier de fabrication de tiges de bottes.

– Quatre ouvriers tourneurs de chaise ont été arrêtés sur la dénonciation d’un maître auquel ils avaient reporté de l’ouvrage que celui-ci avait donné à un camarade à un prix trop bas.

– Les ouvriers gantiers, n’ayant pas obtenu l’augmentation de 25 c. par eux demandée, ont établi entr’eux une caisse de secours.

– L’association des ouvriers imprimeurs s’organise.

– raspail, accusé d’avoir prononcé un discours réputé séditieux par un commissaire de police, a été acquitté le 14 novembre par la cour d’assises de Paris.

Lyon.

II faut joindre les relieurs de livres aux autres ouvriers qui se coalisent.

– M. Prunelle, maire de Lyon, médecin des eaux de Vichy, et député de l’Isère, a écrit au Précurseur que, pour faire taire les mauvaises langues qui l’accusaient de cumul et de contravention à la loi, il allait se soumettre à la réélection, en sa qualité de député.

cancans.

On assure que le pape et saint Bernard sont dans une grande mésintelligence. Le sujet de la querelle est on ne peut plus futile. Le pape voulait manger cinq olives : grande opposition de la part de saint Bernard. Le paradis est en émoi.

L’Echo de la Fabrique s’est arrêté à la page 352. Qui aurait cru que ce journal ne pourrait pas aller plus loin ?

Il aime diablement la table, disait quelqu’un. – Du tout, lui répondit son interlocuteur. Moi je soutiens qu’il n’aime pas la table. – Mais comment l’entendez-vous ? – C’était un quiproquo. L’un parlait de la table de certain journal, et l’autre de la table où dernièrement le citoyen …… a été dîner gratis pour un autre.

Notes (Nous nous empressons d’insérer la lettre...)
1 Les jugements que porte Chastaing sur L’Echo de la fabrique ne sont pas sans biais. Cette remarque est toutefois extrêmement importante, signalant, au sein de L’Echo de la fabrique, l’empathie croissante entre mutuellisme et fouriérisme.

Notes (Exposition Lyonnaise de peinture, sculpture, etc...)
1 Il s’agit ici du sculpteur Jean-François Legendre-Héral (1795-1851).

Notes (variétés.)
1 Marcelin Jobard (1792-1861), ingénieur belge.
2 Jozef Hoëne-Wronski (1778-1853), philosophe, physicien et mathématicien polonais.

 

 

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