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2 novembre 1833 - Numéro 1
 

 




 
 
     

A tous les Travailleurs.

[1.1]C’est à vous que s’adresse cette feuille, créée pour être votre écho, votre tribune. A vous, hommes de travail qui, vous enorgueillissant du nom de prolétaires, l’avez revendiqué pour vous seuls. Venez y déposer vos justes réclamations, la publicité vous vengera. Venez y consigner dans votre langage simple mais énergique vos pensées d’amélioration, vos vœux de philantropie ; la publicité leur servira de véhicule.

Défendre vos droits méconnus, vos intérêts froissés, votre dignité outragée, travailler à votre émancipation physique et morale, telle est la mission que quelques-uns d’entre vous nous ont confiée et que nous avons acceptée avec joie. Dès long-temps nous nous étions proposé cette tâche. Arrêtés quelques jours dans notre marche, nous allons la reprendre ; heureux si nous pouvons la parcourir jusqu’au bout.

Venez, citoyens, car un lien commun nous unit. Recevez et donnez-nous l’agape, le baiser fraternel ; nous sommes frères, et nos mains se sont plus d’une fois rapprochées en signe d’amitié. Venez, nous sommes de ceux qui nous asseyons sans rougir à la table sans nape de l’artisan, et qui ne craignons pas de presser sa main noircie par de nobles et durs travaux. Pour nous, depuis long-temps révoltés contre les priviléges et les monopoles de toute espèce qui enserrent l’humanité, notre haine contre l’aristocratie, ce monstre multiforme, n’est pas une haine factice ; elle ne date pas d’hier ; elle est innée en nous, et n’eut pas besoin pour éclore d’être salariée. Notre sympathie pour vous n’est pas un masque revêtu par une ambition quelconque. Si d’obscurs ennemis, qui sont aussi les vôtres, si de vils intrigans vous le disent, ne le croyez pas ; jugez-nous par ce que nous avons fait, jugez-nous par nos œuvres. Nous serons payés de nos efforts, le jour où l’égalité, cette divinité du nouveau monde social, ne sera plus une chimère ; nous ne voulons pour récompense que le droit de dire : Nous aussi nous avons combattu pour la cause sainte du prolétariat. En vérité ! Arrière toute fausse modestie. Nous avons foi en nous ; il y a en nous quelque chose qui nous dit que nous pouvons vaincre les ennemis du peuple. A nous, citoyens ; à nous, travailleurs ; combattons ensemble, faisons une rude guerre à tous les priviléges, ne ployons pas le genou devant ceux qui voudraient être nos oppresseurs ; c’est le seul moyen qu’ils nous respectent. A nous donc ! vous donnerez à nos paroles l’appui de votre force.

Marius chastaing.

De l’Echo de la Fabrique et de la Glaneuse1,

A propos du Prospectus de l’Écho des Travailleurs.

[1.2]Le prospectus de l’Écho des Travailleurs venait à peine de paraître que le gérant de l’Echo de la Fabrique a lancé contre lui une diatribe dont les hommes honnêtes ont rougi, et qui a été désavouée par nombre de ceux au nom desquels il a prétendu parler. Cette diatribe inqualifiable n’a pas même été soumise au comité de surveillance : elle n’aurait pas été approuvée. Malgré une sommation faite par exploit d’huissier, M. Bernard s’est refusé à insérer la réponse de M. Marius Chastaing. Ce dernier nous l’adresse, et nous en renvoyons l’insertion au prochain numéro pour ne pas trop surcharger celui-ci de débats personnels et, partant, fastidieux pour le plus grand nombre des lecteurs. Nous concevons jusqu’à un certain point la colère de M. Bernard en voyant surgir une entreprise rivale ; il aurait dû néanmoins la dissimuler sous des formes plus polies. Ce n’est pas M. Chastaing qui est cause de la division survenue parmi les actionnaires de l’Echo de la Fabrique ; nous n’avons pas besoin d’expliquer ici cette cause. Nous concevons aussi son refus d’insérer la réponse de M. Chastaing, quoique légalement parlant il y fût obligé ; elle révélait certains faits qu’il est bon de tenir secrets. Mais ce que nous ne concevons pas, c’est l’intervention de la Glaneuse dans cette polémique. Il peut bien convenir à cette feuille qu’un journal indépendant d’elle et de toute coterie ne s’élève pas pour concourir à la défense des droits du peuple ; mais aurait-elle dû employer le langage dont elle s’est servie pour nuire à ce journal naissant, et chercher à déconsidérer un écrivain courageux, qui a été utile, et dont le talent n’a pas été contesté par ses adversaires, qui ne peuvent être autres que des ennemis personnels qui revêtent le masque du patriotisme et abusent de leur influence pour soulever leurs amis contre lui… La Glaneuse a également refusé l’insertion de la défense de l’homme qu’elle a si odieusement attaqué. M. Chastaing ne se décourage pas et fera TOUT pour obtenir justice…, il l’obtiendra, et par toute espèce de voie. Nous aussi nous sommes solidaires ; nous regardons, comme faites à nous-mêmes, car elles réjaillissent sur nous, les injures qu’on lui adresse à défaut de bonnes raisons ; nous ne souffrirons pas qu’un citoyen qui s’est dévoué à notre cause soit opprimé… Pense-t-on que nous ayons moins de délicatesse que d’autres ? Et, puisque nous l’avons admis parmi nous, puisque nous l’avons choisi, c’est qu’il est pur, aussi pur que quel autre que ce soit dans les rangs de la Glaneuse et de l’Echo de la Fabrique : quiconque dit le [2.1]contraire en a menti. M. Chastaing a été calomnié, nous en sommes certains, parce que nous avons voulu savoir. Nous nous sommes donné la peine de nous informer, et nous connaissons d’ailleurs les motifs réels qui se sont cachés sous un motif apparent et déloyal et ont amené son remplacement à l’Echo de la Fabrique. Nous mettons tout le monde au défi d’articuler contre lui un seul fait dont il ne puisse se justifier à l’instant. Nous, principaux fondateurs de l’Echo de la Fabrique, nous approuvons tout ce que M. Chastaing a dit dans son prospectus. Ce prospectus nous a été soumis, nous l’avons lu : c’est notre chose propre. Nous approuvons aussi tout ce qu’il a dit dans sa lettre à M. Bernard. Ceux qui l’attaquent aujourd’hui ont partagé la même conviction que lui. Il en a la preuve écrite. Les lecteurs apprécieront ce débat scandaleux entre un homme et deux journaux, dont l’un lui doit la continuité de son existence, et dont l’autre a oublié, outre la sympathie politique qui les unissait, quelques services qu’il n’est jamais permis à celui qui les a reçus d’oublier.

Pour les actionnaires de l’echo des travailleurs,
Le gérant, SIGAUD.

Tailleurs d’habit de la ville de Lyon.

société de travail desloge et ce.i

Nous avons annoncé, dans le N° 21 p. 173 de l’Echo de la Fabrique, la formation de cette société dont nous avions rédigé l’acte social. Nous dîmes à cette occasion, en parlant des tailleurs d’habits, que eux aussi étaient exploités, mais que cette exploitation allait cesser. Cette société, qui a eu un commencement d’exécution le 25 septembre dernier, vient en effet de faire paraître un prospectus que nous croyons devoir transcrire en entier.

« Les prolétaires de toutes les professions se réunissent et s’associent afin de s’entendre pour leurs intérêts communs, et deja ils ont à se louer du bon résultat de leurs efforts ; serions-nous les derniers à les imiter, nous ne le pensons pas. Nous allons, en conséquence, mettre sous vos yeux notre but principal et la base fondamentale de notre association.

Nous avons contracté un acte sous-seing privé, et sous la raison sociale de desloge et Ce, sous la date du 15 mai dernier, enregistré au greffe ledit jour, conformément aux lois ; mais le but de notre association étant mal connu de chacun, les travailleurs ont quelquefois hésité à se joindre à nous, et en ont été quelquefois détournés par ceux qui ont intérêt à diviser les travailleurs. Mais pour que chacun puisse porter un jugement raisonnable, nous allons exposer quelques-unes de nos plaintes et de nos griefs.

D’abord, notre profession est une des plus ingrates pour les travailleurs, à cause des morte-saisons qui arrivent périodiquement deux fois par an, et qui durent au moins six grands mois, pendant lesquels les trois-quarts des ouvriers ne gagnent pas leur existence et celle de leurs familles. Cette suspension de travail est encore augmentée par la quantité de marchandises confectionnées, qu’un grand nombre de marchands tirent de Paris, aux dépens de l’ouvrier de Lyon ; ce n’est pas que cet ouvrage soit mieux confectionné, au contraire, l’étant plus mal, il est meilleur marché. Ce mal là nous en produit un autre ; c’est-à-dire, la concurrence que se font entre eux les exploiteurs, aux dépens des travailleurs ; mais puisque c’est à eux à supporter la concurrence aux dépens de leur santé et de leur existence, eux seuls doivent y mettre des bornes ; pour cela il ne faut que s’entendre, et pour s’entendre, il faut s’associer : c’est ce que nous avons fait ; et voici quelques-unes des conditions et des avantages que nous pouvons en retirer, et que nous vous proposons. Dans notre association, la morale et la philantropie sont les premières conditions ; nous nous faisons un devoir sacré de nous secourir mutuellement dans le cas de malheur, maladie grave, incendie, ou autre accident.

Chacun de nous a des talens et des bras : pourquoi ne les exploiterions-nous pas à notre profit, c’est qu’individuellement nous n’avons pas des fonds suffisans. Réunissons ceux que nous avons, et faisons des économies en nous privant, non pas du nécessaire, mais de quelque superflu ; ces fonds et ces économies sont destinés à former une maison centrale de commerce, propre à notre profession. L’administration est et sera confiée à des hommes choisis [2.2]par la société, qui géreront en nom collectif en ce qui les concerne, et en commandite en ce qui concerne les actionnaires, sous la surveillance d’un comité également élu, et renouvelé tous les 3 mois. Les fonds sont formés par actions de 100 fr., et même par coupons de 25 fr. ; chaque action et coupon a part au bénéfice, proportionnellement à sa valeur ; et pour faciliter la formation de ces coupons, chaque Sociétaire s’engage à une rétribution mensuelle, dont le minimum est fixé par le Réglement particulier. Lorsque, par le moyen de ces rétributions, un Sociétaire a versé 25 fr., il lui est délivré par le caissier un coupon d’action tiré d’un registre à souche. Les gérans délivreront des marchandises au prix fixé par le comité de surveillance, à tous les actionnaires, jusqu’à concurrence des quatre cinquièmes de leurs actions ou coupons, sans que ceux-ci ne puissent rien perdre de leur bénéfice, pourvu toutefois qu’ils ne gardent pas plus d’un mois, entre les mains, les valeurs prises en marchandises ; ainsi, un Sociétaire pourra donc jouir, pour ainsi dire, toute l’année de son argent, être sûr de n’être jamais trompé sur le prix des marchandises et sur la qualité des étoffes, et à la fin de l’année, sa part du bénéfice de l’établissement viendra augmenter son capital.

Mais, si nous nous bornions à ce seul établissement, il n’y aurait avantage que pour ceux qui ont des pratiques, et ceux qui travaillent à façon n’en auraient aucun : telles ne sont pas nos intentions. Aussitôt que l’établissement possèdera des fonds suffisans, l’administration fera confectionner dans la morte-saison pour occuper les Sociétaires sans travail, et l’on ouvrira un magasin d’habillemens ; alors, nous ferons un appel qui sera entendu, nous avons la certitude et même la promesse de tous nos frères les travailleurs de toutes les professions, et principalement de ceux réunis en société ; parce qu’ils savent tous comme nous que les prolétaires sont délaissés par ceux qui les exploitent, et qu’alors ils se doivent mutuellement aide et protection ; indépendamment de ces motifs, les consommateurs trouveront chez nous la confection bien supérieure à celle venant de Paris ; parce que chaque travailleur sera intéressé à la prospérité de l’établissement, et en outre, les façons lui seront plus payées, attendu que le surplus du cours établi ailleurs, c’est-à-dire, le prix de confectionnement, restera à la maison jusqu’à l’inventaire qui aura lieu le 1er janvier et le 1er juillet de chaque année ; à cette époque, la retenue qui leur aura été faite leur sera remboursée, ou restera à la maison pour former une action ou coupon. Ainsi nous croyons avoir assez prouvé les avantages et l’amélioration qui peut résulter de notre association ; nous n’avons pas besoin de dire que la prospérité d’un pareil établissement est assurée ; d’abord, la rétribution mensuelle lui assure un accroissement de fonds autant de temps que durera l’association ; la clientelle est aussi assurée, puisqu’elle est formée par les Sociétaires eux-mêmes qui sont tous intéressés à sa prospérité.

Nous ne répondrons rien à ceux qui trouvent la difficulté dans nos ressources pécuniaires, si non, que nous avons pour nous la bonne volonté et la patience, il ne nous faut que de la confiance ; elle ne s’acquiert qu’avec le temps et la moralité : l’avenir est à nous. »


i. La société de travail desloge et Ce est indépendante de celle des ouvriers tailleurs d’habit actuellement poursuivis comme coupables de coalition ; mais elle est en rapport, d’intérêts et d’affections, avec elle. Ces deux sociétés sont intimément unies comme celles des mutuellistes et des ferrandiniers.
Nota. On peut prendre, au bureau du Journal, connaissance des statuts de la Société Desloge, lesquels peuvent s’appliquer à toutes les autres industries.

conseil des prud’hommes.

Le conseil des prud’hommes intéresse spécialement toutes les classes de travailleursi, car il est institué pour juger toutes les contestations entre les négocians et les fabricansii. Entre ces derniers, entr’eux, sur les objets relatifs à leur industrie, et encore les difficultés qu’ils peuvent avoir avec leurs compagnons et apprentis. Nous n’aurons donc garde de négliger cette partie importante du journal. Déja, pour suppléer, au défaut de jurisprudence fixe que les prud’hommes chefs d’atelier n’ont pas osé demander quoiqu’ils en eussent reçu le mandat, nous avons, dans l’Echo de la Fabrique , réduit, en questions de droit applicables aux espèces identiques, les décisions du conseil des prud’hommes de Lyon depuis le 4 octobre 1832 jusqu’au 4 août 1833, et nous les avons publiées sous le titre de Notices de jurisprudence du conseil des prud’hommes, après les avoir divisées en quatre séries. (V. l’Echo de la Fabrique 1833, N° 2, p. 12 ; N° 21, p. 171 ; et N° 32, p. 258). Nous y renverrons donc fréquemment les lecteurs ; notre intention est même, lorsque nous aurons recueilli un nombre suffisant de ces décisions, d’en former un code de la fabrique, lequel manque à la législation. Nous ignorons les motifs de notre successeur, à l’Echo de la Fabrique , pour avoir renoncé à cette méthode rationnelle et légale de présenter les jugemens du conseil des prud’hommes ; pour nous, nous continuerons comme par le passé.

Séance du jeudi 30 octobre 1833.

« Lorsqu’il est établi qu’un métier n’a pas produit le travail qu’il devait [3.1]faire, le fabricant doit-il être débouté de sa demande en indemnité contre le négociant ? – R. oui. »

Ainsi jugé entre Materaux, fabricant ; et Mazard, négociant.

Nous allons raconter sommairement les autres causes qui ne présentaient aucune question à juger.

Rivière, négociant avait promis à Juillard, fabricant de lui payer 55 c. l’aune d’une pièce marquée sur le livre 50 c., et s’y refusait ; mais le conseil ayant déclaré se souvenir de cette promesse l’a condamné.

Une cause, entre Chapeau, fabricant, Grillet et Troton, négocians, a été renvoyée à huitaine pour la prononciation du jugement. Voici les faits : Une convention existe entre les parties pour 4 métiers 6/4 de schales au 1/4. Chaque métier doit faire pour 2 000 fr. de façon, et à défaut, un défraiement réciproque de 200 fr. par métier a été stipulé. L’un des métiers n’a fait que pour 250 fr. et un autre pour 500 fr. ; en cet état, Chapeau veut cesser et demande la résiliation de la convention sans indemnité.

Raisin, fabricant, a été renvoyé de la demande de son ouvrier Charpis. Il a établi qu’il n’était payé que 4 francs et qu’il n’avait pas promis davantage.

Carruet, apprenti, après avoir été admonesté par le président du conseil, a été autorisé à se placer ailleurs et condamné à payer à Bordet, fabricant, 150 francs à titre d’indemnité.

Une contravention a été constatée chez M. Gaillard, négociant, à la requête de M. Josserand, et renvoyée devant le tribunal de commerce.


i. V. la nomenclature de ces diverses classes que nous avons insérée dans l’Echo de la Fabrique 1832, N° 61.
ii. Nous croyons devoir continuer ce nom aux chefs d’atelier.

misères prolétaires.

(Suite, V. l’Écho de la Fabrique n. 24, pag. 198)

Discours d’un vieillard, prévenu de mendicité, à ses juges.

« Messieurs, dit le prévenu, je suis bien coupable, c’est vrai, si c’est être coupable que de mourir de faim. Pendant quarante ans j’ai été professeur et j’ai pu, à force de travail, me nourrir moi et ma famille ; mais maintenant je n’ai plus d’ouvrage, je suis hors d’état de rien faire et j’ai faim. Dans cette position, il n’y a que deux partis à prendre : voler ou mendier ; j’ai demandé l’aumône. Ecrivain public pendant long-temps, j’ai travaillé pour MM. de la bazoche et du barreau ; mais on veut maintenant des jeunes gens et je suis vieux, et on me laisse là en disant : C’est une vieille ganache. C’est vrai ; que voulez-vous ? Et parce que je suis vieux, on veut que je meure de faim… J’ai déja été condamné pour mendicité ? Eh ! mon Dieu ! les corrections ne donnent pas à manger. N’ai-je pas mieux fait que d’aller voler ? Il a fallu la nécessité pour que je pusse m’exposer à voir ainsi compromis 40 ans de considération et de probité. »

Le vieillard se rassied et essuye une larme qui s’échappe avec peine de ses yeux desséchés.i


i. Ce vieillard se nomme Carot, et a tenu ce discours à la police correctionnelle de Paris. V. la Gaz. des Trib. n. 2550 ; 16 octobre 1833. Avons-nous besoin d’ajouter des réflexions ?

Justice Civile.

Le Moniteur a publié dernièrement un long rapport de M. le garde-des-sceaux sur la statistique judiciaire civile dans l’année 1830-1831. Voici quelques-uns des résultats les plus intéressans de ce long document :

A la fin d’août 1830, il restait à juger 43,133 causes civiles en première instance.

Les inscriptions au rôle pendant l’année ont été de 122,853, c’est-à-dire qu’il y a eu, en 1830 et 1831, un procès sur 196 individus.

Il est curieux de savoir comment l’esprit processif est réparti entre les populations des divers ressorts de cour royale. Dans celle de Rennes, il n’y a qu’un procès sur 763 individus, et dans celle de Grenoble, il y en a un sur 96. La cour royale de Caen, malgré la réputation processive des Normands, est classée après celles de Nîmes, Lyon, Montpellier, Paris, Riom et Grenoble. Celle de Rouen, normande aussi, [3.2]est au deuxième rang sur 27 cours royales. (Dans ce ressort, il y a un procès sur 157 individus ; dans celui de Caen, un sur 146. C’est la cour de Bordeaux qui approche le plus de la moyenne, établie pour toute la France. Ce ressort donne un procès sur 196 habitans.) Les cours de Colmar, Agen, Dijon, Nancy, Orléans, Metz, Aix, Amiens, Bastia, Poitiers, Angers, Douai et Rennes, sont toutes au-dessous de la moyene générale. Les cours de Grenoble, Riom, Paris, Lyon, Montpellier, Nîmes, Caen, Bourges, Pau, Limoges, Rouen, Toulouse, Besançon sont au-dessus.

Il est assez digne de remarquer que les résultats constatés pour l’année judiciaire 1830-1831 ne se reproduisent qu’avec beaucoup de variations dans les dix années précédentes ; car la statistique décennale présente les cours royales dans un tout autre ordre que la statistique particulière de 1831.

Ainsi, si Grenoble est au premier rang, c’est-à-dire au rang le plus processif en 1831, et de 1820 à 1830, Nîmes, qui en 1831 avait le sixième rang, a le deuxième pour la période décennale. Limoges, placée au dixième ordre sur la première colonne, et au chiffre 4 dans la seconde. Paris, au contraire, a le troisième rang pour 1831,et le neuvième pour les dix années.

Il y a encore d’autres différences entre les deux tableaux ; mais il a suffi de signaler les plus marquées qui se résument ainsi :

1831 1820-1830
Grenoble.1–96.1–150
Nîmes.1–147.1–150
Limoges.1–153.1–490
Paris.1–127. 1–210

Le mémoire comprend un état du rapport des procès avec la superficie du sol ; rapport moins intéressant que celui qui établit la proportion entre les procès et la richesse générale des départemens, représentée aussi bien que possible par la contribution foncière.

En moyenne, il y a en France (1830 et 1831) un procès par 1740 fr. de contribution foncière. En détail, ces procès se sont ainsi répartis dans leur proposition avec la contribution foncière.

Corse1 à 615
Pau1 à 565
Grenoble1 à 766
Limoges1 à 856
Riom1 à 978
Nîmes1 à 1053
Lyon1 à 1167
Bourges1 à 1204
Colmar1 à 1365
Besançon1 à 1565
Toulouse1 à 1548
Paris1 à 1655
Caen1 à 1676
Bordeaux1 à 1790
Rouen1 à 2022
Metz1 à 2043
Agen1 à 2128
Nancy1 à 2134
Aix1 à 2243
Dijon1 à 2353
Orléans1 à 2650
Amiens1 à 3485
Poitiers1 à 4029
Rennes1 à 4449
Douai1 à 4484
Angers1 à 4651

En résultat général, le nombre des procès civils a été, dans l’année 1830-1831, de quatre sixièmes plus élevé que la moyenne des années comprises dans la période de 1820-1830.

L’AFRICAIN A PARIS.

Air : Tout le long, le long de la rivière.

Petits blancs, vous êtes surpris
De me rencontrer à Paris.
J’ai fait le voyage d’Afrique
Pour voir la quasi-république
Qu’on nous disait à tous momens
Le meilleur des gouvernemens.
A nos dépens on aura voulu rire
Adieu, petits blancs, je rejoins mon navire,
Je rejoins bien vite mon navire.

On disait Paris accouché
D’un souverain à bon marché
On nous l’a fait si magnanime
Que j’ai cru voir sous son régime
Le prolétaire exempt d’impôt
Mettre en chantant la poule au pot.
A nos dépens, etc.

J’ai cherché ce bon souverain
Dont chacun veut presser la main.
[4.1]Un jour enfin sur mon passage
J’en vis un dans un équipage,
Mais environné de soldats ;
Il ne se montrait qu’à cent pas.
A nos dépens, etc.

Je me figurais qu’en ces lieux
Tout le monde vivait heureux,
Et venait par philantropie
Vous demander une copie
D’un nouveau genre de traité
Appelé charte-vérité.
A nos dépens, etc.

Chez nous souvent on a conté
Que vous aviez l’égalité.
Ici, pour informé plus ample,
Le pouvoir donne comme exemple
Les combattans de St-Méry
Et la duchesse de Berry !
A nos dépens, etc.

jules C.

réflexions morales et patriotiques.

Quand un homme s’est signalé par son dévoûment, par ses sacrifices à la cause populaire, quand il a été persécuté à cause de ce même dévoûment, de ces mêmes sacrifices, que l’estime publique soit sa récompense ! rien de plus : point de génuflexions, point de prosternations. Pourquoi lui dresser des autels ? Est-il un demi-dieu ? Non, c’est un homme comme vous, c’est votre égal. A-t-il de grands talens, une vaste intelligence ? est-ce un homme de génie ? qu’importe ? il n’en est pas moins homme et comme tel il doit rester sur la même ligne que ses semblables. Brûler de l’encens devant un homme parce qu’il a fait le bien, c’est reconnaître implicitement que le bien n’est pas obligatoire, c’est donc une révoltante immoralité. Oui, nous sommes tous dans l’obligation de faire le bien, et c’est en nous-mêmes que nous devons trouver notre salaire. Travaillons donc à l’affranchissement, à la régénération de la société, travaillons au bonheur de nos semblables, que le bien-être général, que la félicité publique soient le but constant de tous nos efforts ; séchons les larmes des infortunés, mettons un terme à leurs souffrances et à leurs misères, organisons enfin un ordre social, où les hommes seront des hommes, où les citoyens seront égaux et libres, où il y aura du pain pour tous et de l’abjection pour personne ; et puis que chacun de nous se dise : J’ai fait le bien, je suis content, l’estime de mes concitoyens me suffit.

Laponneraye1.

(Extrait de sa 2eme lettre aux prolétaires ; Paris, 26 mars 1833.)

fourneau à sole tournante

pour le grillage du minerai de fer.

Un industriel anglais a trouvé le secret de rendre l’uniformité du grillage indépendante de l’attention des ouvriers et de produire en outre une économie assez notable sur la main d’œuvre.

Son fourneau est circulaire et recouvert d’une voûte très surbaissée. Le foyer de la chauffe, placé à quelques pieds au dessus du sol, se trouve à la partie antérieure du fourneau et est séparé de la cheminée par la sole tournante au-dessus de laquelle passe le courant d’air chaud. La sole tournante, qui est également circulaire, et qui est placée, au centre du fourneau, à une hauteur un peu plus grande que la chauffe, est assise sur un fort chassis en fonte de fer supporté par une tige verticale dont la partie inférieure entre dans un coussinet placé sur la fondation du fourneau. La partie supérieure de la tige est contenue dans un collier métallique fixé dans le sommet de la voûte qui est construite en briques. Une roue dentée, placée à la partie inférieure de la sole, engrène avec un pignon, dont l’axe, disposé horizontalement, est contenu dans une petite cavité pratiquée dans la maçonnerie. A son extrémité située hors du fourneau, l’axe du pignon est [4.2]muni d’une manivelle que l’on tourne à bras d’hommes. Une trémie est fixée dans la voûte du fourneau, au-dessus du centre de la sole, le minerai qu’on y jette tombe sur cette dernière où il forme un tas conique. Un rateau à palettes, en fonte de fer, coulé d’un seul jet, placé au dessus de la sole, du centre vers la circonférence, enlève constament du minerai au tas conique, puis en l’amenant graduellement vers le bord de la sole, le fait aussi tomber dans un réservoir situé immédiatement au dessous. Depuis son introduction dans le fourneau jusqu’à sa sortie, le minérai parcourt toutes les parties de la sole, et par le mouvement de rotation de celle-ci, se trouve graduellement exposé à tous les degrès de chaleur qui règnent dans le fourneau. On produit un grillage plus ou moins complet en graduant convenablement la consommation en combustible et la vitesse de rotation de la sole. Cela fait, les ouvriers n’ont plus qu’à tenir la trémie remplie de minérai et à charger la chauffe.

Il faut remarquer que l’opération est continue puisque le fourneau reçoit, pour ainsi dire, un courant constant de minérai : il est donc probable que le minérai grillé dans un temps donné, sera plus considérable que par les procédés ordinaires et qu’ainsi ce nouveau fourneau joindra à ses autres avantages, celui de donner une grande économie sur le combustible.

C......S.

Nouvelles générales.

Industrie française. – Une ordonnance du roi du 4 octobre dernier décide qu’une exposition publique des produits de l’industrie française aura lieu à Paris, place de la Concorde, le 1er mai 1834. Un jury central fera son rapport, ensuite duquel des médailles d’or, d’argent et de bronze seront distribuées. Ceux qui veulent concourir à cette exposition, devront s’adresser au jury départemental que les préfets vont nommer incessamment.

La même ordonnance porte qu’une semblable exposition aura lieu tous les cinq ans.

Nécrologie. – Victor Ducange1, auteur de plusieurs romans, est décédé à Paris le 25 octobre dernier.

Lyon.

Jeudi 30 octobre dernier, à 4 heures et 1/2 du soir.

Les sept garçons tailleurs d’habit qui avaient été arrêtés, comme prévenus de coalition ont été relâchés sous caution : MM. Girardon et Flasseur ont déposé 3 500 de cautionnement. Nous sommes chargés de remercier ces chefs d’atelier de leur conduite dans cette circonstance. C’est ainsi que tous les travailleurs doivent s’entendre et se secourir mutuellement.

– Mardi prochain, 5 novembre, aura lieu au Palais des Arts une exposition publique des ouvrages modernes de peinture et de sculpture.

cancans.

On ne passe pas tous les jours des coups de navette, mais tous les jours on fait des cancans, et voila pourquoi…

Est-il plus difficile de faire des cancans que des coups de navette. Qu’en pensez-vous ? Labori improbus omnia vincit.

Ils n’ont point de place dans leurs colonnes pour des insolences. C’est bien ; et pour des bêtises. Oh ! c’est différent.

ANNONCE.

De la coalition des chefs d’atelier de Lyon, par Jules Favre, avocat. Au bureau de l’Echo des Travailleurs, chez Babeuf, libraire, rue St-Dominique. Brochure in-octavo de 43 pages. Prix : 75 c.

Notes (De l’Echo de la Fabrique et de la Glaneuse...)
1 Le 22 août 1833, fraichement débarqués de la direction de L’Echo de la fabrique, Berger et Chastaing avaient fait insérer dans La Glaneuse une courte lettre expliquant que, trop libéraux, trop républicains, ils avaient été écartés pour des raisons politiques (La Glaneuse, numéro du 25 août 1833). Mais le 27 octobre 1833, au lendemain de la publication du prospectus de L’Echo des travailleurs, une autre explication du changement de direction à L’Echo de la fabrique allait être proposée. La Glaneuse expliquait alors que L’Echo de la fabrique demeurait bien alliée des républicains et que Chastaing avait été débarqué non pour des raisons politiques, mais en raison d’une escroquerie découverte par les actionnaires de L’Echo de la fabrique : « la voix publique ne se tait pas toujours ; elle fit entendre aux actionnaires de L’Echo, des paroles trop graves sur le compte de M. Chastaing, elle les rapporta trop souvent à leurs oreilles, pour qu’ils ne dussent pas chercher à s’éclairer. Ils le firent, et il est pour nous très fâcheux de le faire savoir, les résultats furent entièrement défavorables à l’homme accusé. – Les républicains l’ont tous compris ; il ne peut y avoir parmi eux, et surtout à leur tête, que des hommes purs, entièrement purs ; la grande majorité, nous pensons que nous pourrions dire la totalité des actionnaires de L’Echo, était composée de républicains ; ils dirent franchement à M. Chastaing, dans une assemblée générale, qu’ils approuvaient tous la manière dont il avait dirigé le journal, qu’ils le remerciaient bien sincèrement des peines qu’il s’était généreusement données ; mais qu’ils sentaient la nécessité de confier à un autre les fonctions qu’il remplissait dans leur administration. Un scrutin suivit cette déclaration ; elle fut très amplement confirmée par les votes » (La Glaneuse, numéro du 27 octobre 1833).

Notes (réflexions morales et patriotiques.)
1 Albert Laponneraye (1808-1849), publiciste et militant républicain, éditeur peu après des œuvres de Robespierre. Alors enfermé à Sainte-Pélagie, il avait rédigé en deux livraisons, au début de 1833 une Lettre aux prolétaires.

Notes (Nouvelles générales. Industrie française....)
1 Victor Ducange (1783-1833), romancier et auteur dramatique français.

 

 

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